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21 février 2024 3 21 /02 /février /2024 07:09
Mélinée Soukémian est née le 13 novembre 1913 dans une famille de fonctionnaires hauts gradés de l'administration ottomane des Postes de Constantinople. Elle a 3 ans quand ses parents arméniens sont massacrés par les Turcs dans le cadre du plan organisé de génocide en 1915 qui a fait près plus d'un million de victimes arméniennes. Orpheline, elle est recueillie avec Armène sa soeur, d'un an de plus qu'elle, dans une mission protestante de Smyrne, sur la mer Egée (Izmir), puis transportée après la guerre Greco-Turcs se traduisant par de nombreux massacres et des épurations ethniques en Grèce d'Europe à Thessalonique et à Corinthe, dans un orphelinat. Le 14 octobre 1926, grâce au comité américain su Secours arménien et syrien, Mélinée et sa soeur Armène arrivent à Marseille.

Mélinée Soukémian est née le 13 novembre 1913 dans une famille de fonctionnaires hauts gradés de l'administration ottomane des Postes de Constantinople. Elle a 3 ans quand ses parents arméniens sont massacrés par les Turcs dans le cadre du plan organisé de génocide en 1915 qui a fait près plus d'un million de victimes arméniennes. Orpheline, elle est recueillie avec Armène sa soeur, d'un an de plus qu'elle, dans une mission protestante de Smyrne, sur la mer Egée (Izmir), puis transportée après la guerre Greco-Turcs se traduisant par de nombreux massacres et des épurations ethniques en Grèce d'Europe à Thessalonique et à Corinthe, dans un orphelinat. Le 14 octobre 1926, grâce au comité américain su Secours arménien et syrien, Mélinée et sa soeur Armène arrivent à Marseille.

La lettre à Mélinée - 21 février 1944: Naissance d'un mythe
Le jour de son exécution, le 21 février 1944, Missak Manouchian écrit à sa femme Melinée une lettre bouleversante dont la postérité a beaucoup fait, en même temps que l'instrumentalisation publique par les nazis de leur arrestation et de leur procès et par l'Affiche Rouge, pour sa célébrité posthume:
 
Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
 
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense.
Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération.
Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.
Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel
 
P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène.
 
Cette lettre bouleversante est à l'origine du poème d'Aragon 11 ans plus tard "Strophes pour se souvenir" dans "Le Roman inachevé".
 
Le Parti communiste, au lendemain de la Libération, mit peu en avant l’action des FTP-MOI. Mais, en 1955, à l’occasion de l’inauguration d’une rue du groupe Manouchian dans le XXe arrondissement de Paris, le PCF demanda à Louis Aragon, "poète national de la Résistance" et un des plus célèbres artistes communistes français avec Pablo Picasso et Paul Eluard, mort trois auparavant, d’écrire un poème, Strophes pour se souvenir, devenu l’Affiche rouge, œuvre qui acquit une grande notoriété lorsqu’elle fut magnifiquement mise en musique et interprétée par Léo Ferré en 1961.
 
