Yves Giloux adhère au PCF clandestin à Brest à 19 ans en 1941. Il devient chef d'un groupe F.T.P en 1942 et prend part à de nombreuses actions contre l'occupant: attentats, sabotages, attaques à main armée. Ainsi l'attentat contre l'hôtel Moderne siège de la Krieskommandantur à Brest, et contre le cinéma Eden à Brest, reservé aux soldats allemands. Il est arrêté à Nantes après l'attentat contre l'Eden le 1er janvier 1943. Abominablement torturé par des policiers français, livré ensuite aux juges de Pétain et aux Allemands, il est condamné à mort par le tribunal militaire allemand le 28 août 1943 et exécuté en même temps que 18 autres résistants communistes brestois le 17 septembre 1943 au Mont Valérien. Son nom fut donné au principal bataillon de FTP du Nord-Finistère.
Albert Yvinec, né le 14 juin 1912 à Plounéour-Menez, décédé en 1980 à Brest, capitaine Callac dans la résistance, chef de la place de Morlaix à la Libération et du Bataillon Yves Giloux en 1944, le frère d'Angéline Dollet (photo https://www.resistance-brest.net)
Albert Yvinec (debout à gauche) en famille - photo de la collection privée de Claudie Quillec, sa nièce
Photo de la famille d'Angéline Dollet née Yvinec et de Albert Yvinec à Plounéour-Menez devant la maison familiale au bourg (photo de la collection privée de Claudie Quillec, sa nièce, et la fille d'Angéline Dollet)
Né à Ouessant, où ses parents, Charles et Anne-Marie, sont instituteurs à l'école publique, Yves Giloux est un étudiant brestois. Sous l’occupation, il poursuit des études par correspondance à l’école des Travaux Publics de Paris. D’août 1940 à septembre 1941, il effectue son stage d’examen au sein de l’entreprise S.Zeno de Brest. A partir de septembre 1941, il travaille aux Ponts et Chaussées au service de relevé cadastral .Yves Giloux adhère au PCF clandestin à Brest à 19 ans en 1941. Il devient chef d'un groupe F.T.P en 1942 et prend part à de nombreuses actions contre l'occupant: attentats, sabotages, attaques à main armée. Ainsi l'attentat contre l'hôtel Moderne siège de la Krieskommandantur à Brest, et contre le cinéma Eden à Brest, reservé aux soldats allemands. Le 5 janvier 1943, Yves Giloux et Charles Vuillemin effectuent une nouvelle tentative d’attentat, cette fois contre l’immeuble de la Kommandantur avec une nouvelle bombe. Plusieurs actions de cet acabit sont menées en janvier par les F.T.P brestois. Une nouvelle série d’arrestations va encore amenuiser l’effectif de résistants. De son côté, Yves Giloux est promu à l’échelon départemental le 6 janvier par Robert Ballanger à Rennes. Il devient alors Capitaine d’un groupement mobile avec pour tâche d’œuvrer dans le Finistère, le Morbihan et la Loire-Inférieure. Alors qu’il se rend à Nantes avec Jean-Louis Primas, Yves Giloux semble s’arrêter à Lorient pour y commettre un attentat dont les détails ne nous sont pas connus. Il est arrêté le 20 janvier 1943 à Doulon, près de Nantes par le Service de police anti-communiste (S.P.A.C) de Vichy.
Abominablement torturé par des policiers français, livré ensuite aux juges de Pétain et aux Allemands, il est condamné à mort par le tribunal militaire allemand le 28 août 1943 et exécuté en même temps que 18 autres résistants communistes brestois le 17 septembre 1943 au Mont Valérien. Son nom fut donné au principal bataillon de FTP du Nord-Finistère. Lire aussi, pour en savoir plus:
1920-2020: Cent ans d'engagements communistes en Finistère: 75/ Yves Giloux (1921-1943)
Nous avons eu en main une présentation par Albert Yvinec (capitaine Callac dans la Résistance, le commandant de la place de Morlaix à la Libération), confié à Jean Nedelec, ancien résistant et militant communiste, par sa sœur Angéline, dit Yvette Dollet, l'histoire du Bataillon Yves Giloux. Le document nous a été remis par la fille d'Angéline Dollet, Claudie Quillec.
Notice établi sur Albert Yvinec par Gildas Priol (https://www.resistance-brest.net/)
Albert Yvinec passe un Certificat d’études primaires avant de débuter dans le monde professionnel comme mécanicien. Il devance son service militaire en s’engageant dans l’armée en 1930. Il sert jusqu’en 1932, au 2ème Régiment d’Infanterie Coloniale (R.I.C) puis dans un régiment de Tirailleurs algériens jusqu’en 1934. Il termine ses cinq années d’engagement au 2ème R.I.C en 1935 avec le grade de sergent. Il se fait embaucher ensuite par la Direction des armes navales (D.A.N) de Cherbourg comme ouvrier-artificier et adhère à la Confédération générale du travail (C.G.T) et au PCF selon Eugène Kerbaul en 1936. L’année suivante, il épouse Yvonne Salou (1914-1998) à Plouguerneau. En 1938, leur fille voit le jour à Cherbourg puis la famille déménage en raison de la mutation d’Albert Yvinec au même poste à la D.A.N de Brest. Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il reste dans le secteur et se voit employer à la Pyrotechnie de Saint-Nicolas au Relecq-Kerhuon sous le statut d’affecté spécial. Sous l’occupation, Albert Yvinec est employé à la construction de la base sous-marine allemande de Brest dès 1941.
L’entrée en Résistance d’Albert Yvinec est assez mal définie. Il indique avoir réalisé de sa propre initiative, à partir de juillet 1941, des sabotages sur la construction de la base sous-marine. Son entrée dans une structure organisée de la Résistance est néanmoins plus tardive. En décembre 1943, son épouse, retirée à Plouguerneau avec leur premier enfant, donne naissance à leur fils Daniel. Le même mois, par l’intermédiaire de sa sœur Angéline, dite Yvette (Dollet) dans la résistance, Albert Yvinec est recruté par Marcel Boucher dans le Groupe Giloux des F.T.P de Brest. Ce groupe a déjà engagé des actions armées contre l’occupant et entend poursuivre de cette manière la lutte.
Albert Yvinec semble fournir des armes à son groupe car il est soupçonné du vol de mitraillettes à la base sous-marine allemande. Le domicile des Yvinec est perquisitionné à Plouguerneau le 23 décembre 1943. Se sentant plus que menacé, Albert Yvinec quitte son emploi et sa famille le lendemain pour trouver refuge à Callac dans les Côtes-du-Nord. Il y reste une bonne partie du mois de janvier 1944. Après avoir rétabli les contacts avec les rescapés de son groupe, Albert Yvinec revient en Finistère et retrouve ses camarades dans une ferme isolée au Goënidou à Berrien le 25 janvier 1944.
S’y trouvent alors Marcel Boucher, Guy Raoul, André Garrec, Guillaume Alix (L'Eclaireur), Jean Coquiec, Jean-Claude Porhel.
Albert Yvinec relate les conditions de vie des maquisards :
Le groupe était donc logé dans une maison isolée, servant de dépôt de fourrages. [...] La popote était assurée à tour de rôle, par les membres du groupe, le mobilier de cette masure était réduit à son plus humble expression. Une table rustique, deux bancs et c’est tout. La cuisine se faisait dans l’âtre.
Le groupe projette néanmoins des actions, notamment contre le barrage de Saint-Herbot. Il est aussi question de l’attaque d’un dépôt d’armes à Plounéour-Ménez. Dans la nuit du 2 au 3 février 1944, une mission de reconnaissance est faite à Plounéour-Ménez. Dans la matinée du 3 février 1944, un officier allemand et son ordonnance débarquent à la ferme où les résistants se cachent. Les allemands font le tour du secteur pour demander à la population d’évacuer temporairement les lieux en raison de séances de tirs de mortiers à Roc’h Trédudon. Curieux, l’allemand insiste pour visiter la ferme, il lui en coûte la vie, abattu par Marcel Boucher. Le soldat allemand qui l’accompagne est lui abattu par Jean Coquiec. Craignant des représailles, le groupe se disperse, pour sa part, Albert Yvinec part avec Jean Coquiec vers Huelgoat. Après y avoir laissé son camarade, Albert Yvinec poursuit vers Plouyé.
La dispersion reste coordonnée dans la mesure où tous doivent attendre une liaison pour se regrouper à nouveau. Celle-ci ne viendra jamais, le chef de groupe Marcel Boucher ayant été abattu le 4 février à la sortie de Landerneau avec Guy Raoul et André Garrec. Malgré l’ordre d’attente, Albert Yvinec s’impatiente et se rend chez sa sœur Yvette Dollet à Brest pour prendre des nouvelles. Après une semaine d’attente, il parvient à renouer des contacts avec le Groupe Lambert de Landerneau. Albert Yvinec apprend également le sort funeste de ses trois camarades. Le 17 février 1944, il participe avec trois landernéens, Alix Guillaume et Jean-Claude Porhel au déboulonnage de rails entre Dirinon et Landerneau sur la voie ferrée reliant Quimper à Landerneau.
Les rescapés du Groupe Giloux partent ensuite s’établir de nouveau à Berrien mais devant l’accroissement des patrouilles et arrestations dans le secteur, ils se ravisent et établissent leur maquis plus au sud, dans les bois de Coat-Bihan à Plonévez-du-Faou. Albert Yvinec est officiellement nommé chef de groupe en mars 1944 par Yves Autret. Les effectifs se renforcent peu à peu, et les actions se poursuivent. Outre les recrutements et l’instruction militaire de ceux-ci, le groupe récupère un peu d’armement, du matériel et une traction. Les maquisards effectuent des opérations de collecte de renseignements, à Brest ou au Relecq-Kerhuon ainsi qu’à des actions, notamment dans les Côtes-du-Nord. Vers la mi-avril 1944, les maquisards décident de scinder l’effectif en deux. André Lagoguet reste sur place, adoptant le nom de maquis de l’Étoile Rouge, embryon du futur Bataillon F.T.P Georges-Le-Gall tandis qu’Albert Yvinec part du côté de Scrignac pour ratisser plus large et trouver des volontaires. C’est pour ainsi dire la naissance théorique du futur Bataillon F.T.P Giloux.
Après un temps à Scrignac, les maquisards passèrent dans la région de Callac pour le mois de mai 1944. Durant toute cette période, les contacts avec la résistance F.T.P locale et départementale furent maintenus. Des actions d’aide à la population locale furent mises en œuvre, notamment la chasse aux pilleurs de fermes afin de revigorer la sympathie de cette population rurale qui avait de plus en plus de mal à ne pas confondre voleurs et maquisards. Le 4 juin 1944, le groupe qui s’est bien renforcé et qui a de bonnes assises dans le secteur, s’installe près de la chapelle de Saint-Maudez à Plourac’h où ils apprennent deux jours plus tard le débarquement en Normandie. La nuit du 7 juin est consacrée à établir des barrages sur les routes principales et secondaires du secteur. Le 8 juin, sur invitation du maire de Bolazec, les maquisards d’Albert Yvinec éliminent deux sentinelles allemandes du dépôt d’armes de la commune. Après récupération d’armes, munitions et équipements, le local est incendié.
