
SUITE DE NOS RÉVÉLATIONS SUR DES PRATIQUES ET DES PARCOURS EMBLÉMATIQUES DU SYSTÈME QUI SOUTIENT LE NOUVEAU POUVOIR.
Ce n'est plus seulement l'affaire Pénicaud, du nom de la ministre du Travail, c'est aussi l'affaire Pénicaud & Co, celle des méthodes de pirate qui ont cours au sein des mastodontes du CAC 40, l'indice de la Bourse de Paris qui regroupe les sociétés à base française les plus puissantes, et, enfin -- de manière plus inattendue comme on le verra --, celle de la filière « yaourt » de la Macronie.
Premier fait établi : en plus de Muriel Pénicaud, alors directrice des ressources humaines (DRH), ils sont huit des dix membres du comité de direction de Danone, le géant français de l'agroalimentaire, à avoir réalisé au total 4,8 millions de plus-values grâce à la vente d'actions de leur entreprise, boostées par l'annonce d'un plan de 900 suppressions d'emplois de cadre en Europe, dont 230 en France.
La plus-value de Muriel Péricaud est la deuxième plus importante ; elle se monte à 1,1 million d'euros. Mais le conseil d'administration de Danone a aussi une grande responsabilité. C'est lui en fait qui décide des rémunérations des cadres dirigeants, des salaires, de l'attribution de stock-options ou d'actions gratuites. Et surprise ! On découvre que sur les 15 personnalités siégeant au conseil d'administration, plusieurs vont en 2016 ou 2017 s'engager au sein des équipes d'Emmanuel Macron, tout comme Muriel Pénicaud.

L'Humanité du 27 juillet a révélé l'affaire Pénicaud.
L'examen dans le détail des publications de Danone montre que le scandale Pénicaud n'affecte pas que l'ancienne DRH du groupe. La quasi-totalité du comité de direction est impliquée, bénéficiant au total de près de 5 millions d'euros de plus-values. Récapitulons l'affaire. L'Humanité du 27 juillet dernier révèle que l'actuelle ministre du Travail a réalisé en 2013 une plus-value de 1,13 million d'euros sur des stock-options perçues en tant que directrice des ressources humaines (DRH) de Danone, profitant de la flambée en Bourse qui a suivi l'annonce de suppressions d'emplois du groupe en Europe et en France.
Rappelons comment marche le jackpot des stock-options. Si le conseil d'administration d'un groupe décide de récompenser une équipe de direction pour sa gestion jugée favorable aux actionnaires, il peut lui attribuer des stock-options. Ces stock-options ne sont rien d'autre que des autorisations d'achat d'actions de la société à un prix avantageux, fixé à l'avance. Au bout de quelques années quatre le plus souvent , le bénéficiaire peut lever l'option, acheter les actions proposées à faible prix et les revendre au prix fort. C'est ce qui s'est passé chez Danone.
Le 19 février 2013, le groupe détaille le plan de suppression d'emplois annoncé en décembre 2012 et comme le souligne le journal le Monde ce même 19 février, ce plan est « salué à la Bourse de Paris par une hausse du titre Danone de 5 % dès l'ouverture ». La DRH du groupe et le comité de direction ne peuvent alors ignorer l'information. Durant cette période, le cours de l'action Danone évolue ainsi : 48,07 euros fin décembre 2012, 52,101 euros fin février, 58,41 euros fin avril 2013 lorsque Muriel Pénicaud vend ses titres. Elle les a achetés 34,85 euros l'unité. Elle réalise une plus-value de 23,46 euros par action, le bonus total, compte tenu du nombre d'actions vendues, s'élève à 1,13 million d'euros.
