Il ne sera pas dit que la neige aura été la seule responsable des coups de froid de décembre 2010. L'annonce dans la presse régionale des budgets prévisionnels des collectivités territoriales manifeste bien comment l'Etat UMP, en transférant aux collectivités des compétences sociales non compensées à long terme par des dotations équivalentes, en réformant la fiscalité au profit des entreprises et des hauts revenus, en faisant de la saignée dans les dépenses publiques son seul leitmotiv, est responsable de l'étranglement financier des communes, communautés de communes et départements.
La crise sociale relancée par le crack financier de 2008 exigerait plus que jamais que les collectivités jouent pleinement leur rôle d'investisseurs autonomes pour l'emploi, l'attractivité économique des territoires, et les politiques de solidarité et de cohésion sociale.
Au contraire, le gel des dotations de l'Etat et la suppression de la taxe professionnelle forcent communes, conseils généraux et régionaux à des politiques d'austérité dont les premières victimes sont les agents territoriaux, les associations qui oeuvrent à la vitalité culturelle et sociale des territoires et les familles en attente de crèches, de solutions pour les personnes âgées dépendantes, d'accès facilité à la culture et aux loisirs.
Ainsi, le Conseil Général du Finistère annonçait qu'il allait baisser ses investissements de 150 millions d'euros en 2011.
Ainsi Morlaix Communauté, anticipant la fin de la compensation extraordinaire de l''Etat pour faire face à la suppression de la taxe professionnelle, qui fera passer 7 milliards d'euros par an des caisses de la collectivité à celles des entreprises, prévoit elle aussi de prendre le tournant de la rigueur. Les personnels de la collecte des ordures et des services administratifs de Morlaix-Communauté peuvent déjà témoigner, eux qui se sont courageusement battu pour une meilleure rémunération et une plus grande considération lors des mobilisations pour la défense des retraites, des tristes conséquences de ces objectifs d'économie budgétaire sur les conditions de travail et de rétribution.
La majorité municipale de Morlaix continuera quant à elle, en 2011 comme en 2009 et en 2010, à prolonger la politique nationale de l'UMP dont elle est solidaire en taillant dans les dépenses sociales et culturelles de la ville alors qu’une part importante de la population morlaisienne vit la précarité au quotidien : en 2006, selon l'INSEE, et les chiffres n'ont guère pu aller en s'améliorant avec le contexte de crise économique, il y avait à Morlaix 45% de ménages non imposés sur les revenus, 12,5% de la population percevant les minimaux sociaux, la moitié des allocataires des Allocations Familiales vivant en-dessous du seuil de pauvreté.
Alors qu'il faudrait une politique publique ambitieuse pour faire vivre le dynamisme économique et la solidarité au niveau local, la municipalité passe son temps à justifier ses économies de bout de chandelle réalisées sur le dos des acteurs sociaux et culturels de la ville et ses hausses d'impôts en dissimulant la responsabilité de l'Etat pour communiquer à l'inverse à satiété sur la situation financière prétendument catastrophique laissée par ses prédécesseurs. Elle oublie ainsi qu'ils devaient faire face, eux aussi, à la disproportion entre la maigreur des recettes fiscales de Morlaix (liée à la forte proportion de catégories populaires et à l'installation de la plupart des entreprises dans les communes périphériques) et le poids financier de ses équipements publics utilisés par tous les habitants des communes riveraines. De plus, les ficelles de cette argumentation sont connues, pour être maniées trop régulièrement par le très arrogant François FILLON : la collectivité est au bord du naufrage financier, donc, pour
préserver le navire et ne pas couler, jetons toute la cargaison des investissements publics et des dépenses sociales par dessus bord.
En 2009, le gouvernement, grâce au rapport grassement rémunéré du revenant ultra-libéral Edouard Balladur, a trouvé un outil terriblement efficace pour faire des coupes sombres dans les dépenses publiques et mettre au pas la démocratie locale : la réforme des collectivités territoriales.
Après avoir été entériné en novembre à une courte majorité de 4 voix par le Sénat, ce remodelage administratif et politique devrait prendre effet d'ici deux à trois ans. Il prévoit que les 5660 conseillers généraux et régionaux seront remplacés par 3471 conseillers territoriaux élus sans contrainte de parité et de non-cumul des mandats lors d'un scrutin uninominal à un tour au niveau des cantons, et qu'ils siègeront à la fois au niveau régional et départemental.
La réforme du mode d'élection est faite pour renforcer le bipartisme UMP-PS, permettre à des candidats qui n'obtiendraient que 20 à 25% des suffrages des électeurs de les représenter. Elle aura pour effet d'empêcher le renouvellement du personnel politique, le rajeunissement et la féminisation des élus qu'assure bien mieux le scrutin de liste et la proportionnelle des élections régionales actuelles.
Quand bien même, malgré la volonté évidente de l'exécutif, des majorités UMP ne se dégageaient pas mécaniquement de ces élections locales, les conseillers territoriaux seraient de toute manière placés, tout comme les communautés d'agglomération, sous le contrôle étroit d'un super-préfet de région et ne jouiraient que d'une autonomie budgétaire réduite à la portion congrue. En effet, aujourd'hui, en dehors de leurs compétences obligatoires, dites d'attribution (financement des services sociaux, de la voirie, des collèges et des lycées...), les conseils généraux et régionaux bénéficient d'une « compétence générale » leur permettant de prendre des initiatives propres pour investir en coopération avec les communes et les communautés de commune dans des projets environnementaux, de solidarité, ou d'aménagement du territoire. Cette clause générale de compétence qui permettait jusque là aux assemblées locales de ne pas servir simplement de chambres d'enregistrement des décisions de l'Etat gérant la pénurie causée par des dotations étatiques en diminution constante ne bénéficiera bientôt plus qu'aux communautés de commune.
Seule l'autonomie des centres urbains (et particulièrement de ceux de plus de 500000 habitants qui auront un statut de « métropoles » se substituant aux collectivités préexistantes – communes, communautés et Conseil Général- et percevront la totalité de la fiscalité locale sur leur territoire, sauf la taxe foncière) va être accrue par la réforme des collectivités territoriales. Ceux-ci seront même invités à rentrer dans une logique de concurrence pour attirer les investisseurs et à se désintéresser des politiques d'aménagement du territoire et de solidarité vis à vis des périphéries urbaines ou rurales moins favorisées.
Comme l'a dit avec force l'ancien ministre communiste de F. Mitterrand, Anicet Le Pors (source: le monde.fr), qui est un des fers de lance du combat contre cette réforme d'inspiration néo-libérale, sous prétexte de réduire « le mille-feuilles administratif », source supposée de dépenses publiques superflues, Sarkozy tend à faire disparaître les moyens d'une politique de coopération entre les territoires et à réduire à néant les pouvoirs et l'autonomie de la triade démocratique « commune – département - nation » au profit de la triade technocratique et économique « communauté de commune – région - Europe », assurant ainsi le primat de l'économie sur la politique.
Ismaël DUPONT
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