Overblog Tous les blogs Top blogs Politique Tous les blogs Politique
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
11 novembre 2021 4 11 /11 /novembre /2021 07:20

Les mardis de l’Education Populaire : conférence sur Marcel CACHIN le mardi 14 décembre (18 h – local PCF Morlaix)

Une belle conférence sur le Chili s’est tenue le mardi 21 septembre à Plourin les Morlaix.

Un beau succès.

Une nouvelle conférence se tiendra le mardi 14 décembre (18 h – local PCF Morlaix) avec l’écrivain, journaliste, historien Georges CADIOU autour de son livre sur Marcel CACHIN, un breton émancipé, une des grandes figures des premières décennies du PCF, directeur de l’Humanité, breton et amoureux de la Bretagne, de sa langue et de sa culture.

Georges Cadiou nous parlera aussi de son livre publié en 2021 aux éditions Yoran Embanner, "Marcel Cachin, un breton émancipé", le dimanche 28 novembre à l'espace livres de la fête de l'Humanité Bretagne à 15h (parc des expositions de Lorient)

Georges Cadiou présent pour les Mardis de l'éducation populaire à Morlaix le 14 décembre (conférence sur Marcel Cachin, un breton émancipé) et à la fête de l'Humanité Bretagne le dimanche 28 novembre

Présentation du livre de Georges Cadiou:

Marcel Cachin, un breton émancipé

Yoran Embanner, 2021 - 16€

Compagnon de Jean Jaurès, directeur de « L’Humanité » pendant 40 ans, député, sénateur, Marcel Cachin est surtout connu pour avoir été le principal fondateur du Parti communiste français lors du célèbre Congrès de Tours à la fin du mois de décembre 1920. Né à Paimpol, Marcel Cachin fut, tout au long de sa vie, un fervent anticolonialiste, ardent défenseur de la République espagnole, antifasciste militant, soutien de la cause arménienne et de la création de l’état d’Israël à ses débuts. Il fut aussi un militant breton, défenseur acharné de la langue bretonne qu’il parlait. En 1947, avec Pierre Hervé, député communiste du Finistère, originaire de Lanmeur, il présenta à l’Assemblée nationale un projet de Loi sur l’enseignement du breton à l’école publique, projet qui fut ensuite dénaturé par la coalition dite de Troisième force, socialistes et centristes, pour donner la pâle Loi Deixonne. Marcel Cachin savait que la Bretagne était davantage qu’une région, il l’a dit et écrit dans ses carnets personnels publiés voici quelques années par le CNRS. Marcel Cachin n’a évidemment pas échappé aux dérives du siècle dernier. Il croyait fermement aux promesses de la Révolution d’Octobre, ce qui l’amena, comme beaucoup d’autres, à cautionner le stalinisme qui enterra bien des espoirs de libération humaine. Marcel Cachin n’avait pas encore de biographie. On se demande pourquoi lorsque l’on voit le nombre de publications sur d’autres hommes politiques qui furent ses contemporains !

Georges Cadiou, déjà connu pour avoir dénoncé les dérives du Mouvement breton au moment de l’Occupation dans son livre « L’hermine et la croix gammée » revient ici sur la vie foisonnante de Marcel Cachin, ce « Breton émancipé » qui fut à l’origine d’une association de Bretons de la Région parisienne portant ce nom dans les années 1930. Une réflexion sur un siècle tragique d’espoirs et de désillusions pour mieux appréhender les défis qui nous attendent. Un livre salutaire, une biographie que l’on attendait !

Georges Cadiou présent pour les Mardis de l'éducation populaire à Morlaix le 14 décembre (conférence sur Marcel Cachin, un breton émancipé) et à la fête de l'Humanité Bretagne le dimanche 28 novembre
Partager cet article
Repost0
7 novembre 2021 7 07 /11 /novembre /2021 06:55
Carte postale de Morlaix postée en 1914 par un conscrit (collection Ismaël Dupont)

Carte postale de Morlaix postée en 1914 par un conscrit (collection Ismaël Dupont)

Une implantation syndicale et socialiste ancienne, avec un développement très fort des coopératives

Morlaix est connue des historiens comme une des villes de France ayant vu naître, entre la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, le plus de coopératives de consommation et de production (16 répertoriées en 1923), certaines d'inspiration socialiste, d'autres plutôt catholique sociale (c'était le cas de la Laborieuse, coopérative d'artisans peintre fondée au départ au départ en 1905 par des militants du Sillon de Marc Sangnier). En 1895, Morlaix était la troisième ville de province, après Lyon et Grenoble, quant au nombre des associations ouvrières de production. Avec 247 coopératives de production en 1900, la France figurait d'ailleurs au premier rang en Europe. 

Le développement des coopératives à Morlaix est inséparable de l'émergence du socialisme et du syndicalisme dans notre ville. Deux conceptions divergentes des coopératives de production étaient plus ou moins en concurrence: pour certains, la coopération de production relevait d'une forme de patronat collectif, pour d'autres, les socialistes particulièrement (ceux de l'époque s'entend), il s'agissait d'une étape vers l'abolition du salariat. 

La maison du Peuple s'est installée en 1922 1, impasse de Tréguier dans les locaux de la coopérative de consommation La Ménagère.

La Ménagère avait été fondée à la fin de l'année 1892 par un groupe d'ouvriers de la Manufacture des Tabacs. C'était à l'époque une des trois coopératives de consommation du Finistère - les deux autres étant brestoises - visant à procurer à leurs sociétaires de l'épicerie de bonne qualité au meilleur prix possible. C'est d'abord parmi les ouvriers de la Manu, puis ensuite plus largement, qu'elle recrutait ses sociétaires. La société La Ménagère comptait tout de même en 1904 600 membres. C'était la troisième coopérative de Bretagne en nombre de sociétaires. Son bureau ne comportait pas de socialistes déclarés. 

La boulangerie coopérative La Glaneuse était quant à elle plus proche des socialistes. Sa création datait de l'année 1898. C'est le tonnelier syndicaliste et socialiste Yves Guyader qui avait demandé sa fondation lors d'une réunion des syndicats morlaisiens en s'appuyant sur les nombreux exemples de boulangeries coopératives existant en Bretagne. Sur le plan local, l'activité de La Glaneuse permettait de contenir le prix du pain. La fusion de La Ménagère et de la Glaneuse, préconisée par Yves Guyader, ouvre une période de lutte d'influence entre socialistes et sillonnistes catholiques, emmenés notamment par des gens comme Jean Marzin et Jeanne Gallouedec.

Le développement du syndicalisme et du socialisme à Morlaix et dans le Finistère se nourrissent l'un et l'autre. En 1869 apparaît à Brest une première section de la Première Internationale, recrutant principalement parmi les ouvriers de l'arsenal. A partir de 1892, le syndicalisme et le socialisme commencent vraiment à se développer à Morlaix.

Syndicat des ouvriers et ouvrières de la Manufacture de tabacs: fondation en 1891

Syndicat des ouvriers tonneliers: 1892

Syndicats bâtiment, ouvriers en métaux, ouvriers boulangers: 1893

Syndicat ouvriers du livre, Menuisiers, charpentiers et charrons: 1894

Syndicat Tanneurs et corroyeurs: 1897

Tailleurs d'habits: 1898

Cordiers: 1900

Peintres: 1904

A la Manu, en 1897, le taux de syndicalisation est de 52% chez les hommes, de 74% chez les femmes. Et encore, beaucoup de syndiqués sont empêchés de rejoindre le syndicat du fait de leurs arriérés de cotisation. 

Au 1er juillet 1893, il y a 980 syndiqués à Morlaix contre 0 à Brest. Au 1er juillet 1894, il y a 1018 syndiqués à Morlaix contre 367 à Brest. Au 1er juillet 1895, il y a 1704 syndiqués à Morlaix contre 636 à Brest. La situation s'inverse à partir de 1900: 1423 syndiqués à Morlaix contre 3169 à Brest.  

L'union des syndicats de Morlaix joue un rôle essentiel dans le groupement des syndicats sur le plan départemental: en 1898 est créée par les syndicats morlaisiens et brestois la Fédération syndicale des travailleurs du Finistère. En 1904, dans la foulée des grands conflits du syndicalisme révolutionnaire à Brest, il y aura un mouvement de grève très fort à Morlaix en mai. Dockers, couvreurs, maçons et garçons de magasins entrent en grève par l'intermédiaire des socialistes, Guyader en particulier. La grève ne donnera pas les résultats escomptés et suite à cela on observera un certain recul du syndicalisme à Morlaix jusqu'en 1914, peut-être dû aussi à une concentration plus grande des ouvriers les plus militants et compétents sur la gestion des coopératives.  

En 1894 parait pour la première fois à Morlaix le "Breton socialiste". Jusqu'en 1898, cependant, la plupart des ouvriers, laïcs dans leur majorité, restent républicains. A partir de l'année 1898, le socialisme va se développer à Morlaix dans un contexte national de progrès significatifs et grâce aux actions conjuguées de deux figures locales: Yves-Marie Guyader et Yves Le Febvre. 

Né à Morlaix en 1857, Yves-Marie Guyader était le fils d'un artisan tonnelier. Il fit son apprentissage dans l'atelier paternel avant d'entreprendre son "tour de France" et de passer quelques années sous les drapeaux en Algérie et en Tunisie. Revenu à Morlaix en 1883, il est à l'origine en 1892 d'un syndicat des tonneliers et d'une association ouvrière de production.

La grève des tonneliers de 1892-1893

A Morlaix, à la fin du 19e siècle, la fabrication de tonneaux et de barils est surtout liée à l'exportation du beurre vers Paris, Londres, le Brésil, les Antilles anglaises et françaises. Jusque avant 1900, avec une quantité exportée de 1679 tonnes, le beurre figure encore après les céréales comme la deuxième marchandise sortie du port. La corporation des tonneliers compte 330 ouvriers à la fin de 1893.

L'historien Vincent Rogard nous plante le décor du conflit social des tonneliers et de l'émergence du syndicalisme à Morlaix dans son livre Les Catholiques et la question sociale -Morlaix 1840-1914  (Presses Universitaires de Rennes):

"C'est un milieu dominé alors par les maîtres tonneliers employant une ou deux douzaines d'ouvriers et d'apprentis rémunérés souvent à la pièce. Les journées de travail dans les ateliers patronaux n'ont pas de cadre horaire puisque leur durée s'adapte au volume de travail à fournir. Les ouvriers sont, en outre, astreints à de nombreuses corvées. Dans ce milieu d'ouvriers insatisfaits de leurs conditions de travail, Guyader parvient à fonder le 14 mars 1892 un syndicat ouvrier... L'objectif immédiat affiché par le syndicat est l'amélioration de la condition matérielle de ses 168 adhérents. Un cahier de revendications portant sur les salaires et l'organisation du travail est soumis à la fin de l'année 1892 aux patrons. Leur refus d'en tenir compte déclenche un mécontentement qui soude les rangs ouvriers. Un an plus tard, le jour de Noël 1894, les ouvriers se mettent en grève pour obtenir satisfaction sur quatre revendications majeures:

- la suppression des corvées

- l'unification des tarifs dans tous les ateliers

- l'adoption d'un tarif proposé par les ouvriers et qui prévoit un alignement sur les ouvriers les mieux payés

- l'abrogation de diverses mesures inscrites dans le règlement des ateliers et l'adjonction de certaines autres comme un cadre horaire de travail.

