Les personnes âgées ont bâti notre pays, travaillé toute leur vie à produire des richesses sociales diverses: elles ont le droit de vieillir dignement, qu'elles soient aisées ou pas.
Relever dans la solidarité et l'humanité le défi du doublement du nombre de Français de plus de 85 ans d'ici 2040 exige, comme la création de la Sécurité Sociale dans l'après-guerre, la création de nouveaux espaces de socialisation des richesses limitant la financiarisation de l'économie.
Le bien-être des vieux est un problème de partage des richesses.
A Morlaix et dans les communes de Morlaix-Communauté, beaucoup de personnes âgées, particulièrement celles en perte d'autonomie, vivent dans des conditions précaires, dans un relatif isolement, avec des difficultés à accéder à un logement adapté comme aux services proposés à l'ensemble des autres citoyens. Plusieurs particuliers ou associations comme l'ORPAM créer des solidarités concrètes pour faciliter l'accès des personnes âgées à leurs droits, à la vie sociale, aux loisirs et à la formation... mais cela ne suffit pas.
La collectivité n'investit pas assez dans l'accessibilité des équipements et de l'habitat pour les seniors. Beaucoup de progrès restent à faire en termes d'accès aux transports publics, à la mobilité, à l'échange social, aux loisirs.
La France compte 11 millions de plus de 65 ans, 9% de plus de 75 ans. Les jeunes, - de 25 ans, restent trois fois plus nombreux que ces derniers, et les mineurs (14 millions) encore plus nombreux eux aussi que les + 65 ans, contrairement à ce que l'on peut entendre sur le vieillissement inexorable de la population, argument rabâché pour remettre en cause les droits à la retraite ou parler d'un déclin économique et démographique de la France qui imposerait des renoncements sur la Sécurité Sociale et le retour à la simple solidarité familiale.
Néanmoins, le nombre de vieux de plus de 85 ans devrait passer de 1,3 millions en 2007 à 5,4 millions en 2060 selon les projections de l'INSEE . Le fait que les gens vivent plus longtemps n'est en soi un problème que pour les gens qui raisonnent en termes comptables. Pour nous, c'est avant tout une chance, et un défi pour construire de nouveaux outils de socialisation et de solidarité.
La réalité du vieillissement de la population est d'abord liée à des progrès techniques et sociaux très importants accomplis depuis l'après-guerre mais elle est relativisée par des inégalités et déterminée socialement. A 35 ans, l'espérance de vie pour un cadre est de 47 ans, de 41 ans pour un manœuvre. Et l'inégalité est plus importante encore si l'on veut parler d'espérance de vie en bonne santé. Les réformes des retraites imposées depuis 20 ans qui reculent l'âge de départ et le niveau moyen des pensions, aggravent les inégalités entre hommes et femmes, cadres et ouvriers, ne font qu'alourdir ce problème.
La retraite moyenne tourne autour de 1100 € par mois tandis que le minimum vieillesse se situe autour de 700€ par mois. Les maisons de retraite (EHPAD) ont un coût mensuel par personne de loin plus élevé: entre 1500 et 4600 euros, avec une moyenne à 2890 euros mensuels selon la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Même avec l'APA (l'allocation personnalisée pour l'autonomie), le reste à charge pour les personnes âgées et pour les familles de l'aide à domicile ou de la maison de retraite est très élevé: souvent autour de 1500-2000 € en établissement, plus de 500€ par mois pour un maintien à domicile, lequel est privilégié pour volonté de rester « dans ses meubles » et parfois avec les siens, mais aussi très souvent pour des raisons de nécessité financière. Des maisons de retraite publiques ou associatives à but non lucratif doivent être construites, rénovées et agrandies au plus près des gens, afin que leurs coûts modérés limitent le reste à charge pour les personnes âgées: aujourd'hui, avec un coût moyen de 1900€ mensuel en Bretagne, les maisons de retraite sont inaccessibles à des gens qui ont des petites retraites. Ce pourquoi, en forçant le trait, on pourrait dire qu'on y rentre quasiment que "pour y mourir": la durée moyenne d'un "séjour" en maison de retraite est de 23 à 24 mois.
