Pol Huellou, artiste musicien, parolier et chanteur voyageur ayant son pied à terre à Plougasnou, militant de la CGT, du PCF et du Mouvement de la Paix passionné par la culture, la musique et l'histoire irlandaise, qui était venu avec le guitariste Gilles Le Bigot (et le groupe morlaisien Coverfield) animer la soirée musicale "irlandaise" du PCF à Roscoff au mois de mai dernier avec le député du Sinn Féin et ancien prisonnier de l'IRA Raymond Mc Cartney, vient de sortir un magnifique album "The lost agenda", avec des chansons souvent inspirées du répertoire irlandais ou écossais d'une beauté souvent déchirante et très émouvante, avec une voix très blues, de très beaux moments de flûte irlandaise, et un accompagnement à la chanson de Michèle Kerhoas.
Cet album dédié aux musiciens disparus amis de Pol - Tibor Gunar (1953-2011), Bruno Le Masson (1956- 2013) et Serge Kerguiduff (1943-2016) - est à mettre entre toutes les mains et à écouter pour les plaisirs de l'ouïe et de l'âme.
contact pour commander l'album: artforpeace@wanadoo.fr
A notre demande, Pol Huellou s'est attelé à la présentation artistique de son album "The Lost Agenda" et nous raconte chaque titre avec des explications savoureuses et précieuses.
Pour commencer, en guise de mise en bouche, cette traduction d'une des chansons qu'il interprète, superbe comme la voix qui la porte:
Dans mes souvenirs, je verrai toujours
Cette ville que j’ai tant aimée
Notre école jouait au foot près du mur des réservoirs à gaz
On se marrait à travers la brume et les odeurs.
Rentrant à la maison sous la pluie, courant dans la petite allée sombre
Passant près de la prison en descendant près de la fontaine
C’étaient des jours heureux
De diverses façons
Dans cette ville que j’ai tant aimée.
Dès les premières heures de la journée, la sirène de l’usine de chemises
Appelait les femmes de Craigan, de la Lande et de la Tourbière
Pendant que les hommes jouaient le rôle de mères
Donnaient à manger aux enfants et entrainaient les chiens.
Quand les temps étaient durs, il y avait à peine le nécessaire
Mais ils y faisaient face sans plainte
Car au profond d’eux mêmes il y avait un sens de l’honneur
Pour cette ville que j’ai tant aimée.
Il flottait une musique dans l’air de Derry
Telle une langue que nous pouvions tous comprendre
Je me rappelle le jour où j’ai touché ma première paye
Alors que je jouais dans un petit orchestre.
C’est là que j’ai passé ma jeunesse, et pour vous dire la vérité
Je fus triste de la quitter
C’est là que j’ai appris la vie et trouvé une femme
Dans cette ville que j’ai tant aimée.
Mais quand j’y suis retourné, mes yeux m’ont brûlé
De voir une ville mise à genoux
Par des véhicules blindés, les bars détruits pas les bombes
Des odeurs de fumée accrochées à chaque brise.
Aujourd’hui l’armée s’est installée près du mur à gaz
Et ces damnés de barbelés s’élèvent de plus en plus haut ;
Avec leurs tanks et leurs fusils, mon dieu, qu’ont ils fait
A la ville que j’ai tant aimée.
Aujourd’hui la musique a disparu mais la vie continue
Leur esprit a été blessé mais jamais brisé
Ils n’oublieront jamais car leur cœur est préparé
Pour demain et le retour de la paix.
Ce qui est fait est fait, ce qui est gagné est gagné
Ce qui est perdu est perdu et parti pour toujours
Je ne peux que prier pour un jour neuf
Dans la ville que j’ai tant aimé.
Pol Huellou & Friends The Lost Agenda
Les morceaux
1. Fortune My Foe (John Dowland 1563-1626) 2 :39
J’ai appris cette ballade pendant une tournée avec Serge Kerguiduff, en
Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande. Le texte n’est pas sans rappeler La
Ballade du Pendu, de Villon. Même situation, dernier message d’un condamné à mort.
Ce texte réapparaît plus tard dans les Veuves Joyeuses de W. Shakespeare.
Shakespeare est une référence partagée avec les amis du Travelling Footsbarn
Théâtre que je retrouve régulièrement depuis des années au gré des voyages et
tournées.
A noter que ce morceau s’ouvre sur quelques accords de cibalum avec Tibor
Gunar, grand virtuose rom rencontré pendant les enregistrements à Prague. Avec
Serge nous avions une version luth et flûte baroque, ici j’ai fais le choix d’une
interprétation qui ne relève pas de ce qu’on appelle la musique ancienne, mais
une version plus personnelle, contemporaine, intuitive.