La grève est très dure car les positions patronales et syndicales sont figées. Les patrons tentent de déconsidérer les ouvriers aux yeux de la population en les accusant d'inconduite et d'alcoolisme tandis que les ouvriers révèlent certaines pratiques patronales: distributions d'eau-de-vie pour faire accepter les corvées les plus excessives aux ouvriers, fourniture d'un litre d'alcool en guise de contrat de recrutement d'urgence quand le travail est trop abondant. Comme le note avec humour le comité de la grève: "avec de tels procédés, il ne faut pas nous rendre responsables si les ateliers de tonnellerie ne peuvent pas être comptés au nombre des sociétés de tempérance". Au nom de ses convictions progressistes, un négociant, Auguste Arthur, organise la solidarité avec les ouvriers. Les ouvriers des tabacs, qui sortent eux-mêmes d'une grève, la caisse du syndicat et la Fédération des travailleurs du tonneau aident financièrement les grévistes. Mais le conflit s'éternise car l'accord bute sur la question salariale et toutes les tentatives d'arbitrage échouent. En définitive, les ouvriers doivent regagner leurs ateliers sur un échec, après une interruption de travail de 33 jours qui fait de cette grève la plus longue alors connue par la ville. Certes, les tonneliers ont obtenu la suppression des corvées et la journée de travail est désormais limitée à une tranche de onze heures mais leur salaire journalier d'à peu près quatre francs n'augmente pas. En dépit de son issue peu satisfaisante pour les ouvriers, ce conflit, qui manque sur sa fin de sombrer dans la violence, comporte toutefois pour eux une leçon décisive: la bourgeoisie républicaine, qui règne au conseil municipal, peut accessoirement les soutenir contre les patrons; les négociants et autres courtiers de commerce peuvent trouver leur intérêt dans l'émergence d'une force de production ouvrière indépendante" (p. 414-415).

A l'issue du conflit, une poignée d'ouvriers adhérents du syndicat réunit difficilement 900 francs à raison d'actions de 50 francs l'une. Guyader obtient bientôt grâce au soutien des syndicats des différents corps de métier de Morlaix 7000 francs pour lancer la coopérative des tonneliers.  

Les patrons, maîtres tonneliers, tentent de jouer de leur influence pour priver les coopérateurs de commandes et d'approvisionnement en bois mais le maire républicain de Morlaix, Onésime Kérebel, l'un des principaux négociants en beurre, va rompre le contrat des puissants contre l'émergence de la coopération ouvrière en commandant 600 barils de beurre à la coopérative d'Yves-Marie Guyader.

Le maire, qui jouit d'une forte influence, est imité par d'autres négociants qui passent des commandes, au début modestes, de sorte que de six, les coopérateurs passent rapidement à vingt. Pour tenter de contrecarrer ce développement, les patrons tonneliers décident de ne plus produire de barils de beurres alors même que la production annoncée pour l'été est excellente: dès lors, les négociants prennent de plus en plus le parti de la coopérative qui à la fin 1894 emploie 124 ouvriers, parmi les meilleurs. Les patrons vont réagir en cassant leur prix pour casser les reins de la coopérative et les effectifs de celle-ci vont tomber à 93 en 1895. Pour contrer ce dumping, le maire Onésime Kérebel fait augmenter le prix des barils de beurre afin de soutenir le salaire plus élevé de la coopérative (5 francs au lieu de 4 chez les maîtres tonneliers).    

Yves-Marie Guyader créa une coopérative de production « l’Union des Tonneliers » qu’il géra toute sa vie. Il contribua également à fonder d’autres coopératives de production dans divers corps de métiers. Antérieurement, il avait participé à la création d’une coopérative de boulangerie « La Glaneuse » qui fusionna avec « La Ménagère » fondée par des employés et ouvriers de la Manufacture des Tabacs. Guyader fut surnommé le « Père des coopératives ».

En octobre 1910, il figura sur la liste des candidats présentés par la CGT lors des élections prud’homales à Morlaix. Le 7 janvier 1912, il figura sur la liste des candidats présentés le Parti socialiste SFIO lors des élections sénatoriales.

Alors président du conseil de prudhommes, il Il fut élu, en mai 1912, conseiller municipal de Morlaix. Une élection complémentaire eut-lieu en septembre de l’année suivante et Yves-Marie Guyader fut reconduit dans son mandat de conseiller municipal. Lors du scrutin de mai 1925, conseiller sortant, il fut à nouveau candidat.

En avril 1922, il fut signalé comme étant le trésorier de l’Union des syndicats CGT de Morlaix.

C'est sous l'influence de Yves Le Febvre, beaucoup plus jeune que lui, que Yves-Marie Guyader deviendra réellement socialiste en doctrine. Yves Le Febvre, né en 1874, était le fils d'un docteur, conseiller municipal républicain à Morlaix et d'ascendance noble. Il est devenu socialiste à Paris en préparant son doctorat de droit et en fréquentant Briand et Jaurès. C'est lui le premier en 1898, à seulement 24 ans, qui défend ouvertement les principes politiques marxistes et socialistes à l'intérieur d'une société électorale républicaine où l'on trouvait une assistance nombreuse où les ouvriers syndiqués étaient bien représentés. Le Febvre se déclare internationaliste, défend le principe de l'affrontement de classe. Guyader le suit et propose la création d'une association socialiste. La première liste socialiste est constituée à la veille du 19e siècle: elle obtient au premier tour des municipales entre 814 et 854 voix (seuls un tiers des inscrits se sont rendus aux urnes) mais est battue au second tour grâce à l'alliance des républicains de centre-gauche et de catholiques modérés. Lors des élections cantonales du début du siècle, le score des socialistes sera très bon à Morlaix (le meilleur des listes en présence) le poids de la partie rurale de l'arrondissement les empêchera de gagner des sièges.

D'emblée le défi d'Yves Le Febvre et du groupe socialiste morlaisien est de contribuer à transformer un socialisme pratique fondé sur un réseau de syndicats et de coopératives en un mouvement politique. Vers 1898-1899, le socialisme n'est vraiment bien implanté en Bretagne qu'à Nantes et dans sa région: il a périclité à Brest et à Lorient et commence à s'organiser sur la base des syndicats et coopératives de production à Morlaix, Fougères, Hennebont.

Une fédération des groupes socialistes de Bretagne a lieu en mars 1900 à Nantes: 5 organisations ouvrières morlaisiennes y adhèrent (tonneliers, couvreurs, tanneurs corroyeurs, menuisiers, bâtiment). Avec Nantes, Brest et Saint Nazaire, Morlaix devient l'un des centres les plus actifs du socialisme breton. Ce congrès est suivi d'une tournée de réunions publiques de Jaurès qui fait halte à Morlaix. La municipalité a refusé ses salles pour la réunion publique présidée par Le Febvre. Entre 400 et 1000 spectateurs assistent à la réunion publique avec Jaurès, qui valorise le développement des sociétés mutuelles, des syndicats et des coopératives, perçus comme moyen de la conquête des pouvoirs publics par la classe ouvrière pour transformer la société. La Résistance, le journal de la droite cléricale et réactionnaire, note: "nous sommes bien obligés de reconnaître au citoyen Jaurès une très grande puissance oratoire (...). Il n'est qu'un tribun curieux à entendre, un illuminé dont les paroles ne doivent pas être prises en considération". Au congrès socialiste de Rennes de 1902, Morlaix est la ville qui détient le plus de mandats (9) après Nantes, 3 fois plus que Brest. En 1900, aux élections au conseil général et la députation, Guyader arrive en tête à Morlaix-ville devant la droite et le centre gauche libéral.  

Au début du 20e siècle, Morlaix devient "l'épicentre du socialisme dans le département", comme l'écrit Vincent Rogard, à qui nous empruntons l'essentiel de ces informations (Les Catholiques et la question sociale: Morlaix 1840-1914 

La réussite de la coopérative des tonneliers a été à l'origine de la fondation d'autres coopératives morlaisiennes. Les ébénistes créent l'Ameublement. Les couvreurs l'Union des ouvriers couvreurs. Les fondations de coopérative se succèdent ensuite régulièrement jusqu'en 1914. Souvent, c'est dans la foulée d'une grève que la coopérative est organisée. Ainsi, la grève de 63 jours des ouvriers typographes de 1911 se termine sur une augmentation de salaire et aboutit à la formation de l'Imprimerie Nouvelle. Il en va de même pour la coopérative des maçons et l'Union des Tanneurs.

"Certaines coopératives, comme l'Ameublement, précise Vincent Rogard, s'avèrent d'emblée compétitives et procurent à leurs membres une réelle amélioration de leurs conditions de vie tandis que d'autres sont à la peine. Lorsque Vila visite la coopérative des cordiers en 1903, son compte rendu est, de ce point de vue, instructif: "La coopérative est située à Petit-Launay, à trois kilomètres de Morlaix. Ils ont fait construire un hangar avec une subvention de 1000 francs et ont acheté un métier à filer. Mais leur travail reste primitif. Il faut travailler onze heures pour gagner 2,75 francs par jour. Ils ont fait néanmoins cinquante-six francs de bénéfices. Un prêt de 3000 francs pour un moteur serait nécessaire". Les coopératives ne sont pas toutes sur le même plan du point de vue de leur taille et de leur chiffre d'affaires".

La maison du Peuple de Morlaix 

Des bourses du travail existaient à la fin du XIXe siècle, dépendantes de fonds publics. Pour garantir davantage d'indépendance, la CGT, créée en 1895 à Limoges, va chercher à posséder ses propres bâtiments. Ce sera la création des Maisons du Peuple. C'est en Bretagne qu'apparaissent les premières maisons (Saint-Nazaire, puis Fougères en 1908) financées par les syndicats et leurs adhérents, construites grâce au travail de bénévoles syndiqués du bâtiment. Ces Maisons du peuple favorisent un développement plus libre de l'action syndicale et des activités sociales ou éducatives (coopératives d'achat, cours professionnels, bibliothèques, conférences...). Morlaix, qui n'a jamais eu de véritable bourse de Travail, mais seulement une Union des Syndicats, attend 1924 pour avoir sa Maison du Peuple.

En 1922, la CGT est traversée par deux courants opposés qui amènent une scission en deux confédérations: la CGTU, dite unitaire, révolutionnaire et proche des communistes; la CGT, dite confédérée, de tendance réformiste et socialiste (la CGT retrouvera son unité avec la stratégie anti-fasciste de rassemblement républicain du PCF, et le Front populaire, en 1936). La scission se répercute dans les fédérations professionnelles et les structures territoriales et locales. A Morlaix, il y a deux unions locales, une CGTU et une CGT. Malgré leurs divergences, les syndicats morlaisiens s'entendent pour créer et gérer ensemble une maison destinée à les accueillir tous.

L'acquisition de l'immeuble de la Ménagère intervient fin juillet 1924. Dès novembre 1924, plusieurs activités récréatives, éducatives, et sociales, s'ajoutant aux permanences d'information, y sont organisés pour les adhérents: bibliothèque, salle de lecture et d'écriture, jeux de société. De 16h à 18h30, une salle permet aux enfants des syndiqués de faire tranquillement leur travail scolaire, une autre salle sert de garderie et de salle de jeux.

En 1925 a lieu une grande grève des dockers à Morlaix, initiée par la CGTU.

