Face aux dégâts du libéralisme et au danger populiste l’urgence est de refaire de l’art et de la culture l’outil essentiel du seul combat qui vaille, celui de l’émancipation humaine.
Suicide culturel… et démission politique
Suicide collectif, c’est par ce qualificatif que plusieurs artistes désignent désormais la situation de l’art et de la culture dans notre pays :
► Disparition massive de festivals, de structures et de lieux.
► Baisse drastique des budgets de l’État et des collectivités territoriales.
► Plan social qui ne dit pas son nom, dans l’emploi artistique et culturel…
Mais la métaphore du suicide renvoie aussi à la démission des plus hautes autorités de l’État. Leur renoncement à porter une politique sociale et émancipatrice pour notre peuple les conduits parallèlement à abandonner toute ambition pour l’art et la culture.
Nous vivons le temps de l’imposture.
Voilà, en effet, que le Président de la République, le Premier ministre, la Ministre de la culture, la main sur le cœur, ne cessent depuis le 11 janvier de proclamer leur attachement à la culture et leur volonté de sanctuariser ses moyens. Voilà même le Premier ministre qui se livre à une autocritique publique : les baisses opérées en 2013 et 2014 ont été une erreur ! Que ne rétablisse-t-il pas les crédits ? Car c’est exactement le contraire qui se passe : le maintien du budget du ministère est fictif. On a déshabillé Pierre pour habiller Paul. De plus, les baisses regrettées par Manuel Valls s'ajoutent à celles déjà opérées sous Nicolas Sarkozy. Sanctuarisé ou pas, le budget consacré à l’art et la culture est aujourd’hui exsangue.
L'art et la culture ont besoin des collectivités territoriales
Les collectivités assument 70 % des crédits publics consacrés à la culture. Quand la Ministre tente de se défausser sur le dos des élus locaux, elle oublie simplement la baisse globale des dotations de l’État aux collectivités (- 11 milliards sur 3 ans !!!). Cela ne peut pas ne pas toucher la culture comme l’ensemble des politiques publiques dont les collectivités sont responsables.
En outre, Fleur Pellerin pratique l’amalgame entre, d'une part, les élus qui refusent, à juste titre, de faire des choix de coupe entre la culture, la santé, le logement, le sport, l’aide sociale ou l’école et, d'autre part, les élus, pour l’essentiel de droite et d’extrême droite, qui s'appuient sur l’austérité gouvernementale, qu’ils approuvent, pour en finir avec les politiques publiques de l’art et de la culture dans leurs collectivités. La Ministre serait mieux inspirée de lutter contre ce populisme culturel, au lieu de l’instrumentaliser pour dresser un rideau de fumée masquant l’irresponsabilité de l’État vis-à-vis de l’art et de la culture.
La République se nie quand elle abandonne la création artistique aux marchands, quand elle ne fait plus des droits culturels, au même titre que les droits sociaux, le socle de l’égalité, quand elle ne permet pas de promouvoir sa propre diversité culturelle.
Une telle posture politique est suicidaire pour la gauche et pour ce pouvoir qui s’en réclame encore. Or la symbolique est meurtrière que de déclarer l’armée prioritaire contre le social et la culture.
Mobilisons-nous pour la culture sans l’opposer aux autres priorités sociales.
Le combat pour la culture doit participer des luttes générales contre l’austérité et contre le démantèlement des services publics.
Mobilisons-nous contre les dogmes libéraux dominants au gouvernement comme à droite et à l’extrême droite.
Ils réduisent l’art à l’état de produit et s’accordent pour réserver la création contemporaine à une « élite », pendant que le peuple est livré aux armes de distraction massive qui sont autant d’armes d’aliénation.
Agissons pour refonder le service public de la culture, dans une compétence et des moyens partagés entre l’État et les collectivités.
Agissons pour rétablir un lien étroit entre la culture et l’éducation nationale avec l’ambition de renouer la rencontre entre l’art, les artistes et l’éducation populaire à l’école, dans la cité et dans l’entreprise.
Face aux dégâts du libéralisme et au danger populiste, l’urgence est de refaire de l’art et de la culture l’outil essentiel du seul combat qui vaille, celui de l’émancipation humaine.