2. Planty Irvine - Sé Bheag Sé Mhor (T. O’Carolan 1670-1738) 5 :19
Après avoir régulièrement joué en concert des planxties de Turlough O’Carolan,à la flûte, avec des harpistes tels que Myrdhin ou Anne Auffret, ici je vous propose une version à la sanza, parfois appelée Kalimba, Karimba, Ikembe (instrument
joué en Afrique au sud de l’équateur) + guitare et accordéon chromatique.
3. The Town I Loved So Well (Phil Coulter) 5 :32
Chanson incontournable quand on se réfère à la période de guerre civile récente
en Irlande du Nord, parfois appelée ‘Les Troubles’. D’autres villes martyres
viennent à la mémoire :
A pour Alep
B pour Belfast, Berlin, Brest
C pour Coventry
D pour Dresden …
4. The Star of County Down (instrumental) (trad.) 2 :43
Retour à la sanza. Cette chanson, hymne du Co. Down (Irlande du Nord) est ici
interprétée en version instrumentale. L’altération rythmique m’est venu lors d’une soirée tardive au Festival de Cork, lors d’une jam session avec Flaco Jimenez
(accordéon Tex-Mex), Steve Cooney (guitare) et David Hopi Hopkins (Bodhran), compagnon de route depuis des années. Le Co. Down est une région que je visite régulièrement depuis maintenant des décennies, pour y retrouver des spectateurs mais aussi des amis, comme Tommy, Colum, Catherine, Barbara Sands….
Cet enregistrement a été réalisé à l’Espace Glenmor à Carhaix par Bruno Le
Masson, autre compagnon de route pendant des années lors d’un spectacle
intitulé Hommages Vagabonds.
5. Moi J'm'ennuie (Camille François – Wal Berg) 5 :48
Seul morceau où je n’apparais pas. La preuve, c’est qu’elle s’ennuie… Chanson à texte comme je les aime et du genre que nous avons présentées lors de dizaines
de concert. Curieusement, le chorus à la guitare après le texte, devait être une
introduction. Les hasards de l’inspiration de production en studio m’ont amenés à déplacer cette intro comme développement instrumental à la fin du morceau.
6. Les Goémons (Serge Gainsbourg) 3 :25
Basé sur la côte nord de la Bretagne actuellement, j’avoue, et n’en soyez pas
choqués, que la nature, la mer, les paysages m’inspirent plus que les chants de
marins des fêtes estivales. Je ne peux pas faire abstraction de ma rencontre avec Dermot Healy, de Sligo et de ses nouvelles et poèmes. Même sensibilité païenne. Les goémons mais aussi les oies bernaches. Gainsbourg aurait pu être des nôtres lors d’un pub crawl historique à Dublin…
7. Just eur gigolo (Casucci/ adapt.Y.F.Kemener) 2 :15
Ce standard a été adapté en breton par Yann Fanch Kemener. Il était normal
d’avoir sur cet agenda une chanson en breton, en hommage à tous les bretonnans, et mon père qui a contribué à sa manière personnelle à la chanson en langue
bretonne, décédé ce printemps 2017 et qui pour l’annecdote a connu les
évolutions des technologies d’enregistrement en l’espace d’une vie : direct à la
radio (radio Quimerc’h, ondes courtes – Pierre Trépos – Pierre Jakez Hélias),
disques en cire (aujourd’hui disparus), 78 tours, LP carbonne, Vinyl, cassette,
CD, internet.
Adaptation clin d’œil…. A noter la contribution à la harpe celtique cordes métal
innovante de Jochen Vogel dans un style swing.
8. Cailin Deas Crùite na mBo (trad./arr.) 2 :49
Vous avez dit romantisme, paysages celtiques, imaginaire ?
9. A Pretty Girl Milking Her Cow (Roger Edens) 2 :25
Dans le rapport absurde et nostagie moteur de ce projet, cette chanson correspond à la première catégorie. Même si Julie Garland a fait rêver nombre d’entre nous. Le lilt, chant onomatopé à la fin du morceau nous ramène en Irlande…
10. The Tube (Pol Huellou) 3 :14
Un simple tube en PVC, un ‘oud, un groove. Dialogue avec un autre compagnon de route : Vasken Solakian.
11. Let's Blues It (trad/Paddy in The Bush) 5 :21
J’aime la transe, le plinn. Le groupe virtuel Paddy in The Bush, issu de la tribu,
pose ici les pieds sur terre et danse…. Ici sur ce chant arménienne une nouvelle
visite, cover version développement sur un thème traditionnel. Al balouzit, ‘Let’s Blues it’… Enregistré chez Michal et testé immédiatement en sonorisation
disco, l’autre côté de la rue en compagnie de danseurs tchèques, irlandais,
bretons, ukrainiens, à fond les caisses de sonorisation. A écouter en augmentant
le son tard le soir.
Recorded, mixed and mastered by Michal Sunbauer.
Additional recordings : Colum Sands & Bruno Le Masson (track 4, live
recording Hommages Vagabonds, Carhaix)