Une ville acquise majoritairement dès le début du XXe siècle aux idées laïques et de gauche

Emile Cloarec, né à Morlaix en 1869, est l'homme qui marque la vie politique morlaisienne au début du XXe siècle. En 1892, il est élu maire de Ploujean. Il y développe le théâtre populaire en breton, langue à laquelle il est très attaché et crée des fêtes bretonnes à Ploujean (1898). Il est proche des milieux régionalistes bretons. En 1901, il est élu député de la circonscription de Morlaix et sera réélu ensuite sans discontinuer en 1902, 1906, 1910, et 1914. De sensibilité radicale de gauche, il siège dans le groupe de la gauche démocratique et soutient la politique de séparation de l’Église et de l’État. Emile Cloarec décède à Neuilly-sur-Seine en 1914.

Entre 1919 et 1928, la mairie de Morlaix est gérée par des hommes du Cartel des gauches. Il y a d'abord l'horloger-bijoutier (il avait une boutique rue d'Aiguillon avec son associé Jean-René Grall) Guillaume Chatel, socialiste modéré de la SFIO, qui devient maire de Morlaix  en 1919. Au début des années 20, il occupe la fonction de trésorier fédéral de la SFIO. C'est lui qui fut à l’origine de l’achat de la Maison du Peuple de sa ville, inaugurée en 1926, et le fondateur de la colonie de vacances des écoles laïques à Plougasnou. Il exerça ses fonctions municipales jusqu’en 1928. Cette année-là, il échoua aux élections législatives dans la 1re circonscription de Morlaix. Il recueillit au premier tour de scrutin 3 894 voix sur 12 971 votants et, au second, 3 171 sur 13 928.

Les élections législatives de 1928 marquent ainsi un vrai tournant dans la vie morlaisienne, avec l'émergence sur la scène locale de François-Louis Bourgot. Damien Chaussec, dans son mémoire de maîtrise d'histoire sur Morlaix pendant l'Occupation allemande (mémoire de Master 1 de l'UBO écrit l'année 2008 sous la direction de Christian Bougeard) , précise: 

" Né en 1879 à Morlaix, cet homme extraverti s'engage dans un premier temps dans la marine avant d'en être réformé pour insuffisance physique. Il est ensuite employé à l'octroi de Morlaix jusqu'au déclenchement de la guerre en 1914. Quand les hostilités se terminent, il retrouve la cité du viaduc et travaille pour le compte d'une maison anglaise d'importation de charbon. Intéressé par la politique, il milite pour le parti socialiste unifié et se fait élire sur la liste radicale et socialiste aux côtés de Guillaume Chatel. Quelques semaines après les municipales de 1919, il est désigné candidat de la SFIO pour les élections cantonales. Il est élu au second tour du scrutin et conserve son poste de conseiller général six ans plus tard grâce à sa réélection en 1925. A l'approche des législatives de 1928, il pense être le candidat de la première circonscription de Morlaix pour le compte de la SFIO. Finalement, on lui préfère Guillaume Chatel maire de la cité depuis dix ans. Mécontent de ce choix, Bourgot refuse de se plier à la discipline du parti: il rompt avec la SFIO et mène sa campagne seul en tant que socialiste indépendant. A la surprise générale, il remporte le siège de député le 29 avril 1928 grâce à ses 6 478 voix. Il s'impose devant le candidat centriste Cloarec (4133 voix) et surtout devant Chatel (3171 voix) qui est mis en minorité dans sa propre ville". 

Résultat: Guillaume Chatel démissionne de sa fonction de maire le soir même de l'élection. Il est accompagné dans son départ par les conseillers municipaux socialistes et radicaux socialistes du Cartel des gauches de Morlaix. Bourgot emporte alors la mairie en composant une liste très bigarrée avec des socialistes qui l'ont suivi dans la rupture avec la SFIO, en tendant la main aux radicaux et à des membres de la droite chrétienne associée à l'Union Républicaine Démocratique. L'équipe hétéroclite politiquement de François-Louis Bourgot est élue entièrement. En 1932, Bourgot est battu aux élections législatives par le radical socialiste Pierre Mazé, docteur et conseiller général du canton de Sizun depuis 1925, lequel a bénéficié du désistement du candidat socialiste Guy Le Normand, secrétaire fédéral de la SFIO du Finistère, le dirigeant, professeur d'allemand à Morlaix (il servira d'interprète et de médiateur auprès de l'armée allemande à Morlaix pendant l'occupation) qui forme Tanguy Prigent au cours de sa campagne législative de 1932.

Fils de paysans, Tanguy Prigent, né le 11 octobre 1909 à la petite ferme de Kervari à Saint-Jean-du-Doigt, était un élève doué, premier au certificat d'études primaires pour le canton de Lanmeur en 1922, mais qui dût s'adonner néanmoins très tôt au métier de la terre. A quinze ans, il fonde la section socialiste de son village. En 1934, il est élu conseiller général du canton de Lanmeur mais trop jeune de quatre jours, son élection n'est pas validée. Il est élu triomphalement l'année suivante, devenant à 25 ans le plus jeune conseiller général de France, et devient également maire de son village, Saint-Jean-du-Doigt.  A l'approche des élections municipales de 1935 à Morlaix, le climat est tendu.

Dans "le Breton socialiste", l'hebdomadaire socialiste morlaisien dans Guy Le Normand est le rédacteur en chef, on dénonce l'opportunisme de François Bourgot qui fait alliance avec la droite chrétienne tout en se proclamant toujours socialiste. Le journal "l’Éclaireur du Finistère" soutient les idées radicales-socialistes d'une partie des anciens élus de Burgot et dénonce également l'alliance du maire avec "certains cléricaux notoires". La liste de l'ex-socialiste Burgot est d'ailleurs soutenue par le journal catholique conservateur "la Résistance - La Croix de Morlaix", notamment une dizaine de membres du conseil municipal jugés catholiques bon teint, dont le médecin Olivier Le Jeune, futur maire, et premier adjoint de Bourgot depuis 1928.

Après une campagne électorale acharnée, François Bourgot l'emporte, mais avec une avance moindre qu'en 1928, face à Guy Le Normand et à son ancien élu radical-socialiste Louis Le Feunteun. En 1936, aux élections législatives du 26 avril, Tanguy Prigent devance avec 43,36% des voix le docteur Mazé, radical-socialiste (38,65%) et le communiste Louis Nédellec, qui réalise un faible score de 0,99% et se désiste en faveur de Tanguy Prigent. L'avocat Robert Debled (URD, droite) n'obtient que 16,97% des suffrages. Dans la ville de Morlaix elle-même, au soir du 26 avril 1936, Tanguy Prigent devance de peu Pierre Mazé avec 1097 voix contre 1035 voix, 73 voix au candidat communiste Louis Nedellec, et 631 voix au candidat de droite Robert Debled. Lors du second tour du 3 mai 1936, le maire de Morlaix Bourgot vient jouer les troubles fêtes en prenant la place laissée vacante par le candidat de droite, et soutenant le camp hostile au Front populaire. Malgré cela, Tanguy Prigent est élu et comme député, va défendre l'intérêt de la paysannerie pauvre et de la coopération. A l'automne 1936, le maire François Bourgot décède à 57 ans.

Une élection municipale partielle a lieu pour élire un nouveau conseiller municipal. Au premier tour, Guy Le Normand arrive en tête pour la SFIO avec 1038 voux, devançant le républicain socialiste Aimé Tourmen (965 voix) et le communiste Tanguy (197 voix) qui se retire au second tour au profit de la SFIO et de Guy Le Normand. Guy Le Normand est élu au second tour mais quand l'ensemble des conseillers municipaux procède au remplacement du maire défunt, c'est Olivier Le Jeune, adjoint de Bourgot depuis 1928? qui est élu maire. Ce morlaisien né en 1887, médecin, fils de comptable, qui s'engagea dans la colonisation du Maroc, fut professeur à l'école de médecine navale à Brest jusqu'en 1924, est un chrétien modéré qui apparaît à la population comme un homme discret, juste, équitable, travailleur, moins excentrique, truculent et imprévisible que Burgot.  "C'est donc, précise Damien Chaussec, un notable de la droite chrétienne âgé de 49 ans qui gère la mairie à partir de décembre 1936. Responsable d'un conseil municipal hétérogène sur le plan de la représentation politique, il collabore avec des républicains socialistes et un haut responsable de la SFIO locale (Guy Le Normand). En 1937, le socialiste Guy Le Normand est élu conseiller général du canton de Morlaix face au radical socialiste, le cultivateur Hervé l'Eleouet, bénéficiant du désistement du cheminot communiste Louis Nédelec (98 voix au premier tour). En 1938, Olivier Le Jeune est élu sénateur, accompagnant à Paris les sénateurs finistériens Victor Le Gorgeu (ex-socialiste hostile au front populaire), François Halna du Fretay, Fernand Lancien. En 1940, le sénateur-maire de Morlaix Olivier Le Jeune va voter les pleins pouvoirs à Pétain, contrairement au député Tanguy Prigent, ou encore au sénateur Victor Le Gorgeu.  

Partager cet article
Repost0
4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 06:30
Prix Goncourt 1921 : René Maran, un écrivain noir « couronné et crucifié » (L'Humanité, Sophie Joubert, 3 novembre 2021)
Prix Goncourt 1921 : René Maran, un écrivain noir « couronné et crucifié »
Mercredi 3 Novembre 2021, L'Humanité

Il y a cent ans, il devenait le premier auteur noir à recevoir le prestigieux prix littéraire pour son roman Batouala, qui dénonçait la colonisation.

 

Cela s’est joué à une voix. Celle, qui compte double, du président du jury. Le 14 décembre 1921, le nom du lauréat du prix Goncourt est proclamé chez Drouant : René Maran, l’auteur de Batouala. Fonctionnaire colonial depuis 1909, l’écrivain est alors en Oubangui-Chari, un territoire français d’Afrique centrale situé entre le Congo et le Tchad. Prévenu par radiotélégramme, il apprend la nouvelle deux jours plus tard : « Je suis fatigué, impaludé, malade de fatigue. La joie est venue m’étreindre davantage… » réagit-il.

De violents adversaires

À Paris, ce Goncourt inattendu déchaîne les passions : « C’est la première fois que les Noirs jouent et gagnent », titre le Petit Parisien. À la Chambre des députés, les adversaires de Maran l’accusent d’attaquer la politique coloniale de la France. Comme le raconte l’académicien Amin Maalouf dans la préface de la nouvelle édition de Batouala (Albin Michel), « certains orateurs exigent qu’il soit jugé pour avoir “mordu la main qui le nourrit” ». « Couronné et crucifié », Maran, qui pense que le Goncourt peut légitimer sa voix et ses positions, est surpris par la violence de la charge.

Icon Quote Nous ne sommes que des bêtes de portage. Des bêtes ? Même pas. (...) Nous sommes, pour eux, moins que des animaux, nous sommes plus bas que les plus bas. Ils nous crèvent lentement.

Salué par la presse américaine (il sera traduit en 1931) et qualifié par Ernest Hemingway de « grand roman », Batouala porte le nom du personnage principal, un grand chef de village. Dans une langue inventive et chatoyante, Maran observe la vie quotidienne en Oubangui-Chari, une région riche en caoutchouc, s’émerveille des plantes et des animaux, noue une histoire d’amour et une rivalité entre Batouala et un milicien noir au service des colons.

