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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 17:01

Après avoir été un temps sur le reculoir face à l'effet cataclysmique de la crise du capitalisme financier en 2007-2008, l'ultra-libéralisme désormais dominant dans la majorité des partis de gouvernement en Europe est de nouveau à l'offensive depuis la révélation des difficultés budgétaires de la Grèce, puis du Portugal, de l'Irlande et de l'Italie.   

 

C'était prévu, après l'offensive de la propagande sur les dangers immenses du poids de la dette forçant à de nouvelles réductions des dépenses publiques, la droite et les représentants des milieux patronaux entendaient enclencher le deuxième stade de la stratégie de démolition des acquis sociaux en mettant en avant le manque de compétitivité de nos entreprises et la nécessité de réduire les coûts du travail pour peser dans la mondialisation.

 

Le problème qui justifie la saignée sociale, ce n'est plus seulement le déficit public, c'est (re)devenu le coût du travail qui joue contre l'emploi. C'est une vieille rangaine du libéralisme depuis la vague tatchérienne des années 80: les cotisations sociales qui financent notre système de protection sociale handicapent notre économie dans la concurrence internationale, dissuadent la création d'emplois et favorisent les délocalisations.

 

Mais le paradoxe aujourd'hui est que Sarkozy utilise la sensibilisation réalisée par la vraie gauche aux fléaux des délocalisations et de la désindustrialisation- de même que la progression dans l'opinion du désir de protectionnisme- pour "vendre" sa mesure d'augmentation de l''impôt le plus injuste, qui frappe les catégories populaires beaucoup plus que les classes aisées, et justifier de nouvelles baisses de cotisations patronales, les plus importantes jamais réalisées, alors qu'on sait qu'elles n'ont jamais eu d'effet significatif durable sur l'embauche et le niveau du chômage.

 

Les 10% des ménages les plus pauvres consacrent, selon l'économiste Mathieu Plane dans le Ouest France du mercredi 4 janvier, 11,5% de leurs revenus à la TVA quand les 10% les plus riches n'en consacrent que 5,2%. Notre fiscalité était déjà peu redistributive en raison précisément du poids de la TVA dans les recettes de l'Etat (50%) et de la baisse des impôts sur les grandes fortunes, les profits des entreprises, le capital et le patrimoine. Elle va devenir encore moins correctrice des inégalités tandis que les entreprises vont pouvoir se rejouir (et parfois malheureusement en réalité seulement leurs actionnaires) en se partageant une manne de 30 milliards d'euros par an en baisse de cotisations sociales.

 

C'est clairement la politique de l'offre plutôt que celle de la relance par la demande qui est ici choisie de manière illusoire: mais à qui va t-on faire croire que l'on donne des avantages compétitifs réels à nos entreprises pour exporter et réduire le prix de leurs marchandises si on compare le coût de leur main d'oeuvre avec celui des entreprises de l'est européen, du Maghreb ou d'Asie. Le but est-il de tendre vers ces modèles économiques sans aucune protection sociale ou presque? Alors que les revenus indirects des français baissent avec le recul des services publics et de la protection sociale sous l'effet de la priorité du désendettement, alors que dans le même temps le chômage augmente, les salaires stagnent et les prix s'envolent, et que cette situation se généralise partout en Europe, comment peut-on croire que notre économie peut se sortir de la croissance zéro et de la récession et produire de vrais emplois qualifiés et à statut garanti?    

 

64% des français, comme l'annonce un sondage de L'Humanité du 5 janvier, sont opposés à cette TVA sociale. Cette nouvelle hausse de la TVA s'ajouterait en effet aux hausses des prix (transports, mutuelles, médicaments, gaz, électricité) intervenues ces derniers mois et au relèvement de la TVA réduite de 5,5% à 7% à partir du 1er janvier.