Ce coup d’éclat permet d’accroître la notoriété des hommes d’Yvinec et de rallier un bon nombre de patriotes à sa cause. Il est d’ailleurs nommé par les autorités départementales F.T.P aux fonctions de responsable de maquis et adjoint pour le Nord Finistère à Daniel Trellu, Responsable départemental F.T.P. Albert Yvinec poursuit le travail de sape sur les routes et réclament des armes pour grossir son effectif. Début juillet, Yvinec parvient à être mis en relation avec un officier anglais des Jedburgh qui lui promet des armes. Les F.T.P du secteur sont alertés et vont se concentrer au maquis d’Yvinec pendant huit jours en vain, il n’y aura pas de parachutage. De surcroît, le maquis est contraint de décrocher à l’approche de troupes allemandes. Les groupes venus de pour le parachutage repartent les mains vides, l’équipe d’Albert Yvinec s’établit à Scrignac dans un vieux moulin. Enfin, il effectue une mission de liaison jusqu’à Laz (50 kilomètres) le 13 juillet pour obtenir un parachutage grâce à l’équipe Giles de la mission Jedburgh.
Les parachutages du 14 juillet à Plourac’h, 19 juillet à Plounéour-Ménez, 21 juillet à Plourac’h, 25 juillet à Scrignac et 28 juillet à Gueslesquin (ou Plourac’h ?) permirent enfin d’équiper les patriotes qui affluèrent de toute part. Le Bataillon F.T.P Giloux prenant vie, Albert Yvinec fut promu Chef de Bataillon avec le grade de Capitaine. L’équipe Jedburgh Hilary s’immisça dans la formation avec la demande d’attendre avant de déclencher l’insurrection générale. Les F.T.P n’en tiennent pas compte et harcèlent les allemands qui s’aventurent hors de leurs cantonnements.
Avec 4 compagnies de combat à sa disposition, Albert Yvinec ouvre la voie aux troupes américaines dans son secteur. Le bataillon est déployé sur la route entre Guingamp et Morlaix au Ponthou où les 3 et 4 août 1944, elle engage le combat contre les troupes allemandes avant de se replier sur Guelersquin pour y percevoir un nouveau parachutage. Le Bataillon F.T.P Giloux participe aux opérations de Libération dans le secteur Plouigneau et Morlaix. L’unité assure ensuite le nettoyage du secteur pour capturer les derniers ennemis et récupérer du matériel. L’unité est engagée vers le 20 août 1944 devant la poche allemande de Plougastel-Daoulas. Albert Yvinec retourne ensuite à Morlaix avec son unité pour dissolution.
A la Libération, Albert Yvinec est désigné commandant de la place de Morlaix.
Pour sa part, il souscrit un engagement pour la durée de la guerre et participe à la reformation du 118ème R.I.M en tant que capitaine d’une compagnie. Il est déployé sur le front de Lorient. Après guerre, Albert Yvinec s’occupa de ses camarades F.T.P et milita au P.C.F. Il reprit son poste à la Pyrotechnie de Saint-Nicolas d’où il fut licencié en 1952 pour avoir fait voter une résolution demandant aux ouvriers de l’arsenal de s’opposer au travail pour la guerre d’Indochine, ainsi qu’au chargement de wagons de balles pour le Vietnam.
Pour son engagement dans la clandestinité, il reçoit la Croix de Guerre 1939-1945, avec étoile d’argent et la médaille de la Résistance française en 1946. Dans les années 50, Albert Yvinec fut conseiller municipal PCF et Adjoint au maire de Brest dans la délégation spéciale qui administre la cité en grande partie détruite par les bombardements. .
Albert Yvinec meurt en juillet 1980 à 68 ans.
L’année de son décès, une rue près de Kéranroux à Saint-Pierre-Quilbignon est dénommée en son hommage, à la demande de l’ANACR.
Notice publiée en, mise à jour
Récit d'Albert Yvinec, capitaine Callac
sur le Bataillon F.T.P Yves Giloux
Un récit écrit vers 1960. Une vingtaine de pages avec un note de Jean Nédélec, un des passeurs de mémoire de la résistance communiste finistérienne, avec des gens comme Eugène Kerbaul et Pierre Le Rose, en exergue.
"Relater l'activité d'un groupe de résistance tel que le groupe Giloux même sommairement avec objectivité, avec des dates exactes, est chose très malaisée, surtout 25 ans après la Libération. Ne pas oublier dans la mesure du possible aucun des membres de ce groupe sera une chose très difficile. Aussi je m'en excuse à l'avance s'il y a des oubliés. D'autre part, pour décrire dans le détail les actions de ce groupe de résistance, nommé groupe d'élite par l'Etat-Major National, en fin 1943 (le seul de l'Ouest) nécessiterait un livre complet et cela est pour moi impossible dans un délai aussi bref.
Je me contenterai donc aujourd'hui:
1° - de relater les différentes actions accomplies par le groupe en janvier 1944 (date de mon entrée à travers les récits)
2° - d'indiquer l'origine de ce groupe
3° - les membres résistants ayant composé ce groupe.
En juillet 1943, le groupe avait comme responsable Charles C. Les membres étaient Boucher, Guy Raoul, André Garrec, Le Kerhorre (Jean-Claude Porhel, ouvrier à l'arsenal), L'Eclaireur (Guillaume Alix né le 7 septembre 1924 à Brest, étudiant en marine marchande), é à Carantec en voulant rejoindre l'Angleterre, René (AS) - arrêté également et emprisonné à Vitré, libéré par les patriotes lors de l'attaque de la prison en avril 1944.
Bilan année 1943: Trois déraillements réussis dans La Forest-Landerneau (dont un en juillet et deux autres vers novembre), sabotage à l'Arsenal, entre autres du grand tour, trois attentats le 11 novembre 1943, dont un à la Brasserie de la Marine, un rue Pasteur, un au Gas-Haus face à Saint-Martin. Attaque du commissariat de police de Lambézellec le soir de Noël 1943 (plusieurs valises de tickets et cartes d'alimentation). A la suite d'une rafle un membre du groupe ayant été ramassé porteur d'un pistolet récupéré au commissariat de Lambézellec et par mesure de sécurité le groupe dont l'activité principale était dans les environs se réfugiait d'abord au Pont-de-Buis, puis quelques jours après rejoint Trédudon-le-Moine. Le responsable était alors Marcel Boucher".
Quand j'ai pris le contact, le groupe se trouvait dans une maison abandonnée au milieu des Monts d'Arrée à environ 2 kilomètres de Trédudon.
31 membres composant le groupe, je crois indiquer les principaux; il n'est pas possible de les citer tous, toutefois les deux femmes de liaison devraient être citées en exemple: Yvette (Angéline Dollet) et Emma.
Les hommes ne pouvaient, à partir de mars 1944, circuler dans la région de Scrignac, les occupants tirant sans sommations. Le Bataillon était composé de 4 compagnies:
1ère compagnie - Compagnie Le Fur, premier responsable, fusillé par les Allemands"
"2ème Compagnie - Compagnie Aunis - en la mémoire de l'instituteur Georges Aunis blessé mortellement lors d'une patrouille."
"3ème Compagnie - Compagnie Pierre Gac, en la mémoire du jeune instituteur tombé au combat le 10 juin 1944.
" 4ème Compagnie - Compagnie François Lever, en la mémoire du jeune postier morlaisien tué par l'ennemi en juillet 1944"
Février 1944:
" 3 février, après une mission de nuit, reconnaissance d'un dépôt d'armes au bourg de Plounéour-Menez (20 km environ à pied). Arrivés au matin à 10h30. Groupe composé de Marcel Boucher, Guy Raoul, André Garrec, L'Eclaireur, Le Kerhorre, Petit Jean (Coguiec) et Callac avec un armement d'une mitraillette allemande, d'un Mauser, de deux 7,65, et d'un pistolet de 6,35. Le groupe était logé dans un maison isolée, servant de dépôt de fourrages, au lieu dit "Gonidou". La popotte était assurée à tour de rôle par les membres du groupe. Le mobilier de cette masure était réduit à sa plus simple expression: une table rustique, deux bancs, et c'est tout. La cuisine se faisait dans l'âtre". L'aîné du groupe a 51 ans, le plus jeune 18 ans. Il y a 4 jeunes de l'Arsenal (Marcel Boucher, André Garrec, Petit-Jean Coguiec, Jean-Claude Porhel dit Le Kerhorre), 1 second-maître de la Marine en congé d'armistice (Guy Raoul), 1 étudiant en marine marchande (L'Eclaireur, Guillaume Alix), 1 ouvrier de la Pyro, artificier (Callac, Albert Yvinec, marié, deux enfants). L'objectif du groupe a ce moment là était le sabotage de l'usine de Saint-Herbot par dynamitage de la réserve d'eau de Brennilis.
"Il nous fallait renforcer notre armement en attaquant par exemple le dépôt d'armes allemand de Plounéour Menez, continuer l'action des déraillements de la ligne Morlaix-Brest et celle de Quimper-Brest. L'explosif devait être récupéré au Pont-de-Buis. L'opération devait avoir lieu fin Janvier. Le 2 février 1944, c'était la reconnaissance avec Marcel (Boucher), Guy (Raoul), André (Garrec), l'Eclaireur et Callac (Albert Yvinec), 20 kilomètres à pied dans la nuit. Le 3 février, vers 10h30, Petit Jean, alité à Trédudon avec une forte fièvre, vint toutefois prévenir le groupe de l'arrivée d'une patrouille allemande composée d'un officier et de son ordonnance. Cette patrouille avait pour mission d'aviser la population que des manœuvres de tir aux mortiers auraient lieu le lendemain, qu'il fallait donc évacuer la population et le bétail. Quelques jours après l'arrivée de notre camarade, la patrouille allemande était là. L'officier, sans descendre de cheval, indique aux camarades l'ordre d'évacuer pour le lendemain. La patrouille s'étant engagée dans un chemin sans issue se trouve dans l'obligation de repasser devant la masure où nous étions. Cette fois l'alerte était sérieuse. Ces messieurs descendent de leurs montures et l'officier entre dans la maison où seuls étaient restés pour les recevoir Marcel et Petit-Jean. André Garrec, Guy Raoul, L'Eclaireur et Callac étaient montés dans le grenier, tenant lieu de chambre à coucher, attendant de pied ferme l'arrivée de l'indésirable.
Dans la maison, l'officier s'aperçoit je pense de l'absence totale de mobilier, il est sans doute intrigué et pose quelques questions aux camarades de la réception.
- Vous n'avez pas de femmes ici?
- Non
- Vous avez papiers
- Oui
- Combien vous ici?