Si elle n’est pas, en apparence, le sujet principal du roman, la critique de la colonisation n’en est pas moins virulente : « Nous ne sommes que des chairs à impôt. Nous ne sommes que des bêtes de portage. Des bêtes ? Même pas. Un chien ? Ils le nourrissent, et soignent leur cheval. Nous sommes, pour eux, moins que des animaux, nous sommes plus bas que les plus bas. Ils nous crèvent lentement », écrit René Maran.

« Une civilisation bâtie sur des cadavres »

Mais c’est surtout la préface, où l’écrivain décrit les colons comme stupides, brutaux et alcooliques, où il accuse la « civilisation, orgueil des Européens », d’être « bâtie sur des cadavres », qui provoque la colère des intellectuels et des politiques français.

Dix-sept ans plus tard, René Maran, amer, raconte qu’en 1922, au plus fort des polémiques, une mission d’inspection envoyée au Tchad ferme les yeux sur la réalité qu’il dénonce. Il faudra attendre 1927 pour qu’André Gide, marqué par ses écrits, publie Voyage au Congo, provoquant une prise de conscience sur « les horreurs auxquelles donnait lieu la construction de la voie ferrée Brazzaville-Océan ».

« Orphelin intermittent »

Né en 1887 sur un bateau reliant la Guyane et la Martinique, René Maran est le fils d’un fonctionnaire colonial guyanais. Il a trois ans quand son père est nommé au Gabon et il grandit en l’accompagnant dans ses tournées administratives. À 7 ans, il est envoyé à Bordeaux et se retrouve dans « un grand lycée triste, situé en pleine campagne ».

Comme il le raconte en 1948 dans Un homme pareil aux autres (éditions du Typhon), son roman le plus autobiographique, il est un enfant mélancolique et solitaire : « Qui dira le désespoir des petits des pays chauds que leurs parents implantent en France trop tôt, dans le dessein d’en faire de vrais Français ? (…) J’ai été de ces orphelins intermittents et souffrirai toute ma vie de l’avoir été. »

Un homme qui ne trouvera jamais sa place

Pur produit de l’école républicaine, lecteur de Marc Aurèle et de Rimbaud, il arrive en Afrique avec son bagage culturel français. Admirateur de Savorgnan de Brazza, il croit dans un premier temps pouvoir faire changer les choses au sein du système colonial. C’est évidemment un leurre. Écartelé entre sa fonction, qui l’assimile aux colons blancs, et sa couleur de peau, René Maran ne trouvera jamais sa place.

Dans la préface d’Un homme pareil aux autres, roman sur les atermoiements d’un fonctionnaire colonial noir amoureux d’une femme blanche, l’écrivain Mohamed Mbougar Sarr (finaliste du Goncourt 2021) parle ainsi du personnage principal, Jean Veneuse, derrière lequel on devine certains déchirements intérieurs de René Maran : « Éduqué dans une société que partage et structure profondément la ligne de couleur, Veneuse se regarde et se juge avec les yeux du Blanc (…), le même Blanc qui l’infériorise, l’objectivise, le spectacularise toujours. Mais, parallèlement, son éducation, parmi ses congénères, ses “frères de race”, l’expose à la méfiance si ce n’est au rejet. Un pied d’un bord de la ligne de la race, le second de l’autre, il essuie dans les deux situations un violent mépris, qui le travaille et le déchire. »

Les attaques de Frantz Fanon

Ce dilemme, que n’a jamais vraiment résolu René Maran, lui vaudra les attaques de Frantz Fanon dans son essai Peau noire, masques blancs. « Fanon, dans une lecture psychanalytique d’Un homme pareil aux autres, fait du livre une “imposture” et de son protagoniste central, “l’homme à abattre”. »  « Comprendre l’aliéné pathologique, atteint jusque dans son âme », écrit encore Mbougar Sarr. Tempérant l’analyse de Fanon, il loue l’écriture de René Maran, son subtil regard sur « l’humanité » des « peuples colonisés » et « l’inquiétante puissance de révolte dans l’histoire à venir ».

Cruel hasard, René Maran meurt en 1960, l’année où de nombreux pays africains accèdent à l’indépendance. Cent ans après son prix, les jurés Goncourt se sont-ils souvenu de lui en récompensant Mohamed Mbougar Sarr ?

Partager cet article
Repost0
4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 06:12
Histoire des luttes - François Billoux, ministre communiste, donne naissance aux PMI

2 novembre 1945 : Alors ministre de la Santé, le communiste François Billoux acte par ordonnance la fondation des centres de protection maternelle et infantile (PMI).

Ces centres joueront un rôle important dans la division par deux de la mortalité infantile en France entre 1945 et 1950 ainsi que dans l'accompagnement des familles et la santé des jeunes parents et des enfants.

Ces centres auront également un rôle précurseur pour la contraception, notamment en direction des femmes.

Notons que ce sont les départements et communes à gestion communiste qui iront très loin dans le maillage du territoire en PMI, la protection infantile, le soutien aux femmes, la prévention et l'éducation à la parentalité, avec un souci d'émancipation des femmes.

Partager cet article
Repost0
20 octobre 2021 3 20 /10 /octobre /2021 16:39
Vendredi 12 novembre - Conférence d'Anne Guillou sur Nathalie Le Mel à la Maison du Peuple de Morlaix

A l'occasion du 150ème anniversaire de la Commune de Paris et du 100ème anniversaire du décès de la Communarde Nathalie Le Mel, Anne Guillou, écrivaine et sociologue, évoquera l'engagement et la vie de cette communarde bretonne née à Brest, ouvrière, syndicaliste, féministe, combattante de l'égalité et de la solidarité.

Maison du Peuple de Morlaix - 12 novembre 18h00.

Partager cet article
Repost0
17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 09:06

« Dimanche 17 octobre 2021, nous allons célébrer le 80e anniversaire de l’exécution de 48 otages à Châteaubriant, Nantes et au Mont-Valérien. J’avais 17 ans et j’étais internée comme eux, dans le camp de Choisel, à Châteaubriant, quand ils ont été fusillés comme otages en représailles, après que le lieutenant-colonel Hotz ait été abattu à Nantes. C’étaient des pères, des frères, des oncles, des cousins, dont le seul tort était d’avoir défendu leurs idéaux et refusé le joug allemand. 27 de mes camarades sont morts pour la France ce jour-là. Il y avait des jeunes, comme moi, qui auraient eu toute la vie devant eux. Comme Guy Môquet, qui s’était épris de moi

 

Contrairement à nous autres, détenus, ils ont vite compris qu’ils allaient être exécutés. Mais ils n’ont pas cherché à se rebeller, à provoquer une mutinerie car ils savaient qu’elle se terminerait dans un bain de sang. Ils ont choisi de monter, le front fier, dans les camions, qui les menaient vers une mort certaine, en hurlant une Marseillaise, reprise par les 600 internés. Elle résonna dans tout Châteaubriant, ce mercredi, jour de marché. Comme elle me hante encore aujourd’hui. Ils voulaient que leur sacrifice bouscule les consciences et nourrissent un vent d’indignation et de révolte.

Partout, en France et dans le monde, on a entendu parler des fusillés de Châteaubriant. Hélas, cela n’a été que la première d’une trop longue série d’exécutions massives. J’ai perdu d’autres camarades. Mais je reste persuadée que le retentissement de ces exécutions a définitivement fissuré la politique de Vichy et l’image de l’occupant nazi aux yeux de la population.

De tout mon cœur, à bientôt 99 ans, je souhaite qu’on ne les oublie jamais et qu’on célèbre leur mémoire, de nombreuses décennies encore, bien après ma mort, comme ils nous l’ont demandé. »

Odette Nilès, officier de la Légion d’Honneur et présidente de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt.

 

Oui, ils sont devenus immortels ou intemporels car porteurs d’un combat de classe, du refus de l’oppression, de la soumission, toujours d’actualité, ici et dans le monde. Ils avaient en commun un idéal politique et c’est celui-là qui les a conduits à mourir pour lui. Mais leur objectif final était supérieur : c’était la liberté et la paix pour leur pays, la France.

Leurs dernières lettres sont porteuses d’espoir et irrémédiablement tournées vers l’avenir, vers la vie, vers des jours heureux. Les familles de fusillés, d’internés et de déportés qui ont créé notre Amicale en 1945, avaient ce même objectif de transmission et de construction pour l’avenir. Elles ont collecté chaque centime pour acheter, rénover, développer le site même de l’exécution devenu un musée, inauguré en 2001, porteur d’un projet mémoriel et vivant d’objets personnels des familles, d’anecdotes et de photos. Le projet pédagogique de collecte de terres de lieux d’internement, de déportation ou de résistance s’inscrit dans ce schéma avec des établissements scolaires qui collectent chaque année la terre et des données pour alimenter les 185 alvéoles du monument et la base de données numériques.

Demain s’écrit avec les lettres d’hier, les mots « résistance et détermination ». Voilà ce que l’Amicale, 80 ans après, continue à transmettre pour « rester dignes » de ces hommes, morts pour la France.

Notre association est fière d’organiser une cérémonie, largement rassembleuse, pour rendre un vibrant hommage de la Nation à ses fusillés, dimanche 17 octobre 2021 à Châteaubriant, à 14 h, avec plus de 200 jeunes scolaires, des milliers d’hommes et de femmes venus de toute la France, de l’Italie, de l’Espagne, de l’Algérie, des élus locaux ou nationaux de toutes mouvances, des parents, des grands-parents, des syndicalistes et des personnalités avec, entre autres, Fabien Roussel du Parti communiste français, Philippe Martinez de la CGT, des associations d’anciens combattants et de la mémoire, et tout cela sous le haut patronage de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants.

C’est la mémoire qui doit nous rassembler pour transmettre le flambeau de la résistance.

Carine Picard Nilès, secrétaire générale de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt.

 

Partager cet article
Repost0
17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 08:57

 

 

Partager cet article
Repost0
14 octobre 2021 4 14 /10 /octobre /2021 05:31
Histoire des luttes: 13 octobre 1970. Arrestation d'Angela Davis

13 octobre 1970 : Arrestation à New York de la militante communiste afro-américaine Angela Davis.

Le FBI l'accusait d'avoir procuré des armes au groupe qui a essayé de libérer George Jackson. En cavale depuis 2 mois, elle sera jugée et condamnée à la peine de mort pour séquestration et meurtres !

Toutefois, une grande mobilisation internationale se met en place pour la faire libérer. À Paris, en octobre 1971, à l'appel du Mouvement Jeunes Communistes de France (MJCF),

Histoire des luttes: 13 octobre 1970. Arrestation d'Angela Davis
"Cette militante communiste, deux fois candidate à la vice présidence des USA pour le Parti Communiste Américain, féministe et anti-raciste, fut aussi membre du fameux Black Panther Party for self defense, aux côtés des Huey Newton, Boby Seale et Mumia Abu Djamal !
Pour mieux connaitre son histoire, voir l’excellent film documentaire "free Angela" qui raconte comment cette professeur de philosophie à l'université de Californie, militante en vue à l'époque, se retrouva menacée de la peine capitale pour un crime qu'elle n'avait pas commis.
Et surtout comment la mobilisation nationale et internationale a réussi à faire reculer les autorités américaines.
 
