Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, ce gouvernement soutenu par la majorité sénatoriale, alimente une dérive à la fois austéritaire et institutionnelle. La censure du gouvernement Barnier a révélé l’isolement d’un exécutif privé de majorité. Mais loin d’en tirer les conséquences, le pouvoir s’est obstiné, reconduisant les mêmes orientations néolibérales et refusant tout infléchissement de sa démarche de désarmement fiscal — celles- là mêmes que les électeurs ont désavouées en juillet 2024 en plaçant la gauche et son programme en tête des élections législatives. Le recours systématique au 49.3 à l’Assemblée nationale, et à des secondes délibérations procédurales au Sénat pour imposer un budget rejeté dans le pays n’a fait que confirmer ce coup de force démocratique.
Dans ce climat de tension, la droite sénatoriale se met au service du gouvernement mis en place par Emmanuel Macron.Elle entend désormais faire du Sénat le centre de gravité du débat budgétaire, cela pour contourner l’absence de majorité absolue et justifier une politique de rabots budgétaires et de régressions sociales et environnementales. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le Sénat ne peut se substituer à l’Assemblée nationale. Ce serait trahir l’esprit de nos institutions, dévoyer le rôle de la seconde chambre, et précipiter la crise démocratique. Nous refusons cette pratique institutionnelle délétère.
Tandis que des institutions profondément fragilisées et un climat d’insécurité sociale croissante alimentent les ambitions de l’extrême droite, le gouvernement prévoit pour 2026 un ajustement de 40 milliards d’euros visant à ramener le déficit à 4,6 % du PIB. Présenté comme inévitable, cet objectif repose quasi exclusivement sur une compression des dépenses publiques, ciblée sur les dépenses de solidarité et en faveur de l’écologie, faisant peser l’effort sur les services publics, les droits collectifs et l’avenir même de notre planète. Pourtant, ces décisions budgétaires ne sont pas présentées ni débattues au Parlement. Le refus du Gouvernement de présenter un projet de loi de finances rectificatives participe de cette crise démocratique.
Les coupes massives dans les budgets d’avenir, notamment de l’écologie, justifient aujourd’hui les reculs majeurs des politiques écologiques, remettant en cause les objectifs climatiques. Sans accompagnement social, la transition écologique sera dans l’impasse.
Les ressources de l’État ont été méthodiquement affaiblies par 8 ans de politiques fiscales régressives : baisses massives d’impôts en faveur des riches et des grandes entreprises (pour un montant moyen de 60 milliards par an depuis 2017), suppression de la taxe d’habitation également pour les foyers les plus aisés, prolifération de niches inefficaces au bénéfice en particulier des grandes entreprises, et affaissement continu de la progressivité de l’impôt. Ces choix, aujourd’hui, expliquent en majeure partie le dérapage des finances publiques et la progression de la charge de la dette (environ 60 Milliards d’intérêts pour 2025).
Ainsi, est évoquée par la majorité sénatoriale, une réduction de 10 milliards d’euros sur l’ensemble des crédits budgétaires, à l’exception de ceux de la défense. Parallèlement, le gouvernement prépare une « année blanche » pour les collectivités territoriales, alors que nous avons tant besoin de l’action publique locale. Le gel envisagé des concours financiers de l’État, après un budget 2025 qui leur a déjà retranché a minima 5,6 milliards d’euros menace le pacte républicain entre les collectivités territoriales et l’Etat et donc la démocratie.
Derrière la façade rhétorique d’un « effort partagé », gouvernement et majorité sénatoriale masquent en réalité un refus obstiné de toute progressivité dans l’effort budgétaire. Ils refusent ensemble de mettre à contribution les plus riches. Alors que les inégalités patrimoniales progressent et que la France redevient une véritable société d’héritiers, la situation et les orientations actuelles ne sont pas acceptables. Ce n’est pas faire nation. Comment maintenir les privilèges fiscaux tout en préparant l’acceptation d’une hausse de la TVA, l’impôt injuste par excellence, pour financer le système de sécurité sociale par un mécanisme de TVA sociale qui n’a de social que le nom ?
Des marges importantes de recettes nouvelles existent, par exemple : conditionner les aides publiques à des critères sociaux et environnementaux, accroître la fiscalité du capital, des hauts revenus et réformer structurellement celle du patrimoine. Ce sont ces propositions alternatives, crédibles et concertées, que nos groupes parlementaires porteront à nouveau dans le débat budgétaire à venir, comme ils l’ont déjà fait à l’hiver dernier.