 

Surtout la TVA sociale serait une nouvelle brèche enfoncée dans l'édifice de la Sécurité Sociale bâti dans l'après-guerre sur la base de la défaite des forces réactionnaires de la bourgeoisie et du triomphe des idéaux sociaux de la résistance. En effet, le financement de la protection sociale (assurance maladie, allocations familiales, une partie des retraites) serait désormais partitiellement assuré par un impôt dont la recette serait gérée à la discrétion de l'Etat, en fonction de ses priorités du moment (et tout porte à croire que la protection sociale solidaire pesera peu face à l'impératif proclamé de désendettement dans les prochaines années) alors que jusqu'à présent c'était grâce aux prélèvements sur la valeur produite par le travail- et donc une ponction sur la plus-value des entreprises- que la protection sociale se finançait.  Cela en faisait un deuxième salaire, socialisé et mutualisé pour coller aux besoins différenciés des citoyens, et cette caisse de mutualisation rêvée par Jaurès et bien d'autres penseurs socialistes du siècle dernier, était gérée par les représentants des salariés, les syndicats.

 

Pourquoi Sarkozy entend faire passer en force avant les présidentielles, au mépris de toute procédure démocratique, sans débat parlementaire, cette TVA sociale dont l'annonce lui avait coûté des dizaine de sièges de députés en 2007? Evidemment, en premier lieu, pour satisfaire les milieux d'affaires qu'il n'a cessé de servir. La bourse et le Medef donnent le change en ce moment en dénonçant une taxe Tobin à la française qui n'a quasiment aucune chance d'aboutir mais ils se félicitent en sous main.

Mais aussi, peut-être plus stratégiquement, comme le remarquait notre camarade Nicole Labelle lors d'une précédente réunion du collectif Front de Gauche de Morlaix, il s'agit pour Sarkozy de faire croire à la population que comme il prend tous les risques électoraux en s'attaquant au pouvoir d'achat du plus grand nombre, c'est vraiment qu'il doit y avoir péril en la demeure et qu'il n'y a pas d'autres moyens de défendre notre triple A et de se sauver d'une perte de souveraineté semblable à celle que vivent les Grecs, les Portugais ou les Italiens. Sarkozy entend ainsi se poser dans la figure du capitaine responsable et courageux qui par gros temps n'hésite pas à prendre des mesures impopulaires et douloureuses par souci de l'avenir et pour sauver le navire.  Comme Hollande ne se démarque guère de Sarkozy en plaidant aussi pour la rigueur, l'austérité, et en laissant croire que l'on pourra sortir de cette crise systématique par une réduction de la dépense publique, mais qu'en même temps il ne peut aller aussi loin que la droite dans l'annonce de mesures pro-patronales et réactionnaires- quoique dans son camp aussi certains comme Manuel Valls plaidaient pour la TVA sociale- Sarkozy peut gagner son pari: faire passer ses concurrents pour des lâches et des opportunistes qui n'ont pas le courage des réformes dont ils admettent la nécessité à demi mot. Sarkozy parie également une aggravation prochaine de la situation économique européenne qui justifierait après coup ses mesures pour complaire aux agences de notation, et à travers elles, les banques, sociétés d'assurances, fonds d'investissement qui ont tout à gagner au démantèlement de la Protection Sociale, nouveau champ ouvert à leurs appétîts.

Cette TVA sociale permet enfin de concevoir une conception bien inoffensive pour le capital du protectionnisme: celle qui consiste à tout mettre en oeuvre pour augmenter le profit des entreprises dont le siège social est en France sans aucunement tendre vers la convergence vers le haut des normes sociales.

 

Je publie ici un excellent argumentaire de L'Humanité du mardi 3 janvier (à imprimer peut-être pour qu'il soit plus lisible) contre la TVA Sociale pour que l'on réalise bien à quel point elle est profitable au patronat et nuisible à la grande majorité des français.   

 

Ismaël Dupont 

 

edito-Paule-Masson--l-Humanite-3-janvier-2012-copie-1.jpg      argumentaire-TVA-1-3.jpgargumentaire-TVA-4-5.jpg

Argumentaire-TVA-6.jpg

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