- 2
- Pas de pistole?
- Non
- Je peux voir en haut?
- Oui
Il se dirige donc vers l'échelle utilisée pour accéder au grenier. A peine le pied posé sur le deuxième barreau, il est foudroyé par une balle tirée par Marcel (Boucher) et une autre par la mitraillette de Raoul. L'ordonnance, plus méfiant que son supérieur, n'osait pas s'avancer dans la maison malgré l'invitation on ne peut plus amicale...! de Petit Jean. Après avoir entendu les détonations, il filait sans demander son reste. L'alerte était chaude, si cet homme n'était pas éliminé, la population patriote du secteur aurait très certainement eu à souffrir de l'occupant. Heureusement, Petit Jean* ne rata pas sa cible, on trouva le "Feldgrau" agonisant à environ 300 mètres de la maison. Les deux allemands éliminés, restaient leurs montures. Personne n'était volontaire pour les tuer. Il fallait tirer au sort pour savoir qui devait éliminer les bêtes innocentes, le sort tomba sur André Garrec et Callac".
Il était impensable hélas de laisser ces bêtes courir la campagne (encore moins de les héberger). C'était courir un risque de représailles en cas de découverte de ces chevaux. Les corps des quatre victimes furent enterrés par la population de Trédudon et, malgré de très nombreuses recherches des occupants, ils ne trouvèrent aucune trace des disparus. A la suite de cette affaire, le programme de travail initial du groupe allait être fortement modifié:
1°) Il fallait illico faire disparaître toute trace suspecte de notre passage au Gonidou
2°) Revoir le plan de travail
3°) Se disperser et rejoindre nos planques respectives, attendre l'ordre et le lieu de rassemblement qui devaient être donnés par le chef de groupe.
Voir aussi:
1920-2020: Cent ans d'engagements communistes en Finistère: 74/ André Garrec (1922-1944)
POUR SE FAIRE:
1°) Le Groupe Marcel Boucher, Guy Raoul, André Garrec firent le nécessaire pour alerter la population et prendre les dispositions pour le camouflage des hommes et des chevaux. Ils devaient se rendre à Pleyber-Christ, prendre le train et rejoindre leur lieu de rempli à Guipavas en vue de préparer et organiser les déraillements. Petit Jean se repliait au Huelgoat avec Callac qui lui se rendait ensuite à Plouyé puis le lendemain dans la planque de Callac. L'Eclaireur allait chez des parents à Morlaix. Nous devions attendre dans nos planques respectives la liaison. Hélas! ... cette liaison ne vint jamais et pour cause.. Le 4 février 1944, les trois camarades Boucher, Raoul et Garrec furent interceptés à la sortie de Landerneau par une patrouille de gendarmes allemands qui leur demandèrent d'ouvrir leur valise. Dans cette valise se trouvaient la mitraillette et les papiers des hommes disparus au Gonidou. Nos camarades se battirent et réussirent à avoir le dessus sur les trois Feldgendarmes quand, hélas!, par malheur, une autre patrouille ennemie arrivait en renfort, et malgré leur bravoure et leur courage, nos trois camarades succombèrent. Malgré de très nombreuses recherches, leurs corps ne furent jamais retrouvés.
La liaison ne se faisant pas, Callac, malgré les ordres, descend à Brest chez la femme de liaison Yvette, épouse Dollet, soeur de Yvinec (Callac). Il y attend une semaine avant le rétablissement de la liaison et là, il apprend la disparition de ses trois camarades. Il apprend également que l'activité du groupe continue avec les rescapés. Première opération: un déraillement de train de ravitaillement des forces occupantes entre Dirinon et Landerneau. Le 17 février 1944, par une nuit glaciale, cette opération réussit avec le concours de résistants de Landerneau (3 hommes), plus trois du groupe Giloux: Le Kerhorre, L'Eclaireur, et Callac.
André Garrec, tôlier de l'arsenal de Brest, militant communiste, résistant membre du Bataillon Yves Giloux, membre des FTP depuis ses 20 ans en 1942, tué au combat en février 1944 près de la forêt-Landerneau avec Marcel Boucher et Guy Raoul, jeune militant communiste et cégétiste de Saint-Marc, près de Brest, entré aux FTP en 1942
Marcel Boucher - Né le 3 novembre 1920 à Lesneven. Tué le 4 février 1944 - Mécanicien. Il habitait à Recouvrance quand il fut tué. Il avait adhéré à la JC et au PCF en mai 1941 à Brest et participé dès lors à la propagande résistante des communistes. Il passe aux F.T.P à leur création dans la région au printemps 1942. Il en est alors un des plus jeunes combattants brestois. Quand son chef, Yves Giloux, est arrêté, il prend sa suite et réorganise le groupement un moment disloqué par la répression et reprend la lutte. (note de Eugène Kerbaul)
"Quand on arrive à écrire quelque chose sur l'histoire de la Résistance, il n'est pas possible d'oublier la population patriote, les obscurs sans lesquels la Résistance n'aurait pas été possible, les maquis n'auraient pu tenir. Pour ma part, je dois un remerciement à tous ceux qui ont aidé et réconforté les Résistants, en particulier ceux qui ont permis à ce petit groupe, petit par le nombre, de devenir une puissante unité de combat contre l'envahisseur.
En premier lieu, bien sûr, la population de Trédudon, avec Plassart, Catherine, Caroff, Guyomarch, tous sans exception ont œuvré sans relâche, sans calcul, pour la réussite de la Résistance. Aux familles de Plonévez-du-Faou: Floch et Tromeur, qui ont hebergé les membres de notre groupe, à la Direction de l'Ecole Technique de Brest repliée à cette époque à Plonévez, puis au meunier du Moulin des Prés, au Maire de Bolazec, à M. Lucas de Plourac'h ainsi qu'aux boulangers, bouchers, qui ont su si bien nous protéger, nous ravitailler et renseigner, aux familles Le Borgne de Callac et Nedellec de Plouyé qui m'ont reçu fraternellement dans les pires moments.
Aux populations patriotes de Scrignac, Bolazec, Plourach, Guerlesquin, il est difficile de citer des noms car on risque d'en oublier. Pour ceux que j'aurais omis, je leur demande de bien vouloir m'en excuser.
Je ne peux toutefois oublier le dévouement de cette jeune fille de Bolazec qui vint nous prévenir des intentions des occupants qui nous encerclaient et cette grand-mère de Kerhuon qui au lendemain du déraillement du 17 février voulut bien m'héberger et me restaurer, et ces camarades de la Pyro, l'un me donnant des grenades, l'autre m'hébergeant pour la nuit bien que me sachant recherché par la Gestapo.
A tous ceux et celles qui nous ont aidés.
AU NOM DE LA RÉSISTANCE, AU NOM DES RESCAPÉS DU GROUPE GILOUX.
ENCORE MERCI
Signé: CALLAC "
" Après l'attentat contre la police spéciale la voiture fut prise par les gendarmes de Callac (cette voiture avait été récupérée chez le boulanger de Kénéguen en Scrignac par le boucher de Brennilis, Callac, et un Morlaisien).
Le groupe F.T.P de Callac fut mis au courant par un agent de liaison. Le lendemain de l'agression, le chef de groupe et un camarade vinrent voir Marcel (Boucher), Le Kerhorre, et Callac (Albert Yvinec). Il fut décidé que la voiture lors de sa récupération éventuelle par la police serait mise hors d'état de servir. Le groupe de Callac promis de faire le nécessaire, ainsi que de mettre tout notre matériel restant au garage à l'abri, ce qui fut fait. Ainsi quand deux jours après le coup dur, l'autre voiture fut ramenée au garage de Callac, prise en remorque par une autre voiture de la police que les gendarmes garèrent à côté du garage se trouvant en face de la gare, les copains la poussèrent sur la route et l'incendièrent. Aussi les flics firent une drôle de bobine le lendemain quand ils furent en présence d'un amas de ferraille, restant de la belle traction des terroristes.
Pendant son inaction forcée le copain Callac fait la connaissance d'un des rescapés du 1er groupe F.T.P de la région, le camarade Auguste Duguay qui, depuis l'arrestation de presque tout son groupe se trouvait sans liaisons depuis le mois de septembre. Il reprit du service au groupe Giloux quelques jours après, c'est à dire quand un copain vint chercher Callac, Auguste Duguay le suivit au maquis qui se trouvait à Plonévez-du-Faou. Quand ils arrivèrent là-bas le groupe s'était encore renforcé de deux Landernéens: Dédé Lazaguet et Michel qui étaient eux aussi des rescapés du groupe d'Auguste Duguay. Pierre Guéguen de Scrignac devait venir comme chef de groupe à la Compagnie de Plonévez-du-Faou, mais par la suite il restait avec le groupe Giloux.
Auguste Duguay, résistant communiste fusillé par les allemands après avoir été atrocement torturé en mai 1944 à Saint-Brieuc - Auguste Duguay , membre costarmaricain du PCF, arrêté à Callac et dirigé vers le camp de Châteaubriant en 1941, relâché le 6 juin 1942 et versé au F.T.P, il combattra dans les rangs de la Cie de Morlaix du Bataillon Yves Giloux. Tombé aux mains de l'ennemi au cours d'un engagement, les soldats allemands l’emmèneront à Saint-Brieuc et le fusilleront en mai 1944 Pour en savoir plus, l'article du maitron: https://maitron.fr/spip.php?article146872
" Devant cet afflux de renfort, il fut décidé que le groupe Giloux irait planter sa tente ailleurs et le restant formerait un autre maquis sous le commandement de Dédé. Il devint alors groupe Etoile Rouge, puis Cdt F.T.P Corse pour former ensuite le bataillon G. Le Gall. Et le groupe partit en direction de Scrignac dans une autre voiture récupérée par Le Kerhorre et Pierre Guéguen. A Scrignac, encore, deux jours après la récupération de cette voiture, Le Kerhorre et Pierre Guéguen furent accompagnés sur la ligne Carhaix-Morlaix par deux copains qui restèrent sur les lieux observer les résultats d'un gros travail qui fut magnifique. Le train spécial dont le passage leur avait été signalé par le chef de gare de Scrignac fut littéralement pulvérisé. Ce train transportait des boches (sic) et du matériel boche également. Plus de 60 boches (sic) furent tués dans cet accident (sic) et le trafic fut interrompu huit jours. Le résultat était magnifique mais les copains faillirent y laisser leur vie. Les boches les ayant repérés les prirent pour ce qu'ils étaient, c'est à dire des terroristes. Sur le refus des copains de venir les rejoindre, les boches ouvrirent le feu sur nos deux F.T.P. Grâce à leur connaissance parfaite du terrain, nos copains purent s'en réchapper.
