Nous avons appris avec beaucoup de tristesse le décès d'Erik Marchand survenu le 30 octobre en Roumanie, son deuxième pays, où il avait de très nombreux amis, et où il était avec son ex-compagne, amie et confidente Marie, pour un séjour afin de les revoir.
Né en octobre 1955, Erik Marchand est décédé à 70 ans.
C'était une immense figure de la musique, de la culture bretonne, et bien au-delà, un passeur généreux, un défricheur, un chanteur et musicien hors pair, immensément respecté dans le milieu de la culture bretonne et de la musique en général.
Le sénateur communiste des Côtes d'Armor Gérard Lahellec, qui le connaît bien, exprime admirablement bien cette dimension d'Erik Marchand:
Erik Marchand a grandi dans une famille modeste à Paris et s'est passionné dès le début des années 70 pour les musiques populaires du monde, et tout particulièrement la musique traditionnelle de Bretagne, d'où était originaire son père. Il découvre adolescent un enregistrement de fest-noz que son père possède (En passant par la Bretagne, du kan ha diskan par Eugène Grenel et Albert Bolloré).
Erik Marchand s’est vite passionné pour le chant traditionnel breton. Il rencontre notamment Manuel Kerjean, à tout juste 18 ans, et apprend le kan ha diskan (chant et contrechant).
Arrivant en stop dans le Centre-Bretagne, il commence par enregistrer les chanteurs de sa famille, autour de Quelneuc. Collecteur de paroles de chants bretons, tout en étant couvreur et apprenti laitier, il travaille dans ce cadre à partir de 1976 pour Dastum. Fasciné par les gwerzioù qu'il entend, il décide de les interpréter à son tour.
En 1975, au lendemain du bac, il s'installe définitivement en Bretagne pour devenir l'un des premiers chanteurs traditionnels professionnels. Il rencontre Yann-Fañch Kemener dans le milieu des années soixante-dix. Avec lui, il va écumer les festoù-noz et les représentations.
Il participe à la création du groupe Gwerz en 1981. En apportant au chant traditionnel des arrangements inspirés par les formules musicales locales, le groupe élargit l'horizon de la musique bretonne. En quelques années, la formation de ses six musiciens devient quasiment mythique et marque le début du « traditionnel contemporain ». Victime des activités multiples de ses membres, le groupe fait une pause après l'album de 1988 et ne joue que ponctuellement depuis l'album live de 1992. En 1988, il rencontre Titi Robin. Leur travail est publié sur l'album An Henchoù Treuz dans lequel il pose son chant sur l'oud oriental et autres instruments à cordes de Thierry Robin. Ils se produisent également en trio avec le percussionniste du Rajastan Hameed Khan au tabla indien, association qui donne naissance à l'album An Tri Breur.
Passionné de voyage, lui qui adolescent n'avait pas les moyens de se payer l'avion pour découvrir la musique malienne comme il en rêvait, Erik Marchand parcourt l'Amérique du Nord avant de se lancer à la découverte des traditions musicales des Balkans. À travers la musique, il trouve toujours un moyen de communiquer lorsqu'il s'agit de sauter les barrières culturelles, se jouer des frontières et des divisions. Plusieurs fois par an, il sillonne l'Europe du Sud-Est, de l'ouest de la Roumanie à l'Albanie ou à la Serbie. Il étudie la musique traditionnelle de la Roumanie et de ses tarafs (orchestres), en passant des mois dans le Banat. Lors des Rencontres internationales de clarinettes populaires à Glomel, dont il est l'initiateur, il approfondit ses échanges et invite plusieurs fois le taraf de Caransebes, avec qui il fait le disque Sag An Tan Ell (Vers l'autre flamme, du titre de l'écrivain roumain Panait Istrati) mêlant sons bretons et sons roumains, aux influences serbes. Avec eux, il tourne un peu partout dans l'Europe de l'Est et du Sud.
Il évolue aussi à partir de 2002 en compagnie du guitariste rock alsacien Rodolphe Burger (Before Bach), du guitariste jazz Jacques Pellen, du clarinettiste turc Hasan Yarim-Dünia.
Erik Marchand était un citoyen du monde prêt à tous les métissages et enrichissements réciproques des répertoires de la musique populaire ou plus savante.
En 2003, Erik Marchand fonde la Kreiz Breizh Akademi, programme de formation visant à transmettre les règles de la musique modale mais aussi "laboratoire de création".
Erik Marchand était également un homme engagé, un communiste convaincu, qui avait adhéré au PCF et qui fut même membre du Conseil départemental du PCF Finistère à la fin des années 2000.
Il militait et cotisait à la section du PCF Carhaix-Huelgoat, et avait participé à plusieurs fêtes du Parti Communiste avec ses amis musiciens, comme en 2023 et en 2024 à Carhaix et Morlaix.
Morlaix l'avait aussi accueilli au SEW à l'occasion d'une tournée nationale et internationale en janvier dernier pour la présentation de Gluck Auf, avec Rodolphe Burger et Mehdi Hadab.
