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21 novembre 2016 1 21 /11 /novembre /2016 15:39

L’HUMANITE DIMANCHE

Jeudi 17 novembre 2016

 

Des soignants et des patients en souffrance, des milliers de lits d'hospitalisation et des dizaines de milliers d'emplois supprimés. L'épuisement des personnels est à son comble, allant pour certains jusqu'au suicide. Le 8 novembre, ils étaient dans la rue pour affirmer que l'hôpital ne se gère pas comme une entreprise. Qu'ils n'en peuvent plus de la règle du « compter plutôt que soigner ». La tarification à l'activité, pivot du plan hôpital de 2007, a profondément perverti la mission de l'hôpital public, le sens du soin et celui du travail. Aujourd'hui, la loi santé de Marisol Touraine prolonge la loi Bachelot de 2009 dite « hôpital, patients, santé, territoires ». Elle impose à tous les hôpitaux d'adhérer à des groupements hospitaliers de territoires (GHT), qui mettent les établissements publics de santé en concurrence. Avec les mesures du plan triennal de 3 milliards d'économies et 22 000 suppressions de postes, cela signe le parachèvement du démantèlement du service public hospitalier. Alors, peut-on encore sauver l'hôpital public ? Oui, disent soignants, professionnels, syndicalistes et chercheurs.

 

Quatre pistes pour inverser la donne.

 

En finir avec la tarification à l'activité

En distinguant les activités de soin rentables des autres, la tarification à l'activité ­ T2A ­, mise en place progressivement depuis 2003, impose une logique de résultats et non de moyens, ni de besoins : les recettes issues des activités déterminent les dépenses et pas l'inverse. La T2A a profondément modifié l'ADN des missions de l'hôpital public, la vie des patients et celle des soignants, ainsi que le sens et les conditions de leur travail.

« Aujourd'hui, le critère, ce n'est plus de savoir si les patients vont bien, mais la durée moyenne de séjour (DMS) : le plus de patients dans le moins de temps possible », déplore Philippe Pellegrini, infirmier en psychiatrie au CHU de Nice et membre des commissions paritaires locale et départementale. « Il faut vraiment en finir avec cette logique comptable où l'on gère à la chaîne pour faire des recettes. La santé n'est pas une charge. L'accueil et le soin du patient doivent être notre seule boussole. »

La T2A pose non seulement des questions éthiques, mais elle altère aussi les conditions de travail. « La logique turbo gestionnaire alourdit la charge mentale du travail, démolit l'esprit d'équipe et détériore l'ambiance sociale », observe Frédéric Pierru, sociologue au CNRS, spécialiste des questions de santé. Autre effet pervers de la T2A, le conflit d'intérêts qu'elle introduit entre la Sécurité sociale et les établissements de santé. Ces derniers multiplient l'activité pour faire des recettes, sauf que ces recettes dépendent de la Sécurité sociale.

Aujourd'hui, alors que 17 millions de personnes sont atteintes de maladie chronique en France, ni la T2A ni la rémunération à l'acte ne sont adaptées lorsque le traitement des patients nécessite une médecine intégrant l'ensemble des thérapies liées à la maladie. « Ces dispositifs ne sont pas pertinents, car plus de 60 % des dépenses de la Sécurité sociale concernent les affections de longue durée. Le médecin seul ne peut prendre en charge le patient, la prise en charge doit se faire de façon coordonnée », explique Christophe Prudhomme, médecin urgentiste à l'hôpital Avicenne (93), membre de la CGT.

 

Repenser la médecine de ville

Le destin de l'hôpital se joue beaucoup hors de ses murs, car le problème se trouve « dans la désorganisation de la médecine de ville et l'insuffisance des lits d'aval », souligne Frédéric Pierru. Avec comme conséquence un transfert d'activité de la ville vers l'hôpital. Chaque année, le nombre de passages aux urgences augmente de 3 à 5 %. Les patients y viennent par défaut, car ils ne trouvent pas de médecin de ville. Une médecine mieux organisée, de prox i m ité, avec une meilleure répartition des médecins, généralistes et spécialistes sur le territoire, ainsi qu'une continuité du service, notamment des gardes, soulageraient considérablement les services hospitaliers, qui pourraient alors se consacrer à leur mission première. Cela suppose d'aménager les principes et les statuts de la médecine libérale, dont la liberté d'installation, qui doit être « déterminée en fonction des besoins sur le territoire », propose Philippe Pellegrini, du CHU de Nice. Les Alpes-Maritimes sont bien dotées en nombre de médecins, sauf qu'ils sont pour la plupart installés sur la Côte, le haut pays étant déserté. « Les médecins sont des salariés indirects de la Sécurité sociale. Ils devraient s'installer dans le lieu défini par le payeur pour pouvoir être conventionnés. Ce système existe déjà pour les infirmiers, les pharmaciens. Pourquoi pas eux ? » estime Christophe Prudhomme. Les deux tiers de la population souhaitent une régulation de l'installation des médecins, constate-til. « Un centre de santé rattaché à un hôpital, une collectivité ou une structure sur le mode coopératif permet le rassemblement de professionnels de santé » (lire encadré).

