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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 08:28
C’est sous Giscard d’Estaing, dans une période de début de crise économique, de désindustrialisation et de chômage de masse que la droite, en véritable apprenti sorcier, a commencé à faire de l’immigration un problème pour l’emploi et la conservation de notre identité nationale. Victorieuse en 1981, la gauche, portée les années précédentes par l'activisme des associations de défense des droits des immigrés, a interrompu ses politiques discriminantes de restriction du regroupement familial, de reconduites à la frontière sur des critères ethniques, et elle a réformé le code de la nationalité et le droit de résidence en un sens humaniste.
Seulement, après 1983, le tournant de la rigueur, l’abandon de pans entiers de l’industrie française, la montée du chômage, de la précarité, et des logiques de ségrégation ethnique et sociale dans les quartiers populaires, ont donné du poids aux messages simplistes du Front national associant immigration et chômage et réclamant la préférence nationale. La peur du déclassement, la disparition progressive des collectifs de travail multi-culturels et la perte de repères idéologiques liés à la désindustrialisation et à la perte d'influence du PCF ont nourri ces progrès du vote FN dans les classes populaires. Ce parti issu de l’extrême droite traditionnelle - anticommuniste, antisémite et raciste, chrétienne intégriste, collaborationniste et colonialiste – parvint à séduire grâce à un leader charismatique utilisant toutes les ressources du contexte de désorientation idéologique et sociale et malgré un programme économique et social ultra-libéral inspiré de Reagan.
La réponse de la gauche mitterrandienne a été catastrophique. Sans même parler de l'introduction politicienne du scrutin proportionnel pour mettre le FN en position d'affaiblir le RPR, le recours trop systématique à la rhétorique anti-raciste, la valorisation des vertus du métissage, du cosmopolitisme et de la différence, la stigmatisation hautaine et bien-pensante par les belles âmes de la gauche caviar du fascisme ordinaire des ploucs franchouillards, ont constitué des diversions commodes dissuadant d’analyser les causes politiques et sociales de la montée de l’extrême droite et de l’abstention ouvrière et permettant du même coup de détourner le regard de tous les renoncements de la gauche de gouvernement convertie au libéralisme. SOS racisme, les manifs et les badges « Touche pas à mon pote », la générosité de plateaux télévisés, n’étaient pas en mesure de satisfaire les revendications d’égalité sociale de la marche des Beurs de l’automne 1983, pas plus qu’ils n’ont fait perdre une voix au Front National.
Pire, la droite gouvernementale elle-même est parvenue peu à peu à capter une partie non négligeable de l’électorat populaire traditionnellement acquis à la gauche en nourrissant les fantasmes sur l’insécurité, le caractère inassimilable de l’immigration africaine ou nord-africaine, le dépérissement annoncé de l’identité culturelle et ethnique française, les pratiques d’assistés d’immigrés présentés comme des profiteurs et des nuisibles. En 2002, c’est parce qu’il avait accepté la prétendue impuissance de l’Etat face aux délocalisations et aux licenciements boursiers, parce qu’il s’excusait d’être socialiste plus que de présenter un projet qui ne l’était pas, parce qu’il avait mené depuis 2 ans une politique de privatisation et de défiscalisation des activités financières que Jospin a nourri l’abstention ou la dispersion de l’électorat de gauche et n’a pas été en mesure d’arriver devant Le Pen au deuxième tour. Le score du FN au second tour cette année maudite montrait néanmoins que le péril d’une victoire en France de l’extrême droite était largement surévalué. Toutefois, ce poids politique conquis par le FN qui se nourrit des fractures sociales et géographiques entre les ruraux et les urbains a eu pour effet indirect de remobiliser l’électorat de gauche, au nom du vote utile, derrière un PS dénué de projet historique et ambition sociale véritable. La consolidation de ce vote de ressentiment, d’indignation et de xénophobie en faveur du FN a durci considérablement les politiques de la droite gouvernementale vis à vis des étrangers sans-papiers, des immigrés et des soi-disant assistés, des jeunes, des règles ordinaires de justice, jusqu'à aboutir à une situation, celle que nous connaissons depuis la victoire de Sarkozy en 2007, où tous les principes républicains fondamentaux qui protègent la liberté des citoyens, l’égalité de droit, l’accès à la nationalité et la prise en compte de l’humain, sont bafoués avec une morgue et un cynisme absolus par une droite de gouvernement qui a fait siennes bon nombre des propositions du FN.
Pour contrer le Front National, il ne faut plus désormais s’excuser d’être de gauche, internationaliste, sensible aux droits universels de l'homme et donc au sort des étrangers venus en France pour fuir la misère, l'absence d'avenir, de liberté, de sécurité. Il ne faut pas non plus chercher à copier Sarkozy dans la gesticulation sécuritaire. La gauche doit à l'inverse retrouver une ambition collective et reconquérir des marges de manœuvre économiques pour créer des emplois, lutter contre la précarité et le dépérissement de certaines zones urbaines désindustrialisées, agir pour une vraie mixité sociale et ethnique dans les villes, les écoles, les assemblées politiques et les emplois. Il faut qu’elle parvienne grâce au travail militant dans les quartiers et à la perspective politique crédible de transformation sociale qu’elle peut lui offrir, à condition de desserrer l'étau de la domination de la finance et du libéralisme, à refaire voter l’électorat populaire abstentionniste, bien plus important numériquement que celui qui vote pour le FN. Il ne faut surtout pas qu’elle se concentre exclusivement, comme la très social-libérale fondation Terra Nova le lui propose, sur ce noyau dur prétendu de son électorat que seraient les classes moyennes urbaines et éduquées, sensibles aux thématiques sociétales et à la valorisation de la société ouverte et de l’Europe fédérale, au détriment d'une prise en charge sérieuse des problèmes des inégalités, du chômage de masse, des délocalisations et de la précarité.
Ismaël Dupont
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