Liban : le double déracinement des réfugiés palestiniens de Syrie
Outre le million et demi de Syriens réfugiés au Liban, plus de 40 000 Palestiniens installés en Syrie ont rejoint le pays du Cèdre, déracinés pour la seconde fois. Rencontre, à Zahlé, dans la plaine de la Bekaa.
Catherine Gouëset, L’Express, mardi 5 juillet 2016
À Taalabaya, dans l’est du Liban, l’école fondée pour les Palestiniens accueille désormais les Palestiniens de Syrie. Ceux-là sont doublement déracinés. "Nous avons souffert de la Nakba (la "catastrophe", le déplacement forcé d’un million de Palestiniens, en 1948), soupire Salaheddine, 53 ans, natif de Damas, mais originaire de Haïfa (aujourd’hui en Israël). Puis nous avons été chassés du camp de Yarmouk, près de Damas, par la guerre en Syrie."
Au million et demi de réfugiés syriens accueillis au Liban depuis le début de la guerre en Syrie s’ajoutent aujourd’hui plus de 40 000 Palestiniens qui résidaient en Syrie avant la guerre, en particulier dans le grand camp de Yarmouk, assiégé par le régime syrien à Damas. La plupart d’entre eux se sont installés dans les camps de réfugiés où vivent 60% des réfugiés palestiniens de 1948. Ils sont pris en charge par l’UNRWA, agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine.
Liban ou Syrie : l’avenir sombre des Palestiniens
Les réfugiés palestiniens du district de Zahlé, au coeur de la vallée de la Bekaa, ne vivent pas dans des camps. Ils sont mêlés au reste de la population. Mais sont, en revanche scolarisés dans l’école primaire de l’UNRWA. Les plus grands vont à l’école secondaire dans la ville voisine de Saadnayel, elle aussi gérée par l’agence onusienne, dont plus de la moitié du budget est financée par l’Union européenne et ses Etats membres.
Nour, 28 ans, qui a fui la banlieue sud de Damas pilonnée par l’aviation syrienne en 2012, rêve d’Europe, sans trop y croire "Il faut plus de 2000 dollars rien que pour atteindre la Grèce", calcule-t-elle. Mère de trois enfants, elle n’envisage pas le retour à Damas. "La Syrie est complètement détruite. Elle ne redeviendra jamais comme avant". Pourtant, les perspectives d’avenir au Liban sont réduites pour les Palestiniens. Toute une série de professions (médecins, ingénieurs, avocats) leur sont interdites, et ils n’ont pas le droit de posséder de biens immobiliers. Les derniers réfugiés arrivés de Syrie depuis 2014 sont considérés comme illégaux. Mariages et naissances ne sont plus enregistrés.
Les économies ont fondu
Petit artisan lorsqu’il vivait à Yarmouk, Salaheddine a puisé dans ses économies pour aider son aîné de 23 ans à s’embarquer sur un bateau vers la Grèce. "Il est arrivé en Norvège, il y a un an. Il ne reviendra pas, ni ici, ni en Syrie. Il a pris tous ces risques parce qu’il pensait qu’ici, il n’y a pas d’avenir." Mais les économies de Salaheddine ont fondu. Il ne pourra pas aider ses quatre autres enfants à partir.
Si la guerre vient à cesser en Syrie, et qu’il n’a pas d’autre opportunité, il essaiera, lui, d’y retourner. Mais il a peur qu’on lui dise "vous, les Palestiniens, vous n’avez plus rien à faire ici".
(Article transmis par la newsletter de l'AFPS)
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