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24 septembre 2019 2 24 /09 /septembre /2019 07:23
Tribut à Tristan - 3. Bohème de chic

Tristan Corbière est un immense poète, d'une grande modernité, qui a su nourrir la poésie d'un refus du beau style et du formalisme éthéré, d'un réalisme cru et d'un souci d'expression intime et sociale, un poète d'une grande inventivité verbale mêlant une culture littéraire certaine nourrie à la mamelle de Villon, Baudelaire et consorts, un sens de l'irrévérence et le souci de faire rentrer la langue de la rue dans le poème. Un homme de la bohème d'une sensibilité maladive, mélancolique, goguenarde, et cynique, portée sur l'auto-dérision et le sens du paradoxe, le refus de l'esprit de sérieux, manifestant aussi de vrais sentiments, un intérêt pour la vie populaire, les marginaux, les chansons et coutumes du peuple, notamment de Basse-Bretagne.  Son unique recueil, "Les Amours Jaunes" n'est paru, de manière très confidentielle, qu'en 1873, deux ans avant sa mort. C'est Verlaine qui l'a fait connaître après sa mort en lui consacrant notamment une de ses études sur "Les Poètes maudits" en 1884.   Il sera ensuite un des poètes favoris du mouvement Dada (Tristan Tzara préfacera une édition des "Amours Jaunes" en 1947) et surréaliste.

Tristan est né à Morlaix, au manoir de Coat Congar, en Ploujean, le long de l'avenue de Launay. 

Il est né Édouard (Édouard-Joachim), comme son père, homme d'affaires self-made-man, ancien mousse, patron d'une compagnie de navigation transportant marchandise et voyageurs entre Morlaix et Le Havre, et grand écrivain maritime à succès, auteur du "Négrier", roman édité quatre fois de son vivant. Sa mère Marie-Angélique était une Puyo, d'une famille de notable morlaisiens.

Le nom de plume de notre poète, Triste-en-Corps-Bière, Tristan Corbière, dit sa conscience de la mort qui progresse en lui, son humour noir, et son goût du macabre et du spectacle, son rire jaune de dandy malheureux et maladif.

Tristan est mort à Morlaix et est enterré au cimetière Saint-Martin. Il a vécu à Morlaix de 1845 à 1859, date où il rejoint le Lycée Impérial de Saint-Brieuc. Il sera très malheureux, puis poursuivra le lycée à Nantes, avant de revenir en Bretagne, sans pouvoir passer son bac, tentant de se soigner de ses terribles rhumatismes et sa tuberculose à Roscoff, dans la maison de vacances de ses parents.

Il a vécu plusieurs années à Roscoff, multipliant les canulars et les scandales, comme entre 1864 et 1868, puis à Morlaix à nouveau en 1869 après un voyage à Italie. Il s'est installé à Montmartre après la Commune, en 1872, avant de mourir dans sa trentième année à Morlaix en 1875. Tristan Corbière est enterré au cimetière Saint-Martin, non loin de la gare de Morlaix.

Nous avons voulu dans le Chiffon Rouge rendre hommage à ce génie précoce trop peu connu du grand public, poète universel et plus grand des Morlaisiens dans le domaine de l'art sans doute.

De la sorte, nous publierons régulièrement pendant un mois des poèmes de Tristan pour le partager avec les lecteurs du "Chiffon Rouge" la modernité, la beauté mendiante et l'émotion, de cette poésie.

Bohème de chic
Ne m'offrez pas un trône !
A moi tout seul je fris,
Drôle, en ma sauce jaune
De chic et de mépris.

Que les bottes vernies
Pleuvent du paradis,
Avec des parapluies...
Moi, va-nu-pieds, j'en ris !

- Plate époque râpée,
Où chacun a du bien ;
Où, cuistre sans épée ,
Le vaurien ne vaut rien !

Papa, - pou, mais honnête, -
M'a laissé quelques sous,
Dont j'ai fait quelque dette,
Pour me payer des poux !

Son habit, mis en perce,
M'a fait de beaux haillons
Que le soleil traverse ;
Mes trous sont des rayons.

Dans mon chapeau, la lune
Brille à travers les trous,
Bête et vierge comme une
Pièce de cent sous !

- Gentilhomme !... à trois queues :
Mon nom mal ramassé
Se perd à bien des lieues
Au diable du passé !

Mon blason, - pas bégueule,
Est, comme moi, faquin :
- Nous bandons à la gueule,
Fond troué d'arlequin. -

Je pose aux devantures
Où je lis ; - DÉFENDU
DE POSER DES ORDURES -
Roide comme un pendu !

Et me plante sans gène
Dans le plat du hasard,
Comme un couteau sans gaine
Dans un plat d'èpinard.

Je lève haut la cuisse
Au bornes que je voi :
Potence, pavé, suisse,
Fille, priape ou roi !

Quand, sans tambour ni flûte,
Un servile estafier
Au violon me culbute,
Je me sens libre et fier !...

Et je laisse la vie
Pleuvoir sans me mouiller,
En attendant l'envie
De me faire empailler.

- Je dors sous ma calotte,
La calotte des cieux ;
Et l'étoile pâlotte
Clignote entre mes yeux,

Ma Muse est grise ou blonde...
Je l'aime et ne sais pas ;
Elle est à tout le monde...
Mais - moi seul - je la bats !

A moi ma Chair.de.poule !
A toi ! Suis-je pas beau,
Quand mon baiser te roule
A cru dans mon manteau !

Je ris comme une folle
Et sens mal aux cheveux,
Quant ta chair fraîche colle
Contre mon cuir lépreux !
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