Suivant l'exemple de l'appel de la coordination Front de Gauche de Quimper, le collectif Front de Gauche de Morlaix invite tous ceux qui se résignent pas au renforcement de l'ultra-libéralisme autoritaire en Europe à se rassembler devant la sous-préfecture de Morlaix le samedi 10 décembre à 11h à l'occasion du (triste) anniversaire des 20 ans du Traité de Maastricht qui coïncide avec un redoublement de l'aggressivité des gouvernements et des marchés contre les droits sociaux des peuples européens. L'austérité ne va faire qu'aggraver la crise paroxystique - économique, sociale, politique- que traverse l'Europe parce qu'on a donné les clefs du domaine aux financiers.
Ceux qui souhaitent manifester pour une Europe de progrès social et de coopération ce samedi 10 décembre peuvent, avant de rejoindre la sous-préfecture à 11h (avec panneaux, banderoles, drapeaux, instruments de musiques, casseroles, et que sais-je encore?), se retrouver devant la mairie vers 10h30 afin de défiler ensemble vers le port et la sous-pref.
En 1992, Robert Pelletier, un économiste du CNPF (devenu ensuite le MEDEF) déclarait avec beaucoup de sincérité les raisons de l'enthousiasme des milieux patronaux vis à vis du Traité de Maastricht: "Le souvenir des accords de Grenelle après 1968, celui de la politique désastreuse menée de 1981 à 1983 sont présents dans l'esprit des chefs d'entreprise. Pour eux, Maastricht ferme définitivement la porte à de tels débordements. Il interdit un laxisme de gauche et permet de faire supporter à la Banque centrale européenne et au Conseil européen la responsabilité d'une politique de rigueur".
Le chantre de l'ultra-libéralisme reaganien en France, Alain Madelin, déclarait quant à lui avec lucidité et semblable satisfaction: "le traité de Maastrcht agit comme une assurance-vie contre le retour à l'expérience socialiste pure et dure".
Dans ce traité de Maastricht qui accompagnait la mise en place de la monnaie unique et d'un grand marché européen ouvert, aucun critère de convergence sur l'emploi, l'harmonisation par le haut des salaires et des fiscalités, n'était prévu. Seuls critères de convergence adoptés, ceux qui concernent la maîtrise du déficit et de la dette publics, la stabilité du taux de change, la lutte contre l'inflation.
Le traité de Maastricht limita ainsi la souveraineté des Etats de l'Union européenne (alors la CEE) en matière économique et sociale en leur défendant, sous peine de pénalités financières, toute politique keynésienne de relance par l'investissement public et le soutien à l'augmentation des salaires et de la protection sociale. Il sanctuarisait pour toute la zone européenne la rigueur budgétaire et le refus de l'inflation si défavorable aux rentiers et au capital, alors que la lutte contre le chômage aurait exigé de l'investissement public et un consentement à une certaine dose d'inflation. Il proscrivait aussi toute dévaluation pour favoriser les exportations et lutter contre la désindustrialisation.
Se devant d'éviter un déficit public "excessif", les Etats s'engageaient à ce que ce dernier ne dépasse pas annuellement 3% du PIB et à ce que la dette publique n'excède pas 60% du revenu national (aujourd'hui, notre déficit se situe à près de 7% du PIB et notre dette à 80% du revenu national, du fait de la violence de la crise financière et des politiques de moins disant-fiscal au service des plus riches). Cette gestion des Etats "en bons pères de famille" se doublait d'une mise sous surveillance de ces Etats par la commission et les marchés financiers.
Alors que certains promettaient - pour faire avaler la pilule des renoncements à une portion de notre souveraineté nationale et démocratique- l'avènement de l'Europe sociale à l'horizon de l'union monétaire et économique de Maastricht, et plus immédiatement encore un avenir de prospérité et de sortie de crise ("la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité", disait Rocard; "ce sera plus d'emplois, plus de protection sociale et moins d'exclusion" disait Martine Aubry; "on rira beaucoup plus" déclarait sans honte le tonitruant Bernard Kouchner), le traité de Maastricht a sans doute été au contraire responsable du maintien d'un niveau de chômage, de précarité, et d'inégalités très important en Europe.
Ses dispositions ont encore été aggravées par le Pacte de Stabilité et de Croissance de 1997 prévoyant de renforcer les contrôles de vertu libérale des gouvernements de la zone euro et de de distribuer des sanctions financières en cas de dérapages budgétaires.
Nous constatons que l'Europe a été lancée sur de biens mauvais rails qui expliquent les convulsions dans lesquelles elle se débat aujourd'hui.
En sacralisant les principes du libéralisme avec une BCE et une Commission gardiennes des intérêts du capital, la défense faite aux Etats de se financer auprès des banques centrales, de protéger leurs emplois contre les délocalisations et les licenciements boursiers, de promouvoir des services publics et une protection sociale de qualité, cette construction politique de l'Europe qui a permis pendant deux décennies aux gouvernements de légitimer des politiques de droite au nom de la discipline européenne et du grand dessein de l'union continentale, a joué un grand rôle dans l'aggravation de la domination de la finance sur les sociétés et de l'endettement public.
Aujourd'hui, alors que ces recettes utilisées depuis plus de 25 ans en Europe ont montré toute leur nocivité, on veut nous faire croire que la seule manière de sauver les Etats, l'euro et l'Europe, est d'élever de plusieurs crans le niveau des sacrifices sociaux demandés aux peuples alors que jamais autant de richesse n'a été produite au sein de l'Europe et ni la productivité du travail été aussi forte.
Pire encore, l'harmonisation des politiques économiques européennes selon des orientations néo-libérales se fait désormais en bafouant les droits démocratiques les plus élementaires.
Nous ne sommes pas partisans de la fin de la monnaie unique qui livrerait davantage encore les Etats à l'exaspération des concurrences entre capitalismes nationaux et à la spéculation contre des monnaies fragilisées, ni pour une sortie de l'Europe et le retour aux individualismes nationaux au nom d'on ne sait quel chauvinisme. L'Europe et l'euro sont désormais notre bien commun qu'il faut défendre contre ceux qui les fragilisent en appliquant de manière dogmatique et plus stricte encore ces mêmes recettes qui nous ont plongé dans la crise du capitalisme financier en 2007-2008.
Nous sommes pour plus de coopération et de solidarité entre peuples européens dans le respect de leurs traditions sociales et démocratiques et de la souveraineté populaire en général. Aussi, nous considérons comme inadmissibles cet autoritarisme libéral porté actuellement par la France et l'Allemagne, cette généralisation d'une austérité qui va contracter l'activité économique et dégrader les conditions d'existence des européens, cette mise en place sans élections de gouvernements dirigés par des technocrates venus de la finance, ce refus d'envisager une consultation des peuples par référendum.
Depuis 2005 et le piétinement des votes français, hollandais, irlandais contre le projet de Traité constitutionnel européen, suivi du refus généralisé de faire ratifier le Traité de Lisbonne par référendum, il est devenu évident que le renforcement de l'intégration européenne selon le modèle libéral se construit contre les démocraties, contre les souverainetés populaires.
Une autre Europe est possible, celle des peuples et non celle des milieux d'affaires.
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