Depuis la campagne des élections présidentielles, les Insoumis à Morlaix donnent dans la suractivité (certains diraient l'hystérie) au niveau des collages et affichages et la volonté d'envahir l'espace public, de ne garder de visibilité que pour soi, signe d'une drôle de conception de la démocratie et du débat public.
Combien d'affiches de Hamon ont été déchirées pendant la campagne des Présidentielles?
Avec souvent les lambeaux qu'ils laissent traîner par terre de manière manifeste, témoignant ainsi de leur souci profond de l'écologie et de leur respect des concurrents.
Aujourd'hui, les cibles principales de leur hargne sont les affiches PCF-Front de Gauche et PS de Gwenegan Bui et de sa suppléante, dont les militants sont les seuls à coller sur les panneaux non officiels en dehors des militants France Insoumise.
Mes affiches sont souvent déchirées, les restes laissés par terre. Cela est même arrivé avec des affiches officielles sur Morlaix, et c'était signé...
Quand nous collons des affiches, elles sont souvent recouvertes 10 mn ou 15 mn après sur Morlaix, St Martin, car un ou deux militants qui font des tours et des tours tous les jours pour ne laisser l'espace à personne d'autres.
Souvent, on nous colle dessus, au travers de la figure de nos candidats, une affichette "Nucléaire, ça suffit" (ça c'est pour le PCF: un de seuls clivages nets qu'il perçoive et qu'ils veulent mettre en avant pour justifier la division et nous faire passer pour des pro-nucléaires, ce qui est loin d'être le cas de tous les communistes, ni mon cas d'ailleurs, et de toute façon, c'est un débat qui mérite d'être menée avec des arguments sérieux, pas avec des procès d'intention), ou "retraite à 66 ans, ça suffit" (ça c'est pour le PS), et bien sûr le Phi grec.
Le Phi de la philosophie, un symbole bien usurpé et je parle en connaissance de cause, en tant qu'ancien professeur de philosophie, quand on sait que la philosophie a été réinventée par Socrate qui était tout sauf un sectaire bardé de certitudes et de zèle prosélyte: "la seule chose que je sais, c'est que je ne sais rien" était sa maxime.
Un symbole bien prétentieux, surtout quand on voit la manière dont Mélenchon se conduit avec les gens qui ne sont pas de son "parti", de son avis, ou face à la diversité des points de vue qui le conduit presque systématiquement à caricaturer ceux qui ne pensent pas comme lui et à vouloir les salir, ou encore quand on déplore la manière dont il a réagi face à la qualification de l'extrême-droite au second tour (ou en dépit de son triangle rouge sur sa veste, il s'est conduit de manière bien légère).
La philosophie, c'est l'intérêt général, la raison, l'universalité certes, mais aussi la discussion, le respect des arguments et des raisons, la démocratie, le refus des postures d'autorité et d'invective.
Parfois, on est effrayé de la virulence de certains militants et cadres de France Insoumise, de leur sectarisme, et on se demande si on voudrait voir notre pays et nos collectivités dirigés par eux.
Et pourtant, j'ai voté pour le soutien à Mélenchon dans le scrutin interne du PCF, en 2011 et en 2016, et j'ai voté pour lui, avec enthousiasme en 2012, par choix rationnel et vote utile pour qualifier une gauche de progrès, quoique avec beaucoup de réserves, en 2017.
La philosophie, ce n'est pas mettre des drapeaux avec les candidats aux primaires du PS (dont Hamon et Montebourg) dans des crottes de chien un peu partout à Morlaix. Ou alors, ce n'est que l'humour scatologique et irrévérencieux des Cyniques.
Mais, admettons qu'on en fasse de même avec l'effigie de Mélenchon, quelle réaction?
Déjà, tu le critiques, ils sortent les couteaux sur internet... Et tu as des dizaines, des centaines de messages pour te descendre en flèche.
Mieux vaut s'épargner ces blagues potache et de mauvais goût qui ont tendance à hystériser les débats plus qu'à les détendre.
