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17 juin 2016 5 17 /06 /juin /2016 06:06

Dans les villes FN, les relations tumultueuses avec la presse locale

16 JUIN 2016 | PAR MARINE TURCHI

Deux ans après l'élection de dix maires Front national, comment travaille la presse locale dans les villes ? Si dans certaines communes les relations sont apaisées, dans celles dirigées par des figures du parti, la cohabitation est difficile : médias boycottés, attaques personnelles, flot de droits de réponse. Plusieurs maires ont opté pour une « communication directe » avec leurs propres “médias”.

Dans les années 1990, la presse quotidienne régionale (PQR) s’était érigée en contre-pouvoir face aux ennuis judiciaires et mauvaises gestions des mairies frontistes. Vingt ans plus tard, alors que l’extrême droite est au pouvoir dans 14 villes, et que le Front national poursuit sa stratégie de « dédiabolisation », comment la presse locale travaille-t-elle dans ces communes ? Quelles relations entretient-elle avec la municipalité frontiste ? Réserve-t-elle un traitement particulier au FN ?

Mediapart a posé la question aux journalistes et aux maires (lire notre boîte noire). Si dans plusieurs villes les relations sont apaisées, dans celles dirigées par des figures du parti, la cohabitation est difficile. Passé l'état de grâce, les relations se sont dégradées après les premières difficultés des maires : médias boycottés, journalistes attaqués personnellement, insultes, flot de droits de réponse, et parfois des batailles judiciaires. Plusieurs maires ont opté pour une « communication directe » avec leurs propres “médias”.

  • Fréjus (Var)

À Fréjus, la plus grosse ville FN avec 53 000 habitants, c’est David Rachline, étoile montante du parti et sénateur du Var, qui est aux manettes. Le maire est investi d’une mission nationale : servir de vitrine au Front national, dans cette cité varoise où son prédécesseur UMP a beaucoup déçu. Dès le début de son mandat, Rachline a refoulé plusieurs journalistes de médias nationaux (ici et ). « La presse locale est autorisée, pas la presse nationale », avait justifié l'un de ses collaborateurs.

Le journaliste de Var-Matin à Fréjus, Éric Farel, le reconnaît d’emblée : « Les dix-huit premiers mois, je n’ai pas eu de problèmes avec David Rachline. On avait des relations qui m’ont même valu d’être taxé de “pro-FN”. C’est compliqué quand on tient la rubrique politique, on est en contact permanent avec la municipalité, ce n’est pas “on défonce les élus et on repart”, nous on retourne en conseil municipal, et se faire insulter tout le temps est fatigant. J’ai toujours dit à mes équipes d’avoir des relations normalisées avec le FN, de ne pas les caricaturer. »

Mais le journaliste a vu « la situation changer quand le maire a fait venir une nouvelle équipe de communication composée de quatre anciens de Var-Matin. On a commencé à avoir de moins en moins d’infos. Le journal municipal, bimensuel, est devenu mensuel. Leur intention était de se passer de la presse locale, de préférer la propagande à l’information ». « David Rachline n’accepte pas la contradiction, estime Patrice Maggio, rédacteur en chef de Var-Matin. Il veut communiquer directement avec le journal municipal et les réseaux sociaux. Nous, on ne rentre pas dans l’arène. »

C’est paradoxalement après le rassemblement pour Charlie Hebdo, où le maire avait défendu la liberté de la presse, que s’est produit « le premier gros couac, raconte Éric Farel. Notre photographe a été refoulé d’un nouveau local municipal. “Si le sujet est polémique, pas de photo. Sinon, c’est ok”, nous a expliqué la mairie. »

Les relations se sont tendues davantage encore après que la préfecture a retoqué le projet de Surf Academy du maire, dont Mediapart avait révélé les dessous. David Rachline, qui avait refusé de répondre aux questions de France 3 Côte d’Azur sur le sujet, n’a pas apprécié de voir la chaîne débarquer au conseil municipal. « Je les avais prévenus de notre venue, raconte la journaliste, Nathalie Layani. Ils nous ont menacés plusieurs fois d’expulsion au prétexte de l’emplacement de notre caméra. On a réussi à interroger le maire à la sortie, il n’a pas aimé notre question. » Cela a valu à notre consœur un communiqué la mettant personnellement en cause et intitulé « Nathalie Layani salit notre ville ». La direction de la chaîne a dénoncé des accusations « diffamatoires ».

De son côté, Var-Matin, après avoir relaté le mécontentement suscité par plusieurs projets municipaux, a vu les noms de deux de ses journalistes publiés dans le journal municipal. Froissé par deux billets du quotidien (ici et ) consacré à son comportement avec les médias, David Rachline a décidé de boycotter Var-Matin. Dans un communiqué, début juin, le maire fustige « un journalisme aux relents de totalitarisme », une« manipulation », des « pratiques de désinformation » et annonce son « choix […] d’une communication directe avec nos administrés ».

La rédaction continue cependant de le solliciter par texto avant chaque article. Mais le journal a marqué le coup avec un édito. Le rédacteur en chef Patrice Maggio y dénonce la « parole confisquée » à Fréjus, en faisant le parallèle avec l’expérience frontiste à Toulon, en 1995, qui a conduit au « repli sur soi » et au « manque de transparence ».