Quelques jours avant le départ du groupe Giloux de Plonévez une perte cruelle: notre camarade Auguste Duguay fut pris dans une rafle monstre qui eut lieu dans la ville de Callac. 300 boches et miliciens cernèrent la ville et notre infortuné camarade fut pris dans cette rafle à la suite de laquelle plus de 50 Callacois furent fusillés ou déportés. Notre copain fut fusillé le 12 mai à Saint-Brieuc. Il était principalement recherché par l'adjudant Prigent de la brigade qui s'était juré de l'avoir à la suite de cette rafle. L'adjudant Prigent et son chef le lieutenant Flambard de Guingamp furent mutés dans un secteur où leurs méfaits étaient moins connus. Ils furent tous deux récompensés par leurs patrons boches en obtenant de l'avancement".
Présisions du Maitron à l'article Pierre Dugay: https://maitron.fr/spip.php?article146872 (Alain Prigent - Serge Tilly):
Callac-de-Bretagne fut une des localités du département des Côtes-du-Nord où la résistance fut la plus précoce. Beaucoup de jeunes choisirent de se cacher dans les fermes du secteur pour échapper au STO, certains rejoignant dès l’été 1943 les premières structures organisées de la Résistance. Le 18 mars 1944 une voiture de la Sûreté avec quatre inspecteurs fut mitraillée par des résistants. Le 22 mars Joseph Guillerm fut libéré alors qu’il était transféré par des gendarmes. Enfin dans la nuit du 25 au 26 mars la gendarmerie de Callac-de-Bretagne fut attaquée. Dans un rapport daté du 1er avril 1944, les autorités indiquèrent que « l’activité terroriste a repris avec un peu plus de vigueur et semble désormais être le fait de bandes parfaitement organisées et puissamment armées et décidées à mettre en coupe réglée le sud-ouest du département. Une opération de grande envergure est donc nécessaire avec au minimum 500 hommes ».
Les autorités d’occupation décidèrent de mettre un terme à cette situation. Une rafle fut organisée le 9 avril 1944 à Callac-de-Bretagne par le capitaine Maschke, chef des services de l’Abwehr à Saint-Brieuc, et par Rudolph Kiekaffer du SD. Ils dirigèrent les 800 soldats qui furent impliqués dans les opérations avec la participation de la gendarmerie française, de la Milice et de groupes autonomistes bretons. La population fut rassemblée aux halles de Callac-de-Bretagne. 120 personnes en situation irrégulière furent transférées à Saint-Brieuc. Une cinquantaine d’entre elles furent maintenues en détention à la maison d’arrêt, par contre une dizaine furent déportées. Ce fut l’opération de répression contre la population et contre la Résistance la plus importante réalisée dans le département par les troupes d’occupation.
Membre du PCF clandestin, Auguste Dugay fut identifié avec trois autres FTP comme ayant une responsabilité dans les attaques du mois de mars. Après avoir été sauvagement torturé, avec onze autres FTP tous originaires de l’ouest du département, le 5 mai 1944 il fut condamné à la peine de mort par la cour martiale du tribunal de la Feldkommandantur 665 à Saint-Brieuc « comme franc-tireur ».
Durant la nuit qui précéda leur exécution, les douze FTP, incarcérés à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc, chantèrent « La Marseillaise » et « L’Internationale » et d’autres chants repris par d’autres patriotes également détenus. Durant leur transfert sur le lieu d’exécution des témoins les entendirent chanter à nouveau. Les autorités allemandes exécutèrent Auguste Dugay avec ses onze camarades : Marcel Bitaille, Eugène Cazoulat, Maurice Lagade, Arsène Le Bozec, Charles Le Gallou, Roger Madigou, Pierre Menguy, Jean Pleiber, François Prigent, Roger Quintric, le 6 mai 1944 au camp de manœuvre des Croix en Ploufragan, par groupes de quatre entre 7 h 10 et 7 h 31. Dans l’après-midi vers 17 heures, sept FTP arrêtés à Plouaret furent fusillés au même endroit. Les dix-neuf corps furent enterrés sur place sans cercueil. Le décès d’Auguste Dugay fut constaté par un médecin allemand à 7 h 31, il avait vingt-deux ans.
Suite du récit de Callac - Albert Yvinec:
"Le groupe Giloux prit la route pour Scrignac: l'Eclaireur, Jo, Callac, et Pierre - Le Kerhorre devant venir nous rejoindre par la suite. Nous arrivâmes sans encombre à Scrignac près de chez Pierre. Je tiens à souligner ici la gentillesse et le dévouement de ses parents qui nous préparaient à manger, nous renseignaient sur tout ce qui se passait dans la région. La tente fut montée dans un taillis et le travail commença. La première des choses fût de nous procurer des vélos pour nos déplacements. A cet effet, nous nous dirigeâmes un jour vers la localité de Plourac'h. Nous devions dans ce pays trouver les vélos de collabos, mais heureusement, nous eûmes un entretien avec l'ancien maire, M. Lucas, destitué par Vichy. Il nous apprit que dans sa commune il n'y avait ni collabos, ni trafiquants de marché noir, et nous le félicitions. Néanmoins, pour ne pas faire un tour inutile, nous saisîmes les tickets d'alimentation du mois de mai. Nous fûmes reçus avec chaleur par cette population patriote entre toutes, c'était la première fois qu'on se promenait en armes et en groupe dans la journée.
Voulant à tout prix des bicyclettes de collabos pour notre travail, le groupe volontaire de Carnoët nous renseigna. Nous récupérâmes 5 vélos, un pistolet 7,65 chez le coiffeur membre F.N.B du secteur. Deux avant ce travail à Carnoët, une promenade nocturne commencée à 22h et terminée à 8h le lendemain avait eu pour but de récupérer des armes, d'avertir plusieurs personnes d'avoir à cesser leurs trafics avec l'occupant, et de récupérer si possible quelques bicyclettes. Ne connaissant pas très bien le coin à parcourir nous demandons l'assistance d'un gars du patelin, de la commune de Poullaouën je crois. Il nous guidait jusqu'à Plounévézel, nous faisant éviter la gare et le bourg où étaient cantonnés environ 300 boches de la division anti-parachutistes et anti-terroristes. Le travail fini on se décidait pour le retour, nous commencions à être fatigués. Il était environ 3h du matin et nous marchions depuis la veille 22 heures. Le guide conseillé pour le chemin nous dit qu'il y avait une grande maison mais il ne savait pas si elle était occupée ou non par les boches. Après nous être concertés nous décidâmes de suivre ce chemin en file indienne. Après avoir marché sur une distance de 50 m et à environ 50 m de la maison, nous entendîmes un "Halte" énergique suivi aussitôt de coups de fusils. Nous étions dans une sale posture: impossible de dévier à droite ou à gauche, les talus faisant au moins 3 mètres de haut. En quittant le milieu de la route pour chercher l'abri des talus on se repliait derrière un talus qui se trouvait être à l'entrée d'un chemin creux.
L'Eclaireur (Guillaume Alix) qui marchait en tête et tenait la mitraillette, entendant les balles siffler malgré qu'il ne voyait pas la sentinelle ennemie riposta et les quelques rafales que lâchaient la Sten calmèrent le boche et nous permirent de nous replier. Nous nous regroupâmes à environ 100 m du lieu de l'incident et prîmes la route du retour. Fuite du guide qui n'avait pas attendu et connaissant le pays ne risquait pas de se perdre. Mais ces coups de feu avaient alerté tout Plounévezel, ce fut un vacarme d'environ 1 heure, ça tirait dans toutes les directions. Nous nous éloignâmes en silence car on craignait les fusées éclairantes. On croyait marcher dans la bonne direction quand au lever du jour on s'aperçut qu'on allait droit au bourg de Plounévézel, c'est à dire dans la gueule du loup. Néanmoins, avec le jour naissant, on arrivait à s'orienter et à 8h du matin, nous arrivâmes tout fourbus au maquis...
L'Eclaireur qui était en sabots en perdit un dans la nuit et pour pouvoir continuer lâchait le deuxième en route, ce qui fait qu'il arrivait en chaussons - avec la rosée qu'il y avait il était propre. A notre arrivée au maquis il y avait un copain qui venait en renfort, c'était Loulou, un Landernéen. Réfractaire à la déportation en Allemagne pour les travaux forcés il s'était embauché comme garde-voie, mais là non plus son travail ne fut pas brillant pour les nazis, car tout en gardant les voies il trouvait le moyen les nuits où il n'était pas de surveillance d'aller avec le groupe de Dédé de Landerneau déboulonner la voie avant le passage des trains nazis. A la suite d'arrestations à Landerneau, il filait dans une ferme et c'est le copain Michel qui alla le chercher et nous l'amener.
Nous étions bien ravitaillés et bien renseignés dans le secteur, mais on ne pouvait être tranquilles car presque tous les jours à la tombée de la nuit les boches venaient à la chasse aux sangliers, et un jour ou l'autre nous risquions d'être découverts. Ainsi, le soir, qui était en somme le moment où nous pouvions travailler, on était bloqués dans notre coin, car les chasseurs nazis tenaient les carrefours. Voyant cette situation nous décidâmes de changer de secteur, de pousser un peu vers les Côtes-du-Nord, du côté de Callac. On se mit d'accord avec les gars du secteur et on décidait un jeudi soir de lever l'ancre. Pour 20h tout fut préparé, la tente pliée, les bagages et armes chargés dans l'auto. Tout était prêt, nous attendions la tombée de la nuit. Quand, fatalité, un groupe d'allemands vint encore à la chasse soi-disant aux sangliers. Ce qui nous inquiétait, c'était que leur nombre augmentait chaque fois. Ce soir là, ils étaient six qui étaient à l'affût sur la route qu'on devait suivre et quatre en haut du taillis. Nous attendîmes que ces messieurs finissent leur embuscade et après leur départ à 23h, nous sortîmes la traction avant de son abri, en la poussant pour la faire démarrer, mais la voiture ne voulait pas démarrer. Enfin, après une heure d'efforts, nous réussîmes à la faire partir. Il faisait nuit noire, on ne voulait pas allumer les phares. Le plus dur fut le passage du bois du Fréau, on n'y voyait goutte. Enfin, grâce à la prudence et à la connaissance de la route par Pierre le conducteur, nous réussîmes à sortir du bois. Seulement, on risquait fort de ne trouver personne au rendez-vous qu'on s'était fixé avec un gars de Callac, aux environs de Plourarc'h.
Pour comble de malheur, notre voiture nous laissait en panne à 4 kms environ de la sortie du bois de Fréau, une roue à plat et le moteur refusant tout service. Heureusement qu'on se trouvait dans un lieu très hospitalier, au moulin des Prés, dont le patron, Monsieur Etienne Fer et son fils Edouard nous furent par la suite des auxiliaires très précieux. Nous allâmes donc voir M. Fer qui nous aida à réparer notre roue et essaya avec nous de mettre notre voiture en route, mais nos efforts furent vains et à 5 heures du matin la voiture fut garée dans un champ. Nous prîmes un peu de repos et à 9h un copain partit avertir un mécanicien de nos amis. Pour midi, la voiture était réparée et on se mit en route pour Callac.
