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31 juillet 2018 2 31 /07 /juillet /2018 23:49

 

Au sein de ce club planétaire discret, bien implanté dans les rouages du système de l’évasion fiscale, se côtoient des hauts fonctionnaires censés endiguer les dégâts du dumping fiscal et des grands patrons qui en profitent.

Avocats, juges, hauts fonctionnaires dans les directions des impôts, directeurs des services fiscaux dans les multinationales, responsables d’organisations patronales… il n’y a que du beau linge à l’Association fiscale internationale (International Fiscal Association – IFA), une organisation non gouvernementale (ONG) qui fonctionne comme un club dont on devient membre par cooptation. Fondée en 1938 par d’éminents fiscalistes observant la mondialisation croissante de l’économie et ayant surtout repéré les mécanismes utilisés par les multinationales pour échapper à l’impôt (délocalisation des sièges sociaux et transfert des bénéfices sous les cieux les plus cléments pour le capital) dès l’entre-deux-guerres, l’IFA, qui compte aujourd’hui 13 000 membres à l’échelle planétaire, ouvre des antennes à tour de bras : l’une des dernières à avoir été labellisée par le siège mondial, aux Pays-Bas, l’a été au Panama, quelque temps avant l’explosion du scandale planétaire des Panama Papers. Attention, il n’y a là ni ironie, ni accident de l’histoire, bien sûr, mais plutôt l’écume d’un système. C’est en effet dans les places fortes du dumping fiscal et de son organisation au service des multinationales que l’IFA compte le plus de membres : la Suisse, par exemple, abrite le plus gros contingent (1 082), soit deux fois plus que la France (508) ; avec les Bermudes, Curaçao et Aruba ou d’autres paradis fiscaux exotiques, le Liechtenstein (36 000 habitants, dont 70 membres de l’IFA) tient le haut du pavé en proportion de sa population.

Cela ne doit rien au hasard. Les mots sont ripolinés : à l’IFA, on ne dit pas « évasion fiscale », mais « évitement des impôts », et même l’euphémisme « optimisation » paraît banni, remplacé par « planification fiscale ». Après avoir longtemps pris moins de pincettes – c’est l’un de ses présidents fondateurs, Mitchell Carroll, qui a mené la fronde victorieuse du monde des affaires contre l’un des premiers projets de loi anti-évasion fiscale en 1962, sous la présidence Kennedy aux États-Unis –, l’organisation prend aujourd’hui soin de décrire des phénomènes avec un vernis académique. Dans les colloques ou les congrès, on examine, par exemple, les mesures visant à lutter contre l’optimisation fiscale « agressive » mises en place au sein de l’OCDE. Mais, derrière la vitrine, c’est cette promiscuité organisée entre les multinationales et les grands pontes des administrations fiscales ou judiciaires des États comme des institutions internationales qui doit interroger. Tout est légal, bien entendu, dans cet univers où, comme dans le « comité scientifique » de la branche française de l’IFA, s’entrecroisent allègrement la directrice des questions fiscales au sein du lobby des très grandes entreprises (Afep), le chef du service juridique de la direction générale des finances publiques (DGFIP), le sous-directeur de la prospective et des relations internationales à la direction de la législation fiscale, les dirigeants des pôles fiscaux de Total et de Danone, des juges, des conseillers d’État, des avocats fiscalistes travaillant dans les grands cabinets parisiens, etc. La collusion à tous les étages se joue également dans les parcours mêmes des membres de l’IFA : ainsi, le membre français du comité directeur de l’IFA à l’échelle internationale a fait l’ENA, puis carrière dans la haute fonction publique aux impôts, puis au Conseil d’État, avant de partir diriger le département fiscal de la banque BNP Paribas. Avec leur habituelle maestria, les sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon dans leur livre Tentative d’évasion (fiscale) (Zones Éditions, 2015), parlent, à propos de ce mélange des genres, de « la forme cynique de l’optimisation fiscale, dans laquelle se confondent l’enrichissement des plus riches sous la protection de la loi et l’apparente garantie d’une honnêteté au-dessus de tout soupçon ».

Demain Elisabeth II, souveraine mondiale des paradis fiscaux.

 

Le guide touristique de la fraude

Les Bermudes, Nirvana des assureurs

Avec le scandale des Paradise Papers – fuite de 13,5 millions de documents confidentiels du cabinet Appleby basé aux Bermudes concernant des sociétés offshore – la réputation de l’archipel britannique n’est plus à faire. Le micro-État caracolait en tête de liste des pires paradis fiscaux dressée en 2016 par l’ONG Oxfam. Depuis, il a adhéré à l’accord d’échange automatique de données bancaires de l’OCDE pour éviter la liste noire de l’Union européenne. Mais la spécialité des Bermudes reste la niche des compagnies d’assurances. L’archipel a connu un essor considérable en 1992, après le passage de l’ouragan Andrew aux États-Unis, entraînant la mort de nombreux assureurs. D’autres sautent sur l’occasion, basant leurs sociétés aux Bermudes, entraînant le transfert de milliards de dollars sur l’île. Ils profitent de l’inexistence de législation les concernant doublée de l’absence de prélèvements fiscaux. L’économie de l’archipel repose sur le business des captives d’assurance, sociétés d’assurance ou de réassurance affiliées aux grands groupes dont la mission est de gérer leurs risques. Les Bermudes comptent 50 % des assureurs offshore mondiaux et plus de 1 500 compagnies d’assurances.

Thomas Lemahieu

 

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