Nous le croisions régulièrement au marché de Morlaix, ou dans les réunions et banquets communistes de Carhaix.
Nous avions beaucoup d'admiration pour lui et c'était une fierté de compter une des plus belles voix et un des plus grands artistes de Bretagne, grand collecteur et passeur de la culture musicale populaire de Bretagne, comme de la musique du monde, parmi les adhérents du PCF dans le Finistère.
Le monde de la musique perd un artiste sans frontières, et soucieux de puiser à la source authenticité des cultures populaires, un défricheur, un découvreur.
Comme l'a écrit mon camarade Taran Marec, membre de l’exécutif du PCF Finistère et responsable de la JC:
Nous nous associons par la pensée à tous ses proches.
Nous témoignons de toute notre amitié à Marie Oster, son ex-compagne, amie et confidente présente à ses côtés jusqu'au bout, et notre camarade de la section PCF de Morlaix, et adressons nos pensées à tous ses amis, musiciens et autres, ses camarades qui l'ont fréquenté et apprécié, et leur présentons nos plus sincères condoléances.
Ismaël Dupont, pour la fédération PCF du Finistère
En 2024, la fête du Viaduc de la section PCF Morlaix avait rassemblé 400 personnes à Ploujean avec le répertoire populaire pétri de culture bretonne du trio Kan, d’Érik Marchand, de Pauline Willerval et Jean Floc’h,
Le Télégramme
Par Jacques Chanteau Le 31 octobre 2025
Sur les scènes bretonnes et d’ailleurs, on ne verra plus l’homme au chapeau et à la moustache drue. Le chanteur musicien de culture bretonne Erik Marchand s’est éteint, ce jeudi 30 octobre 2025, à l’âge de 70 ans.
« Monument de la musique bretonne » ( Kenleur ), « Chanteur au timbre de voix unique, que ce soit en kan ha diskan ou en gallo » ( Tamm-Kreiz ), « Figure incontournable de la scène musicale bretonne » ( Festival Interceltique de Lorient )… Sur les réseaux sociaux, c’est une pluie d’hommages qui s’est abattue à l’annonce du décès d’Erik Marchand survenu en Roumanie, son deuxième pays. La Roumanie l’a en effet inspiré, comme d’autres régions de la planète. Avec talent, il savait fusionner le répertoire breton avec des musiques venues d’autres horizons. Une alchimie musicale où la musique bretonne pouvait également être pimentée de jazz, techno, rock…
Né à Paris, d’un père gallo et d’une mère d’ascendance lorraine et périgourdine, Erik Marchand a découvert la musique bretonne à l’âge de 14 ans, et ce, à travers le disque « En passant par la Bretagne », interprété par les sœurs Goadec, les frères Morvan, Albert Poulain… « J’ai alors réalisé qu’il y avait là quelque chose de très intéressant et de beaucoup plus proche de moi », avait confié au Télégramme, en octobre 2000, celui qui, adolescent, écoutait déjà de la world music, tout en pratiquant la clarinette et le chant.
« J’ai toujours voulu rapprocher les musiques et les gens »
À l’âge de 18 ans, il s’est installé en Bretagne : à Rostrenen (22), puis à Poullaouen (29). Dans la région, il avait alors commencé à fouiner dans des répertoires plus lointains. « J’aimais chercher les similitudes entre les musiques d’ici et d’ailleurs. Je n’aimais pas les opposer (…). J’ai toujours voulu rapprocher les musiques et les gens », nous expliquait-il, il y a dix ans. En 2003, Erik Marchand avait d’ailleurs créé et dirigé, pendant 18 ans, la Kreiz Breizh Akademi, afin que les cultures et musiques bretonnes croisent celle d’Europe orientale.
Pour Tamm-Kreiz, l’association qui œuvre pour la promotion du monde du fest-noz, Erik Marchand était un « citoyen du monde » qui a « œuvré pour le collectage, la transmission musicale et l’ouverture sur le monde, multipliant les expériences pour une musique populaire à la fois enracinée et favorable aux mélanges : musique roumaine du Taraf de Caransebeș, blues-rock électrique avec Rodolphe Burger, Medhi Haddad… ». Il avait beau mélanger les genres, il se qualifiait pourtant de traditionaliste…
Erik Marchand, géant de la musique en Bretagne, est mort à l’âge de 70 ans, le jeudi 30 octobre 2025 en Roumanie. Chanteur et instrumentiste emblématique, il laisse une marque indélébile bien au-delà des frontières de la région.
Ouest-France - le 31/10/2025
Erik Marchand, une des plus grandes voix de Bretagne, est décédé à l’âge de 70 ans, en Roumanie, où il aimait se rendre, jeudi 30 octobre 2025. Sur les réseaux sociaux, la nouvelle s’est répandue ce vendredi 31 octobre et les hommages affluent. « Homme du monde, artiste à la carrière immense, qui va bien au-delà de la Bretagne et qui aura inspiré la génération actuelle », écrit Tamm-Kreiz, association spécialisée dans la promotion de la culture bretonne. Le festival des Vieilles Charrues, où il s’était produit plusieurs fois, rend hommage à cette « figure majeure de la musique bretonne ».
