Quand le procureur de la République François Molins parle des enfants de "djihadistes" comme des "bombes à retardement", les termes ont une ambiguïté dangereuse et sont bien fait pour nourrir la paranoïa. Pour nous, et par principe, un enfant, quel qu' il soit, sera toujours plus une promesse qu'une menace. Parler de lui comme une arme de destruction potentielle est un pas fait vers sa déshumanisation et finalement, virtuellement, une justification donnée pour s'en débarrasser.
Pour notre part, nous sommes inquiets par cette régression civilisationnelle qui consiste à ne pas s'occuper de la sécurité et du respect des droits de l'enfant pour des gamins qui ont subi les choix et le fanatisme de leurs parents, citoyens français, avec parfois des conséquences physiques et psychologiques très lourdes dans la Syrie en guerre.
Rapatrier les enfants français qui ont un besoin urgent d'un environnement social, psychologique et matériel plus structurant et rassurant, d'une prise en charge de leurs traumatismes multiples pour pouvoir se reconstituer dans la vie normale, est une obligation morale pour notre pays, qui se veut porteur de la défense des droits de l'homme et des droits de l'enfant. Et cela même si leurs pères et/ou leurs mères ont commis des crimes dans le cadre du djihadisme et de la guerre en Syrie.
De la même manière, pour notre part, même si nous sommes effarés par l'obscurantisme et la perversité de l'idéologie islamiste radicale et par les crimes et le conditionnement sectaire qu'elle propage, nous avons du mal à accepter le discours du pouvoir exécutif en France par rapport au refus de principe d'envisager le rapatriement des français djihadistes pour être emprisonnés et jugés sur le territoire national. C'est comme si on externalisait à des pays tiers le soin de juger et de punir, parfois avec la peine capitale que nous ne voulons pas chez nous, des personnes qui ont commis des crimes et joué un rôle dans une sale guerre mais qui ont été largement produits par la société française elle-même. C'est comme si on vouait à un anéantissement social définitif des personnes fanatisées alors que tout notre système judiciaire repose sur le principe de la limitation des peines, du droit et de la capacité à la réhabilitation.
La société française, ses pathologies et ses contradictions, ont produit ces parcours de fanatisme et de violence par rapport auxquelles les enfants envoyés jeunes en Syrie ou nés là-bas n'ont aucune responsabilité. C'est à nous de prendre en charge ces problèmes, et ces femmes et ses hommes, sans angélisme ni aveuglement, mais sans déléguer à d'autres le soin de punir, sans respect de garanties démocratiques et juridiques, ceux de nos concitoyens qui ont combattu ou servi Daech en Syrie.
Le Proche-Orient n'est pas la poubelle où abandonner nos enfants perdus. Surtout que sur le plan géo-politique, la politique de la France n'est pas des plus limpide et vertueuse au regard du soutien aux puissances qui financent, propagent, et font appliquer l'islamisme théocratique le plus rétrograde, pensons à l'Arabie Saoudite notamment.
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