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30 septembre 2011 5 30 /09 /septembre /2011 06:02

Le très ultra-libéral José Manuel Barroso a dit il y a quelques jours (Libération du 29 septembre): "La coopération intergouvernementale n'est pas suffisante pour sortir l'Europe de cette crise" qui "risque de mener à la renationalisation et à la fragmentation".  On ne peut être plus clair: le renforcement de l'intégration économique européenne et de la constitutionnalisation des contraintes d'austérité s'inscrit dans le projet historique des concepteurs de l'Union Européenne de défense dogmatique du libéralisme et de la privatisation contre l'indépendance économique des peuples, entreprise mise en péril par les conséquences de la crise actuelle du capitalisme qui fragilise des banques, les sociétés d'assurance et les fonds d'investissement pouvant être menacés par les cessations de paiement et le non remboursement des dettes des Etats (comme la Grèce, l'Italie, l'Espagne).

Le 29 septembre 2011, l'Allemagne et l'Estonie ont voté le texte qui augmente le poids du Fonds européen de stabilité financière (FESF) dont l'existence a été décidée au niveau du Conseil des Ministres européens en mai et qui sera doté d'une capacité d'emprunt de 440 milliards d'euros.

Ce Fonds européen de stabilité permettra donc aux Etats d'emprunter sur le circuit bancaire pour prêter dans l'urgence aux Etats afin qu'ils remboursent à échéance leurs créanciers privés, sans certitude aucune de voir ces milliards avancés par le contribuable européen sous la forme d'une aggravation de la dette publique qu'il paye en réduction du service public, des prestations sociales et des droits sociaux, revenir un jour dans ses poches. Cette cagnotte virtuelle du fonds de stabilité constituée en hypothéquant le bien-être des classes moyennes et populaires européennes est là pour limiter la spéculation sur les dettes souveraines et la faillite des banques et le renchérissement des taux d'intérêt consentis aux Etats très endettés, qui rend de plus en plus difficile le remboursement de ces dettes en les plongeant dans la recession. 

Vu que les plans d'austérité qu'on impose aux Etats hyper-endettés (du fait de la crise financière de 2008, des aides inutiles aux entreprises, de la défiscalisation des hauts revenus et des entreprises, rappelons-le...) réduisent encore leur capacité à rembourser un jour leurs dettes en plombant leur croissance, il est quasiment certain que ce fonds de stabilité sera mis à contribution très bientôt, ce qui augmentera considérablement la dette des principaux Etats contributeurs, la France et l'Allemagne, fragilisera l'euro et permettra une nouvelle curée contre les droits sociaux d'une violence inégalée.        

Puisque à l'origine de cette crise se trouve le poids de l'économie financière (renforcé par les privatisations du secteur bancaire, des services publics et de la protection sociale, la pression sur les salaires au profit des actionnaires, la libéralisation et la dérégulation des échanges boursiers...) et les limites de l'endettement privé pour alimenter la consommation et le dynamisme de l'économie alors que les salaires du grand nombre restent corsetés, le moyen d'en sortir aurait été de renationaliser une partie du secteur bancaire pour mener une politique de crédit au service du social, de l'écologie et de la croissance durable, de taxer les capitaux et les grandes fortunes pour réduire le poids de l'économie financière, de supprimer les opérations boursières purement spéculatives, de renforcer les services publics, la protection sociale, les salaires dans le cadre d'un certain protectionnisme européen afin de relancer la production et la consommation en Europe.  Cela peut et doit se faire sur une échelle européenne et la crise du capitalisme européen causée par 30 ans d'ultra-libéralisme aurait été l'occasion de faire ce virage à 180 degrés dans nos politiques publiques.

Au lieu de cela, on fait semblant de croire, pour continuer à transférer des richesses publiques au secteur privé et à appliquer les bonnes vieilles recettes libérales, que l'hyper-austérité imposée aux Etats endettés leur permettra ainsi que l'Europe toute entière de se sortir de la crise, qualifiée de crise de la dette des Etats (trop généreux avec les sociétés par conséquent) et non de symptômes d'une maladie incurable du capitalisme, sous la forme pure que nous lui connaissons depuis les vagues de dérégulation et de privatisations des 30 dernières années. 

