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15 mai 2020 5 15 /05 /mai /2020 12:39
La Bretagne ouvrière, paysanne, et maritime reparaissant le 18-4-41 (site: https://politique-auschwitz.blogspot.com/2012/07/le-lay-alain.html)

La Bretagne ouvrière, paysanne, et maritime reparaissant le 18-4-41 (site: https://politique-auschwitz.blogspot.com/2012/07/le-lay-alain.html)

Dans les archives de Pierre Le Rose, j'ai retrouvé une longue missive tapée à la machine d'Eugène Kerbaul exprimant ses remarques sur le livre "Le Finistère en guerre" de MM Thomas et Legrand, ouvrage jugé utile et intéressant, mais où Kerbaul repère des erreurs et approximations, notamment en ce qui concerne les conditions d'entrée en résistance des communistes. Nous reproduisons ici de larges extraites de cette lettre-témoignage d'un des responsables de la résistance communiste à Brest, historien du Parti communiste également.

I.D

Témoignage d'Eugène Kerbaul

"Le 26 septembre 1939, le parti communiste est interdit. 47 élus sont destitués dans le Finistère. Une répression accompagne ces déchéances: interdictions de séjour de nombreux militants, perquisitions, provocations - on alla jusqu'à tirer au pistolet sur Alain Signor, le secrétaire régional, alors qu'il faisait sa classe - , les licenciements, etc. 

Le P.C se reconstitue à partir de groupes de trois, appelés "triangles", prévus secrètement dès le mois de juillet dans chaque localité importante du département par le responsable du PCF pour l'Ouest de la France, Auguste Havez. Je fis partie du "triangle" de Brest, avec Jeanne Goasguen-Cariou et Roger Chaigneau et je peux témoigner de notre acharnement à reconstruire le parti dans la clandestinité alors qu'une grande partie de nos militants se trouvait mobilisée. Nous pouvons dire qu'il n'y eut aucun renégat et que les quelques camarades qui renâclèrent devant l'action illégale le firent par crainte pour eux ou les leurs des dangers réels présentés. La plupart devaient rejoindre le P.C clandestin plus tard d'ailleurs. 

L'interdiction du PCF fut rendue possible par la coalition qui des socialistes à l'extrême-droite fasciste croyait pouvoir en finir ainsi avec le communisme français. Pas un seul socialiste du Finistère n'éleva la voix pour protester, nombre d'entre eux s'en félicitaient publiquement. La mise hors la loi du Parti s'accompagnait de l'interdiction de sa presse y compris de son hebdomadaire régional "La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime". Ce journal était sous presse quand nous parvint la nouvelle de son interdiction. Je fus chargé d'aller demander aux ouvriers d'en continuer le tirage en cours, ce qu'ils firent en dépit des risques encourus. Des équipes de militants entraînés par Henri Ménès et Frédéric Corre s'en allèrent le diffuser par les rues de la ville. Tous les exemplaires furent vendus sans les incidents que nous redoutions dans le climat d'hystérie anti-communiste entretenu dans le pays. 

Très vite nous reçûmes dans le Finistère les premiers numéros, hélas en nombre insuffisant, de l"Humanité clandestine". Le premier tract clandestin communiste sorti à Brest le fut fin octobre 1939. Son rédacteur Kerbaul fut convoqué à la police spéciale où on lui dit que l'on avait reconnu son style. Bien entendu, il nia tout mais ne fut relâché qu'après avoir supporté injures et menaces. 

La majorité de la direction de la CGT était alors réformiste, elle décida d'exiger des militants communistes ayant des responsabilités syndicales qu'ils renient leur parti interdit. Dans le Finistère, deux membres, et non des moindres, du bureau de l'U.D, se chargèrent de cette besogne. A Brest, ils convoquèrent, Le Mignon, un responsable cheminot, et Rabardel, responsable d'un syndicat de professeur qui avait été le dernier secrétaire du comité de Front Populaire de la ville. Ils refusèrent l'ignoble marché qui leur était proposé et exigèrent d'être entendus des syndiqués qui les avaient élus. Les réformistes ne voulurent surtout pas entendre parler de ça! Et au mépris des statuts syndicaux, violés avec la bienveillante complicité des autorités, nos camarades furent "déchus" de tous leurs mandats syndicaux. Mais leur fermeté avait frappés les réformistes et ceux-ci hésitèrent à continuer dans cette voie.

La situation sociale s'était dégradée sérieusement. Tout à leur consensus accordé à la politique de la grande bourgeoisie, socialistes et syndicalistes réformistes laissaient faire un pouvoir acharné à détruire les conquêtes du Front Populaire et même des acquis antérieurs. A la fin de 1939, il y avait près de 20 000 militants ouvriers, en grande majorité communistes, auxquels se mêlaient des sympathisants et des libertaires, emprisonnés en France. Et bientôt on déversa le trop-plein des prisons dans les camps de concentration qu'avaient "inauguré" les soldats républicains espagnols réfugiés en France. Officiellement la France était toujours une démocratie du "monde libre".

Le coût de la vie augmenta dans des proportions considérables, tandis que les patrons et négociants accumulaient des fortunes. Les épouses des mobilisés ne percevaient que des allocations dérisoires pour subsister avec leurs enfants, ce qui avait une répercussion désastreuse sur le moral des soldats au "front". Au début de 1940 on fera appel à Brest à la main-d’œuvre féminine disponible pour la défense nationale. Il se présenta 5 000 femmes qui quêtaient vainement un travail quelconque, mais seulement un millier furent embauchées dans divers services et entreprises, comme l'arsenal.

