Greg Oxley était présent au local PCF à Morlaix le jeudi 26 février pour une conférence-débat sur l'actualité de la pensée de Karl Marx.
C'est un militant d'origine anglaise de la 10e section PCF de Paris, membre du PCF depuis 1973, animateur du journal du collectif « La Riposte » qui cherche à populariser la pensée marxiste.
« Avant de parler de l'actualité de la pensée de Marx, Greg Oxley a voulu évoquer l'actualité du capitalisme.
La France et l'Europe vivent depuis des années une crise économique, sociale et politique. Une crise fondamentalement différente des crises du capitalisme qui l'ont précédée.
En 1973, c'était les manifs contre le coup d'Etat au Chili. Déjà on parlait de crise du capitalisme. Depuis plus de 40 ans, on nous parle de crise du capitalisme. C'est en réalité que le capitalisme est un système de crise : on passe d'une crise à l'autre.
Cette crise que nous traversons est différente, pire que les autres.
La France est un des pays les plus riches d'Europe. Pourtant, 6 millions de personnes qui auraient besoin de travailler ne travaillent pas. On connaît une situation de sous-emploi dramatique. Mois après mois, c'est la descente dans des difficultés de toutes sortes. 11 à 12 millions de personnes sont officiellement dans la pauvreté. 5 millions de foyers sont en situation de sur-endettement. 210 000 nouveaux dossiers de sur-endettement sont déposés à la Banque de France chaque année.
Cette crise est une crise industrielle, productive, une crise de surproduction.
Surproduction par rapport à la capacité d'absorption du marché. On nous dit qu'il y a trop de tout par rapport aux contraintes économiques de rentabilité du capitalisme : trop de travailleurs, de retraités, d'étudiants, d'infirmiers, d'écoles. Toute la société civile est en trop par rapport à ce que peut le capitalisme.
Le capitalisme français et européen est en déclin.
La position mondiale de la France se rétrécit par rapport au monde, à l'Europe, à la France elle-même. Chaque année, nous enregistrons un déficit commercial de 65 millions d'euros.
En 1995, l'industrie française représentait 22 % du PIB. Aujourd'hui, elle ne représente plus que 10 % du PIB.
Les parts de marché de la France en Afrique ont été divisées par 2 en 10 ans. C'est le déclin du capitalisme français. Parmi ses conditions de survie figure l'obligation de démolir tranche par tranche toutes les conquêtes de la classe ouvrière française.
Bientôt le SMIC lui-même devrait faire l'objet de discussions si on croit certains membres du gouvernement. Certaines branches d'activité suivant des accords de branches pourraient être dispensées d'appliquer le SMIC. L'avenir de ce système, c'est la régression sociale permanente. Dans tous les peuples et les pays d'Europe, au-delà de quelques variantes et spécificités, c'est le même scénario.
L'Espagne a perdu 7 à 8 % de son PIB. L'Italie a perdu 15 % de sa capacité productive. La Grèce a perdu 25 à 30 % de son économie. 40 % des foyers en Grèce ont aujourd'hui des revenus extrêmement faibles.
Ce n'est pas une crise comme une autre : ça ne reprendra pas cette fois-ci.
Pendant des décennies, les stratèges du capitalisme en se croyant très malins ont fait tourner à plein régime le crédit afin de stimuler la production et la demande de manière artificielle, à travers des capitaux qui n'ont pas été réellement créés par le travail. Tout le monde s'est endetté : les entreprises, les foyers, les États.
La dette publique est devenue hors de contrôle. On a sommé les États de colmater toutes les brèches ouvertes par le capitalisme (chômage, précarité, inégalités). Aucun projet industriel aujourd'hui où l'Etat n'intervient pas aujourd'hui, ou la collectivité, pour co-financer, colmater les carences du capitalisme dans le financement de la recherche et de la production, puisque que sa dérive financière le coupe des moyens d'entretenir son existence à long terme. L’État maintient le capitalisme à flot, empêche la révolution sociale.
La dette publique française attendra bientôt 2000 milliards d'euros : 100 % de son PIB. Cette dette publique augmente d'année en année : 150 milliards de plus chaque année ces dernières années. D'ici 5,6 ou 10 ans, elle sera de 3000 milliards d'euros. Les seules intérêts de la dette représentent et annulent les effets de l'impôt sur le revenu, de la TVA. Mais si on mène une politique d'hyper-austérité en économisant 40 milliards d'euros sur la satisfaction des besoins sociaux, c'est dérisoire par rapport aux intérêts de la dette à rembourser chaque année.
C'est un contexte qu'on a pas connu jusqu'à présent. Face à cet endettement, s'il y a une politique d'austérité très sévère, on plonge vers la récession, si on refuse cette austérité, on se retrouve dans la même situation tant qu'on ne transforme pas le système.
Le keynésianisme qui consiste à injecter de l'argent dans l'économie pour doper le système capitaliste et surmonter ses crises est devenu impossible : on ne peut plus faire cela. Aujourd'hui, on extrait chaque jour davantage d'argent de l'économie au profit de la finance et des banques par le biais du remboursement de la dette.