La contrepartie exigée pour bénéficier au besoin de la caisse de mutualisation des pertes du fonds européen de stabilité est en effet de se plier au pacte de stabilité pour l'euro. Avec celui-ci, comme l'écrit Jean Quatremer, journaliste de Libération le 29 septembre: " non seulement l'équilibre des finances publiques devient la règle, sous peine de lourdes sanctions quasi automatiques, mais les grandes lignes des politiques économiques et budgétaires seront arrêtées en commun à Bruxelles avant d'être approuvées par les Parlements nationaux. La "règle d'or" européenne (déficit limité à 3% du PIB, dette maximale de 60%) était déjà gravée dans le marbre, elle l'est désormais dans l'acier trempé". Désormais, affirme le député européen Modem Sylvie Goulard, "la Commission va pouvoir piloter plus finement les politiques économiques de la zone euro" . Les citoyens se veront ainsi tout à fait déposséder de leur souveraineté en matière de choix économiques et sociaux: le vieux programme de Monnet de dictature de la science technocratique au service de la vitalité des entreprises se réalise enfin!

Avec quelle efficacité le fait-elle déjà! Après avoir imposé à l'Italie un plan d'austérité de 54 milliards d'euros, frappant essentiellement les intérêts des classes moyennes et populaires grâce au sens de la justice sociale si spécial de Berlusconi, il devient tellement improbable que l'Italie plongée dans la recession se sorte d'un endettement équivalent à 130% du PIB que l'agence de notation Standards and Poor's, une semaine après l'adoption de ce texte, a degradé la note de l'Italie.

De même, comment justifier que dans un pays, la Grèce, qui compte un taux de recession à 4 ou 5%, 16,6% de chômeurs, et qui a fait déjà des "plans d'économie" monstres depuis 2008 en augmentant les impôts, privatisant des services publics, démentelant le système de retraite et la protection sociale, supprimant des postes de fonctionnaires et réduisant leurs salaires, on exige encore une batterie de nouvelles mesures que Papendreou, entraîné dans une course en avant pour éviter que les taux d'intérêts de la Grèce s'envolent encore, s'empresse de faire voter par son Parlement: "suppression de 20000 postes supplémentaires dans la fonction publique, gel des salaires et des retraites de la fonction publique, instauration du chômage technique dans tous les organismes publics, augmentation de la taxe sur le fioul domestique, réduction des dépenses de santé, accélération des privatisations"    (L'Humanité Dimanche, 22 septembre). Ainsi, les dirigeants de l'Europe, loin de manifester leur solidarité envers des grecs déjà durement éprouvés, se comportent, selon la bonne formule du journaliste de L'Humanité, Dominique Sicot, comme "un tribunal de commerce" au service des intérêts des créanciers, les grandes banques françaises et allemandes.

En France, la dette est actuellement équivalente à 6,7% du PIB. Les députés européens socialistes français, à l'inverse de leurs homologues sociaux-démocrates grecs, espagnols, italiens, allemands, n'ont pas voté le Pacte de Stabilité pour l'euro. C'est une bonne chose. Pourtant, dans leur projet socialiste pour 2012, il y a cet objectif conforme aux traités de Maastritch et de Lisbonne, de revenir à une dette à 3% du PIB et de ne pas faire augmenter les dépenses publiques plus vite que la croissance, quasi nulle actuellement. Peu de chances dès lors qu'en cas d'alternance en 2012, les socialistes, surtout s'ils sont conduits par un François Hollande adepte de la rigueur depuis plusieurs années, engagent une politique de relance pour soutenir le pouvoir d'achat des français, réévaluent les pensions, les minima sociaux, les niveaux d'indemnisation au titre de la sécurité sociale, ou qu'ils engagent un plan de relance de l'investissement et de l'embauche dans les services publics. Tout au plus, si un rapport de force ne s'établit pas qui oblige la gauche gouvernementale à rompre avec sa logique d'adaptation au capitalisme mondialisé et de renforcement des politiques économiques intégrées et libérales en Europe,  pourra t'on espérer que les socialistes, sans rétablir ce que la droite a défait, s'engagent à ne pas faire plus de dégâts dans une sorte de solution de compromis entre leurs engagements européens et les attentes de leur électorat.

 

Ismaël Dupont.

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