 
26 janvier 1944: Naissance d’Angela Davis, militante antiraciste, communiste, féministe et révolutionnaire américaine !
Son engagement débute contre la guerre du Viet Nam. En militant, elle découvre le marxisme qui constituera la base de sa réflexion politique et idéologique. Elle s'engagera dans des mouvements de libération des Noirs et notamment elle militera au Black Panther Party dont elle deviendra une des leadeuses.
Étant très active politiquement et membre du Parti Communiste Américain, le FBI la surveillera de très près.
En 1970, une prise d’otages visant à libérer George Jackson, membre des Black Panthers condamné à la prison à vie à l’âge de dix-huit ans pour un vol de 70 $, tourne mal. Quatre personnes sont abattues et trois autres sont grièvement blessées. Davis étant membre du comité de soutien de George Jackson, le FBI l'accuse d'avoir procuré des armes au groupe qui a essayé de libérer Jackson. Le FBI émet donc un mandat d'arrêt contre Angela Davis. Durant 2 mois, alors qu'elle est la femme la plus recherchée des États-Unis, Angela Davis réussit à échapper à la police. Cependant, le 13 octobre 1970, elle est arrêtée. Accusée de séquestration et de meurtres, elle est condamnée à la peine de mort...
Toutefois, une grande mobilisation internationale se met en place pour la faire libérer. À Paris, à l'appel de la Jeunesse Communiste, plus de 100 000 personnes manifestent avec en tête de cortège de grands écrivains comme Louis Aragon et Jean-Paul Sartre.
Grâce à la pression internationale, elle est acquittée le 4 juin 1972 de toutes les charges qui pèsent contre elle par un jury composé uniquement de blancs, au cours d’un procès hyper médiatisé qui met à jour une machination du FBI.
Elle continue dès lors ses multiples combats contre les inégalités, contre l'impérialisme, pour un monde de paix. Elle devient aussi par ses écrits, une référence féministe pour nombre de militant·e·s.
MJCF

Angela Davis: "Les Etats-Unis sont en train de vivre une contre-révolution" (Médiapart, 30 novembre)

Angela Davis a raison... en France aussi

Guillaume Galliene rend hommage à Angela Davis, militante communiste, des droits de l'homme, et de la lutte contre la ségrégation aux Etats-Unis, sur France Inter

https://www.cinearchives.org/Films-447-740-0-0.html

Angela Davis reste une icône révolutionnaire, une grande figure du combat d’émancipation, du combat féministe, un symbole des luttes des Noirs américains pour l’égalité.

Les lieux du monde où nous grandissons nous forgent.

S’agissant de ségrégation raciale, Angela Davis a vu le jour dans le premier cercle de l’enfer. Birmingham, Alabama, au cœur de ce Sud raciste et sécessionniste où Rosa Parks osa, en 1955, un acte de révolte fondateur. Ses premiers souvenirs d’enfance ? Les Davis habitent dans un quartier où l'on accepte difficilement l'installation de familles noires modestes.  Les déflagrations des bombes posées par les fascistes du Ku Klux Klan, si nombreuses que son quartier est surnommé « Dynamite Hill » (Colline Dynamite). Les récits d’une grand-mère se remémorant les temps de l’esclavage. Les pancartes « white only ». Alors qu'elle n'a que 12 ans, le boycott d'une compagnie de bus pratiquant la ségrégation raciale marque Angela; les Afro-Américains ne revendiquent que le droit de s'asseoir où ils le souhaitent dans le bus, comme les Blancs, ce qui leur était dénié jusque là. Le 16 septembre 1963, un attentat à la bombe dans une église baptiste de Birmingham tue quatre filles noires que connaissait Angela; les assassins sont des racistes du Ku Klux Klan. 

Ses parents, des professeurs communistes, militent activement contre les lois Jim Crow instituant l’apartheid à l’américaine. À quatorze ans, la jeune fille quitte l’Alabama pour New York, à la faveur d’une bourse d’études.

Au lycée, elle découvre le Manifeste du Parti communiste et fait ses premiers pas de militante dans une organisation marxiste, Advance.

Angela Davis est une élève brillante. En 1962, elle entre à l’université de Brandeis. En première année, elles ne sont que trois étudiantes noires. Elle y découvre Sartre, Camus, s’initie à la philosophie d’Herbert Marcuse, dont elle suit les cours. Marcuse est alors un des maîtres à penser de la lutte contre la guerre du Vietnam. En 1964, elle part, une première fois, pour Francfort, creuset, à l’époque, d’un marxisme hétérodoxe. Elle y étudie Marx, Kant, Hegel et suit les conférences de Theodor W. Adorno. Aux États-Unis, un nouveau vent de contestation se lève, contre l’oppression raciste, contre la guerre du Vietnam.

Angela s'intéresse aux sorts de tous les Afro-Américains, en particulier celui des femmes et des prisonniers. En août 1965, six jours d'émeutes dans le ghetto noir de Watts, un quasi bidonville de Los Angeles, ébranlent le mythe américain de la démocratie et du bien-être pour tous: "l'ordre" y est rétabli au prix de 30 morts. Partout, les ghettos noirs sont en ébullition, comme à Détroit en 1967. Les Afro-Américains ne veulent plus être considérés comme des citoyens de seconde zone.

À son retour, en 1968, la jeune philosophe rejoint les Black Panthers et adhère au Che Lumumba Club, un cercle affilié au Parti communiste. Un an plus tard, titulaire d’une thèse de doctorat dirigée par Marcuse, elle est nommée professeure à l’université de Californie Los Angeles, pour enseigner la philosophie marxiste. Elle adhère au Parti communiste des Etats-Unis.

Le profil de la jeune femme de vingt-cinq ans, sa couleur de peau, ses convictions, ses engagements concentrent la haine de l’Amérique blanche et ultraréactionnaire que veut incarner un certain… Ronald Reagan, alors gouverneur de Californie. À la demande de celui-ci, Angela Davis est exclue de l’université comme dangereuse communiste.

Angela souhaite une révolution socialiste, qui bouleverserait l'ordre social et instaurerait enfin l'égalité entre les êtres humains, quelque soit leur sexe ou leur condition sociale. Elle est de tous les combats contre la discrimination raciale, sans oublier celui pour l'égalité hommes-femmes: "Les femmes noires, écrit-elle, sont victimes d'une pluralité d'oppressions: en tant que femmes, en tant qu'Afro-Américaines et, pour leur quasi-totalité, en tant que travailleuses pauvres. Pour que la femme noire se libère réellement, elle doit mener les trois combats de front".  

Premier acte d’une machination politico-judiciaire dirigée contre la militante communiste. Déjà engagée contre l’industrie carcérale qui broie la jeunesse noire, la jeune femme a pris fait et cause pour trois détenus de la prison de Soledad. Avec l’un d’entre eux, George Jackson, elle entretient une liaison épistolaire, amoureuse. George Jackson est emprisonné depuis des années pour un vol de 70 dollars dans une station-service. La tentative désespérée du jeune frère de ce détenu pour le faire évader tourne au drame. Le 7 août 1970, Jonathan Jackson, le frère de George, fait irruption dans un tribunal de Californie et prend des otages, dont le juge, exigeant la libération de son frère. La prise d'otage se termine par une fusillade entre la police et les preneurs d'otages. Jonathan Jackson, deux autres prisonniers accusés ainsi qu’un juge sont tués au cours de la fusillade.

Angela Davis est soupçonnée d’avoir fourni une arme aux assaillants. Désignée comme ennemie publique numéro un,elle est inscrite sur la liste publiée des dix personnes les plus recherchées des États-Unis.

Par crainte d’être tuée, elle prend la fuite. L’avis de recherche la décrivant comme « armée et dangereuse » est placardé dans tout le pays. Une vague ressemblance avec Angela Davis, une simple coupe afro, valent à des centaines de femmes d’être arrêtées. Le FBI déploie, dans le cadre de son programme de contre-intelligence visant les communistes et les Blacks Panthers, des moyens démesurés pour traquer celle que l’establishment blanc et réactionnaire surnomme « la panthère rouge » ou « la terroriste noire ». Mais, déjà, la solidarité s’exprime. Elle s’affiche au seuil des maisons amies, sur des pancartes : « Nous accueillerons volontiers Angela Davis. »

La fugitive est finalement arrêtée le 13 octobre 1970, à New York.

À la télévision, le président Nixon la condamne avant même qu’elle ne comparaisse en justice. « Cette arrestation servira d’exemple à tous les terroristes », se réjouit-il. Le 5 janvier 1971, l’État de Californie l’inculpe de meurtre, kidnapping et conspiration. Placée à l’isolement, elle risque par trois fois la peine capitale. Un extraordinaire mouvement de solidarité international se développe alors. En Inde, en Afrique, aux États-Unis, en Europe, des millions de voix exigent la libération d’Angela Davis. Les Rolling Stones lui consacrent une chanson, Sweet Black Angel, et John Lennon et Yoko Ono écrivent, Angela tandis que Jacques Prévert écrit pour elle: "Ceux qui enferment les autres sentent le renfermé; ceux qui sont enfermés sentent la liberté"

En France, Sartre, Aragon, Prévert, Genet dénoncent le racisme, le maccarthysme persistant, l’arbitraire de sa détention.

À l’initiative de la Jeunesse communiste, 100 000 personnes foulent le pavé parisien, le 3 octobre 1971, en compagnie de Fania, la jeune sœur d’Angela Davis. L’Humanité se fait le porte-voix de ce mouvement de solidarité.

Celle qui entrait toujours poing levé dans la salle d’audience est finalement acquittée le 4 juin 1972 par un jury exclusivement blanc. Son innocence est reconnue lors du procès.

Le verdict n’efface pas le racisme de la société américaine, mais il lui porte un coup sérieux. Libérée, Angela Davis ne renonce pas au combat pour l’émancipation, pour un autre monde, libéré de l’oppression et de toutes les formes de domination. En la rencontrant, Genet dit avoir acquis « la certitude que la révolution serait impossible sans la poésie des révoltes individuelles qui la précèdent ». Angela Davis incarne toujours cela, cette grâce qui donne sens et noblesse à l’engagement politique.

Une fois libre, Angela poursuit son combat, en reprenant ses cours de philosophie, en publiant de nombreux ouvrages politiques, dont plusieurs sont traduits en français. Elle est aux côtés des Amérindiens qui occupent symboliquement, en 1973, le lieu du massacre historique de Wounded Knee; elle se présente aux élections américaines en 1980 et 1984 pour le parti communiste. Elle s'engage contre la guerre en Irak en 2003 et en 2012 participe à un film documentaire sur la libération des prisonniers politiques à travers le monde.

Sources:

L'Humanité (article de 2013)

ELLES ont réalisé leur rêve de Philippe Godard et Jo Witek, De La Martinière jeunesse 

Une émission récente de France inter à écouter sur le combat d'Angela Davis. On y retrouve l'histoire et la parole de cette militante déterminée des droits de l'homme, professeur de philosophie et militante communiste, membre des Black Panthers :

 

Angela Davis et son combat pour la liberté : émission « ça peut pas faire de mal » par Guillaume Galliene

 

" Il était temps de partir. Pour la première fois depuis que nous avions découvert que la police me recherchait, je sortis. Il faisait bien plus sombre que je ne l’avais cru, mais pas assez pour que je cesse de me sentir vulnérable.

