Tout aurait pu continuer à dormir dans un tiroir. Heureusement, Le monde enchanté d'Yvon Marc'hadour, vient d'être publié. Un vrai bijou de littérature.
L'histoire
Jean-René Le Quéau, enseignant d'histoire et de géographie à la retraite, et éditeur chez Skol Vreizh, la maison d'édition de Morlaix, a l'habitude de lire des manuscrits. Lorsqu'il a entamé la lecture du Monde enchanté d'Yvon Marc'hadour, il n'a pas hésité. C'est à publier, sans hésitation.
« Au bout de la dixième page, j'ai été touché par le talent de l'auteur qui raconte avec plein de sensibilité la société rurale. Je l'ai dévoré », se souvient Jean-René Le Quéau, en évoquant la première lecture du manuscrit.
Il a juste fait un peu durer le plaisir. Déjà, les dix premières lignes donnent le ton de ce récit autobiographique qui raconte avec réalisme et plein de poésie la vie à la campagne au début du XXe siècle. Qu'on en juge. « J'avais six ans et demi ; ma première année scolaire s'achevait. Par de larges croisées toujours ouvertes montait une entêtante odeur de foin ; les cercles étourdissants des martinets au-dessus de la cour et plus bas, dans la prairie, la crécelle ininterrompue des sauterelles me paraissaient un effet de la lumière dont le soleil de juin inondait notre petite classe. »
Un profond respect de la nature
Cette petite école, c'est celle de Saint-Servais, une bourgade des Côtes-d'Armor, 413 habitants au dernier recensement. Yvon Marc'hadour s'appelle en réalité Théo David, futur instituteur. C'est lui l'auteur qui, de nombreuses années plus tard, a entrepris de raconter son enfance au fil de la chronique de Saint-Servais, son petit paradis terrestre. Il parle magnifiquement des habitants de la commune qui forment une communauté où chacun a sa place, des petits animaux qui l'entourent, de la nature qu'il respecte. « J'ai grandi avec ce sentiment qu'il est inutile de la torturer pour lui arracher ses bienfaits », glisse Théo.
Parfois, le ton monte entre les habitants de Saint-Servais, les paroles dérapent, mais il y a rarement de la méchanceté entre les gens. Et puis, dans ce livre écrit en français, Théo David, alias Yvon Marc'hadour, rend quelques beaux hommages à la langue bretonne. Il évoque ainsi un ciel d'automne : trawalc'h a c'hlaz 'vit ober eur vantell d'ar Werc 'hez (assez de bleu pour faire un manteau à la Vierge).
Yvon David, l'un des enfants de Théo David, gardait le manuscrit jusqu'au jour où il en parle à Jean-René Le Quéau, un ancien collègue de travail. Il se demandait juste quoi en faire, en s'interrogeant sur l'intérêt de le publier. Heureusement, Jean-René Le Quéau n'a pas hésité. Surtout qu'il y aura une suite. Deux autres volumes évoqueront les années sombres de l'Occupation. On sera alors bien loin du petit paradis terrestre de Saint-Servais.
Théo David, Un village breton, le monde enchanté d'Yvon Marc'hadour, Skol Vreizh, 447 pages, 20 €.