Le mécanicien Sergent fut arrêté à son retour après le dépannage de notre auto. Il fut victime ainsi que le chef de la Cie Tunisie, Coant Armel, son cousin Coant François et un autre F.T.P du nom de Simon de la milice du sinistre Perrot dont le chef d'expédition était le trop célèbre Corre Jean de Hanvec, qu'on s'est empressé de grâcier après sa condamnation à mort. C'est Simon qui tomba dans le piège tendu par Corre en se rendant à Carhaix pour prendre possession d'armes que Corre le milicien lui avait promis, il tomba dans une sourricière. Avec lui fut arrêté le responsable du R.R André de son vrai nom Baptiste Cessou. Ce copain est mort en Allemagne, des quatre autres, seul Sergent put revenir, s'évadant du train lors de son transfert de Rennes vers l'Allemagne. Les deux Coant et Simon furent fusillés à Rennes le 8 juin 1944. La tenue de Coant Armel, chef de la compagnie Tunisie, fut admirable, montant au peloton d'execution en chantant La Marseillaise."
"En arrivant à Callac, nous nous mîmes en relation avec le chef du détachement qui nous indiqua un endroit pour garer notre voiture et une ferme pour passer la nuit. Le lendemain, samedi, nous retournions à pied à notre ancienne planque pour prendre nos bicyclettes qui étaient restées là-bas. Nous quittâmes les parents de Pierre vers minuit. Le lendemain, les boches étaient à notre recherche. Ils allèrent directement à l'ancien maquis mais, trop tard: nous n'étions plus là. Il était temps. Les parents de notre camarade furent interrogés, son père fut malmené mais rien n'y fit, ils n'obtinrent pas le moindre renseignement sur le lieu où se trouvait notre maquis. Les camarades Coant Armel Coant François, Sergent et Simon étaient avec les boches quand ils sont venus cerner notre maquis. Ils avaient obligé Simon à revêtir une tenue d'officier nazi et l'obligeaient à marcher devant pour leur indiquer la route.
Le dimanche, nous fîmes notre installation en montant la tente près d'une source. Deux jours après, je partis pour le Centre-Finistère et ceci pour rencontrer le C.E, le C.O et le C.T du département. J'y restais deux jours et là on m'apprit la dislocation du groupe - heureusement qu'il y eut contre-ordre par la suite. Ce n'est que plus tard que Le Kerhorre et Jo nous quittèrent.
Notre activité dans le maquis fut d'aider à poursuivre et arrêter des bandes organisées de pilleurs de ferme. Les copains des Côtes-du-Nord furent plus heureux que nous et capturèrent deux de ces bandes. Ce fut un travail très intéressant pour nous les maquisards, car la population commençait à nous regarder de travers, elle nous confondait avec ces brigands. Ce n'est que lorsque ces pillards furent mis hors d'état de nuire que les campagnards respirèrent et nous regardèrent avec sympathie.
Ce qui était délicat, il fallait avertir les cultivateurs qui avaient été réquisitionnés pour le transfert à s'éloigner, sans donner l'alerte aux boches. Ceci fait, les deux groupes se mirent en marche. Le premier groupe conduit par Pierre s'avançant à gauche arriva quelques secondes avant le deuxième, qui progressait vers la droite, conduit par Callac. La mitraillette du Kerhorre se mit en action contre les Allemands qui s'étaient retranchés dans une grange. Les boches s'enfuirent en abandonnant leurs armes. Callac en sautant un talus se trouva devant un gradé, responsable du dépôt. Il avait été surpris: il faisait sa sieste. Callac le mit en joue avec son fusil Mauser (vieux fusil de l'autre guerre). Le coup partit, atteignant le boche à la tête mais il n'était que blessé. Callac voulut ouvrir la culasse de son fusil pour l'achever, mais la culasse restait bloquée et il lui fut impossible de tirer un deuxième coup. Il avait une grenade mais en la lançant il pouvait blesser le groupe de gauche. Voyant cela, Jo, du premier groupe, armé de son pistolet, logea une balle dans la tête du boche blessé... Pierre Gac se trouva devant un autre allemand qui se dérobait, mais malheureusement après avoir tiré une balle son pistolet s'enrayait et le boche put foutre le camp. Néanmoins le résultat de l'attaque fut un succès: 2 boches tués, 5 fusils et une mitraillette de récupérés, avec une quantité énorme de cartouches, grenades, et chacun un équipement complet comprenant: havresac, cartouchières, ceinturons, bottes et souliers.
Après notre départ, le feu fut mis au dépôt. Ce n'était quand même pas la réalisation de nos désirs, ceux-ci étant de faire venir les charrettes des paysans chargées de matériel aux alentours de notre maquis. La fuite des allemands ne nous permit pas de faire cela, car ces allemands échappés allaient donner l'éveil et il n'était pas possible de faire un convoi de charrettes du dépôt à notre maquis, nous aurions sûrement été interceptés en route. L'attaque de ce dépôt en plein jour fut d'un effet moral formidable dans tout le secteur. Cet exploit fut connu à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde. La jeunesse patriotique s'enflamma, voulut gagner les maquis et c'est là que s'est fait sentir l’œuvre néfaste du B.C.R.A. Si au débarquement nous avions eu les armes que nous avons reçu un mois plus tard, certainement peu de boches auraient quitté le Finistère. Nous n'étions pas armés suffisamment pour nous attaquer aux convois allemands. Nous nous contentâmes de retarder la marche des troupes ennemies vers la Normandie en barrant les routes avec des arbres, mais si nous avions eu des armes à ce moment-là où des convois ennemis suivaient nuit et jour les routes montant vers la Normandie, cela aurait fait une belle hécatombe d'autos et de frisés.
Après l'opération, il fallait attendre l'heure autorisée pour la circulation et la rentrée dans la ville de Landerneau. Les six hommes du groupe passèrent une longue nuit sous la neige, chacun devant rejoindre sa planque individuelle et personnelle. Les hommes du groupe Giloux devaient rejoindre Trédudon le lendemain...
L'Eclaireur et Le Kerhorre arrivaient dans la journée du 16 à Trédudon par le car Brest-Huelgoat. Callac ayant pris le train à Kerhuon pour Pleyber-Christ devait essayer de les rejoindre dans la nuit, mais une tempête de neige l'empêcha de traverser la montagne, surtout la nuit. Il passa cette nuit à Plounéour-Menez et à pied dans la neige arriva à Trédudon vers 10 heures, distance parcourue: 15 kilomètres. Arrivé en pleine alerte - on attendait les policiers allemands qui devaient venir fouiller le village suite à l'arrestation de Jean-Marie Plassart qui est mort en déportation
2020 - célébration de la journée de la Résistance par le Parti communiste à Tredudon-le-moine. La fille de Pierre Plassart et la nièce de Jean-Marie Plassart nous montre la photo de Jean-Marie Plassart, résistant communiste de Tredudon, arrêté par la police française, emprisonné à Quimper, mort en déportation à 23 ans à Mathausen (Photo Daniel Laporte)
"Dans l'impossibilité de rester à Trédudon, Callac accompagné de l'agent de liaison Emma se rendit à Plouyé, distante de 10 kilomètres. Après cette alerte, le groupe put se réunir cinq jours après à Plonévez-du-Faou pour y former un nouveau maquis. Le groupe se renforça par l'arrivée de deux morlaisiens dont un, François Lever, avait été emprisonné en Espagne en voulant rejoindre les Forces Françaises Libres. François Lever fut tué par les Feldgendarmes en juillet 1944 à Châteauneuf-du-Faou. Puis ce fut le recrutement d'un jeune quimpérois, Jos, réfractaire du S.T.O, et encore Marcel, réfugié de l'Auvergne, deux autres résistants de Brennilis. Le Boucher et Fi, et enfin l'arrivée du groupe de Landerneau qui forma par la suite le "Bataillon Georges Le Gall" qui se distingua particulièrement au Pont-Triffen en Landeleau contre la colonne Ramke. Nous récupérâmes le camarade Auguste Duguay, seul rescapé du groupe Ernest Le Borgne. L'activité de ce groupe durant son passage à Plonévez-du-Faou - Février et Mars 1944 - fut surtout basée sur le recrutement, l'instruction militaire et quelques opérations de récupération d'armes et de matériel dont une traction. Cette traction nous permit entre autres de récupérer des armes et aussi d'attaquer loin de notre base les troupes occupantes et les policiers de Vichy (entre Callac et Guingamp). De nombreuses missions de renseignements furent également entreprises, soit à la gare de Brest, soit aux environs de la Pyro, suivies par des déraillements et récupération de grenades à Kerhuon. Au cours d'une mission de reconnaissance, le groupe perdit Auguste Duguay, arrêté à Callac lors d'une rafle monstre. Il fut fusillé en mai 1944 à Saint-Brieuc.
Devant l'importance de notre effectif, et pour la sécurité, il fut décidé de former deux groupes: le groupe Giloux, comprenant Callac comme responsable, l'Eclaireur, Jos, et Pierre de Scrignac, et l'autre groupe formé de trois landernéens, de deux de Brennilis et le morlaisien restant dans la région de Plonévez-du-Faou. Pendant notre séjour dans le secteur de Plonévez-du-Faou nous avons été constamment aidés, renseignés par la population.
Les agents de renseignements étaient lâchés en civil dans les campagnes et rejoignaient leur centre soit en fin de semaine, soit quand les renseignements étaient importants. Fin juin, alors que notre maquis était fort d'une cinquantaine d'hommes venus de Spézet, Landeleau, Le Cloître-Pleyben, sur ordre de la Direction Départementale qui se trouvait également dans notre maquis, tout ce monde était venu prendre contact avec une mission anglaise en vue d'améliorer notre armement. Cette mission anglaise devait être présente à notre maquis le dimanche. Le dimanche matin, le responsable du maquis, en l'occurrence Callac, fut alerté par une sentinelle qui gardait le camp. Cette sentinelle avait repéré sur la route de Bolazec une dizaine de camions allemands arrêtés par les arbres barrant la route. De cette route on ne pouvait pas voir notre maquis, camouflé par un rideau d'arbres. Par contre, si les hommes sortaient aux alentours de la maison, ils pouvaient être repérés de la route. Derrière la maison il n'y avait aucune protection possible: ni talus, ni bosquet, seulement un terrain dénudé.