Dehors, à découvert, mon chagrin et ma colère s’alourdissaient de peur. Une peur pure et simple, si puissante et si élémentaire que la seule chose à laquelle je pus la comparer était le sentiment d’engloutissement que je ressentais lorsque, enfant, on me laissait dans le noir. Cette chose indescriptible, monstrueuse, était dans mon dos, elle ne me touchait jamais mais elle était toujours prête à l’attaque. Ma vie était maintenant celle d’une fugitive. Toute silhouette étrange pouvait être un agent déguisé, entouré de limiers qui attendaient dans les bosquets les ordres de leur maître. Je devais apprendre à éviter l’ennemi, à le déjouer. Ce serait difficile, mais pas impossible" (Angela Davis)

 

Cette femme qui fuit la police dans les rues de Los Angeles s’appelle Angela Davis.

En 1970, elle a 26 ans. Elle vient juste d’être nommée professeur de philosophie à l’université de San Diego, en Californie.

Mais elle est aussi communiste, proche des Black Panthers, et elle se bat depuis des années pour libérer le peuple Noir de l’oppression, dans une Amérique encore très ségrégationniste.

Après avoir été accusée (à tort) de complot et de meurtre, elle est contrainte de se cacher.

Au terme d’une traque qui va durer plus de 3 mois, Angela Davis est arrêtée, emprisonnée et risque la peine de mort.

Partout, en Amérique et en Europe, l’opinion publique se mobilise pour crier son innocence. Les Rolling Stones et John Lennon lui écrivent une chanson, Aragon et Sartre défilent à Paris, Jacques Prévert lui adresse un poème.

Ce soir, je vous propose de partir à la découverte de cette héroïne moderne et insoumise, icône du Black Power, pour qui la révolution était une affaire d’honneur : « Quand on s’engage dans la lutte », écrira-t-elle, « ce doit être pour la vie ».

Alors, comment Angela, arrière-petite-fille d’esclave née en 1944, a fait basculer l’histoire des Etats-Unis ?

Voici son autobiographie, écrite « à chaud » à la fin des années 1970, et publiée par la romancière Toni Morrison. Elle est traduite pour la première fois en français, par Cathy Bernheim, aux éditions Aden.

Histoire des luttes: 13 octobre 1970. Arrestation d'Angela Davis
Partager cet article
Repost0
14 octobre 2021 4 14 /10 /octobre /2021 05:12
Hommages à notre camarade Michel Etievent, historien, spécialiste d'Ambroise Croizat et de la création de la Sécu
L'Humanité, 14 octobre 2021

L'Humanité, 14 octobre 2021

Disparition de Michel Etievent : continuer le combat de ce « fils d’usine » (Fabien Roussel)
 
C’est avec une grande émotion, un profond sentiment de tristesse et de perte que j’ai appris la disparition brutale de notre camarade Michel Etievent. Je pense d’abord à sa famille, à sa Lysiane, à son Aurélien, le «colporteur de rêves» dont il était si fier, à toutes «les petites gens» de sa vallée de la tarentaise dont lui, «le fils d’usine» était l’ami et pour l’amour desquels il était devenu et poète et conteur.
Ce journaliste communiste, qui disait avoir appris le métier à l’Humanité dont il fut le correspondant, alimentant dans les années 70, la rubrique «luttes» de reportages sur les conflits ouvriers, la rubrique sport au moment des Jeux d’Albertville, était devenu le biographe d’Ambroise Croizat. Sa biographie «Ambroise Croizat ou l’invention sociale» est un livre de référence pour le mouvement ouvrier. Conférencier, cet ardent défenseur de la sécurité sociale répétait inlassablement que «chaque Français possède une carte du parti communiste en poche. C’est la carte vitale qui donne la plus grande dignité à tous. Cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins». Michel avait également fait sienne l’affirmation d’Ambroise Croizat « Nous devons parler de conquis sociaux et non d’acquis car le patronat ne désarme jamais».
Écrivain, auteur d’une quarantaine d’ouvrages, Michel dédicaçait encore son dernier livre à la fête de l’Humanité, et il y a trois jours encore au salon du livre à Hermillon.
Sa disparition est un coup au cœur. Il nous laisse le souvenir de sa belle personne, ses livres, ses combats, ses rêves. Nous te continuerons, camarade.
Fabien Roussel.
MICHEL ÉTIÉVENT : ADIEU À L’AMI,
AU FRÈRE, AU CAMARADE
Les mots manquent, ce matin, après une nuit cauchemardesque, d'incompréhension et de retour de souvenirs émus. Michel Etiévent, l’ami de trente ans, le camarade de toujours, nous a donc quittés. Difficile à imaginer, en vérité. Il y a quelque chose d’abstrait dans cette disparition, et pourtant elle est là, cruelle dans sa vérité nue, injuste et brutale.
Michel, je l’ai connu en 1991, avant les Jeux olympiques d’Albertville, durant lesquels il chroniqua pour l’Humanité, avec talent et vivacité politique. Depuis, nous ne nous étions jamais quittés et il avait publié dans le journal de Jaurès de très, très nombreux articles marquants, indispensables. Il était un compagnon rare et précieux de l’Humanité. Il était un frère fidèle, tenace et présent.
Écrivain, essayiste, historien et conférencier, notre conteur de la Tarentaise, véritable mémoire de la vallée, de son passé industriel et de sa vie pastorale, a toujours été au côté des humains, des «petits», narrant à l’infini les existences de ceux qui firent tout avec la modestie du peuple. Poète à la langue unique, au talent oratoire hors norme, il a beaucoup écrit, publié, nous laissant une trace de son engagement et de ses combats. Communiste et cégétiste, il avait depuis une dizaine d’années embrassé la défense de la Sécurité sociale, rendant vivante l’œuvre d’Ambroise Croizat, son héros. Reconnu nationalement pour ce combat, il donna un sens profond et véritable à l’Idée, héritée du Conseil national de la Résistance. Il répétait souvent : "Chaque Français possède une carte du Parti communiste dans sa poche. C'est la carte Vitale, qui donne la plus grande dignité à tous. Cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins."
Michel, ce n'est pas possible.
Nous ne parlerons plus de tes écrits, nous n’imaginerons plus ensemble l’avenir de la montagne à l’heure du réchauffement climatique et du néolibéralisme, nous n’échangerons plus sur les conséquences de la désindustrialisation. Nous n’irons plus aux champignons, sur les hauteurs de Petit-Cœur, au-dessus de La Léchère, à humer l’air des cimes, le cœur levé, le poing dressé et l’âme légère. Mais nous te lirons toujours, nous t'écouterons à jamais.
Pour clore une discussion, avant la prochaine, il disait toujours : "Sois fort." Alors, continuons à être forts.
Je pense à ta Lysiane, à ton Aurélien, devenu lui aussi l'un des Colporteurs de Rêves. Je pense à toi, à tes montagnes, à ton savoir, à ce qu’il y a de plus précieux en ce monde : la transmission.
Tristesse infinie. Et déjà ce manque irréparable.
Jean-Emmanuel Ducoin, journaliste à l'Humanité
J’apprends la disparition de Michel Etievent. Je suis bouleversé.
Écrivain, essayiste, historien, conférencier, collaborateur de plusieurs journaux dont l’Humanité, Michel Etievent à mis, sa vie durant, son talent et son amour de l’écriture au service du mouvement ouvrier et des valeurs de progrès social et humain.
C’est un militant de l’émancipation humaine qui disparaît. L’un de ses combats les plus emblématiques fut sa volonté de faire connaître Ambroise Croizat et cette conquête sociale historique que fut en France la construction de la sécurité sociale.
Il participait régulièrement à l'inauguration de Places Ambroise Croizat dans les villes. Son livre "Ambroise Croizat ou l’invention sociale" est un livre référence pour toutes celles et ceux engagé·e·s aujourd'hui pour de nouvelles inventions sociales.
Michel Etievent ne supportait pas l’injustice. En avril dernier, il réagissait à la fermeture de l’usine Ferropem en ces termes : "Je suis un fils d’usine, cette fermeture est pour moi un arrachement, une mutilation."
Le mouvement ouvrier, celui de la création, se sent orphelin aujourd’hui. Mais nous sommes déterminés à poursuivre dans la voie qu’il a tracée, celle de la connaissance du monde ouvrier et de ses luttes, pour construire un monde de justice, d’égalité, et de droits gagnés pour tous.
Pierre Laurent, président du Conseil National du PCF
Quelle tristesse d'apprendre le décès de notre camarade Michel Etiévent, historien qui à contre-courant pendant les années de glaciation néo-libérale a défendu la mémoire du ministre communiste Ambroise Croizat, bâtisseur de la Sécurité Sociale. Nous échangions régulièrement avec Michel Etiévent sur facebook et je l'avais rencontré à la Fête de l'Huma Bretagne avant de lire son livre passionnant sur Ambroise Croizat et ses nombreuses contributions à l'Humanité. Nous l'avions invité pour un ciné-débat à Plourin les Morlaix sur la naisse de la Sécurité Sociale au nom du PCF Pays de Morlaix en 2015 mais un mal de dos avait contrarié l'initiative. 
C'est un homme, une voix, une rigueur, une énergie et un enthousiasme qui vont beaucoup nous manquer! Toutes mes pensées pour ses proches, sa famille, ses amis.
Ismaël Dupont, secrétaire départemental du PCF Finistère
Hommages à notre camarade Michel Etievent, historien, spécialiste d'Ambroise Croizat et de la création de la Sécu

Qui se souvient de Ambroise Croizat?... En dehors de quelques lecteurs de l'Humanité, de militants de la CGT ou du Parti Communiste, et plus récemment des lecteurs du Fakir ou autres auditeurs de Là-bas si j'y suis qui grâce au travail du brillant François Rufin, ont pu redécouvrir ce personnage historique extraordinaire mais aujourd'hui partiellement tombé dans l'oubli?

Quel média, quel éditorialiste, quel intellectuel médiatique aborde l'œuvre révolutionnaire et néanmoins si proche de nous de ce député communiste ouvrier, fils du peuple, que la République capitularde, puis Vichy, firent croupir dans leurs prisons abjectes, à Paris puis en Algérie, avant qu'il ne soit libéré en 1943 et ne contribue à mettre en place les bases de la démocratie sociale à la française au sortir de la guerre, après avoir été un des contributeurs du programme du CNR: « Les jours heureux ».

Le devoir de mémoire, on s'y astreint volontiers quand il s'agit de remuer les plaies avec une certaine complaisance voyeuriste ou sensationnaliste, de confronter l'homme et la nation à leurs limites, à leurs souffrances passées, à leurs puissances de destruction et de division, mais surtout, se disent les gardiens de la mémoire, petits ou grands bourgeois serviteurs du système qui se conçoivent aussi souvent comme des gardiens du troupeau, n'allons pas montrer, en faisant revivre des figures héroïques et populaires de la conquête sociale, que la volonté du peuple a su être souveraine, que le progrès social rapide et réel, facteur d'émancipation immédiate des travailleurs, ont pu être d'actualité.

On efface les traces ...

Les traces de la fierté et de la combativité ouvrière, de la République sociale et de la contribution décisive qu'y ont apporté les luttes des travailleurs et des communistes admirablement dévoués, intelligents et rassembleurs, formés par l'expérience de l'injustice sociale, les combats ouvriers, les jours lyriques du Front Populaire, la répression sans pitié d'une droite revancharde et collaboratrice, la Résistance et l'espérance d'un monde meilleur.

