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20 mars 2011 7 20 /03 /mars /2011 11:26

Il y avait une quinzaine de personnes mercredi 16 mars à MAJ à 20 h30 pour participer au débat du Front de Gauche sur la situation actuelle et l'avenir souhaitable de notre démocratie.

 

Après une introduction à la réunion publique par Daniel Ravasio, Ismaël Dupont a présenté pendant trente minutes environ une réflexion sur les fondements et les origines historiques de l'idée démocratique puis Alain Rebours a commenté et argumenté pendant une trentaine de minutes également les propositions provisoires du Front de Gauche en matière de rénovation des institutions françaises à l'échéance 2012:

  • Mettre en place une assemblée constituante travaillant en parallèle d'un Parlement s'occupant des affaires courantes. Cette assemblée constituante aurait la charge de préparer une nouvelle constitution qui serait ratifiée par référendum. Nous souhaiterions que cette constitution commence par exposer dans un texte à valeur juridique contraignante quels sont les droits et les libertés individuelles fondamentaux du citoyen, y compris les droits sociaux (santé, logement, culture, éducation, travail, revenu garanti).
  • Affirmer l'existence d'une citoyenneté de résidence pour rompre avec l'alignement insidieux vers une culture du droit du sang à l'allemande, ou l'idée qu'on le pourrait être plus ou moins français, ou que l'on pourrait être destitué de sa nationalité si on a des origines étrangères et si l'on n'a pas « mérité » d'être français. Habiter en France, y payer ses impôts, devrait donner un droit de vote et d'éligibilité.
  • Réorganiser la séparation des pouvoirs:

- En redonnant sa place de conception des lois et de contrôle de l'exécutif au Parlement.

- En élisant les députés au suffrage universel direct sur des scrutins de liste à la proportionnelle.

- En faisant du gouvernement une simple émanation de la chambre des députés.

- En peut soit supprimer purement et simplement le Sénat, soit le remplacer par une sorte de chambre consultative du type « Conseil économique et social » composée de représentants du monde associatif et syndical.

- Donner au peuple le pouvoir de proposer des lois si des textes conçus par les citoyens obtiennent suffisamment d'adhésion.

- Tout en conservant le conseil constitutionnel, faire en sorte qu'il soit une émanation des différents corps de la société et non qu'il soit composé des candidats des principaux dirigeants politiques dont il doit justement contrôler la constitutionnalité des réformes et des mises en cause judiciaires.

- Soit on garde un Président de la République élu sur un autre mode de scrutin avec un pouvoir symbolique de gardien des institutions, soit l'on supprime purement et simplement le poste.

- Il faut rendre l'autorité judiciaire réellement indépendante, en augmentant le nombre de juges d'instruction, en améliorant leur formation, en leur permettant de travailler en équipes et surtout en assurant leur indépendance par rapport au Parquet contrôlé par le pouvoir exécutif.

- Garantir l'indépendance des médias pour faire en sorte, par exemple, qu'un Lagardère qui vend des armes à la France et fait pression sur elle pour qu'elle conclut des traités commerciaux avec d'autres États, ne contrôle plus à travers le groupe Hachette ¼ de la presse en France. Nécessité de lois contre la concentration des groupes médiatiques au main de quelques magnats de la finance dans une situation de demandeur et de faiseur de roi vis à vis du monde politique. Nécessité de renforcer le service public de l'information et de garantir une indépendance effective vis à vis du pouvoir.

  • Garantir un droit de pétition pouvant déboucher sur des référendums d'initiative populaire.
  • Au niveau local, tendre vers des formes de démocratie participative ou d'auto-gestion: à Bobigny par exemple, ¼ du budget est géré en Assemblée Citoyenne, notamment pour ce qui touche les travaux de voirie, et cela marche.
  • Démocratiser la vie économique et financière qui ne saurait être dissociée de la sphère strictement politique de la Cité. Remettre en cause l'argument massue de la propriété privée pour promouvoir une émancipation concrète des salariés et mettre l'entreprise au service de l'intérêt général et non au service des actionnaires. Une entreprise est faite de capital fixe mais aussi de capital variable, les salariés.

Intervention des participants à la réunion publique:

 

Alain David: Les gens considèrent que ce type de réflexion, c'est quelque chose qui les dépasse: « on n'a qu'à laisser cela aux gens qui savent ». Au moment du conflit sur les retraites, le seul argument du gouvernement était celui de la légitimité du président de la République, de la majorité parlementaire et du gouvernement issus des urnes en 2007. Or, quand je relis la constitution de la Vème République, je lis: « La souveraineté nationale appartient au peuple qui peut l'exercer à travers ses représentants ou par référendum. Aucune section du peuple ne peut prétendre la confisquer... ». La question que l'on peut se poser, c'est: est-ce que les représentants sont représentatifs? Seraient-ils représentatifs de la diversité sociale? Combien de salariés à l'Assemblée Nationale qui ne compte que 0,5% d'ouvriers? Est-ce que la diversité politique est assurée? Non, on marche à grand pas vers le bipartisme, toute tendance que la réforme des collectivités territoriales renforce et que le PS ne combat pas résolument, c'est le moins qu'on puisse dire. Il y a des arguments souvent invoqués contre un scrutin de liste à la proportionnelle pour les législatives: « on ne pourra pas voter pour des représentants que l'on connaît dans notre circonscription, cela servira les apparatchiks... On ne pourra pas même choisir ses représentants. Cela augmentera l'influence du Front National ». Mais est-ce qu'un élu du peuple est là simplement pour s'occuper simplement des intérêts d'un canton, d'une circonscription? Ce qu'il faut dire, c'est que la proportionnelle apporte une solution au problème de mixité.