Il ne fallait donc pas réveiller et alarmer les maquisards mais renforcer le service de surveillance. Après une heure d'attente environ, les camions s'étaient déplacés vers Bolazec. Nous les avions perdus de vue, mais nous avions été alertés sur leurs intentions. Une jeune fille d'un village voisin, bravant le danger, vint nous prévenir que les Allemands essayaient de trouver une route en direction de Callac. C'était donc l'objectif des Allemands, encercler la colline: leurs intentions étaient dévoilées. Il s'agissait de les gagner de vitesse et de sortir de la souricière avant la fermeture. L'alerte donnée dans le plus grand calme, en quatre groupes les maquisards gagnèrent la colline et le large. L'alerte avait été chaude mais heureusement pas de casse. S'ils avaient réussi, quel beau coup de filet pour l'occupant, la tête du mouvement F.T.P.F décapitée dans le Finistère, et tout cela par la légèreté de la conduite du commandant de la mission anglaise. La femme de liaison du commandant anglais vint nous prévenir trois jours plus tard que ce commandant avait oublié son rendez-vous! Après cette alerte, les groupes de Spézet, Landeleau, Le Cloître, retournèrent vers leurs maquis d'origine. Ils étaient venus se ravitailler en armes. Le groupe Giloux, quittant momentanément ce refuge, se replia à Scrignac dans un vieux moulin, renforcé par Marcel Calonnec, Jean-François Maurice et Maurice Dollet.
Maurice Dollet et sa femme Yvette de son nom de résistance, ou Angéline Dollet, la soeur de Callac - Albert Yvinec - résistants du premier jour, ont hebergé des responsables nationaux et départementaux du PCF, des F.T.P, à toute heure du jour et de la nuit. Yvette était en même temps la rrsponsable départementale du Secours Populaire Français.
Maurice Dollet, né à Beuvry dans le Pas-de-Calais, militant communiste depuis 1937, secrétaire de la cellule PCF du 20e arrondissement de Paris jusqu'en 1939, résistant dans le Finistère où il rejoint sa femme en 1940, membre du bataillon FTP Yves Giloux. Il est versé dans le maquis FTP de Plouigneau puis muté au parti à Brest, il devient membre du triangle de direction de l'organisation communiste clandestine (photo de la collection familiale de Claudie Quillec, sa fille et celle d'Angéline Dollet)
Maurice et Angéline Dollet - Yvette dans la résistance - la soeur d'Albert Yvinec, capitaine Callac dans la Résistance, dans l'après-guerre ((photo de la collection familiale de Claudie Quillec, une des deux filles d'Angéline Dollet et Maurice Dollet, militants et résistants communistes)
Maurice Dollet du Bataillon Yves Giloux avec sa fille devant sa barraque à Brest (collection familiale Claudie Quillec)
"Par ses nombreuses actions, le groupe Giloux voyait son effectif gonfler, à tel point qu'il fut décidé de former un deuxième groupe. Cependant les troupes occupantes faisaient preuve de plus d'activité anti-terroriste avec notamment des agents de la milice. Ceux qui parlaient breton étaient lancés dans les campagnes afin d'obtenir, sous couvert de ravitaillement des patriotes, des renseignements sur les maquis. Un de ces agents fut capturé par un groupe voisin. Il leur indiqua qu'il connaissait parfaitement quelques responsables de la Résistance du Finistère. Or, juste à ce moment là, se trouvaient dans notre maquis tous les responsables F.T.P.F de ce département: Marcel, Pierre, Francis. Mis en face de ces responsables, le suspect ne put les reconnaître, et pour cause. Après un interrogatoire serré, il avoua être un agent de l'armée allemande, que son unité stationnée à Callac avait auparavant oeuvré contre les résistants de Haute-Savoie. Il nous déclara aussi quel était le tarif payé par les Allemands:
1°) pour brûler une ferme de patriote
2°) pour dénonciation
3°) pour arrestation
D'après ses dires il s'était engagé dans l'armée allemande pour avoir un poste reservé à la poudrerie de Pont-de-Buis. Il eut un poste réservé beaucoup plus modeste...
Au cours d'une remise des pillards aux gendarmes, nous tendîmes un piège au lieutenant Flambard de Guingamp. Nous étions en nombre, mais malheureusement ce furent les gendarmes de Callac qui vinrent prendre nos pillards. Le lieutenant Flambard ne s'était pas présenté et ce fut dommage.
Dans ce secteur nous n'étions plus tranquilles. Des agents de renseignements nous signalaient qu'on était repérés. Nous décidâmes de filer vers le Finistère. De retour nous prîmes comme gîte un corps de ferme isolé et inhabité, cela faisait bien l'affaire. Le déménagement eut lieu le dimanche 4 juin.
"Quelques jours avant le débarquement du 6 juin 1944, le groupe, par sécurité, fut amené à se replier vers le Finistère. Il trouva une ferme abandonnée, nichée dans un coin quasi invisible loin de toute habitation, situé sur le bord de l'Aulne, près de la route Bolazec-Carhaix, au pied d'une chapelle en ruine, la chapelle de Saint-Maudez.
Le lendemain de notre arrivée dans ce domaine, le groupe reçut l'adhésion d'un jeune instituteur de Bolazec: Pierre Gac.
Le lundi se passa en amènagements et le mardi grande fut notre joie quand Pierre nous réveilla en nous annonçant le débarquement allié en Normandie. Quelques temps auparavant, nous avions acheté un poste à accus et comme cela nous étions au courant des évènements.
Le soir du débarquement, en liaison avec les groupes de résistants, il fut décidé de barrer toutes les routes principales du secteur, à savoir la route Morlaix-Callac et Morlaix-Carhaix. Notre groupe abattit cette nuit plus de 20 arbres. La journée du 6 juin se passa à établir des plans d'attaque et de destructions. Il fut décidé avec les groupes F.T.P des Côtes-du-Nord avec qui nous étions en contact que le lendemain, 7 juin, à la tombée de la nuit, toutes les routes d'importance principale et secondaire seraient barrées par des arbres. Le signal du départ devait être donné par un coup de fusil, tiré aux environs de Plourac'h. Dans notre secteur, le travail fut effectué par notre groupe, renforcé de Pierre Gac, instituteur réfractaire, et de Marcel, jeune F.T.P de Scrignac. Ce fut une nuit bien remplie, l'équipe ce soir là partit à la tombée de la nuit et ne rentra que le lendemain à 5 heures. Mais nous étions contents, toutes les routes étaient barrées. Quel dommage qu'à ce moment nous n'avions pas les armes parachutées en avril et mai, armes qui avaient été parachutées avec l'ordre formel de ne pas s'en servir. Ces trois parachutages étaient aux mains des boches et n'étaient pas destinés aux F.T.P mais je crois à Libé-Nord.
Le 8 juin 1944, le maire de Bolazec vint nous prévenir que les parachutistes de Ramke avaient quitté leur dépôt près de Bolazec pour essayer de se rendre sur le front de Normandie. Mais le plus gros du matériel étant resté sur place, un détachement allemand avait été chargé de l'évacuer vers le front et de le transporter par charrettes réquisitionnées. Il nous était demandé d'éviter cela, c'est-à-dire d'empêcher les Allemands de déménager.
On discuta un peu: du poste de Londres on nous disait de ne pas encore attaquer (porte-parole interallié) mais il y avait aussi un autre poste qui disait ceci "F.T.P et F.F.I, le moment est venu: pour hâter la libération, pour une cause juste, pour la liberté, pour l'abolition du gouvernement collaborateur de Vichy, pour le retour de nos prisonniers, attaquez par tous les moyens en votre possession, empêchez ou retardez l'arrivée des troupes ennemies sur le front de Normandie". L'appel venait de Fernand Grenier (PCF), ministre de l'Air du Gouvernement Provisoire de la République Française (G.P.R.F). Cela correspondait à nos voeux et à nos idées, nous étions d'accord pour attaquer. Nous partîmes donc pour attaquer le dépôt de Bolazec, distant d'une dizaine de kilomètres.
Monsieur le maire nous fournissait un guide pour nous rendre sur les lieux et prévint les charretiers réquisitionnés de notre venue.
L'opération, menée par six hommes du groupe Giloux, aidés par des volontaires de Bolazec, fut couronnée de succès. Les trois allemands furent éliminés, le dépôt incendié, des munitions, chaussures, etc, récupérées. Il n'y eut aucune répression de l'armée occupante, celle-ci étant persuadée que cette attaque de jour avait été menée par des parachutistes alliés. A notre connaissance, ce fut la première attaque de jour menée contre l'occupant dans la région.
Le 9 juillet 1944, le groupe fut avisé qu'un bal avait lieu dans un hameau. Il fut décidé d'envoyer une délégation auprès des organisateurs afin de leur faire savoir que, bien que n'étant pas contre les divertissements, il y avait mieux à faire. En premier lieu aider par tous nos moyens:
- 1°) les alliés qui se battaient sur le sol de notre patrie pour notre liberté.
- 2°) venir renforcer les rangs de la résistance qui, nuit et jour, avec les moyens dont ils disposaient, luttaient pour libérer notre sol de la souillure nazie.
Notre camarade Pierre Gac fut très écouté par l'assemblée des jeunes, le bal fut immédiatement arrêté et une quinzaine de volontaires vinrent le 10 juin aider le groupe Giloux à compléter et renforcer les barrages sur la route Morlaix-Callac, cette opération étant faite également de jour. Mais hélas, au cours de cette opération, le groupe perdit Pierre Gac. Etant en protection des scieurs d'arbres, il fut surpris par l'arrivée d'un camion de troupes allemandes qui descendait de Callac, moteur arrêté. Blessé d'abord à la la jambe, il réussit toutefois à s'éloigner de la route d'une centaine de mètres, se cacha dans un champ de blé mais fut découvert par les allemands. Il fut massacré sur place, il avait 20 ans.
Pierre Gac (ou Le Gac), instituteur à Bolazec - Résistant de la Cie Yves Giloux - Photo Maitron - Pierre Gac - Né à Camaret en 1921 ou 1922, Pierre Gac est instituteur à Bolazec. Il rejoint les F.T.P et combat à Bolazec, Scrignac, Ploumarc'h. Réfractaire du STO, il rejoint la Cie Yves Giloux à Ploumarc'h le 6 juin 1944 et participe à de nombreuses actions contre l'occupant. Une fois, il prit la parole dans un bal champêtre clandestin et tous les jeunes hommes présents passèrent au F.T.P (le 9 juin 1944). Rendez-vous fut pris le lendemain mais ce jour-là, Pierre Gac tombe dans un accrochage avec les soldats allemands. Sympathisant du PCF il en diffusait les journaux et tracts clandestins ainsi que ceux du Front National et de la J.C.
Cela se passait aux premiers jours de juillet. Il nous arrivait du renfort des maquis de Spézet, Plonévez, du Cloître, des gars venus s'armer. Plusieurs avaient fait plus de 60 kms en quatre heures. Ils nous arrivèrent épuisés pour la plupart. Il y avait également le C.O, le C.E, et le C.T régionaux; nous devions artendre trois jours au maximum l'arrivée du fameux commandant. Un commandant anglais devait venir dans notre maquis pour nous obtenir un important parachutage d'armes, c'était une information que nous avions obenu dans les Côtes d'Armor avec une équipe de parachutistes rencontrée avec d'autres mouvements de résistance. Aussitôt nous avertîmes les responsables départementaux du Finistère que nous avions eu la promesse formelle que nous aurions des armes.