Strophes pour se souvenir
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
 
Louis Aragon, Le Roman Inachevé

Mélinée Soukémian est née le 13 novembre 1913 dans une famille de fonctionnaires hauts gradés de l'administration ottomane des Postes de Constantinople. Elle a 3 ans quand ses parents arméniens sont massacrés par les Turcs dans le cadre du plan organisé de génocide en 1915 qui a fait près plus d'un million de victimes arméniennes. Orpheline, elle est recueillie avec Armène sa soeur, d'un an de plus qu'elle, dans une mission protestante de Smyrne, sur la mer Egée (Izmir), puis transportée après la guerre Greco-Turcs se traduisant par de nombreux massacres et des épurations ethniques en Grèce d'Europe à Thessalonique et à Corinthe, dans un orphelinat. Le 14 octobre 1926, grâce au comité américain su Secours arménien et syrien, Mélinée et sa sœur Armène arrivent à Marseille. Elle suit une école de dactylo à Marseille puis au Raincy, en région parisienne. Elle s'installe dans le 2e arrondissement de Paris. Ses propriétaires, amis et protecteurs sont des parents de Charles Aznavour, alors Shahnourh Aznavourian, un petit protégé de Missak et Mélinée Manouchian qui vont accompagner ses premiers contacts avec la chanson. Majeure en 1934, elle a le statut d'apatride et relève de l'Office des réfugiés arméniens. Missak et Mélinée tombent amoureux l'un de l'autre en 1935, après s'être rencontrés en 1934. Ils sont tous les deux communistes, viscéralement antifascistes, membres de la HOG, le comité de secours pour l'Arménie, et de la MOI (Main d’œuvre étrangère du Parti communiste, avec ses groupes de langues). Il vit au 79 rue des Plantes à Paris et elle rue Louvois dans le 2e arrondissement. Il a 28 ans, est "beau comme une statue grecque" assure Mélinée, elle en a 22. Leur mariage est célébré le 22 février 1936, l'année du Front Populaire, tout un symbole. En 1937, Missak et Mélinée Manouchian accompagnent les deux enfants Aznavourian, Aïda et Charles à un radio-crochet de la place Pigalle, et le futur Charles Aznavour, 10 ans, termine premier en imitant le style de Maurice Chevalier !!! Aïda, seconde!  Le 26 septembre 1939, Missak est arrêté avec d'autres militants communistes suite au Pacte Germano Soviétique, transporté à la prison de la Santé. Le 7 octobre, il est relâché contre une promesse de mobilisation volontaire dans l'armée comme 83 000 étrangers engagés volontaires. Il rejoint sa caserne à Colpo dans le Morbihan, près de Vannes. Pendant ce temps, la police continue à traquer les communistes, et Mélinée, doublement suspecte en tant qu'étrangère, citoyenne de seconde zone (elle n'a par exemple pas le droit de recevoir un masque à gaz) et communiste, est contrainte de détruite de nombreux documents compromettants sur les activités de la HOG et des communistes arméniens.  En juin 1940, à la débâcle puis la démobilisation, Missak est affecté de manière autoritaire à l'usine Gnome et Rhône d'Arnage, dans la Sarthe, sous le contrôle des autorités. Elle fabrique des moteurs d'avions. Missak vit alors au Mans. Mélinée, enceinte, se sent contrainte d'avorter.  En juin 41, Missak est de nouveau arrêté, dans le cadre d'une rafle préventive contre les communistes organisée sur ordre des nazis avant leur attaque contre l'Union soviétique. Elle est envoyé à Compiègne, au camp de Royalieu. Mélinée fait 120 km à vélo pour le rejoindre, lui remettre un colis et le saluer à la barbe des sentinelles allemandes. A l'été 41, Missak est de nouveau libéré, les autorités allemandes n'ayant pu établir avec certitude qu'il était toujours communiste. Il devient alors responsable de la section arménienne de la MOI, une de ses 14 branches, sous la direction de Louis Grojnowski, de Jacques Kaminski, et de Victor Blajek qui a remplacé Arthur London. Durant plusieurs mois, le couple s'implique dans le TA, le travail allemand alors sous la direction d'Arthur London, consistant à infiltrer pour le coup les supplétifs de l'Armée allemande d'origine soviétique, et les enrôlés des régions annexées du Reich. 

En mars 42, la FTP MOI se met en place comme unité combattante structurée sous la direction de Boris Holban, militant communiste juif roumain de Bessarabie, région située entre la Moldavie et l'Ukraine actuelle, né en 1908. Le premier détachement est plutôt constitué de Roumains comme Holban, le second regroupe des juifs polonais le troisième des Italiens, et le quatrième s'occupe des déraillements. Les FTP-MOI s'inspirent des premières expériences de lutte armée de l'OS-MOI. Manouchian est un adjoint d'Holban, puis prendra sa place à partir de l'été 1943, sous la direction de Joseph Epstein, "Colonel Gilles", quand Holban est muté vers d'autres tâches. Mélinée participe aussi à certaines opérations des FTP-MOI. Elle quitte l'organisation après les arrestations de novembre 43, dont celle de son mari. C'est donc entre l'été 43 et mi-novembre 43 que Manouchian dirige les FTP-MOI de région parisienne avant la rafle du 16 novembre et l'exécution de 22 d'entre eux le 21 février 1944. Après l'arrestation de Manouchian, Mélinée est cachée par les parents de Charles et Aïda Aznavour. La douleur du deuil digérée, Mélinée reprend sa place dans la Résistance et le "travail allemand" de renseignement de la MOI. Elle résiste du côté de Thouars dans les Deux Sèvres, à Paris, écrit des tracts à destination de "malgré-nous" supplétifs allemands arméniens enrôlés dans la Wehrmacht. Elle participe au retournement de soldats allemands d'origine soviétique qui rejoignent la Résistance en juillet 1944. Après la guerre Mélinée milite à la JAF, la Jeunesse arménienne de France. Elle devient française en 1946. Puis elle fait le choix de rejoindre l'Arménie soviétique où elle vivra de à partir de 47 à Erivan. En 1963, elle rentre à Paris et elle décède le 6 décembre 1989.

Source: Gérard Streiff, Missak et Mélinée Manouchian, Un couple en Résistance. L'Archipel, Janvier 2024, 21€

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