On ne peut plus présenter aux travailleurs un programme de revendications immédiates sans poser la question de la propriété des banques, du commerce, des industries. Dans le contexte actuel, les revendications pratiques immédiates (services publics, salaires, allocations...) sont impuissantes et échouent s'il n'y a pas de volonté de combattre et transformer le système, d'exproprier les banques, les gros actionnaires, de transformer le régime de propriété.
Syrisa s'est fait élire avec 35 % des voix sur un programme extrêmement volontariste : on annule la dette, le mémorendum, on ne reconnaît pas la Troïka. Mais depuis l'élection de Syrisa et d'Alexis Tsipras, il y a un milliard d'euros qui quitte la Grèce chaque semaine. La grande bourgeoisie, la classe capitaliste, a fait le choix de discréditer le gouvernement, de couler ce gouvernement et cette politique issus de la souveraineté du peuple. Le FMI, la Commission Européenne, la BCE veulent axphyxier le pays. « Si vous osez augmenter le SMIC, nous on vous étranglera en vous coupant l'accès au crédit, en asséchant les banques ». Le gouvernement a le dos au mur.
Il est placé devant un choix difficile :
Ou il capitule, ce ne sera pas la première fois.
Ou il se tourne vers les travailleurs grecs en leur disant : « nous avons été élus sur la base d'un programme de réformes sociales. On ne demandait pas la lune. Une petite catégorie (15000-20000 personnes à l'échelle de Grèce) a tellement de pouvoir que cette infime minorité peut empêcher un gouvernement démocratiquement élu sur un programme clair d'appliquer son programme. Aidez-nous à tenir bon face à l'oligarchie capitaliste, aidez nous à exproprier cette classe de parasites qui ne pensent qu'à échapper à l'impôt en bénéficiant des paradis fiscaux ».
Comment ce petit pays peut s'en sortir autrement ?
Les apologistes du capitalisme si on leur parle du marxisme prennent un air narquois et nous disent : c'est démodé, c'est une idéologie du XIXe siècle.
Pourtant, quand Marx a développé sa théorie, le capitalisme n'était pas un système mondial : cela n'existait pleinement et presque à l'état pur qu'en Grande-Bretagne. En 1848, Marx, qui était un penseur de génie, prévoyait déjà que ce nouveau système se développerait au point de réunir l'humanité en une seule unité économique. Son petit Manifeste du Parti Communiste, un livret de 50 pages, donne des clefs de compréhension de toute l'histoire des 150 ans qui succèdent. Tout est dit : la division mondiale du travail, une classe de grands propriétaires du capital de plus en plus riche, une paupérisation de la grande majorité de l'humanité, le développement du salariat. Aujourd'hui, 86 % des français sont des salariés ou aimeraient l'être. Marx a aussi théorisé les crises périodiques de surproduction. Par son développement, il a montré que le capitalisme développerait des techniques, le salariat : qu'il avait dans un premier temps des effets progressistes. Mais qu'à un certain stade les technologies sont amenés à se retourner contre la population si elles ne sont pas entre de bonnes mains, au service du travail affranchi plutôt que du capital, au service de l'intérêt général ».
« Aujourd'hui, l'analyse de Marx par rapport au capitalisme est validée. Par contre, il n'a pas tout dit, tout prévu, notamment ce problème qui est le nôtre, celui de la prise de pouvoir. Karl Marx ne pouvait pas prévoir le phénomène du stalinisme, le léninisme. Le capitalisme par son développement jetait les bases du société communiste future. C'était la grande œuvre progressiste du capitalisme. Adam Smith avait déjà parlé d'un mouvement d'uniformisation des conditions de vie au niveau de l'humanité avec le mouvement historique du capitalisme. Entre 1945 et 1975, on a produit plus de biens que dans toute l'histoire de l'humanité antérieure : Marx avait aussi parlé d'une « immense accumulation de marchandises » à l’œuvre dans le développement du capitalisme, et à son époque elle n'avait rien à voir avec ce que l'on connaît ».
« La mission centrale du PCF, ce n'est pas de bien figurer aux élections, même si c'est important, c'est d'aider à la prise de conscience du peuple, de la classe ouvrière, pour s'émanciper du système capitaliste. Montrer que nous n'avons pas les mêmes intérêts que cette classe de parasites qui refoule la société en arrière. Sortir de ce miracle de la servitude volontaire et se dire que « les grands ne paraissent grands que parce que nous sommes à genoux ». Pour cela il faut aussi un retour critique sur l'expérience historique de la prise de pouvoir communiste, avec une analyse marxiste et progressiste de ses échecs et de ses impasses : dictature militaire, bureaucratique, corruption. Analyser la révolution et sa dégénérescence ». « Ne surtout pas céder au Front National la position de ceux qui prônent le changement radical de la société ».
« Etre clairs et cohérents sur nos objectifs de transformation ».
commenter cet article …