Notre situation dans le maquis était sérieuse. Nous nous savions traqués, nous avions mis la main sur un milicien sergent de la Wermarcht. Nous étions tout le temps sur le qui-vive. Un dimanche matin, une sentinelle vint me réveiller m'avertissant qu'un camion boche suivait la route à 500 m de notre maquis. Il y avait en fait 12 camions armés de canons, de mitrailleuses lourdes. Je ne donnais pas l'alerte immédiatement en donnant l'ordre aux sentinelles de reprendre leur poste et d'ouvrir l'oeil. Une demi-heure après environ, un homme de garde venait m'avertir que les boches cherchaient le village qui se trouvait être le plus proche de notre maquis. J'avais compris qu'on avait été vendus. Je réveillais tout le monde. Tout se passa dans le calme. Toutes les armes et les munitions ainsi que tous les documents furent rassemblés. Ayant peur que le milicien n'échappe dans la bagarre qu'on pensait imminente, l'ordre fut donné de l'exécuter, ce qui fut fait immédiatement.
Ne pouvant, vu notre armement dérisoire - aucune arme automatique - combattre, il fut décidé d'essayer de se dégager de l'encerclement qu'on sentait proche. Deux groupes furent constitués. Jean T. prit la tête du premier, Callac celle du deuxième. Par une chance extraordinaire, le décrochage eut lieu sans incident, les boches n'ayant pas eu l'endroit exact de notre maquis, on leur avait signalé une maison isolée à côté d'une vieille chapelle. C'est là qu'ils se rendirent. Cette maison était habitée par une vieille femme qui fut épouvantée devant ces soudards, miliciens de Perrot pour la plupart. Elle ne dit mot de notre présence: ni les menaces, ni les injures, ne la firent parler. Au village de Coat Trizcar, un fermier eut la corde au cou, battu afin d'indiquer l'endroit exact de notre présence, lui non plus ne parle. Nous étions dans un pays français dont je me plais à rendre hommage.
Nous nous rendîmes sur une colline à environ 1500 m du maquis en direction de Scrignac. Une heure après notre halte en ce lieu, Marcel, un jeune de Scrignac (qui eut son frère fusillé par les boches) me demande de bien vouloir l'autoriser à aller au maquis pour renseignements. J'accède à son désir en lui faisant plusieurs recommandations importantes - observations des environs de notre maison, mais surtout ne rien toucher avant que j'aille me rendre compte. Nous n'eûmes pas longtemps à attendre le retour de Marcel. D'après ses observations, les boches n'avaient pas été jusqu'au maquis et n'avaient pas découvert le corps du milicien.
"Puis vint la période des parachutages:
Une mission parachutiste alliée parachutée dans le centre du Finistère avait pour objectif l'armement des volontaires. Le 13 juillet, le chef du groupe Giloux se rendit auprès de cette mission parachutiste qui se trouvait sur le plateau de Laz, distant de Scrignac de 80 kms environ. Il fallait passer par Poullauën et Plonévez-du-Faou en vélo quand il était possible de circuler, puis de Plonévez-du-Faou à Laz par Châteauneuf-du-Faou à pied avec guide. Arrivée à Laz à 2 heures, puis contact avec la mission parachutiste pour homologuer trois terrains de parachutage avec messages et lettres en morse correspondantes. Le premier parachutage devait avoir lieu le 14 juillet au soir sur le plateau de Saint-Maudez avec comme indicatif: 3 framboises sur une assiette et la lettre R.
Départ de Laz à 7 heures pour essayer d'arriver avant le soir sur le lieu de parachutage, ceci en passant par Cloître-Pleyben où le groupe fut arrêté par les maquisards en alerte après l'occupation de leur maquis et l'arrestation d'un résistant. Heureusement que le chef de groupe du maquis de Cloître-Pleyben appelé par ses hommes reconnut le chef du groupe Giloux qui était présent dans ce maquis lors de l'encerclement par les Allemands. Callac put continuer sa route en passant par Loqueffret, Brennilis, La Feuillée, et rencontrer Edouard au village de Quinouac'h en Berrien pour lui remettre le message et les instructions en vue d'organiser et réussir le parachutage prévu dans les deux jours suivants pour le groupe Bir-Hakim.
Callac devait arriver, la mission accomplie, vers 7 heures du soir près de la chapelle de Saint-Maudez. Il eut le temps de prévenir les hommes du groupe que le parachutage aurait lieu le soir même. Harassé, n'ayant rien mangé depuis la veille à midi, il perdit connaissance pendant plus d'une heure.
Le premier parachutage fut presque parfait, seul un des trois avions rata le terrain et ses cinq containers tombèrent dans un champ de blé. Les containers furent récupérés et transportés par charrette à un endroit prévu à l'avance, distant de 5 kilomètres. Au petit jour après l'inventaire, l'armement fut remis aux volontaires présents, une compagnie fut aussi armée entièrement ainsi qu'un groupe de Guerlesquin. Cette compagnie devint la 1ère compagnie du Bataillon Giloux, compagnie Le Fur.
Le 17 juillet 1944, au bourg de Scrignac, un détachement du Bataillon Giloux attaque une voiture allemande: un commandant tué, un ober-lieutenant et un agent de la Gestapo. Les allemands se vengent en pillant le bourg le 19 juillet 1944.
Le 21 juillet eut lieu le deuxième parachutage. Par mesure de précaution le lieu de réception fut légèrement déplacé. Le terrain initial étant situé sur un plateau montagneux, une vallée située au pied de cette colline fut choisie. Ce parachutage devait permettre l'armement d'une deuxième compagnie composée de résistants de la région de Scrignac, Poullaouën, Berrien.
Ce fut dur pour le groupe, un des containers étant resté accroché aux branches d'un arbre. D'autre part, il fallait traverser l'Aulne avec les containers qui n'étaient pas légers et ne contenaient qu'environ 20 fusils, du plastic, des grenades et des munitions, d'où notre déception. Le lendemain du parachutage, nous attendions un groupe de résistants de Plougonven, et un autre de Plouigneau. Le premier groupe amené par Yves de Guerlesquin réussit à rejoindre le maquis mais le deuxième fut intercepté par les Allemands et neutralisé. Le premier groupe passant par Bolazec descendit dans un champ bordant la route du parachutage et récupéra les containers. Il demanda le concours des patriotes qui avec leurs charrettes les amenèrent au Vieux Moulin, lieu de rendez-vous. Ces containers étaient remplis d'armes: fusils, mitrailleuses et mitraillettes, c'était le complément des premiers récupérés dans la nuit. Nous avions eu de la chance de pouvoir les récupérer car les Allemands, après avoir neutralisé le groupe de Plouigneau trouvèrent sur le chef un itinéraire heureusement sommaire qui indiquait le Vieux Moulin comme lieu de rendez-vous. Les Allemands étaient en alerte, un agent de renseignements vint nous avertir qu'ils cherchaient un vieux moulin mais nous avions pris nos dispositions pour éventuellement les accueillir.
Dernier parachutage:
Le groupe Giloux devenu le groupe du Commandant du futur Bataillon Giloux demeurait au Vieux Moulin. L'éclaireur prit la direction de Guerlesquin en vue d'établir le maquis et de préparer un terrain de parachutage afin d'armer les volontaires de cette région. Le groupe Giloux quittait le Vieux Moulin à la tombée de la nuit. Le lendemain, à l'aube, les forces occupantes y arrivaient, mais elles avaient 24 heures de retard! ...
Le 24 juillet, le groupe arrivait au maquis de Guerlesquin en vue de réceptionner le parachutage prévu pour la nuit du 25 juillet, opération qui se passa sans incidents. Après une nuit blanche ce fut l'inventaire des containers et le camouflage des parachutes. A la suite de ces parachutages, le bataillon Giloux augmentait sérieusement son effectif. Il comprenait plus de 400 hommes, armés et instruits militairement. Une mission parachutée composée du capitaine Marchand, du Lieutenant Philipp, du sous-lieutenant Parizel, va s'installer pour quelques jours afin soi-disant d'armer et d'organiser la résistance. Pour nous, c'était déjà chose faite, mais je pense plutôt qu'ils avaient pour mission de diriger la résistance dans un sens voulu par Londres, attendre avant d'attaquer... nous ne comprenions pas!
Quand nous étions mal armés, nous étions gêner pour attaquer les occupants et pourtant nous le faisions et maintenant que nous étions à égalité il fallait attendre. Mais ces consignes d'attentes ne furent pas respectées au Bataillon Giloux. Les compagnies de Scrignac attaquaient les patrouilles allemandes qui avaient le malheur de sortir de leur cantonnement. Ils ne pouvaient plus envoyer leurs mouchards à la campagne, ils étaient assiégés. Après quelques jours passés au maquis de Guerlesquin, le groupe Giloux rejoignit son nouveau cantonnement près de la chapelle de Saint-Maudez où un parachutage de médicaments et appareils sanitaires en vue d'installer un hôpital de campagne était prévu. Mais il y eut un imprévu. Nous attendions un ou deux petits avions pour 5 ou 10 containers. Nous avions donc 4 charrettes. Or cette nuit là nous recevions 75 containers d'armes, munitions, médicaments et appareils sanitaires. Point de charrettes pour évacuer ces 75 containers à raison de 3 containers par charrette. Il nous fallait trouver 20 autres charrettes. Cependant ce convoi de nuit de 25 charrettes, bien protégé il est vrai, arrivait à bon port. Il n'y eut pas d'incident majeur. Pour notre groupe, spécialiste en somme en parachutage, il était temps que cela se termine. Nous étions claqués. Nous ne tenions que par les nerfs. Peu de sommeil, beaucoup de déplacements, repas irréguliers, c'était notre lot.
Au matin de ce parachutage, un de nos agents de liaison, Yvette Dollet, en mission du P.C départemental, arrivait avec un message important:
Nous devions nous mettre en rapport avec la colonne américaine en limite des Côtes-du-Nord et du Finistère, ce qui fut fait. Auparavant, ordre avait été donné aux compagnies de Scrignac et Guerlesquin d'avoir à attaquer partout les troupes occupantes. De nuit le chef de groupe accompagne Yves Nicol de Guerlesquin pour se mettre en relation avec le colonel commandant et la colonne alliée. Je ne garde pas un bon souvenir de cette entrevue. Il nous fut demandé de servir de guide à cette colonne, ce qui fut fait jusqu'au Cloître-Saint-Thégonnec. Là, par le truchement de notre interprète Yves, j'indiquai au colonel américain que j'étais responsable d'un bataillon de plus de 500 hommes armés et que mon devoir était d'être avant tout avec eux. Je devais rejoindre la compagnie de Guerlesquin, compagnie Le Gac, où il fut décidé sur l'heure d'interdire aux allemands le passage sur la route nationale Morlaix-Guingamp, de protéger le viaduc du Ponthou. Des troupes furent donc dispersés sur 4 kilomètres environ, 7 FM mis en batterie. Bilan de l'opération: 3 camions allemands engagés sur cette route détruits. Ces camions transportaient des troupes: il n'y eut aucun rescapé.
