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5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 14:01
Deux mois après l’évacuation de Calais, incertitudes et promesses oubliées

Il y a neuf semaines, 7 153 personnes étaient évacuées de la plus grande « jungle » de France et réparties sur le territoire. Depuis, des mineurs ont fugué des centres d’accueil.

A travers les vitres de son café, Au Cabestan, Laurent Roussel suit parfois du regard « un groupe de trois ou quatre migrants, discrets, mais si faciles à reconnaître ». Hier grande épicerie des Afghans et des Soudanais, le Lidl, en face, est redevenu une supérette comme les autres à Calais. Si, pour l’heure, le barman ne croise pas plus de dix exilés par jour en ville, il lance volontiers des « attendez le printemps », de l’air entendu de ceux qui ont vu se faire et se défaire plus d’un campement, au gré des coups de menton politiques.

Derniers partis de la « jungle » démantelée en octobre, les adolescents sont aussi les premiers à être revenus. La soixantaine de centres d’accueil et d’orientation pour mineurs (Caomi) ouverts à travers la France se vident peu à peu, en silence. Mis en place par l’Etat pour retarder l’entrée massive de ces adolescents étrangers dans le dispositif français d’aide sociale à l’enfance (ASE), ces centres d’accueil, créés hors cadre légal, courent après leurs pensionnaires.

« Sur la commune, il reste 8 jeunes sur les 36 du départ, alors que 4 seulement sont partis légalement en Grande-Bretagne dans le cadre du regroupement familial. Nos effectifs sont même descendus à 3 avant que la police n’en ramène quelques-uns », explique Bernard Marconnet, le maire de Châtillon-d’Azergues (Rhône). A Fouras-les-Bains (Charente-Maritime), Sylvie Marcilly en a vu 7 partir vers la Grande-Bretagne, sur les 20 qu’hébergeait sa commune. « Quatre auraient quitté le centre d’eux-mêmes, mardi », rappelle l’édile, inquiète aussi pour les deux jeunes que son département n’a pas reconnus comme mineurs. « Cet accueil manque de lisibilité. Les jeunes ignorent ce qu’ils vont devenir ; c’est humainement difficile », déplore-t-elle.

Crochet par la Belgique

Pour elle, cette incertitude des lendemains explique les fugues hivernales. Le défenseur des droits, Jacques Toubon, n’est pas loin de cette analyse. Dans son rapport rendu public le 21 décembre, il ne partage pas le satisfecit que le gouvernement s’est accordé, qualifiant de « grande opération humanitaire » une évacuation que M. Toubon assimile plutôt à de la « gestion de flux ». Le défenseur des droits y regrette notamment que « les mineurs n’aient pas fait l’objet d’une priorité, que ce soit avant le démantèlement, pendant ou après ». 866 des 1 900 jeunes qui vivaient sans parent dans ce no man’s land, parfois depuis des mois, ont pu rejoindre légalement la Grande-Bretagne ; la Place Beauvau reste muette sur le taux de fuite des autres mineurs des Caomi.

Quand ils reviennent à Calais, beaucoup sont interpellés dès la gare ou en ville. Le quadrillage policier reste assez dissuasif pour que les adolescents fassent un crochet par la Belgique pour rallier Londres. A moins qu’ils ne se cachent dans le fond d’un véhicule sur un parking du sud ou de l’ouest de la France. « Au ferry ou au tunnel, les véhicules sont d’autant moins contrôlés qu’ils viennent de loin », observe un responsable policier qui explique que « la prise en charge se fait donc désormais à 400 ou 500 kilomètres du Pas-de-Calais ».

Hébergés chez l’habitant

Pour l’heure, aucun campement ne s’est reconstitué. Bien antérieurs à l’évacuation, les petits regroupements de Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) ou Steenvoorde (Nord) n’ont pas connu d’afflux. Selon plusieurs sources, une soixantaine de Soudanais, Afghans ou Erythréens seraient hébergés chez l’habitant, dans cette ville frontière ; des mineurs revenus de Caomi ou des adultes jamais partis. Des mini-squats assez éphémères existent aussi, mais même les associations évitent de s’y rendre pour en préserver la discrétion.

Globalement, les adultes s’accommodent mieux de leur séjour en centres d’accueil et d’orientation (CAO), que les jeunes. Selon une communication officielle du directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), Didier Leschi, 9 % seulement avaient refait leur sac, fin décembre. « C’est peu, comparé aux 20 % ou 30 % de fuites qu’ont connus les CAO à leurs débuts », observe M. Leschi, pour qui « ce dispositif fonctionne bien ». En fait, la situation reste assez différenciée, selon les associations gestionnaires. Ainsi, l’Auvergne enregistre 27 % de départs, le Limousin 17 %, la Lorraine 16 %, quand la Basse-Normandie est à 3 %, les Pays de la Loire à 5 %. Mais les humanitaires craignent que ce bilan d’étape ne s’assombrisse dans les temps à venir.

Tout à sa volonté de réussir l’opération très politique d’évacuation du plus grand campement de France, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur, avait promis aux associations que les migrants déjà enregistrés dans un pays d’entrée en Europe n’y seraient pas refoulés, contrairement à ce que prévoit le règlement européen de Dublin. C’était en effet le seul moyen d’inciter ces migrants « dublinés » à monter dans les cars. Aujourd’hui, une majorité des préfets ont préféré les consignes administratives de la direction des étrangers de France à la parole politique. Une partie des préfets s’estiment donc légitimes à appliquer le règlement de Dublin, avec pour seule limite de ne pas utiliser la « contrainte ».

 

 

LE MONDE |   05.01.2017

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