Dans ces conditions on comprendra que la propagande du PC clandestin n'est pas sans écho. L'hebdomadaire finistérien "Le Breton socialiste" écrit en début de 1940: "On espère que le président du Conseil se rendra compte que la répression ne suffit pas à détourner les ouvriers de prêter l'oreille à la propagande clandestine des communistes". Les premières semaines de la clandestinité ont vu le PCF enregistrer des adhésions, par exemple à Brest, Pierre Corre, Jean Marc, etc. D'autres comme Charles Cadiou se mettent à la disposition du PC et partagent ses activités illégales. C'est alors que par la voix de son député Sérol le PS va demander la peine de mort contre les propagandistes communistes et obtiendra le vote de cette loi.

Dans le Finistère, les numéros de l'Humanité clandestine arrivèrent vite régulièrement, hélas en quantités insuffisantes, grâce surtout aux filières de cheminots mises en place, à Brest, Morlaix et Quimper.  Quand les armées allemandes approchèrent de la Bretagne, les responsables des groupes communistes de Brest se réunirent au Dourjac et décidèrent de rester sur place coûte que coûte pour continuer le bon combat, en dépit des formes aggravées que ne manquerait pas de prendre la répression anticommuniste avec l'occupation hitlérienne de notre région. Des décisions analogues furent prises par d'autres "triangles" du PC dans le département. 

(...)

La direction interrégionale du PC- Auguste Havez et Marcel Paul - conserva constamment le contact avec l'ensemble des "triangles" mis en place dès 39 et qui pour la plupart n'avaient connu que peu de changements de personnes. Il n'y eut pas qu'à Brest que les communistes récupérèrent des armes lors de la débâcle: à Nantes, c'est le membre du Comité Central du PC Marcel Paul qui s'en occupe personnellement. De plus quand l'armée allemande déferla en Bretagne elle fut précédée dans son avance par un courrier de l'interrégional Havez donnant des consignes précises aux communistes pour qu'ils sabotent le matériel militaire à l'arrivée de l'ennemi afin qu'il ne tombe pas dans ses mains. Et c'est pourquoi à Brest des communistes ont effectué des sabotages dans cette optique et que un groupe au moins - celui de Yves Labous, Louis Morvan et Jean Marc - s'en vont saboter à St Marc des camions et des motocyclettes en risque de tomber entre les mains des Allemands. En juillet parvint à Brest un tract rédigé par Marcel Paul à Nantes et qui donnait des conseils de résistance. En fin août c'était le texte de l'appel du 10 juillet du Parti où il est écrit: "... c'est autour de la classe ouvrière, ardente et généreuse, que peut se constituer le front de la Liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France" - qui parvenait dans le Finistère et cet appel était pour nous sans ambiguïté. 

En ce qui concerne les inscriptions effectuées à Brest par les groupes de la section clandestine, elles furent plus nombreuses que ce que les rapports de police laissent à penser, et faites à plusieurs reprises. C'est le "triangle" de direction qui avait décidé du texte "A bas les traîtres de Vichy, Thorez au pouvoir" (en une phrase et non pas en deux) avec l'accompagnement d'une faucille et d'un marteau. Mais jamais nous n'avons écrit alors "Vive de Gaulle". Cela fut fait par d'autres ou rajouté, mais pas par nous, je m'en souviens fort bien. De Gaulle nous apparaissait comme un général politicien et d'ailleurs nous ne le connaissions que comme un ancien sous-ministre de Paul Reynaud ce qui pour nous n'était pas une référence.

Il n'y eut pas qu'à Brest que le parti fut actif dans le Finistère... pour les premiers mois d'occupation. A Pont -l'Abbé, par exemple, c'est sous la conduite d'un enfant du pays, Corentin Cariou, réfugié de l'exode en Pays Bigouden et qui occupait d'importantes responsabilités dans le PC à Paris ainsi que dans les syndicats que se tint en juin 40 (les Allemands étaient à peine arrivés) une réunion clandestine de communistes à laquelle participèrent entre autres Alain Le Lay responsable départemental. A Scaër, ce fut sous la direction de P. Kersulec, dans la région d'Huelgoat, sous celle du Dr Jacq, etc. Au demeurant la création de l'O.S (organisation spéciale du Parti pour la défense des militants en action et les sabotages) ne fut pas une initiative locale mais nationale du parti. Et le groupe de Kerguillo de l'O.S, dont je je faisais partie, ne fut pas une initiative locale, mais l'application d'une directive de l'interrégion dont m'avait fait part personnellement R. Ballanger. On ne peut donc sous quelque forme que ce soit opposer le patriotisme à la base du Parti à une prétendue "inertie" de la direction du parti: Thomas et Le Gand soulignent le dynamisme de combats du parti: l'O.S, et les FTP, qui lui succédèrent, la grande activité patriotique du Front National créé à l'initiative du Parti dès mai 1941 (avant l'agression allemande contre l'Union soviétique). Ce qu'ils disent de certaines autres organisations souligne les différences de conceptions du combat entre communistes et certaines de ces organisations qui se seront créées plus tard (en 1943, généralement). "Libération", disent les responsables, doit poursuivre l'encadrement, l'instruction des effectifs... et attendre un mot d'ordre d'insurrection qui viendra de "Londres". Le Parti comme le Front National avaient une autre conception que nos auteurs appellent "l'action directe". Ils indiquent d'ailleurs que la plupart des attentats et sabotages sont l’œuvre des FTP créés par les communistes. N'empêche que bien des parachutages dans le Finistère, comme ailleurs, allèrent le plus souvent à des organisations qui en matière de combat avaient des positions attentistes, tandis que nos combattants manquaient d'armes.

Quand à l'importance de ces combats, un rapport dont il fut donné connaissance lors du procès d'un policier collaborateur à Rennes indiquait que pour la seule organisation communiste brestoise, on comptait plus de cent actions à son actif pour la seule année 1942.          

  

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