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18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 19:57
Turquie : « Ce n’est pas un accident, c’est un meurtre »
Hassane Zerrouky
Vendredi, 16 Mai, 2014
À Soma, qui pleure ses morts, et dans tout le pays, la colère est vive. Le bilan est lourd près de 300 morts. Les chances de retrouver des survivants
se sont amenuisées. Les syndicats dénoncent la cession des mines au privé. À Izmir, la police charge violemment des milliers de manifestants.

La Turquie est encore sous le choc, la tristesse et la colère. Les programmes télévisés ont été interrompus et les festivités annulées. Les images émouvantes des familles éprouvées par la perte de l’un des leurs et les témoignages des survivants tournent en boucle sur les chaînes de télévision.

Sur les lieux de la tragédie, à Soma (100 000 habitants), des milliers de personnes ont participé aux obsèques de dizaines de mineurs dans une atmosphère de deuil et de colère retenue. Toutes réclament «justice». Ce mot est, selon cet ami turc, sur toutes les lèvres. Toute la matinée, les haut-parleurs ont déversé dans les rues des avis de décès. Et ce n’est pas la visite du président Abdullah Gül, hier, sur le site minier qui apaisera la douleur des familles, après celle très chahutée, la veille, au cri de «voleur» et «assassin», du premier ministre, Tayyip Erdogan, auquel les habitants de cette cité minière reprochent d’avoir ignoré les avertissements répétés sur l’insécurité dans les mines de Turquie.

 

Depuis mardi, le bilan, encore provisoire, s’est alourdi : 282 mineurs sont morts. Et la liste des victimes risque de s’allonger encore lorsque les secouristes, qui ont travaillé toute la nuit, parviendront à dégager les deux galeries qui étaient encore inaccessibles hier matin. Quelque 80 mineurs se trouveraient encore sous terre. Et les chances de retrouver des survivants semblaient hier quasiment nulles.

On en sait un peu plus sur les circonstances de ce drame causé apparemment par un transformateur électrique défectueux dont l’explosion a provoqué un effondrement bloquant des centaines de mineurs dans les galeries. En tout cas, de mémoire de mineur, c’est la pire catastrophe minière qu’a connue la Turquie depuis celle survenue en 1992, à la suite d’une explosion de gaz dans la mine de Zonguldak, sur la mer Noire. Dans un communiqué, la compagnie minière Soma Komur a tenté de dégager sa responsabilité en affirmant que «l’accident est survenu malgré un maximum de mesures de sécurité et des inspections». En écho, le ministère turc du Travail a assuré que la mine avait été inspectée la dernière fois le 17 mars et qu’elle appliquait les normes en vigueur. «Ce n’est pas un accident du travail, c’est un meurtre !» a alors rétorqué le Disk (Confédération des syndicats révolutionnaires de Turquie).

Trois semaines avant cet accident, le Parlement, dominé par le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), n’avait-il pas refusé la formation d’une commission demandée par les trois partis de l’opposition siégeant à l’Assemblée –CHP (kémaliste), BDP (pro-Kurde) et le MHP (nationaliste) – pour faire un état des lieux de la sécurité des mines en Turquie ? D’autant qu’entre 1992 et 2012, 3 053 ouvriers mineurs ont trouvé la mort dans les mines turques et 362 208 ont été blessés.

Aussi, rien de surprenant à ce que quatre syndicats de Soma aient appelé hier à une grève nationale d’une journée pour protester contre l’insuffisance des normes de sécurité de la mine que le gouvernement de l’AKP a concédée au privé. «Des centaines de nos frères travailleurs à Soma ont été voués d’emblée à la mort en étant forcés de travailler dans des conditions de production particulièrement difficiles dans le but de parvenir à des profits maximaux. Nous appelons la classe ouvrière et les amis des travailleurs à se lever pour nos frères de Soma», déclarent-ils dans un communiqué. «Ceux qui, dans le cadre de la politique de privatisation, mettent en danger la vie des travailleurs au nom de la réduction des coûts sont coupables du massacre de Soma et doivent en répondre», ajoute de son côté la Confédération des syndicats la fonction publique (Kesk).

Vent de colère toujours, après Soma, Ankara et Istanbul, ils étaient plus de 20 000 hier dans les rues d’Izmir, la troisième ville du pays, à répondre à l’appel du Disk. Au cours des affrontements ayant opposé les syndicalistes à la police, Kani Beko, le président du Disk, a été sérieusement blessé et évacué vers un l’hôpital. Une chose est sûre, le premier ministre turc, Tayyip Erdogan, dont les proches ont été mis en cause dans un vaste scandale de corruption, n’avait sans doute pas besoin de cette affaire malgré la victoire de son parti, l’AKP, aux élections locales de mars dernier.

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