Le 30 juillet, l'attaque d'un convoi allemand, neuf camions au lieu-dit Lamezec, se solde par la mort de vingt soldats allemands.
Le lendemain, 4 août, la même opération eut lieu mais le combat fut plus acharné avec de très lourdes pertes. Après plus de deux heures d'engagements les troupes occupantes réussirent à percer en direction de Morlaix. Notre groupe évita de justesse l'encerclement. Nous devions nous replier sur le maquis de Saint-Laurent et rejoindre le maquis de Guerlesquin. Le lendemain, dans la nuit, il y avait un autre parachutage à Guerlesquin. Les jours suivants, ce furent des journées difficiles: alertes constantes, harcèlement et liquidation des éléments ennemis. Le 7 août, le bataillon Giloux avait plis de 250 prisonniers gardés par les anciens combattants de 14-18 à Guerlesquin.
Cette région était enfin libérée par mes résistants. Morlaix fut également libérée le 8 août et je suis appelé par la mission parachutiste alliée pour prendre le commandement de la ville et assurer l'ordre.
Lire aussi:
Vers le 20 août, quatre compagnies se rendaient à Plougastel-Daoulas:
- La Compagnie Le Meur commandée par P. Foll avec 113 hommes - Logonna-Daoulas
- La Compagnie Aunis commandée par Guéguen et Pouliquen avec 100 hommes à Dirinon
- La Compagnie Lever avec pour responsable Jouve, 110 hommes, à Daoulas
- La Compagnie Le Gac, avec pour responsable Fustec, et 79 hommes, à Loperhet
Et au Ponthou, 115 hommes, plus le poste de commandement, qui était à Daoulas.
Après la libération du secteur de Plougastel-Daoulas, les 4 compagnies du Bataillon Yves Giloux revinrent à Morlaix où commença la période des engagements. Les premiers engagés furent versés au 118ème R.I.M et participèrent dans cette unité aux combats de Lorient. Voilà, très brièvement relatée, l'activité du Bataillon Giloux.
Le nom de Giloux fut donné d'abord au groupe puis au Bataillon à la mémoire du grand résistant que fut Yves Giloux. Résistant de la première heure, il fut fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien en même temps que 18 autres de ses camarades. Lors de son passage devant le tribunal militaire du Gross Paris, aux accusateurs qui lui reprochaient d'avoir participé à plus de 40 attentats contre l'armée allemande, il leur répondit: "Vous êtes bien loin de la vérité. Je ne regrette qu'une chose, c'est de n'avoir pas pu faire plus".
Bataillon Giloux:
Morts au combat, fusillés, ou morts en déportation:
La liste est donnée par Jean Nédelec mais elle peut être incomplète:
Georges Aunis - né le 13 septembre 1912, directeur d'école à Scrignac, militant communiste depuis 1936 ou 1937, entré aux F.T.P en 42, mort le 27 juillet 1944 à Carhaix. Son nom a été donné à un bataillon F.T.P qui lors des combats de la Libération aura son P.C à Pleyber-Christ (commandant Kerdoncuff)
Marcel Boucher - né à Lesneven le 3 novembre 1920, militant communiste depuis mai 41, tué par les allemands le 4 février 1944 avec Guy Raoul et André Garec
Robert Calonnec: de Scrignac, né à Versailles le 13 juillet 1927. Communiste, il disparaît au cours d'une opération contre l'occupant en septembre 1944, on suppose qu'il a été abattu par des soldats allemands après avoir été fait prisonnier, puis jeté dénudé dans un charnier. Son cadavre serait parmi les nombreux corps exhumés qui n'ont pu être identifiés.
Armel Coant: né le 20 octobre 1920 à Scrignac, communiste versé aux F.T.P en 1942, dénoncé par le traître Corre d'Hanvec et fusillé à Rennes avec 28 autres camarades le 8 juin 1944
Francis Coant: son cousin aîné, né le 14 août 1916 à Scrignac, communiste versé aux FTP en 1942, il est également fusillé à Rennes le 8 juin 1944
Jean Coant: né à Scrignac, déporté, disparu
Pierre Caouren: né le 8 mai 1922 à Locmaria-Berrien, militant communiste de Locmaria-Berrien versé aux F.T.P, fusillé le 8 juin 1944 à Rennes après avoir été pris lors d'une opération contre l'occupant.
Jean-Marie Clech, de Kervion (ou Kerrion) en Plougonven. né le 21 avril 1893 à Plourin-les-Morlaix, sympathisant PCF et résistant F.T.P, fusillé le 3 août 1944
Yves-Marie Cloarec: né le 27 août 1917 à Plougonvelin, adhère au PCF pendant l'occupation, résistant F.T.P, fusillé le 3 août 1944
Auguste Dugay: de Penmarc'h, résistant communiste fusillé par les allemands après avoir été atrocement torturé en mai 1944 à Saint-Brieuc - Auguste Duguay , membre costarmaricain du PCF, arrêté à Callac et dirigé vers le camp de Châteaubriant en 1941, relâché le 6 juin 1942 et versé au F.T.P, il combattra dans les rangs de la Cie de Morlaix du Bataillon Yves Giloux. Tombé aux mains de l'ennemi au cours d'un engagement, les soldats allemands l’emmèneront à Saint-Brieuc et le fusilleront en mai 1944
Pierre Gac: institueur à Bolazec, né à Camaret en 1921 ou 1922, sympathisant du PCF à partir de 1944, il rejoint le bataillon Yves Giloux à Ploumarc'h le 6 juin 1944. Il tombe dans un accrochage avec les soldats allemands.
André Garrec: né le 30 décembre 1922 à Brest, tôlier de l'arsenal de Brest, adhère au PCF à 20 ans en 1942, puis participe à de nombreuses opérations avec Marcel Boucher et Guy Raoul. Tué au combat le 4 février 1944 à la Forêt-Landerneau aux alentours de Guipavas avec Marcel Boucher et Guy Raoul. Selon Eugène Kerbaul, ils sont tués au combat dans une carrière "où ils s'étaient refugiés et retranchés et où ils combattirent jusqu'à la mort contre un très important détachement de l'école de Landerneau de la Feldgendarmerie prévenue de la présence de groupe par la maîtresse d'un soldat allemand.
Yves Giloux: né le 15 décembre 1921 à Brest, adhère au PCF clandestin en 1941, versé au FTP en 42, il devient chef de groupe et dirige et prend part à un grand nombre d'actions contre l'occupant (sabotages, attentats). Arrêté à Nantes le 1er février 43, torturé à plusieurs reprises, il est fusillé le 17 septembre 1943 en même que 18 autres camarades communistes finistériens
Jean-Yvon Herry: né le 28 juin 1919 à Plourin-les-Morlaix. Communiste, il combattait dans les rangs de la compagnie de Morlaix du Bataillon FTP Yves Giloux. Arrêté lors d'un projet d'attaque d'un convoi allemand dont avait prévenu l'occupant une collaboratrice "horizontale" de Pleyber-Christ (la délatrice ne sera pas inquiétée). Fusillé au Cloître-Saint-Thégonnec le 28 juillet 1944
René Jacq: né le 24 juin 1922 à Plourin-les-Morlaix, mort des suites de ses blessures
Francis Kervoellen: né le 13 septembre 1921 à Scrignac, communiste, tombé aux mains de l'ennemi, fusillé à Scrignac le 30 juillet 1944. Il appartenait à la Cie de Morlaix du bataillon Yves Giloux.
Marcel Le Coz: né le 1er mai 1925 à Lannéanou, de Botshorel, membre du PCF clandestin, tué au combat au cours d'une mission le 29 juillet 1944
Jean Le Fur: né le 31 août 1918 à Scrignac. Second maître dans la Marine, il quitte Alger pour venir combattre en France dans la résistance. Sympathisant communiste, F.T.P membre du bataillon de Morlaix de la Compagnie Yves Giloux. Tué dans un combat contre un détachement allemand près de Scrignac le 27 juin 44
Georges Le Gall: ouvrier de Brest, il adhère au PCF en 1942 et prend part à de nombreuses opérations du maquis "Etoile rouge" de Plonévez-du-Faou qu'il a rejoint en avril 1943. Il trouve la mort lors d'un engagement contre une unité allemande le 2 juillet 1944.
Jean-Louis Le Gall: né le 8 juin 1925, décédé des suites de ses blessures le 8 juin 1944.
Lorgouillons: né en janvier 1922 à Guerlesquin, arrêté le 8 juin 44, disparu
François Lever: né le 25 mai 1923 à Morlaix, télégraphiste, membre de la JC clandestine, des F.T.P, tué au combat le 26 juin 1944 à Châteauneuf-du-Faou. Son nom dut donné à une compagnie du bataillon Yves Giloux des F.T.P, compagnie qui s'illustra notamment dans la libération de Morlaix
Henri Nédellec: né à Scrignac, militant du PCF clandestin, tué au cours d'une mission le 23 mars 1944 par un groupe composé d'allemand et d'autonomistes bretons collaborateurs.
Albert Perrot: né le 12 juin 1920 à Scrignac, membre de la Cie de Morlaix du Bataillon Yves Giloux, sympathisant PCF, prend part à de nombreuses actions contre l'occupant, tué au combat le 9 août 1944 à Plouigneau
Jean-Marie Plassart: adhère au PCF à Berrien en 1936. Membre des F.T.P, arrêté par des policiers français, il est emmené à la prison de Quimper, livré aux Allemands, et il meurt en camp de concentration à 23 ans à Mathausen. Il fait partie des 5 déportés de Berrien morts en déportation avec Robert Cadiou, Joseph Créoff (militant communiste arrêté sur dénonciation d'une française maîtresse d'un allemand ayant averti d'un parachutage d'armes), Pierre Grall (militant communiste arrêté le 5 juin 44 pour la même raison, torturé, déporté en Allemagne, il meurt au camp de contration de Dora en avril 1945), François Paul
Jean Priol: né en 1922 à Morlaix, ouvrier agricole, il habitait à Tron-Vilin en Morlaix, sympathisant du PCF, membre du Bataillon de Morlaix de la compagnie Yves Giloux, il est arrêté au cours d'une mission et fusillé à Scrignac en même temps que Jean Le Fur le 27 juin 1944
Guy Raoul: né à Saint Marc près de Brest. Militant communiste, entré au FTP en 1942. Compagnon de Marcel Boucher qui le dirige au sein du groupe Yves Giloux. Il est tué au combat près de la Forêt-Landerneau avec Marcel Boucher et André Garrec.
Joseph Salaün: breton émigré en région parisienne dans le 6e arrondissement où il rejoint le PCF et la CGT. Revient dans la région de Morlaix sous l'occupation allemande où il milite pour le PCF et s'engage dans la compagnie de Morlaix du Bataillon Yves Giloux. Arrêté au cours d'un combat où il est blessé, il est fusillé à Scrignac le 26 juillet 1944
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