Né à Paris en 1955, Erik Marchand s’est vite passionné pour le chant traditionnel breton. Il rencontre notamment Manuel Kerjean, à tout juste 18 ans, et apprend le kan ha diskan (chant et contrechant, très populaire en Bretagne). Le début d’une très riche carrière, jalonnée par l’enregistrement de plusieurs dizaines d’albums, qui l’a mené bien au-delà des frontières de la Bretagne.
« Plus qu’un chanteur, je suis un voyageur »
« Je l’ai rencontré en 1977, il chantait alors avec Yann-Fañch Kemener. On n’avait jamais entendu des jeunes qui envoyaient un truc pareil », se rappelle le violoniste Jacky Molard, avec qui il a fondé le groupe Gwerz avec d’autres grands noms dont Soïg Sibéril, au début des années 1980. « Après la disparition de Soïg, on perd Erik, ça fait un grand vide », réagit Jacky Molard.
La carrière d’Erik Marchand a été marquée par ses très nombreux voyages. « Plus qu’un chanteur, je suis un voyageur », expliquait-il à Ouest-France, en 2015. « Erik avait chanté à Washington le 4 juillet 1976 pour le 200e anniversaire de la déclaration d’indépendance des États-Unis », rappelle son ami Gaby Kerdoncuff, rencontré pour la première fois dans un fest-noz de Poullaouen à la sortie de l’adolescence. Parmi ses voyages, il affectionne l’Europe orientale et a notamment un véritable coup de cœur pour la Roumanie, son « second port d’attache ». Il y joue avec le Taraf de Caransebes, un orchestre populaire. Une rencontre qui débouchera sur plusieurs enregistrements.
L’art de la transmission
En 1991, le chanteur et joueur de clarinette, sort un de ses disques les plus marquants, An tri breur (Les Trois Frères), avec Titi Robin et Hameed Khan. Contacté ce vendredi, Titi Robin se rappelle des tournées à l’international avec son compère. « Je jouais de l’oud, luth oriental, lui chantait en breton, on formait un duo. Puis Hameed Khan, joueur de tabla indien nous a rejoints. On a créé un vocabulaire très original, moderne, novateur et respectueux de la tradition. Cet équilibre était fabuleux. » Pour Titi Robin, Erik Marchand était « une des très rares grandes voix contemporaines de tradition populaire en France. Il était l’héritier d’une tradition et un passeur incroyable. C’était un personnage exceptionnel pour qui j’avais beaucoup de respect. »
Attaché à la transmission entre les générations, Erik Marchand fonde en 2003 la Kreiz Breizh Akademi avec Gaby Kerdoncuff, via l’association Drom, qui a notamment pour but de former professionnellement des artistes. « De nombreux artistes actuels sont issus de cette formation qui apprend à être curieux, entendre d’autres musiques, faires des rencontres… Ça apporte un bagage extraordinaire, explique Glenn Jégou, le créateur du festival Yaouank à Rennes. C’était incontestablement une référence, un des piliers du chant en Bretagne. Avec Yann-Fañch Kemener, ils étaient indissociable, de part leur travail de collectage et de création. »
« Une institution à lui tout seul »
Erik Marchand ne s’éloigne pas pour autant de la scène et de la création. À l’image de l’album Before Bach, enregistré avec Rodolphe Burger et sorti en 2004, rencontre entre la musique bretonne, le rock et les musiques du monde. Parmi ses nombreuses autres réalisations, on peut citer la création du label Innacor, avec Jacky Molard et Bertrand Dupont.
« Erik, c’est une institution à lui tout seul. Il a chanté avec des gens de tous les horizons, de toutes les esthétiques musicales, sans être dans l’industrie. Il avait une destinée », explique son ami Gaby Kerdoncuff. Youenn Le Bihan a partagé la scène avec lui avec Gwerz. Il se souvient d’un « remarquable chanteur. Il a travaillé le chant traditionnel avec beaucoup de pertinence. Avec Yann-Fañch Kemener, ils ont assuré cette transition entre les anciens chanteurs et les actuels. »
Bertrand Dupont, compagnon de route d’Erik Marchand a aussi été son producteur : « Avec son décès, je perds un pote. C’est quelqu’un qui a apporté énormément à la Bretagne dans quelque chose de moderne, contemporain et aussi vers les jeunes ». L’artiste résidait depuis longtemps dans le hameau Rest Parkou, à Poullaouen, près de Carhaix. Le maire de la commune, Didier Goubil, rappelle qu’il « a fait partie des sonneurs de Poullaouen. Il était présent dans tous les évènements culturels. C’était quelqu’un de plutôt discret mais qui avait une forte personnalité. »
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