Aujourd'hui, dans le Finistère, département vieillissant, il y a 91 EHPAD représentant 9127 places, et 42 foyers foyers logement pour personnes âgées autonomes (2390 places). Mais Pierre Maille lui-même disait il y a trois ans à Plouigneau: il manque 2000 places en maison de retraite dans le Finistère. Depuis, qu'a t-on fait pour combler ce manque ?
On estime à environ 4,3 millions le nombre de personnes qui apportent leur aide à un parent en perte d'autonomie: en cas de maladie comme Alzheimer, le temps passé auprès des malades peut-être très élevé. Et n'est pas sans affecter le moral ou la possibilité d'exercer son métier à plein temps. La conciliation entre vie familiale et professionnelle quand la perte d'autonomie affecte un proche est problématique. Impuissance, solitude, désarroi sont des mots qui reviennent souvent dans la bouche des aidants.
Un projet de loi dépendance, reporté sous Sarkozy, est en passe d'être adopté au Parlement. Il comporte des avancées, mais son financement est très insuffisant, centré sur la Casa (contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie), une taxe de 0,3% sur les pensions de retraites imposables qui rapporte 645 millions d'euros par an, lesquels serviront essentiellement à réévaluer l'APA. Depuis 2002, les départements portent le plus gros du financement de l'APA, et, dans plusieurs départements comme le Finistère, les nombres d'heure d'aide à domicile financées à ce titre diminuent pour les personnes âgées, laissant les personnes âges handicapées et leurs aidants dans une plus grande vulnérabilité. Après avoir promis la construction ou la rénovation de 80000 logements adaptés par an pendant la campagne des présidentielles de 2012, Hollande ne se fixait déjà plus l'objectif un an après que de 80 000 en 5 ans. Pourtant, vu que par choix et nécessité, l'arrivée en maison de retraite est beaucoup plus tardive, le droit de bien vieillir suppose un effort important de la collectivité pour aider les particuliers à aménager le logement, ou déménager dans un logement adapté, bien isolé, pas trop coûteux en énergie, proche des commerces, permettant les échanges sociaux.
Les associations qui gèrent l'aide à l'autonomie ont un équilibre précaire, emploient souvent du personnel dont les qualifications sont insuffisamment reconnues, en situation de précarité, avec des frais de déplacement pas assez pris en charge et des modes de gestion reposant souvent trop sur des bénévoles. Dans les EHPAD et les structures hospitalières, le manque d'effectif et un taux d'encadrement insuffisant créent en dépit du sérieux et de la bonne volonté des salariés un manque d'humanité dans la prise en charge, et parfois aussi une certaine forme de maltraitance institutionnelle ou de mise en danger des résidents. Les associations d'aide à domicile à but non lucratif financées par des crédits publics doivent pouvoir perdurer adossées à un vrai soutien et un contrôle public départemental pour garantir la qualité de la prise en charge et des formations.
Il y a des efforts énormes à faire pour adapter les villes, les logements, les services publics aux besoins des personnes en perte d'autonomie. Pour changer aussi le regard sur les seniors, développer le lien intergénérationnel, construire une société pour tous les âges.
Il faut que la société investisse des milliards d'euros pour faire de la prise en charge de la perte d'autonomie un droit universel sans conditions d'âge ou de ressources, financé par la solidarité nationale dans le cadre de la sécurité sociale.
La présidente de la FNPAEF (Fédération Nationale des Associations de Personnes âgées et leurs familles), citée le 9 janvier 2013 dans le Télégramme, disait: "il manque 12 milliards d'euros" chaque année pour assurer une prise en charge décente et universelle de la perte d'autonomie, "à comparer avec les 70 milliards d'euros de niches fiscales"... ou les 50 milliards d'allégements d'impôts octroyés aux entreprises, et particulièrement les plus grosses, sans contreparties exigées sur l'emploi.
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