Une somme plus que rondelette qui s'ajoute à la rémunération courante versée par le groupe à sa DRH. Lors de sa nomination comme ministre du Travail, en 2017, Muriel Pénicaud déclare à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avoir perçu les rémunérations suivantes lors de ses dernières années d'activité chez Danone : 1,2 million d'euros en 2012, 1 , 14 m i l l ion en 2013,2,4 millions en 2014. On suppose que ces sommes n'intègrent pas le 1,1 million d'euros de plus-value. S'ajoutent à cela les jetons de présence perçus en tant qu'administratrice d'Orange : 39 000 euros en 2012, 58 000 euros en 2013, 30 739 euros en 2014. Mais Muriel Pénicaud n'est pas toute seule à profiter des malheurs du monde. Avec elle, huit autres membres du comité de direction participent à la curée. À eux neuf, ils empochent un pactole de 4,8 millions d'euros (voir encadré) ! 4,8 millions pour 900 postes supprimés, soit 5 371 euros par emploi !
Qui donc a présidé à ce scandale ? Le conseil d'administration, sachant qu'à de rares exceptions, le vote de ces dispositions par les assemblées générales d'actionnaires n'est qu'une formalité. Et surprise ! Que découvre-t-on à l'examen des curriculum vitae des administrateurs ? Trois d'entre eux feront partie quelques années plus tard de la garde plus ou moins rapprochée du candidat Emmanuel Macron. Un quatrième viendra les rejoindre en 2014.
Le plus « capé » en 2013 est Jean-Michel Severino, sorte de Monsieur Afrique d'Emmanuel Macron. Il est l'ancien directeur général de l'Agence française du développement. Deuxième administrateur de Danone, agent actif de la filière yaourt de la Macronie, Jacques-Antoine Granjon, patron de Vente privée, un site en vogue de vente sur Internet. Suit, enfin, le trublion de cette filière lactée installée alors au conseil d'administration de Danone : Bruno Bonnell, ancien patron d'Infogrames puis dirigeant d'une société de robotique. Candidat de la République en marche à Villeurbanne, il a débarqué Najat Vallaud-Belkacem aux législatives et a été élu député.
Durant la campagne électorale, Mediapart l'a mis en cause pour avoir créé une société dans un paradis fiscal, au Delaware, aux États-Unis. Viendra les rejoindre en 2014 une recrue de poids : Lionel Zinsou, promu récemment président du think tank Terra Nova, un groupe de réflexion et de proposition proche du PS il y a peu encore, mais qui tend à se macroniser. L'homme, un Franco-Béninois, a été premier ministre du Bénin, petit État africain coincé entre le petit Togo et le grand Nigeria. Ancien de la banque Rothschild, comme Macron, il a été l'un des conseillers pour l'Afrique de ce dernier lors de la campagne électorale. En 2017, trois de ces hommes siégeaient toujours au conseil d'administration de Danone. Bruno Bonnell, lui, n'a pas été reconduit. Évidemment, rien ne donne à penser qu'il y a eu action concertée entre les futurs macroniens du conseil d'administration et la future macronienne du comité exécutif, c'est un système qui est en cause, une culture (lire ci-contre), une conception de la gestion des entreprises pour laquelle les salariés ne sont que des pions. C'est aussi cela qu'il faut changer.
Sur les dix membres du comité exécutif de Danone en 2013, neuf ont levé des options d'achat d'actions de Danone puis les ont vendues, réalisant ainsi en cumulé 4,8 millions d'euros de plus-values. Trois personnes, liées respectivement à Franck Riboud, le PDG du groupe,Emmanuel Faber, directeur général délégué, et Bernard Hours, autre DG délégué, ont gagné au total 714500 euros.
Bernard Hours lui-même a empoché 646000 euros; Francisco Camacho, directeur de la division eaux, 108000 euros; Thomas Kunz, directeur du pôle produits laitiers, 1,3 million d'euros; Félix Martin, directeur général de la division nutrition infantile, 97000 euros; Flemming Morgan, directeur de la nutrition médicale, 750000 euros; JeanPhilippe Pare, directeur R&D, 131000 euros.
Enfin, Muriel Pénicaud a touché 1,13 million d'euros.
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