Les années FN à Toulon, Patrice Maggio s’en souvient bien. « À l’époque, on avait eu une démarche journalistique qui avait été suivie par d’autres, on échangeait beaucoup avec les rédactions des autres villes FN, Orange, Vitrolles. On estimait que le FN ne serait pas battu sur le terrain des valeurs mais sur sa capacité de gérer ses villes. Beaucoup d'élus étaient là par hasard, sans expérience de gestion. Je ne voulais pas tordre la réalité, j’allais à leur contact, ils avaient besoin de communiquer. Je me suis créé un gros réseau interne et, quand ils ont commencé à se diviser, j’ai pu sortir beaucoup d’informations, de documents accablants. Jean-Marie Le Chevallier (le maire FN – ndlr) ne réagissait quasiment jamais publiquement, mais faisait la chasse aux sources. »

Pour le journaliste, « on retrouve déjà cette situation de divisions à Cogolin », autre ville FN varoise, et « dans un an, ce réseau de sources existera à Fréjus. Les deux premières années, les maires FN mangent leur pain blanc car ils ont été choisis, les gens veulent les laisser faire leurs preuves. Après deux ans, les doutes commencent. On voit déjà que les oppositions se structurent. »

Éric Farel, lui, a été surpris par les réactions des lecteurs : « J’avais peur qu’on se coupe d’une partie importante de notre lectorat, qui vote FN. Mais on a reçu plus de messages de sympathie que de critiques. Cette position du FN à notre égard a confirmé des choses que je ne soupçonnais pas. Je me disais “ce sont des élus comme les autres”, j’ai été un peu naïf. »

  • Le Pontet (Vaucluse)

« Dans le Vaucluse, l’extrême droite, on connaît, on pratique depuis longtemps », explique d’entrée Alain Roux, le directeur départemental des éditions deVaucluse-Matin et du Dauphiné libéré. En 1995, Jacques Bompard a conquis Orange. Treize ans plus tard, sa femme, Marie-Christine Bompard, a emporté Bollène, une ville voisine. En 2012, Marion Maréchal-Le Pen a gagné la circonscription de Carpentras. Deux ans plus tard, aux municipales, Le Pontet et Camaret-sur-Aigues sont tombées à l’extrême droite. La porosité entre droite et extrême droite n’a cessé de croître dans le département, au point que le FN y réalise ses meilleurs scores.

« Notre choix, c’est de ne pas traiter différemment les communes FN : ne pas stopper notre couverture, ne pas leur rentrer dans le lard, résume Alain Roux. On fait notre travail, et on ne nous empêche pas de le faire. Dans nos contenus publicitaires, on a des clients institutionnels, mais si on perd de la pub, tant pis. »

Pour Vaucluse-Matin, Le Pontet n’est pas la priorité. « C’est une petite commune (17 000 habitants – ndlr), qui ne prend pas trois pages dans le journal, admet Alain Roux. Le maire répond à nos questions, il n’y a pas de problèmes. Ce serait peut-être différent s’il était maire d’Avignon… » Le journaliste explique avoir « davantage de problèmes avec d’autres mairies (non FN – ndlr) du département », « ou à Orange en 1995 ». « C’était très tendu, se souvient-il. Des droits de réponse permanents, des procès, les journalistes considérés comme des ennemis. Une consœur avait été collée au mur par des gros bras du FN au moment de la profanation du cimetière juif de Carpentras. »

Sous couvert d'anonymat, un journaliste glisse que les rapports entre le parti frontiste et la presse locale sont plus complexes : « Pour la PQR, le FN fait vendre du papier. C’est dit dans les rédactions. Pour les chefs, c’est comme les faits divers. Parfois, il n’y a rien, pas de fond, et on relate quand même. Si vous creusez un peu les mesures proposées, que vous démontrez que ce sont des effets d’annonce, c’est repris par la chefferie. Ils gardent des titres accrocheurs. »

« Comme nous n’avons rien à attendre de la presse, nous sommes à l’aise avec elle », explique à Mediapart le directeur de cabinet du maire, Xavier Magnin, qui affirme que l'édile « entretient d’excellents rapports avec les correspondants » locaux. Mais « dans les cas, malheureusement nombreux, où les professionnels de la presse manqueraient d’objectivité, nous n’hésitons pas à faire valoir nos droits de réponse », et à utilser « otre bulletin municipal, notre site internet ou les réseaux sociaux » quand ils ne sont pas diffusés (lire sa réponse intégrale dans notre "Prolonger").

« J'ai relaté un salut nazi vu dans un meeting. Le maire a diffusé un tract contre moi »

  • Beaucaire (Gard)
  • À Beaucaire, c’est Julien Sanchez, 32 ans dont 15 passés au FN, qui est aux manettes de cette unique ville frontiste du Languedoc-Roussillon. La commune est peu couverte par la presse locale, à cause de problèmes budgétaires et d’effectifs des journaux, basés à Nîmes.

    Maria Dutron, qui a suivi la ville pour Midi Libre avant son départ en retraite, en août, raconte que les « relations courtoises »avec Julien Sanchez se sont « gâtées pendant la campagne municipale », en 2014. « Lors de la venue de Marine Le Pen, il n’a pas du tout aimé que j’écrive avoir vu un participant au meeting faire un salut nazi. Il a diffusé un tract contre moi, m’a menacée de plainte en diffamation, j’ai reçu des coups de fil incendiaires, alors que La Provence mentionnait les mêmes faits. »

  • Dans les villes FN, les relations tumultueuses avec la presse locale
    https://www.mediapart.fr/article/offert/ebb1150dba5a64627c07a15bfdddd6f6

    Pour lire la suite, allez directement sur le lien:

Dans les villes FN, les relations tumultueuses avec la presse locale (Médiapart)
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