
Le général communiste Enrique Líster a joué un rôle de premier plan dans l’organisation et la direction des « maquis » espagnols.
L’opération « Reconquista de España» supposait également qu’un hôpital de l’arrière, en France et pas loin de la frontière, serve de « retaguardia » médicale (arrière-garde) aux guérilleros blessés. Le PCE et « l’Amicale des anciens FFI et résistants espagnols » aménagent à Toulouse, quartier Saint-Cyprien, un vieux bâtiment qui devient « l’Hôpital Varsovie », au 15 de la rue du même nom, un hôpital de qualité, solidaire, militant, qui peu à peu opère et soigne bien au-delà des guérilleros. La plupart des médecins sont militants du PCE ou proches de lui.
L’hôpital sera lui aussi, impitoyablement, victime du déploiement policier du gouvernement de « centre-droit et gauche », de l’ Opération de « Guerre froide » « Boléro-Paprika » ; « el hospital de los guerrilleros », véritablement décapité, et ses médecins espagnols arrêtés, déportés eux aussi, ou assignés à résidence, etc. Dans la journée même, des médecins communistes français prennent le relais, et l’hôpital prendra le nom de « Joseph Ducuing » en hommage à celui qui reprit la direction et le flambeau. La grande rafle suscite peu de réactions en France de l’époque. Plus il est gros et répété, mieux le mensonge passe... « L’Humanité », la CGT, le PCF, la Ligue des Droits de l’Homme... mènent une campagne de dénonciation et de solidarité. Le chef d’accusation finalement unique appliqué à tous les détenus, au-delà du grotesque : « intelligence avec une puissance étrangère », c’est l’accusation « d’appartenance communiste », et de surcroît étrangère.
LÉON BLUM VOLE AU SECOURS DES « BOLÉRISTES » ET LANCE : « LE COMMUNISME INTERNATIONAL A DÉCLARÉ LA GUERRE À LA DÉMOCRATIE »[1].
Les militants espagnols, intégrés aux syndicats français, luttent avec leurs camarades. Les autorités françaises, de droite, gaullistes, socialistes, radicales, de « troisième force », haïssent ces « rouges espagnols » révolutionnaires, « bouffeurs de curés », et de patrons. Une belle « union sacrée » ! Le 29 octobre 1948, le président du gouvernement, en pleine grève minière, accuse « la foule criminelle des communistes espagnols » d’avoir « attaqué les forces de l’ordre... ». Il fait porter aux Espagnols la responsabilité des affrontements sanglants, fruits de sa terrible répression contre les puits d’Alès, de Saint-Etienne, du Nord... et les mineurs grévistes. A partir de 1947, la France tourne le dos totalement aux Républicains espagnols et se place ouvertement sous la tutelle des Etats-Unis.
La presse française, « Le Figaro » en tête, accusent, eux-aussi, « la cinquième colonne » qui préparerait une « invasion soviétique » du sud de la France. Un danger mortel, totalement fantasmé, mais matraqué jusqu’à plus soif. Une telle parano , il faut le faire ! Ces propos sont repris par le très référentiel « Le Monde », et même « Le Populaire », journal du PS, « France Soir »... « L’Humanité » s’insurge contre l’arrestation de 300 antifranquistes, et le gouvernement qui cède aux pressions de Madrid[2], maltraite des héros de la Résistance, veut « nettoyer » de leur présence le grand sud de la France.
Peu à peu, la lutte des classes reprend ouvertement son cours normal. « Mieux vaut Franco que le ‘frente crapular’ ! ». Les socialistes jouent l’attentisme ; en septembre 1945, le plenum du PSOE condamnait l’organisation « de révoltes et d’incidents » qui pourrait légitimer, au plan international, l’existence d’un gouvernement de fait en Espagne »[3]. Le premier août 1950, le sénat nord-américain avait autorisé l’octroi d’un prêt de 62,5 millions de dollars à l’Espagne franquiste. Le 4 novembre 1950, l’ONU revient sur sa résolution du 12 décembre 1946 et autorise désormais ses membres à rétablir les relations diplomatiques avec l’Espagne. Décembre 1951, en ce qui concerne la France... Quelques semaines après « Boléro-Paprika ». Tout est là. Le 8 mai 1948, et le 14 juin 1949, la France et l’Espagne avaient déjà signé des accords commerciaux et financiers.
LE 23 SEPTEMBRE 1953, LE PRÉSIDENT EISENHOWER PARAPHE À MADRID AVEC FRANCO, EN GRANDE POMPE, LES « ACCORDS DE MADRID », EN TOUTE « COHÉRENCE » : RECONNAISSANCE DIPLOMATIQUE DU FASCISME ESPAGNOL CONTRE SOUTIEN ÉCONOMIQUE ET MILITAIRE DE WASHINGTON, ET QUATRE BASES MILITAIRES.
Comme Somoza, Franco était un « fils de pute », mais c’était « notre fils de pute », comme le déclara, un jour d’inhabituelle lucidité, le président nord-américain.
[1] DENOYER Aurélie, « Résonances françaises de la guerre d’Espagne », HAL, Archives ouvertes, ed. D’Albray, 2011, p. 295-312.

commenter cet article …