La semaine dernière, le lundi 7 février, les élus de la communauté de commune de Morlaix ont voté pour (50 « oui », 19 « non », 11 bulletins blancs) la construction au Diben, à l'horizon 2014, d'un port de plaisance de 500 places dont le coût est estimé à 22 millions d'euros, sur lesquels Morlaix-communauté financera 8 millions d'euros, le reste se répartissant entre Etat, Région et Département, et 5 millions d'euros provenant de la location des anneaux...
Au moment où Morlaix-Communauté justifiait par la nécessité de l'économie et de la rigueur son désengagement de 30000 euros du financement du FAR échelonné sur 3 ans, on ne peut que s'étonner de cette soudaine prodigalité... C'est sans doute que beaucoup d'élus de la baie de Morlaix qui dorment profondément pendant qu'on assassine des rendez-vous de créations culturelles populaires ont des yeux ronds dès qu'on leur fait miroiter les pièces sonnantes et trébuchantes qui sortiront des poches des bourgeois urbains venus passer leurs vacances ou s'acheter des résidences secondaires dans ce nouveau lieu de villégiature potentiellement comparable au golfe du Morbihan que deviendrait la baie de Morlaix et ses pourtours dans le Léon et le Trégor. Festival de la plaisance et du nautisme, construction d'un grand port de plaisance à Roscoff, et maintenant à Plougasnou: n'en jetez plus... Chacun perçoit que la mer et le charme des voiles déployées au-dessus des flots sont devenus le produit d'appel privilégié dans les stratégies marketing et les plans de développement économique de la région, et cela d'autant plus que les travaux sur la ligne TGV devraient dans quelques années nous mettre à moins de trois heures de Paris.
Toutefois, à l'instar des élus et des militants d'Europe écologie ou des associations trégoroises opposées à ce projet de port de Plaisance, il est légitime de poser certaines questions dérangeantes à propos de ce projet pharaonique. N'est-il motivé au fond que par la volonté de revaloriser l'immobilier au Diben pour bâtir une nouveau quartier d'appartements de luxe pour estivants et retraités, comparable, toute proportion gardée, au Croisty, sur la presqu'île de Rhuys, à la sortie sud du Golfe du Morbihan? La précipitation des élus et des membres du Comité de soutien au port à flot n'est-elle pas liée à ces perspectives de spéculation immobilière? Quel sort va t-on réserver aux habitants de la région qui font mouiller actuellement sur corps-morts leurs petits bateaux dans l'anse du Diben en payant un droit de séjour modéré quand les coûteux navires paieront à côté leur emplacement des sommes exorbitantes dans le bassin aménagé? Peut-on vraiment imaginer une vie de port animée qui permette de générer des recettes pour les commerces, l'hôtellerie-restauration et la collectivité quand on considère que le bourg de Plougasnou est fort loin du Diben, bien désert pour l'instant en dehors des viviers de la Méloine, des retours des bateaux de pêche et des chantiers de réparation de bateaux? Et, à supposé que le Diben devienne réellement une zone attractive et animée, le bourg de Plougasnou ne risque t-il pas de péricliter en proportion?
Qu'est-ce qui justifie que les citoyens de la région de Morlaix financent (peut-être à la hauteur de 820 euros par ménage si l'on en croit les estimations les moins optimistes proposées par Michel Le Saint le 7 février) des équipements qui vont bénéficier essentiellement à des résidents et des estivants aisés, pour des sorties en mer de 15 jours par an et par bateau en moyenne? Doit-on croire que les retombées en termes d'emploi, d'attractivité du territoire et de rentrées fiscales compenseront ces efforts pour tout le pays de Morlaix? Peut-on s'accommoder d'une nouvelle bétonisation de cette zone naturelle magnifique entre la pointe de Penn Alouesten à l'ouest du Diben et la pointe de Primel à l'est? S'est-on vraiment soucié de tous les risques de la construction du port et de son activité pour la préservation de la biodiversité dans la zone et la qualité de l'eau?
Il me semble que le projet alternatif proposé par les écologistes et les opposants au projet de Morlaix-Communauté d'un port d'escale de 200 places situé au nord-ouest de l'anse de Primel aurait été moins coûteux, plus respectueux de l'environnement et de la beauté du site, ainsi que de la dimension familiale et populaire de la navigation dans la zone.
Ismaël Dupont.
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