Récemment, Le Peuple breton faisait le point sur les positions d’un certain nombre de candidats à l’élection présidentielle, ceux qui sont généralement considérés comme les principaux candidats. Comme promis, voici aujourd’hui leurs positions sur le nucléaire militaire et le désarmement.
Commençons par Benoît Hamon interrogé par « Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (IDN) » présidée par Paul Quilès (devenu partisan du désarmement nucléaire après avoir été ministre de la Défense de François Mitterrand en 1985-86). Voici ce que nous apprend son blog : « [Benoît Hamon] a répondu OUI, comme Theresa May devant le Parlement britannique, à la question qui lui était posée : « êtes- vous prêt à donner votre feu vert à une attaque nucléaire capable de tuer des centaines de milliers de personnes, si cela garantissait la sécurité de votre pays ? ».
Dans le même temps, il a rappelé que le concept de dissuasion impliquait que les armes nucléaires ne devaient pas être utilisées en premier. Il a également approuvé la modernisation des deux composantes nucléaires (sous-marins lance engins et forces aériennes), alors que ces opérations coûteuses contredisent l’engagement de la France, qui, en ratifiant le TNP (traité de Non-Prolifération) en 1992, s’est engagée « à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire… »
Il n’a pas évoqué la nécessité d’œuvrer au désarmement pour améliorer la sécurité du monde et n’a pas mentionné les travaux en cours à l’ONU pour aboutir à un traité d’interdiction des armes nucléaires, auquel la France s’est opposée lors d’un récent vote à l’Assemblée générale des nations-Unies.
Outre que ces réponses sont parfois contradictoires, elles témoignent d’une volonté de poursuivre la politique de défense actuelle, qui repose sur un système de dissuasion nucléaire datant du XXème siècle, lourd, dangereux, coûteux et loin d’être crédible. »
La position de Jean-Luc Mélenchon n’a rien à envier à celle de son principal concurrent de gauche : « Le 27 janvier 2012, nous dit Médiapart, Jean-Luc Mélenchon a répondu à un questionnaire soumis par l’Action des citoyens pour le désarmement nucléaire. Il conclut sa lettre par cette affirmation saisissante : « je ne peux m’engager à ne jamais utiliser d’arme nucléaire contre quelque peuple que ce soit » . A-t-on jamais lu ou entendu un représentant de la « gauche de la gauche » parler ainsi ?
La réponse de Jean-Luc Mélenchon à ce questionnaire a été soigneusement pesée. Elle s’inscrit dans une orientation d’ensemble qui exalte « l’amour de la France », qui valorise le rôle de l’Etat français sur le plan international et prône le renforcement de ses « capacités militaires souveraines ».
Une position qui n’a rien d’étonnant de la part d’un candidat qui se proclame sur une grande chaîne « républicain jacobin ».
« Cette orientation d’ensemble, reprend Médiapart, est totalement étrangère à tout l’éventail des traditions de la « gauche militante », de rupture avec l’ordre établi – qui va de l’antimilitarisme révolutionnaire au pacifisme. Elle est étrangère à toute la tradition anti-impérialiste et anticolonialiste […]. Si Jean-Luc Mélenchon dénonce virulemment l’impérialisme étatsunien, il considère en revanche que l’Etat français n’est pas impérialiste et ne menace aucun peuple.
[…] Il est assez inquiétant de voir avec quelle facilité le chantre le la VIe République endosse l’habit présidentiel de la Ve République. Cette posture a en effet bien des implications : se projeter en chef des armées et héraut de la nation, notamment. »
Du côté d’Emmanuel Macron, pas beaucoup de prises de position pour l’instant, sinon très récentes, comme nous le fait savoir « Zone militaire » :
« M. Macron s’engage à moderniser ses deux composantes (océanique et aéroportées). Or, les travaux allant dans ce sens sont déjà engagés. Au plus peut-on en déduire qu’il n’a pas l’intention de réduire le format des forces stratégiques, contrairement à d’autres responsables politiques (dont certains soutiennent sa candidature), qui proposent de supprimer la composante aéroportée. » Quand à son nouvel allié François Bayrou, le réseau « Sortir du nucléaire » nous indique qu’il est « favorable au maintien de la « dissuasion nucléaire », comme l’indique sa visite à la base de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de l’Île Longue ce 23 janvier. »
Et c’est de nouveau Médiapart qui nous donne la position de Marine Le Pen et de François Fillon dont les postions pour le nucléaire militaire sont en adéquation avec leur engagement droitier : « Tous [les candidats] ou presque entendent conserver et embellir la force de frappe française. Pour Marine Le Pen, « notre concept de dissuasion nucléaire sera réaffirmé et précisé. Il doit demeurer le fondement de notre stratégie de défense et la garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance nationale. » Même chose pour François Fillon : il faut « maintenir la force de dissuasion nucléaire et préparer sa modernisation » ».
La position d’Alain Juppé (sait-on jamais !) est beaucoup plus nuancée, du moins l’était-elle en 2009 : « Brièvement ministre de la Défense de novembre 2010 à février 2011, nous dit l’Opinion, Alain Juppé n’a pas eu alors le temps d’imprimer sa marque dans le monde militaire où les préventions à son égard restent importantes. Celles-ci s’abreuvent à plusieurs sources. Les farouches défenseurs de la dissuasion nucléaire, nombreux dans la Marine, ne lui ont pas pardonné une tribune cosignée avec Michel Rocard en 2009 dans laquelle il appelait à « un désarmement nucléaire mondial ». Même s’il a modéré ses déclarations d’alors, son discours à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) en septembre dernier n’a pas rassuré les plus inquiets, lorsqu’il promettait d’ « assurer la pérennité de notre politique de dissuasion » mais avec ce codicille : « dans des conditions compatibles avec nos contraintes budgétaires ». Oui mais… en 2012 sur Europe 1, « Alain Juppé [commentait] la proposition du socialiste Michel Rocard de supprimer la dissuasion nucléaire pour faire des économies. « Observez l’état du monde : il est paisible, il n’y a pas de menace, pas de risques de prolifération nucléaire… donc il est bien le moment de se mettre à poil sur le plan de la défense. Je le répète : ce serait une très grave erreur stratégique que de baisser la garde de la défense française aujourd’hui. La dissuasion nucléaire est la garantie de la sécurité et l’intégrité de la France ».
Enfin, dans notre précédent article sur les positions des candidats sur le nucléaire civil, nous avions laissé la parole finale à Christian Troadec. Là nous la laisserons à Oscar Temaru, emblématique opposant aux essais nucléaires (la Polynésie française a subi 193 essais nucléaires entre 1966 et 1996) qui salue la décision historique de l’Eglise protestante maohi qui a décidé de porter plainte contre l’Etat français au tribunal de La Haye vis-à-vis des essais. « C’est un crime contre l’humanité parce que les essais nucléaires français nous ont été imposés, il y a eu des morts, et il y aura encore les générations futures qui vont souffrir de ces essais nucléaires » (France-Info août 2016).
(Né en 1949, Christian PIERRE est membre de l'UDB depuis 1977 et du bureau de sa fédération depuis 1979. Très engagé pour la Bretagne, il est très investi aussi dans les Droits de l'Homme, comme à l'ACAT (ONG chrétienne de lutte pour l'abolition de la torture et contre la peine de mort) dont il est coordonnateur régional. Il milite enfin pour les droits du peuple palestinien).
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