En matière de rémunération, la piste la plus souvent défendue est celle d'une rémunération contractualisée sur la base d'objectifs de santé publique et non plus d'objectifs financiers. Cela aurait pour effet notable de réguler les dépassements d'honoraires. Le professeur André Grimaldi, du CHU la PitiéSalpêtrière (Paris), défend aussi l'idée d'une « revalorisation des tarifs conventionnés et d'un plafonnement des dépassements dont le franchissement entraînerait le déconventionnement ». Lorsqu'ils exercent en groupe dans une structure gérée par le service public, « les médecins devraient être payés sur la base de forfaits », indique Christophe Prudhomme, qui constate que bon nombre de jeunes médecins n'adhèrent plus à la rémunération à l'acte dans un cabinet qu'ils doivent gérer comme une petite entreprise individuelle. Ainsi, dans les quartiers populaires du 3e arrondissement de Marseille, l'hôpital psychiatrique vient de créer un centre de santé généraliste avec des médecins qui refusent la rémunération à l'acte. « Lorsqu'on passe une convention avec la Sécurité sociale et avec les autorités sanitaires pour des forfaits de prise en charge, ça fonctionne », assure le médecin urgentiste.

Autre souci, cette fâcheuse tendance pour certains médecins hospitaliers d'exercer une activité privée lucrative au sein de l'hôpital public. La CGT réclame la fin des autorisations de cette pratique, « qui crée d'insupportables inégalités et génère de graves dérives ».

 

Valoriser le travail des soignants

Renforcer les effectifs, valoriser le travail par de meilleures rémunérations, s'impliquer dans un projet d'équipe, tout cela était au coeur des revendications, le 8 novembre. Candice Julou, aide-soignante au CH de Grasse, témoigne : « Nous sommes à flux tendus depuis qu'ils ont mis en place le "bed management", une nouvelle gestion des lits avec des "procédures dégradées". Résultat : au lieu de faire marcher deux fois par jour le patient, on ne le fera plus qu'une fois. » Pour elle, le système de trois équipes de 8 heures (plutôt que deux de 12 heures actuellement) garantit un meilleur soin. Il permet aussi « d'avoir des temps de relève, des réunions d'équipe, des échanges avec les collègues ». Afin de réduire les RTT, sa direction a supprimé les réunions interéquipes. Elle a stoppé dans le même temps les remplacements d'été et le paiement des heures supplémentaires. Mais celles-ci, stockées dans un compte épargne temps, s'accumulent notamment en raison des arrêts maladie. « On ne fait que déplacer et reculer le problème ! » s'indigne l'aide-soignante, qui, avec la CGT, réclame un pool de remplacements. Mais aussi des augmentations de salaire. « Avec 1 300 euros de salaire en moyenne, un certain nombre de collègues font des extras dans des maisons de retraite. C'est difficile alors de les mobiliser pour renoncer au système des 12 heures. Notre point d'indice a augmenté de 0,6 %. On ne s'en est même pas rendu compte sur les fiches de paie ! » Candice Julou et ses collègues auraient souhaité avoir leur mot à dire dans l'organisation. Elles regrettent que les pouvoirs de décision soient éloignés de leur cadre de travail.

Ce sentiment est partagé par Philippe Pellegrini, également élu aux commissions paritaires : « Ceux qui étaient proches du terrain, qui ont le point de vue médical, ont moins de pouvoir décisionnaire. Le pouvoir est aux agences régionales de santé. L'administration vit ailleurs, elle n'est pas confrontée à nos problèmes. Il faut ramener les centres de décision au sein de l'hôpital. Dans un cadre démocratique. »

 

Réviser le numerus clausus

Instauré en 1971, le numerus clausus est fixé chaque année par le gouvernement. Il détermine le nombre d'étudiants pouvant être admis en deuxième année de médecine. Un système qui montre ses limites aujourd'hui, avec une pénurie de médecins, notamment dans les banlieues et en campagne, et un nombre important de départs à la retraite de médecins généralistes d'ici dix ans. Il faut aujourd'hui « trouver un autre mode d'entrée dans la profession. Le numerus clausus déforme la pyramide d'âge. Désormais, les étudiants partent ailleurs faire leurs études. Un quart des nouveaux médecins ont fait leurs études à l'étranger ! » avance Christophe Prudhomme.

Un statut d'étudiant de santé salarié sous contrat avec engagement de service pourrait être instauré, préconise la CGT santé. Sa rémunération serait valorisée s'il s'engage dans des territoires prioritaires.

L'idée d'universités de santé fait du chemin, comme le préconise l'OMS : « Pour travailler ensemble, les professionnels de santé doivent bénéficier de bases communes de formation. » L'ensemble des formations aux métiers de la santé devraient figurer dans le cursus universitaire, propose la CGT santé. Ce qui permettrait des passerelles et aiderait, du même coup, à valoriser statuts et salaires.

Une chose est sûre, on ne peut pas continuer à former les cadres de l'hôpital comme des managers. À l'école des cadres, témoigne Philippe Pellegrini, on leur apprend à oublier leur métier de soignants. On leur dit « vous êtes avant tout des managers ».

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