A l'évidence, la légitimité du peuple est de droit, l'autre, celle de ses représentants, n'est que déléguée. Qu'est-ce qui se passe quand les choix ne coïncident pas? Il semble que pour beaucoup de socialistes et la droite, dans le débat sur la ratification du traité de Lisbonne reprenant les dispositions et les déclarations de principe rejetés par les français avec le Traité constitutionnel européen en 2005 ou dans l'application du réforme des retraites désapprouvée par 70% des français, c'est la légitimité des représentants qui prime.

Il faudrait que nous proposions un recours fréquent au référendum d'initiative populaire pour voter des lois conçus par les Parlements français ou européens, mais aussi pour proposer de nouveaux textes, de nouvelles orientations. Il faudrait instaurer l'obligation pour les élus de rendre des comptes. Il faut surtout en finir avec la confiscation du pouvoir par Sarkozy et sa clique mais aussi par une oligarchie, tant la porosité entre les milieux politiques et les milieux d'affaires est grande. S'il y a nécessité pour le peuple de retrouver sa souveraineté, cela passe d'abord et avant tout par l'encouragement à la réflexion des citoyens, c'est à dire par une information et une formation de qualité.

La démocratie, ce n'est pas que le monde politique, c'est aussi l'entreprise, la culture: c'est dans ces sphères aussi qu'il faut faire primer l'intérêt général et l'accès à l'auto-détermination des citoyens.

Il faut enfin en finir avec la culture de la délégation de pouvoir, cultivée souvent au nom d'une méfiance vis à vis de la surveillance des citoyens et de l'efficacité.

Yves Abramovicz: Dans l'intervention d'Ismaël, je regrette qu'il n'y ait pas eu de référence à des justifications philosophiques plus modernes de l'idée démocratique, car la Grèce antique, cela nous fait remonter un peu loin... Est-ce qu'avant de parler de démocratie, on ne pourrait pas d'ailleurs parler de la République, et de ses valeurs fondamentales que l'on peut voir rappelées aux frontons des mairies, sauf à Morlaix: liberté, égalité, fraternité. Il faut aussi poser le problème de la laïcité: il est nécessaire de revenir à une école vraiment libre (c'est à dire laïque) et accessible à tous. Ceux qui comme Sarkozy font référence à un gène chrétien ou à une histoire chrétienne structurant l'identité française nous paraisse aller vers une pente qui est tout sauf démocratique. La France n'est pas né de l'Eglise: la nation est née de son acte de naissance démocratique pendant la révolution, et elle est d'abord réuni par un projet plus que par un héritage. Toutes les religions et les lieux de culte doivent être traités avec la même indifférence par l'État. On assiste aujourd'hui à une remise en cause inacceptable du droit du sol: quand on demande à des gens en vue ayant des parents ou des grands-parents d'origine étrangère de prouver leur nationalité, tout le monde s'indigne, mais des citoyens ordinaires se font harceler par les préfectures à la suite des lois anti-immigration dans l'indifférence générale. La démocratie implique aussi un meilleur partage des richesses, le rétablissement des services publics qui ne doivent pas être gérés comme cela se produit beaucoup maintenant suivant les principes de gestion capitaliste, avec un but de rentabilité. Il faut aussi établir des moyens de contrôle du respect des mandats des élus. Pourquoi ne pas introduire l'obligation pour un élu d'avoir des comptes-rendus de mandats réguliers pour les électeurs? Dans le temps, on voyait ainsi des assemblées publiques sous les préaux d'école où les élus locaux avisaient la population de leurs actions de représentants du peuple et demandaient un renouvellement de confiance. Il faut aussi mettre en place des gardes-fou pour éviter les conflits d'intérêt: on peut douter de l'honnêteté d'un ministre de la santé issu de l'industrie pharmaceutique...

Daniel Ravasio: Je voudrais insister, en me basant sur mon expérience à la FSU, sur la difficulté d'accomplir le travail syndical aujourd'hui: les documents sont remis de manière tardive, on ne nous laisse pas le temps nécessaire pour bien les analyser (par exemple, pour éplucher les lignes d'un texte de conseil d'administration). Il faut aussi se poser la question des capacités concrètes des citoyens pour exercer leurs droits démocratiques.