La philosophie, cela n'est pas coller ses Phi, devenus signes du VRAI, du BON, du BIEN, et ses photos de candidats sur le moindre mètre carré d'espace disponible et visible (sur les murs de la route de la corniche, sur tous les ponts, panneaux d'indication, abris bus, magasins et entrepôts fermés, palissades, ronds-points) afin d'être sûr que le citoyen se dira: ce sont les plus Actifs, les plus Puissants, les plus Forts, les plus Déterminés. Alors votons pour eux: ça c'est la philosophie du muscle, l'argument de Calliclès, de la loi de la force, non celui de Socrate, de la règle de la raison et de la discussion admettant a priori le pluralisme des points de vue.
Il y a pire encore que ces collages et décollages intempestifs, c'est l'injure sur internet, le ressentiment et la haine dans les têtes et les propos, la volonté de discréditer les concurrents.
Certains (pas tous) militants insoumis empruntent à Mélenchon sa violence verbale et se croient tout autorisé à partir du moment où ils travaillent pour le salut du peuple, de l'humanité et de la planète.
Le manque de culture politique, souvent, ou la culture gauchiste, joint à une réelle conviction dans la valeur émancipatrice d'un discours politique porté par un grand tribun dont on récite les paroles et les écrits comme des mantras et considéré comme ayant une valeur absolue, font que certains se croient autorisés à tous les raccourcis et les accusations pour ceux qui ne sont pas dans le "grand mouvement populaire et révolutionnaire" France Insoumise, même quand ils se battent depuis des années, des décennies, pour le progrès social, démocratique, écologique, et l'égalité des droits.
Non, même si nous avons beaucoup d'idées et d'objectifs politiques en commun avec France Insoumise, nous ne pouvons partager certaines manières de faire de la politique et de concevoir l'engagement politique, et nous sommes de plus en plus excédés et révoltés aussi par la brutalité et la grossièreté des attaques de Mélenchon, de ses cadres, et de beaucoup de ses militants, vis-à-vis du parti communiste, alors que nous avons soutenu deux fois sa candidature aux présidentielles et lui avons permis de s'affirmer comme un leader politique de gauche de tout premier ordre, grâce à notre esprit de rassemblement et à notre soutien.
Aujourd'hui, Mélenchon et ses amis voudraient bien achever le Parti Communiste, l'organisation d'émancipation sociale et politique qui est la plus ancienne (97 ans) et qui compte encore le plus d'adhérents à gauche et des milliers d'élus malgré sa perte d'influence électorale. Il est vrai qu'ils ont une longue habitude à nous combattre en dehors de la parenthèse du front de gauche, qu'ils viennent de l'OCI, du Parti Socialiste, de ses tendances rocardiennes ou gauche socialiste, ou de l'extrême-gauche. Beaucoup de ces militants nous font la leçon alors que leur engagement est plus que récent, qu'ils ne votaient pas avant ou votaient social-démocrate, ou que beaucoup de nos militants communistes sont dans la lutte depuis 50, 40, 30 ans, et sont restés fidèles au poste, à leurs idées et à leur ambition de transformer la société.
Tout cela au profit de la création et de la volonté hégémonique d'un nouveau mouvement politique de type nouveau centré sur la personnalité charismatique d'un leader et une volonté de bouleverser tout l'espace politique, en dépassant les repères idéologiques et symboliques traditionnels, en mettant en crise les structures démocratiques établies, jugées à bout de souffle, comme En Marche de Macron.
Nous ne trouvons pas de garantie pour la défense des intérêts de la population ni dans le discours, ni dans les pratiques de Mélenchon et des chefs de la France Insoumise, encore moins dans un nouveau stade de marginalisation du Parti Communiste, Mélenchon entendant terminer avec une ingratitude complète le travail de destruction de son mentor Mitterrand.
Il n'y arrivera pas, car les communistes sont attachés à leur histoire, à leur parti, convaincus de leur rôle et de leur utilité. Car ils travaillent sur la durée, car ils ont de nombreux jeunes à les rejoindre, car ils tiennent un discours de rassemblement sur des bases vraiment à gauche et de défense des classes populaires que nul autre ne tient.
Alors, c'est maintenant à chacun de se déterminer.
Je ne vais pas me faire que des amis en écrivant ce que j'ai en tête et sur le coeur au sujet des pratiques de France Insoumise, mais je me suis toujours donné une règle en politique: la franchise, dire les choses telles que je les vois, sans prudence excessive, même si évidemment je suis engagé et passionné et peux ne voir qu'une partie d'une réalité plus complexe, en fonction de mon point de vue.
Ismaël Dupont - le 4 juin 2017
commenter cet article …