L'historien Michel Etiévent, universitaire de Grenoble qui a collaboré récemment au film « Les jours heureux » de Gilles Peret, nous permet de découvrir ce si noble modèle d'humanité et d'action politique au service du peuple dans une biographie magnifiquement illustrée qui fait la part belle aux dits et écrits de Croizat et de ses compagnons, Ambroise Croizat ou l'invention sociale (Editions GAP, 20€).

J'ai rencontré Michel Etiévent à la fête de l'Humanité Bretagne de Lanester et nous espérons pouvoir l'inviter à venir parler à Morlaix au printemps prochain d'Ambroise Croizat et de ses réalisations comme député, négociateur du programme du CNR, ministre du Travail de la Libération.

Les éléments d'information qui suivent sont tous empruntés au livre de Michel Etiévent dont on ne saurait trop recommander l'achat et la lecture. 

Ambroise Croizat est né en 1901 dans la vallée de la Tarentaise, en Savoie.

Son père, originaire de Chambéry, est ferblantier dans la métallurgie et « travaille douze heures par jour, face à l'éclat des fours, sept jours sur sept (la loi sur l'attribution du congé hebdomadaire ne date que du 13 juillet 1906), le visage et les mains brûlés par les ébarbures de métal en fusion ». Ils travaillent d'abord à Notre-Dame de Briançon et vivent dans une maisonnette de deux pièces bien exigües pour une famille de cinq, mais c'était le lot commun du peuple à l'époque. En 1906, son père, ayant récemment adhéré au Parti Ouvrier Français et à la CGT est un des meneurs d'une grande grève organisée après un accident de travail ayant causé la mort de huit ouvriers. Il est licencié et doit embaucher à Ugine, dans une autre usine, dont il sera à nouveau chassé pour activités syndicales.

Ambroise commence à travailler à treize ans comme apprenti ajusteur-outilleur dans une usine de Lyon. A 19 ans, au sortir de la guerre, il adhère à la Jeunesse socialiste qui rejoint la IIIème Internationale et prend vite des responsabilités dans le Syndicat CGTU des Métaux. Dans les années 1920, Ambroise Croizat milite contre le militarisme, pour une paix plus juste avec l'Allemagne, contre le colonialisme et la guerre du Rif au Maroc, quand Pétain et Franco s'associent pour éliminer les insurgés dans les montagnes du Nord du Maroc. En 1926, il devient permanent du PCF à Paris, puis secrétaire général de la Fédération CGTU des métaux, pour laquelle il organise des grèves partout en France pour les salaires, la réduction du temps de travail, contre le chômage. En 1934, le PCF et la CGTU lancent une stratégie de Front Populaire face à la montée de la menace fasciste et la tentative de coup d'état du 6 février 1934. Les mots d'ordre de la gauche unifiés sont « Pain, Paix, Liberté ». L'unité de la CGT sera finalement réalisée le 1er mars 1936, deux mois avant l'arrivée du Front Populaire au pouvoir. Aux élections législatives du 28 avril 1936, Croizat devance le candidat socialiste sortant de 900 voix environ dans la circonscription de Plaisance, 14e arrondissement de Paris puis il est élu député avec trois mille voix d'avance sur le candidat de droite.

« Devant la porte de l'usine,

Le travailleur soudain s'arrête.

Le beau temps l'a tiré par la veste,

Et comme il se retourne

Et regarde le soleil,

Tout rouge, tout rond,

Souriant sous un ciel de plomb,

Il cligne de l'œil

Familièrement:

Dis-donc camarade soleil,

Tu ne trouves pas

Que c'est plutôt con

De donner une journée pareille

A un patron? »

A l'image de ces Paroles de Jacques Prévert, l'été 1936 est lumineux. Dès la victoire du Front Populaire, un vaste mouvement de grèves avec occupations d'usines traverse la France. Le but est autant d'aider le gouvernement face au patronat que de le pousser à entreprendre les profondes réformes réclamées depuis longtemps par la classe ouvrière. Tout commence à l'usine Bréguet-Le Havre, une usine de construction d'avions, le 9 mai, à l'initiative des métallos. Croizat est présent sur place. Il encourage le mouvement qui s'étend à l'ensemble de la métallurgie: dès le 14 mai, les ouvriers de Block à Courbevoie, de Lavalette à Saint-Ouen, d'Hochkiss à Levallois prennent en main leurs usines. Les 33 000 travailleurs de Renault à Billancourt les rejoignent le 28 mai. Le mouvement s'étend aux grands magasins pour paralyser, fin mai, la France entière. Partout, on prend possession des ateliers. On y entretient l'outil, on y découvre les loisirs et la culture. Le 7 juin s'ouvrent les discussions qui aboutiront aux Accords de Matignon qui donneront à la classe ouvrière les congés payés, les 40 heures, les conventions collectives, le libre exercice du droit syndical.. Dans les entreprises, les salaires augmentent de 15 à 40%, doublent parfois. Une énorme flambée syndicale accompagne le mouvement. Le 25 novembre 1936, à la tribune du Congrès d'unité de la Fédération des métaux, Croizat dresse un premier bilan: « En mars dernier, nous étions 40 000, en juin 100 000, aujourd'hui 700 000, repartis en 725 syndicats. A Lyon, de 1000 adhérents en trois syndicaux lors de l'unité, le syndicat unifié enregistre aujourd'hui 25 000 cartes. Marseille passe de 600 à 15 000 adhérents, Bordeaux de 300 à 10 000, dans le Haut Rhin, 97% des ouvriers se sont syndiqués. Partout, les métallos ont été à la pointe du mouvement et s'enorgueillissent aujourd'hui de l'avoir déclenché. La France vit de belles heures. Jamais de son histoire, le mouvement ouvrier n'aura connu de telles conquêtes. En un mois a té réalisé ce que trente législatures n'étaient jamais parvenues à accomplir. Le patronat a cédé mais restons vigilants. Tout reste à faire. Dans chaque secteur, chaque entreprise, il faut maintenant défendre et faire germer les acquis obtenus. Tout dépendra du syndicat, de sa puissance. Tout dépendra de nous, et de nous seuls...  ».

Depuis mai 1936, Croizat siège à la « Commission spéciale » du gouvernement qui a été chargée d'élaborer les réformes et veille à leur application sur le terrain. En 1937, il inaugure des maisons de repas, des parcs de loisirs, des colonies de vacances pour la classe ouvrière. Mais dès février 1937, le gouvernement, sous la pression du patronat, décide d'une pause dans les réformes. La guerre civile en Espagne, et le refus de Blum et du gouvernement, sous la pression anglaise notamment, de venir en aide à la République assiégée par les fascistes, éloigne les communistes de leurs alliés socialistes et radicaux. Le 12 novembre 1938, le gouvernement Daladier publie une série de décrets-lois qui instaurent la baisse des salaires, déjà fortement grignotés par l'inflation (50% en 2 ans), des impôts nouveaux et surtout la fin de la semaine des 40 heures, qualifiée pour l'occasion de « loi de paresse et de trahison nationale ». Entre ces parlementaires qui vont remettre la République dans les mains de Vichy et l'UMP actuelle, la comparaison s'impose... Daladier le capitulard s'écrie déjà tel un Jean-François Copé, reprenant le discours haineux des privilégiés vis à vis de la classe populaire: « Cette loi est responsable de tous les maux de l'économie. On ne peut avoir une classe ouvrière à deux dimanches et un patronat qui s'étrangle pour faire vivre le pays ». En novembre 1938, suite à de grandes grèves ouvrières suivies de licenciements arbitraires et d'états de sièges policiers, le gouvernement envoie les troupes devant les entreprises. Le 1er décembre 1938, 36 000 ouvriers sont licenciés dans l'aéronautique et les arsenaux, 8000 dans la chime et l'autombile. Plus de la moitié sont des responsables syndiquaux CGT. Dans son modeste appartement du 79, rue Daguerre où il vit depuis 1936, Croizat rédige son édito: « Le 30 novembre, le patronat a opéré le savant triage qu'il attendait. Il tient sa revanche sociale sur 1936. Des femmes ont faim, des enfants ont froid. L'homme n'est plus au travail. Partout, les consignes ont été données par les patrons revanchards. Des listes noires circulent. Les sous-traitants des grandes entreprises ont été sommés de ne pas embaucher des ouvriers licenciés sous peine de voir leurs commandes supprimées. La haine est partout. Ils ont défendu leurs outils parce qu'ils croyaient en la grandeur de la France, en ses traditions de dignité, en cet espoir que mai 1936 avait fait éclore. Plus que jamais, nos solidarités vont vers eux. C'est eux, la France. Cette France bafouée par ceux qui ne rêvaient que de revanche ».

Le mouvement ouvrier est décapité. Début 1939, avec l'aval de Daladier, Hitler s'empare de la Tchécoslovaquie. Le pacte germano-soviétique signé à l'été 1939, les communistes, contre lesquels on avait déjà prévus des mesures de rétorsion en cas de conflit avant la connaissance du pacte, sont jetés en pâture. Le 27 août, l'ensemble de la presse communiste est interdite. Le 26 septembre, le PCF est dissous. 666 élus sont déchus. Le 7 octobre 1939, Croizat est arrêté sur les marches de l'Assemblée Nationale, puis enfermé à la Prison de la Santé avec d'autres députés communistes, dont le père de Guy Môquet, bientôt fusillé à Chateaubriand, Prosper. L'extrême-droite réclame purement et simplement la loi martiale pour les communistes. En Janvier 1940, Croizat fait parti des 36 députés communistes condamnés à 5 ans de prison au terme d'un simulacre de procès, sous l'impulsion des anciens collègues de l'Assemblée Nationale, dont certains appartenaient à la majorité du Front Populaire. En octobre 1941, Croizat est au côté de Prosper Môquet quand le député communiste apprend l'assassinat de son fils Guy, arrêté le 13 octobre 1940 alors qu'il distribuait des tracts, le plus jeune des otages cégétistes ou communistes fusillés à Châteaubriand. Dans son ouvrage « Le temps des illusions », le chef de cabinet de Pétain révéla, quelques temps plus tard, que le nom de Guy Môquet ne figurait pas sur la liste des otages de Châteaubriand. Le ministère de l'Intérieur l'avait « rajouté ».

En avril 1941, Croizat et ses camarades communistes sont envoyés en prison en Algérie, où ils vivent dans des conditions de détention très dures. Le débarquement allié à Alger a lieu le 8 novembre 1942 mais les députés communistes ne sont libérés que le 5 février 1943, après trois ans d'enfermement. Les communistes dérangent, inquiètent. Les Américains craignent qu'une fois libérés, ils ne deviennent vite les principaux animateurs de la politique anti-vichyste et soulèvent entre autre le problème du droit à la Liberté des pays du Maghreb. Et de fait, une fois libéré, Ambroise Croizat contribue à réorganiser le mouvement communiste et le syndicat au Maghreb, à tel point qu'en janvier 1944, la CGT affiche 120 000 adhérents en Afrique du Nord. Dès août 1943, dans un discours devant un public d'ouvriers, il parle de cette France nouvelle qui naîtra de la Libération: « Redonner à la Nation sa grandeur et aux travailleurs la place qu'ils méritent par leur effort et leur sang versé sera notre tâche. Les larmes et la mort n'auront pas été vaines. Elles accoucheront d'une France nouvelle, celles des nationalisations et de la Sécurité Sociale ».