Ismaël Dupont: On peut aussi rappeler que de plus en plus on criminalise le mouvement social et les syndicalistes, en les gardant à vue quand ils participent à des grèves dures, des séquestrations provisoires de patrons ou de cadres, et en les obligeant à s'astreindre à un fichage génétique sous peine de prison en cas de refus. Pour ce qui est de l'opposition un peu brutale de mon introduction entre une démocratie grecque faisant la part belle à la revendication d'égalité sociale et au partage du pouvoir par tous les citoyens, indépendamment des considérations de naissance, de statu social, de niveau d'éducation, face à une démocratie parlementaire et bourgeoise garantissant la liberté de l'individu plus que l'égalité et la souveraineté du peuple, elle aurait mérité d'être dépassée mais je n'ai pas voulu faire traîner trop en longueur l'exposé. Il y a bien un philosophe moderne qui justifie la démocratie radicale, le refus de la délégation de la souveraineté et l'égalité sociale comme condition de la prise en compte d'un bien commun et de l'esprit civique, c'est Rousseau...

Thomas: C'est juste, on a des lois qui nous « permettent de... » mais en réalité il existe un système qui rend difficile ou impossible l'exercice de ces droits. Cette capacité à jouir de ses droits reconnus est souvent retirée au travers de petites manipulations. Exemples que je connais bien: exemple du rachat des points retraite: une loi a été votée en 1962 du temps de de Gaulle mais son décret d'application n'est intervenu qu'en 1992. En revanche, pour retirer la double imposition des français travaillant à l'étranger, Giscard d'Estaing a fait beaucoup plus vite, car la disposition touchait de très près les intérêts des milieux d'affaires. En réalité, disposer d'une loi basée sur des principes justes n'est pas suffisant si son imprécision empêche son application concrète.

Alain David:  On peut aussi parler de la création d'une véritable caste politique dans le pays. Depuis leur sortie de l'université, des jeunes militants se préparent à être dirigeants politiques, en prenant d'abord des responsabilités dans des organisations de jeunesse, puis en se professionnalisant et étant missionnés dans un cabinet ministériel, en tant qu'attaché parlementaire ou chargé de mission pour un conseil général ou régional... Cela donne des élus vivant dans un environnement fermé, déconnectés des réalités économiques du travail et des préoccupations de « monsieur tout le monde ».

Alain Rebours : Il faut réformer le statut de l'élu pour résoudre la question de la représentation de la diversité (femmes, salariés, catégories populaires, français d'origine étrangère...). Il faut interdire le cumul des mandats, voire prôner l'existence d'un mandat électif unique. Il faut casser l'ENA qui produit la pensée unique et les relations incestueuses des responsables politiques et des patrons de grande administration et des grandes entreprises. Dans le fonctionnement interne des partis politiques, il faut rendre possible le contrôle des élus par les militants et le droit de tendance comme cela se fait à la FSU aujourd'hui, à la FEN hier, c'est à dire le droit de s'organiser à l'intérieur d'un parti de manière indépendante par rapport à la direction.

Thomas: Je voudrais vous faire partager une citation que j'ai relevé et qui me semble adapter à ce que l'on a pu dire sur le climat xénophobe et l'absence de projet social de notre démocratie actuellement: « La démocratie est en danger quand les gens se rassemblent parce qu'ils se ressemblent et non parce qu'ils se complètent ».

Yves  Abromovicz: Il faut supprimer la fonction de président de la République. A quoi sert-il? La mascarade du présidentialisme nous serait ainsi épargnée. On ne voterait plus à la tête du client et on pourrait peut-être réconcilier le citoyen avec les élections...

Ismaël Dupont: S'agissant de la question de la revendication d'un Parlement élu à la proportionnelle intégrale, on peut se demander, même si l'objectif paraît tout à fait légitime du point de vue de la représentation de la diversité d'opinions des électeurs, si cela ne nourrirait pas l'instabilité parlementaire, les manœuvres politiciennes empêchant la mise en œuvre des plans de réformes sur la durée et une influence disproportionnée des petits partis pouvant faire basculer des majorités politiques comme cela se passe en Israël avec les partis religieux ou de droite sioniste ou comme cela se passait sous la IV ème République?

Alain Rebours: Il faut se méfier de ne pas reprendre à notre compte la légende noire d'une IVème République impuissance, instable et corrompue par l'opportunisme parlementaire, nourrie par le gaullisme après 1958. En réalité, la IVème République a été capable de grandes réalisations de la même manière que sans exécutif fort, avec une représentation fidèle de la diversité politique, les institutions de la IIIème République ont pu faire face aux débuts de la première guerre mondiale avec une relative efficacité. Par ailleurs, nous aurions un débat à mener sur le jacobinisme d'une certaine gauche, sur le rapport que l'État doit avoir aux spécificités culturelles. Rappelons que ce sont des gens de gauche qui ont empêché l'intégration de Diwan dans le service public d'éducation. Faut-il considérer que la République doit être forcément assimilatrice, homogénéisante, basée sur le culte de l'unité?

 

A la fin de la réunion, un rendez-vous est pris pour mai ou juin pour une nouvelle réunion-débat du Front de Gauche pour un programme partagé et populaire pour 2012 sur la question de l'énergie.

 

Merci à tous les participants de cette réunion publique !  

PS: Compte-rendu (forcément incomplet) réalisé par Ismaël.  

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