Lancée le 13 avril 2016 et destinée à élargir le socle du PS, la Belle Alliance populaire affiche aujourd’hui un bilan calamiteux et plusieurs de ses fondateurs ont déserté pour filer chez Macron. Son avenir sera scellé ces prochaines semaines lors de l'élaboration de la « nouvelle feuille de route » du PS.
C’était le bébé de Jean-Christophe Cambadélis et de quelques-uns de ses proches. Il devait être le mouvement qui allait « dépasser le PS » pour « fondre un mouvement qui nous dépasse » et « construire une nouvelle fraternité ». Et puis… rien. Nada. Néant. La Belle Alliance populaire (BAP) n’a jamais dépassé, en plus d’un an d’existence, le statut de coquille vide. Certes, la primaire organisée par le PS s’est bien faite sous l’égide de la BAP et les partis satellites qui s'y étaient joints rapidement – PRG, Front démocrate, Parti écologiste, notamment – ont pu participer au scrutin. Mais le résultat n'en demeure pas moins catastrophique.
François de Rugy, par exemple, qui avait au nom du Parti écologiste candidaté à la candidature, a vite tourné casaque pour rejoindre Emmanuel Macron, et devenir président de l’Assemblée nationale en juin. Au PRG, ce n’est pas mieux : après avoir hésité à participer à la primaire, celui-ci s’est éloigné du PS sans un regard, et réfléchit même à fusionner avec les radicaux valoisiens. Quant à Manuel Valls, il s'est totalement affranchi des règles de la primaire, en soutenant Macron avant même le premier tour.
Il fallait pourtant les voir, le 13 avril 2016, Jean-Christophe Cambadélis, mais aussi Julien Dray, le secrétaire d’État ex-EELV Jean-Vincent Placé, l’ancienne ministre PRG Sylvia Pinel, les écologistes François de Rugy et Denis Baupin, ainsi que quelques « représentants syndicaux et de la société civile », lancer à coups de grandes déclarations la Belle Alliance. L’opération avait commencé en septembre 2015, quand Cambadélis s’était fendu d’une lettre ouverte à la gauche et aux écologistes. Il écrivait alors : « Il ne s’agit pas de nous unir entre nous, entre appareils, dans un cartel. Il s’agit de nous unir avec le peuple de gauche, d’aller re-puiser notre légitimité et notre énergie, nos idées aussi, dans le peuple de gauche. Oui, cette alliance d’un nouveau type est une alliance populaire : la belle alliance, parce qu’elle dépasse nos propres formations. »
Tout à leur optimisme, Cambadélis et ses proches croyaient même que cette BAP pourrait ensuite essaimer dans chaque département. Pour forcer la chance, l’université d’été du PS devait être celle de la Belle Alliance. Mais la BAP n’a pas jamais connu son heure de gloire nationale : en 2016, l’université d’été a été annulée in extremis, au vu de la mobilisation contre sa tenue à Nantes, dans la foulée du mouvement de contestation de la loi sur le travail de Myriam El Khomri et à quelques kilomètres de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Elle avait été remplacée par une série de rendez-vous en région courant septembre, tous plus poussifs les uns que les autres.
Pis, le seul événement national, la convention nationale, a eu lieu dans une ambiance particulièrement lugubre, le 3 décembre 2016. En cause : le renoncement, quelques jours plus tôt, du président François Hollande à se représenter. Le centre de congrès de la Villette, à Paris, a vite paru surdimensionné. Il faut rappeler que le parti pariait sur la venue de 10 000 personnes (le chiffre de 15 000 avait même été avancé), avant de revenir à 5 000, puis 4 000, pour finalement n’annoncer que 3 000 personnes le jour même. Ce jour-là, lorsque nous interrogions le frondeur Christian Paul sur son absence à Paris, il nous répondait : « Nous n’avons jamais vraiment considéré la BAP comme une initiative opportune… la moitié du PS n’y est pas. »
Le meeting n’en a pas moins coûté au moins un million d’euros, selon un permanent du parti. Cette source, qui a demandé l'anonymat, pointe notamment le prestataire externe pour les bus : ils partaient de Paris le matin, allaient chercher les militants mais ne faisaient qu’un arrêt par département, avant, le soir, de les ramener et de revenir à Paris. Deux allers-retours dans la journée, parfois avec moins de 20 militants à bord… Autre exemple, cité par ce salarié de Solférino : un TGV privatisé pour ramener des militants de PACA, pour un coût d’au moins 150 000 euros. La direction du PS refuse pour l'instant de commenter ces chiffres, le coût de la BAP étant « en cours de consolidation » par la direction, qui s'engage à livrer le résultat au CE du 7 septembre. Ce qui est certain, c'est que le CDD du salarié chargé de s'occuper de la BAP a pris fin en avril et n'a pas été renouvelé.
Interrogé sur l'avenir de la Belle Alliance, un de ses artisans, Rachid Temal, proche de Cambadélis et membre de la nouvelle direction collective du PS, refuse de se prononcer. « La BAP comme beaucoup d'autres questions seront débattues dans les semaines qui viennent par les adhérents, par les militants, par les fédéraux. Ce sera à la fin de ce processus qu'on saura ce qu'elle devient. » Luc Carvounas, député et membre lui aussi de la direction collégiale, se fait plus tranchant : « La BAP, c'était une belle idée, mais son démarrage a déjà été un peu bancal… Je l'avais dit à Cambadélis et Julien Dray. En réalité, elle reposait à l'époque de son lancement sur des réseaux style SOS Racisme, des réseaux qui ne portaient pas dans la société. » Tout est dit. Au passé.
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