
LES GRANDS ENJEUX POUR NOTRE PLANÈTE, PAR GÉRARD LE PUILL
Le ministre veut accélérer le renouvellement des véhicules légers. Mais pour quel bilan, si les vieux modèles se retrouvent à polluer sous d'autres cieux ?
Les mesures annoncées depuis la fin de l'été par Nicolas Hulot concernant l'évolution de la prime à la voiture « propre » sont-elles de nature à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur d'ici à 2050, comme l'exigerait une bonne application de l'accord de Paris sur le climat ? On peut en douter sérieusement. Le 18 septembre, Nicolas Hulot déclarait que « la prime de 500 à 1 000 euros... sera généralisée à tous les Français propriétaires de véhicules à essence d'avant 1997 ou diesel d'avant 2001 », afin d'acheter un véhicule moins polluant, neuf ou d'occasion. Le ministre disait viser 100 000 véhicules supplémentaires renouvelés en 2018.
Sachant que près de 39 millions de véhicules légers circulent en France, une accélération du renouvellement du parc automobile de 100 000 voitures par an ne permettra guère de réduire les émissions de CO2. Surtout que le lieu de travail de l'immense majorité des salariés ne cesse de s'éloigner de leur lieu de résidence. Quiconque travaille à Paris, dans sa proche banlieue, voire dans une capitale régionale, a rarement les moyens d'habiter près de son travail.
Domicile et travail s'éloignent sans cesse et 71 % des Français utilisent leur voiture, faute d'alternative.
Du coup, entre 1994 et 2008, la distance moyenne entre le lieu de résidence et le lieu de travail a augmenté de 2,7 kilomètres, et cette tendance n'a pas été inversée depuis. Même à l'intérieur du milieu rural, cette distance augmente aujourd'hui du fait de la rareté des emplois, tandis que le nombre de « navetteurs » augmente chaque année autour des grandes villes. Avoir des voitures moins polluantes mais parcourant plus de kilomètres chaque jour ne permettra pas de réduire sensiblement la pollution si 71 % des Français continuent d'utiliser leur voiture pour aller travailler, faute d'alternative.
Il faut aussi savoir ce que deviendront les vieilles voitures retirées du marché en France. Si elles continuent d'être vendues en Afrique, elles pollueront sous d'autres cieux. Il faut enfin voir dans quelle mesure une augmentation sensible de la production de nouvelles voitures moins polluantes augmentera le bilan carbone de la production automobile via l'extraction et la fabrication de tous les composants de chaque véhicule sorti, en plus du fait même de ce renouvellement du parc automobile.
Enfin, si l'objectif annoncé par Nicolas Hulot de supprimer les véhicules diesel et à essence en 2040 se réalisait au profit de la voiture électrique, il faudrait, d'ici là, construire tous ces nouveaux véhicules, ce qui serait, là aussi, très émetteur de gaz à effet de serre. Et en même temps, comme dirait Macron, il faudrait augmenter dans des proportions considérables notre production électrique pour recharger des dizaines de millions de batteries toutes les nuits. Dans un pays où certains membres du gouvernement veulent accélérer la fermeture des centrales nucléaires, on peut douter de la capacité des éoliennes à produire assez d'électricité. Surtout si l'augmentation de la taxe sur le gasoil imposée aux pauvres salariés sert d'ici là à compenser la disparition de l'impôt sur la fortune...
glepuill@humanite.fr
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