
LES GRANDS ENJEUX POUR NOTRE PLANÈTE, PAR GÉRARD LE PUILL
On a un peu ironisé sur les six voitures et les résidences secondaires de Nicolas Hulot à la suite de la publication du patrimoine des membres du gouvernement à la mi-décembre 2017. Cette révélation concernant le ministre de la Transition écologique et solidaire tombait juste après le mini-sommet d'Emmanuel Macron visant à nous faire croire que la finance mondialisée serait désormais au service de l'économie verte.
Mais, plus un ménage est riche, plus son empreinte carbone est élevée en raison de sa consommation et de l'accumulation de biens qui va avec. Et comme les inégalités augmentent un peu partout dans le monde, ça ne contribue pas à la réduction des émissions de CO2. Durant cette même semaine de décembre, une autre information publiée par « le Monde » n'a pas suscité le même intérêt médiatique. Elle est pourtant révélatrice des effets pervers de la mondialisation capitaliste sur le climat. Alors que, à l'initiative de Nicolas Hulot le gouvernement français a fait voter par l'Assemblée nationale une loi qui prévoit d'augmenter la prime à l'achat de chaque voiture neuve ou d'occasion, moins polluante que les vieilles bagnoles, on apprenait que 3 à 4 millions de véhicules d'occasion en provenance de l'Union européenne et des États-Unis sont vendus en Afrique chaque année.
Chaque jour, 25 000 véhicules venant d'Europe débarquent à Cotonou. Ils cracheront leur CO2 des décennies.
Ce business est estimé à près de 15 milliards d'euros par an. Il se débarque jusqu'à 25 000 véhicules par jour au port de Cotonou, au Bénin. Vu le passé colonial de la France en Afrique, on imagine que bon nombre de véhicules retirés du marché français cracheront leur CO2 sur le continent africain des décennies durant. De Cotonou, toute une logistique se met en route vers différents pays voisins, parmi lesquels figurent notamment le Mali, le Tchad, le Burkina Faso, le Niger et surtout le Nigeria, gros producteur de pétrole.
Toujours en marge du mini-sommet de Paris, il a été dit que le parc automobile mondial pourrait doubler d'ici à 2050. Même si les voitures européennes devaient moins polluer à cette date que ne le font celles d'aujourd'hui, on imagine mal comment le bilan carbone global des véhicules en circulation sera moindre au niveau planétaire.
Certains objecteront que la voiture électrique permettra de réduire considérablement les émissions de CO2 sur la route comme en ville. Mais il faudra extraire des millions de tonnes de minerais et les transformer en métaux pour fabriquer ces véhicules qui intègrent beaucoup de cuivre. À moins de refondre dans les pays développés toute la ferraille récupérée dans les vieilles voitures, au lieu de vendre ces véhicules en Afrique.
« Aujourd'hui le choix est soit de piloter la rareté, soit de subir la pénurie imminente », confiait Hulot dans un entretien à « l'HD » en janvier 2014. Tel qu'il a été voté par une majorité de députés, avant d'être bientôt débattu au Sénat, le texte qu'il a présenté aux parlementaires est davantage tourné vers la pénurie imminente que vers le pilotage de la rareté.
glepuill@humanite.fr
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