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20 octobre 2016 4 20 /10 /octobre /2016 10:05
Marie-Claire Cailletaud

Marie-Claire Cailletaud

Marie-Claire Cailletaud

Porte-parole de la CGT mines-énergie.

Entretien réalisé par Pierre-Henri

 

Coauteur de « la Bourse ou l'Industrie », la porte-parole de la CGT mines-énergie, Marie-Claire Cailletaud, estime que se joue avec Alstom un peu de la bataille en faveur du maintien de l'activité industrielle.

La syndicaliste plaide pour un « État stratège » et une remise en cause de la propriété privée des moyens de production. Contrôler les entreprises permettrait d'investir dans la production, la recherche et la formation des salariés.

 

HD. En quoi le cas Alstom est-il emblématique de la crise de l'industrie française ?

Marie-Claire Cailletaud. Le cas d'Als-tom illustre à sa façon l'absence de politique industrielle depuis une quinzaine d'années alors que le pays se désindustrialise à un point tel que l'appareil productif n'est plus capable de satisfaire les besoins en termes de production de biens ou de services. Dans le cas d'Alstom, arrêter de produire des locomotives à Belfort, ce ne serait pas seulement supprimer 450 emplois, ce serait aussi faire disparaître des savoir-faire uniques qui feront cruellement défaut plus tard quand il s'agira par exemple de construire le TGV du futur.

Il faut empêcher la fermeture de Belfort pour sauvegarder ce potentiel.

 

HD. La direction met en avant une baisse de la demande ferroviaire...

M.-C. C. Nous récusons le fait qu'il n'y aurait pas de besoins. Dans l'immédiat, les carnets de commandes d'Alstom, qui atteignent 30 milliards d'euros, sont pleins. La SNCF vient de décider l'achat de 44 locomotives, mais la production se fera en Allemagne. À plus long terme, les besoins sont importants.

Les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en France à cause du secteur des transports. Les réduire implique un rééquilibrage en faveur des modes de transport les moins polluants comme le rail pour les voyageurs et les marchandises. Le problème, c'est l'absence d'une politique de filières qui mette en cohérence la politique des transports et la politique industrielle avec les enjeux environnementaux.

 

HD. La maintenance industrielle n'est-elle pas une activité d'avenir ?

M.-C. C. La direction d'Alstom, comme beaucoup d'autres directions de groupes industriels, mise sur les activités de maintenance car ce sont celles qui dégagent le plus de marges. C'est symptomatique d'une stratégie fondée uniquement sur la recherche de dividendes. Depuis 30 ans, la part des dividendes dans la valeur ajoutée des entreprises industrielles est passée de 5 % à 25 %. Cela s'est fait au détriment de l'investissement dans la recherche, des qualifications et de l'outil de production, qui est aujourd'hui globalement vieillissant.

Cette stratégie est fondée sur une conception colonialiste du monde qui voudrait que l'avenir des pays les plus développés soit fondé sur le développement des services et que la production soit réservée aux pays pratiquant le moins-disant environnemental et social. Cette conception est aussi néfaste que fausse. Il ne peut pas y avoir d'activité de services ou de recherche sans activité de production. Quand un emploi industriel disparaît, c'est cinq emplois de service qui disparaissent à leur tour. Les salaires dans l'industrie sont en moyenne plus élevés de 20 % que dans les autres secteurs. Le manque de production induit un déséquilibre structurel de la balance commerciale qui nous engage dans une spirale austéritaire.

 

HD. Dans « la Bourse ou l'Industrie », vous déplorez la disparition de fleurons industriels nationaux. Mais en quoi la prise de contrôle de groupes français par des capitaux étrangers pose-t-elle problème ?

M.-C. C. Les fonds de pension n'ontpas de patrie. Ce que nous déplorons, ce sont les suppressions d'emplois, les fermetures de sites, les pertes de savoir-faire et l'absence de politique industrielle qui empêche ce gâchis. Il faut se donner les moyens d'agir. Il faut se doter de leviers pour contrôler les entreprises afin d'investir dans l'appareil industriel, la recherche, la formation des salariés pour augmenter les qualifications et leur permettre de tirer profit de l'usage de nouvelles technologies.

L'État doit devenir un État stratège capable de se projeter dans l'avenir en recensant les besoins et en définissant la politique industrielle qui permette d'y répondre. Pour nous, le mot planification n'est pas un gros mot. La question de l'appropriation sociale des moyens de production et d'échange est une question d'actualité. Ce que nous défendons, ce n'est pas une étatisation des moyens de production mais une transformation de l'État qui aboutisse à la mise en place de mécanismes qui permettent aux salariés, aux élus et aux populations de décider et de contrôler.

 

HD. Une des raisons de la crise industrielle est la crise que traverse, selon vous, « la société de capitaux ». En quoi est-elle en crise ?

M.-C. C. La recherche de profit estinhérente à la société de capitaux. Mais cette logique a été poussée à un tel point qu'elle est devenue une logique de destruction. C'est cette logique qui conduit General Electric, à peine après avoir racheté la branche énergie d'Alstom, à décider de fermer tout ce qui n'atteignait pas au moins 15 % de rentabilité. C'est cette logique de management du travail par les coûts, les plannings et les délais, avec le recours accru à la soustraitance, qui conduit à l'explosion des malfaçons dans la production mais aussi au gaspillage des matières premières et qui provoque aussi de graves dommages environnementaux et sociaux, car les salariés souffrent de devoir mal travailler.

 

HD. Comment en sortir ?

M.-C. C. Il faut replacer la question du travail au coeur de la gestion de l'entreprise. Il faut accroître le pouvoir des salariés, qui sont les mieux à même de défendre l'outil de travail, de le faire évoluer pour répondre aux besoins de la société.

 

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C'est le coût du capital qui plombe l 'outil de production

Avec « la Bourse ou l'Industrie » (1), Jean-Christophe Le Duigou, Marie-Claire Cailletaud, Paul Continente et Bernard Devert plaident en faveur du maintien d'une industrie en France. Les activités industrielles sont partie prenante de la satisfaction des besoins sociaux, soulignent-ils, en démontant au passage le mythe d'une économie qui ne reposerait que sur les services. Sousinvestissement des entreprises et en particulier des grands groupes, priorité donnée à l'innovation au détriment de la recherche, destruction des savoir-faire... À travers une analyse documentée, les auteurs démontrent comment l'entreprise est organisée pour dégager toujours plus de profit au risque de détruire l'outil de production lui-même. L'entreprise n'est pas pénalisée par « le coût du travail », mais par celui du capital, expliquent les auteurs, qui dénoncent la politique du gouvernement d'exonération d'impôts et de cotisations sociales et de déréglementation du travail. A contrario, ils plaident pour un État interventionniste et une appropriation sociale des moyens de production.

 

(1) Les Éditions de l'Atelier, 160 pages, 16 euros.

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