Roland LE SAUCE avec Cyril Dallois, Stephanie Grevet, Roger Héré (débat 8 octobre 2022, Morlaix, Ismaël Dupont)
Le train du quotidien pour
les « cols blancs et/ou contre les cols bleus ».
(Roland LE SAUCE, intervention lors du premier débat de la matinée, Roland Le Sauce PCF Morbihan, photo Jean-Luc Le Calvez: Le train du quotidien pour « les cols blancs et les cols bleus »)
Tout un programme !
Les « cols blancs et les cols bleus » ne sont que des termes du langage courant utilisés pour classifier les salariés, termes nés avec la grande entreprise, l’industrialisation, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. L'expression « cols bleus » fait référence au bleu de travail porté par les ouvriers qui exécutent un travail manuel, ce qui les distinguent de la chemise blanche arborée par les patrons et les employés de bureau, et les élites politiques et autres, regroupés par conséquent sous le terme de « cols blancs » dont le travail n’est pas considéré comme manuel. Et par extrapolation, les « cols blancs » vivent dans les quartiers chics, en pavillons, dans des villas et les « cols bleus » en banlieues dans des cités ouvrières, des cités HLM.
Ce qui n’est plus aussi vrai aujourd’hui, il faut bien le dire. Mais le choix de ces expressions n’a rien d’anodin si l’on se réfère aux évolutions passées, actuelles et à venir de la société bretonne, tant du point de vue de sa démographie que de ses espaces urbains et de ses espaces vécus. Notre société est fractionnée, les uns et les autres s’opposent ; et selon l’adage « diviser pour mieux régner » prend ici tout son sens. On oppose la ville à la campagne, le rural adepte de la voiture donc pollueur à l’urbain usager de la mobilité douce donc vertueux, l’habitat collectif dégradé à l’habitat individuel harmonieux, le jeune actif au vieux retraité, le résident permanent au résident secondaire, le salarié au chômeur, le riche au pauvre, etc… comme d’autres le travail à l’assistanat.
Les politiques publiques y sont pour beaucoup mais l’aménagement du territoire breton, son urbanisation et son développement économique y contribuent tout autant, voire accentuent cette opposition et font naître ou renforce un sentiment d’abandon, de déclassement aux yeux de certains bretons.
Ce n’est faire injure à personne de dire que nous assistons à une fracture démographique, tant en nombre qu’en terme sociologique, non pas de l’Ouest par rapport à l’Est de la Bretagne mais plutôt du rural intérieur qui s’est autrefois vidé et qui peine à se remplir aujourd’hui, par rapport aux aires urbaines littorales, surtout au Sud, et orientales, principalement les aires urbaines rennaises et nantaises.
Ce n’est faire injure à personne de dire aussi qu’il y a plus de « cols blancs » dans les aires métropolitaines et périphériques (économie productive et innovante) que dans les autres territoires où se concentrent plus les « cols bleus » (économie résidentielle ou de production à forte main d’œuvre, exemple l’agroalimentaire).
Cet état de fait se mesure au regard des flots de circulation automobile qui s’écoulent, non plus comme la marée mais tout au long de la journée, sur les deux fois quatre voies entre Quimper et Rennes/Nantes par exemple, où s’étoffe le bâti, une urbanisation en villes « chapelets », où le foncier devient rare et cher. Et la présence du train n’a pas fait ralentir cet état de fait car il est, en longeant le littoral, principalement orienté vers Rennes où Nantes, vers la Région Parisienne voire au-delà, l’interconnexion européenne. On serait même tenté de dire que le TGV, le Bretagne Grande Vitesse a accéléré le phénomène en bouleversant le plan de transport TER de la Bretagne depuis 2017. Avec la crise du COVID 19 et l’explosion du numérique qui s’immisce partout et modifie les rapports humains et sociaux on peut craindre que cela s’amplifie, que cela génère plus de déplacement contrairement à ce que l’on pense. Aussi aujourd’hui, avec le projet LNOBPL, doit-on faire le choix entre :
- Les « cols blancs » contre les « cols bleus », c'est-à-dire favoriser la mobilité entre les pôles métropolitains et les aires urbaines majeures de Bretagne au détriment des déplacements quotidiens Domicile-Travail ou Domicile-Etudes, où
- Les « cols blancs » et les « cols bleus » c'est-à-dire considérer que le projet LNOBPL contribue, répond aux besoins d’amélioration, de développement des trains du quotidien, du TER et du TGV, donc de tous les usagers.
Je ne dis pas que les « cols blancs » sont uniquement des usagers du TGV, et les « cols bleus » ceux du TER car c’est faux. Ils sont l’un et l’autre et doivent le rester. Il ne faut pas oublier aussi que les usagers du train en Bretagne ne sont pas que des salariés bretons, il y a les autres voyageurs (les salariés d’ailleurs, les étudiants, les scolaires, les retraités, les touristes, etc…). Puis il y a celles et ceux qui ne prennent pas le train car ils sont trop éloignés d’une gare, que celle-ci est fermée, qu’aucun train ne s’y arrête ou très peu, qu’aucun transport collectif existe pour le prendre, ou encore le prix du billet ou du stationnement ne le permet pas.
Mon propos n’est pas de mettre en opposition le TGV et le TER, l’un et l’autre se complète. Améliorer en service, en vitesse, en desserte l’un doit servir l’autre, mais rapprocher les métropoles, les principales aires urbaines entre elles et Paris ne doit pas conduire à un no man land ferroviaire territorial, à amener à une conurbation de l’est breton au détriment de l’ouest. Le TGV et le TER doivent donc participer à un aménagement équilibré du territoire avec des moyens de rabattements organisés et des correspondances compatibles. Et si une priorité doit être donnée, un choix est à faire, nous priorisons, choisissons le quotidien, le Domicile-Travail, le Domicile-Etude.
C’est là toute la difficulté avec LNOBPL : choisir le mieux pour certains ou le moindre mal pour d’autres, car les budgets alloués ne sont pas à la hauteur des défis climatiques et énergétiques à relever et des besoins des bretonnes et des bretons d’aujourd’hui et de demain. Les chiffres parlent d’eux mêmes : un Km de ligne nouvelle se chiffre entre 25 à 30 millions d’euros, un Km de modernisation d’une ligne existante de 2 à 3 millions d’euros. Et des lignes existantes à moderniser il y en a. Des exemples….
- Auray – Quiberon
- Morlaix - Roscoff
Mais il ne suffit pas de moderniser si à côté on dépèce la SNCF. La modernisation, le développement, l’exploitation du transport ferroviaire, économe en énergie, à l’impact carbone et environnemental réduit, indéniable atout de développement durable et écologique, doivent donc être menés par un seul opérateur de service public ferroviaire, la SNCF et non une filiale ou un opérateur privé.
Depuis des années les communistes, les élus communistes se battent âprement et obtiennent des résultats pour répondre aux attentes des usagers du train en Bretagne. Ils entendent poursuivre cet engagement avec toutes celles et ceux qui voient en le ferroviaire une des solutions pour décarboner très rapidement les moyens de transports voyageurs et aussi marchandises.
Morlaix, le 8 octobre 2022.
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