« En septembre 1943, Ambroise Croizat rejoint, au titre de la CGT clandestine, l'Assemblée Consultative instaurée autour du Conseil National de la Résistance créé par De Gaulle à Alger le 3 juin 1943. Il préside la commission du Travail. C'est là que va prendre vie le programme du Conseil National de la Résistance. «Véritable déclaration des droits nouveaux, charte des futures grandes réformes nées dans la nuit et le feu du maquis ». (Michel Etiévent).

Le lien de la résistance aux conquêtes sociales de la Libération, c'est d'abord un contexte politique: c'est la gauche et les communistes qui à partir de 1943 constituent les gros bataillons de la résistance armée intérieure tandis que même la résistance de droite ou de centre-droit se déporte vers la gauche en voyant le patronat et la droite traditionnelle s'enfoncer dans la collaboration en France occupée et en mesurant combien l'unité de la Résistance, qui ne peut se faire que sur un projet politique commun, est précieuse pour gagner et la guerre et préparer l'après-guerre, éviter une soumission de la France aux probables vainqueurs américains. C'est aussi une donnée existentielle: la lutte forge et se nourrit du rêve, de l'exigence, de l'optimisme: elle est surtout le fait d'hommes jeunes qui rêvent d'un pays neuf débarrassé des injustices, des faillites démocratiques et sociales de l'avant-guerre, celles-ci s'étant encore aggravées pendant l'occupation. Dans la douleur, la soif de vivre est immense: c'est elle qui permet d'endurer en attendant des lendemains meilleurs, de s'astreindre à une discipline de fer, de consentir au sacrifice de sa vie en sachant qu'il prépare un monde meilleur, que le combat ne sera pas vain. « La souffrance engendre les rêves, écrit Michel Etiévent, et les rêves parlent tout haut ». Et l'auteur de citer De Gaulle lui-même, homme d'ordre qui a cette époque considère la réforme sociale et morale de la France inéluctable: « Impossible de ne pas entendre la voix profonde du peuple comme on entend la rumeur de la mer... La France délivrée ne voudra ni reprendre la route de l'abîme, ni demeurer dans celle de l'esclavage. D'avance, elle a choisi un chemin nouveau. Elle aura subi trop d'épreuves pour ne pas être résolue à de profondes transformations. Elle veut que cesse un régime économique dans lequel les grandes sources de la richesse nationale échappaient à la Nation, où la conduite des entreprises excluait la participation des organisations des travailleurs ».

 

Le Conseil National de la Résistance, né le 27 mai 1943 grâce aux efforts de Jean Moulin notamment, chargé par le général de Gaulle de travailler à unifier la résistance intérieure et à la soumettre à l'autorité du général, à l'époque rival de Giraud, soutenu par les américains et même les anglais en sous-main, trace les contours de son programme révolutionnaire par l'ampleur et le caractère structurel des réformes proposés, même s'il ne met pas à bas le capitalisme, se contentant de le neutraliser en partie et de créer de nombreuses espaces de socialisation des richesses, est arrêté le 15 mars 1944. Il paraît en zone sud sous le nom simple et magnifique « Les jours heureux » et décline au futur liberté, démocratie économique, solidarité, avec pour fondement L'humain et l'intérêt général d'abord. « Mettre définitivement l'homme à l'abri du besoin, en finir avec l'indignité, la souffrance, le rejet, l'exclusion ». Les mots esquissent les grandes réformes qui fondent une nouvelle République de citoyens ayant conquis une égalité fondamentale. L'invention sociale est en marche: « Instaurer une véritable démocratie économique et sociale impliquant l'éviction des féodalités économiques et financières de la direction de l'économie... Retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sol-sol, des compagnies d'assurance et des grandes banques... Droit d'accès dans le cadre de l'entreprise aux fonctions de direction et d'administration pour les ouvriers et participation des travailleurs à la direction de l'économie... Droit au travail... Liberté de pensée et d'expression ».

Le chantier s'ouvre à la Libération avec une classe ouvrière grandie par engagement dans la résistance, une CGT à cinq millions d'adhérents, un parti communiste à 27% des voix... Le « Parti des Fusillés », premier parti de France, a acquis le prestige et l'autorité d'un parti national, d'autant que les groupes FTP ont accepté de rendre les armes pour que s'installent les commissaires de la République et l'autorité des lois plutôt que celles des maquis. En Octobre 1945, 5 millions de voix se portent aux législatives sur les communistes, qui obtiennent 151 députés à l'Assemblée Nationale. Le 13 novembre 1945, De Gaulle, chef du gouvernement provisoire, fait appel à cinq communistes. Aucun grand ministère régalien mais Charles Tillon au ministère de l'armement, François Billoux à l'Economie Nationale, Marcel Paul à la Production Industrielle, tandis que Maurice Thorez se voit confier un ministère d'état et qu'Ambroise Croizat hérite du travail et de la Sécurité Sociale.

 L'ordonnance qui crée la Sécurité Sociale paraît le 4 octobre 1945. La protection sociale, qui relevait jusque là des « Assurances sociales » (loi du 5 avril 1928, combattue par les patrons d'entreprises jusqu'à la nouvelle loi du 1er juillet 1930), ne protégeait contre la maladie qu'une faible partie des salariés et de leurs ayant droit. A peine un tiers de la population française... Le système était anarchique, avec une multitude de caisses patronales, confessionnelles, syndicales, mutuelles, concurrentes entre elles et n'offrant pour la plupart qu'une protection aléatoire. Pour les retraites (loi de 1910), la couverture est dérisoire ou inexistante. Pas plus d'un million de Français en bénéficient, alors que 5 millions d'entre eux pourraient y prétendre et n'ont pour seuls recours que la charité et leurs économies. 

 

"Désormais, analyse Michel Etiévent, la sécurité sociale devient un droit fondamental, universel, obligatoire et solidaire et non un mécanisme d'assurance couvrant un risque. Dans l'esprit d'Ambroize Croizat, la Sécurité Sociale devait couvrir tous les travailleurs, salariés ou non (loi du 22 mars 1946). Les non-salariés (petits commerçants, professions libérales et artisans notamment) refusèrent par la voix de leurs responsables, qui n'acceptaient pas de se laisser assimiler à de "vulgaires prolétaires". Beaucoup le regretteront. 

Le nouveau système va "digniser" l'ensemble autour de quatre mots clefs: 

L'unicité: une institution unique, obligatoire, couvrira désormais l'ensemble des domaines de la protection sociale, des "risques sociaux", dit-on à l'époque (maladie, vieillesse, décès, invalidité ainsi que les accidents du travail, gérés jusque-là par les assurances privées). "L'ambition, déclarait Croizat à l'Assemblée, le 20 mars 1946, est d'assurer le bien-être de tous, de la naissance à la mort. De faire enfin de la vie autre chose qu'une charge ou qu'un calvaire". 

L'universalité: la couverture est étendue à tous les citoyens, avec la volonté de généraliser à court terme le nouveau système. Et ceci malgré l'opposition de certaines professions qui refuseront de s'y intégrer....

La solidarité: c'est la pierre angulaire du système. Solidarité inter-générations, solidarité actifs-inactifs, malades bien-portants. Le tout financé par les richesses créées dans l'entreprise. En ce qui concerne le financement de l'institution, les propos de Croizat sont d'une modernité brûlante: "Outre le fait que cela grèverait fortement les contribuables, disait-il, faire appel au budget de l'Etat serait subordonner l'efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières qui paralyseraient les efforts accomplis". 

Démocratie enfin, et c'est là "l'exception française" car seule une gestion par les intéressés eux-mêmes peut garantir que la santé restera un droit fondamental pour tous. Là encore, les mots du ministre sont novateurs: "Pour la première fois, l'appareil nouveau met la gestion de l'intérêt des travailleurs dans les mains des travailleurs eux-mêmes. Ceci est d'autant plus important car l'assurance (et particulièrement pour les accidents du travail) relevait jusqu'à ce jour de compagnies commerciales et, pour les allocations familiales, d'une gestion purement patronale". 

L'ordonnance n'avait fait qu'énoncer les principes. Il restait à bâtir l'édifice. Ce sera l'oeuvre principale de Croizat. Entouré d'une équipe au sein de laquelle on retrouve entre autres, Marcel Willard, Jean Briquet, Maurice Patinaud, Marcel Lamour, Le Quéré, Henri Raynaud, le "bâtisseur de la Sécu" y consacrera l'essentiel de ses deux années de ministère. Deux ans d'un chantier immense, rendu possible par l'élan de solidarité et le nouveau rapport de forces politiques qui suit la Libération. Tout est à faire, substituer à l'immense fatras des 1093 Caisses diverses et organismes privés un système cohérent, décentralisé, bâti autour de 138 Caisses primaires d'assurance-maladie et 113 caisses d'allocations familiales, essentiellement gérées - au début tout du moins- par les travailleurs...".. 

En mai 1946, grâce aux efforts d'Ambroise Croizat, une loi accorde une pension de retraite à tous les salariés âgés de plus de 65 ans. Quand Croizat quittera le gouvernement en mai 1947, le montant des retraites sera majoré de 130 à plus de 200%. 4 millions de français bénéficient de la retraite.

Croizat présente ainsi dans un discours à l'Assemblée Nationale le 4 août 1946 le sens de son action gouvernementale:

"La sécurité sociale, née de la terrible épreuve que nous venons de traverser, appartient et doit appartenir à tous les Français et à toutes les Françaises, sans considération politique, philosophique ou religieuse. Ce qu'elle donne aux Français ne résulte pas de la compassion ou de la charité, elle est un droit profond de la nature humaine. Elle sera, nous en sommes sûrs, d'une portée considérable à long terme. Elle permet d'espérer, en raison des perfectionnements postérieurs qui pourront lui être apportés, voir la France et la République se placer au premier rang des nations du point de vue du progrès social...".

Le travail de Croizat au ministère du travail ne s'arrête pas là. Le 25 février 1946, il fait voter la loi sur la majoration des heures supplémentaires (25% entre 40 et 45h, 50% au-delà, 100% les dimanches et jours fériés). Il fit de même pour l'augmentation des primes et le travail de nuit et du dimanche. C'est également Croizat qui fixe la durée des congés payés à un mois pour les jeunes de moins de 18 ans et à 3 semaines pour la classe d'âge entre 18 et 21 ans. Il est également à l'origine d'un vrai service public de l'emploi, de la refonte d'une grande partie du Code du Travail, de la revalorisation des rentes des mutilés du Travail et des vieux mineurs, de la création d'un Conseil national du Travail chargé d'examiner les projets relatifs à la législation sociale, mais également d'innover en la matière. Il engage un vaste chantier dans le domaine de la formation professionnelle pour libérer l'enseignement technique de la tutelle patronale ou confessionnelle. Grâce à ses efforts et à ceux de Maurice Thorez, de nouveaux statuts de la fonction publique sont adoptées. "On y trouve des avancées extraordinaires comme la reconnaissance intégrale du droit syndical, la participation des syndicats à la gestion du personnel, la démocratisation du recrutement, l'égalité des sexes pour l'accès à la promotion dans les services publics". On développe la prévention des accidents et des maladies du travail en créant la médecine du travail, les ancêtres des comités hygiène et sécurité. On attribue pour la première fois un rôle économique et décisionnel aux comités d'entreprise. En avri 1946, Croizat propose d'instituer l'égalité de salaire entre homme et femme: "Si l'égalité politique est une victoire partielle, l'égalité économique est une victoire complète" dit-il alors. 

" Aux côtés de Marcel Paul, complice de longue date, il se battra avec acharnement pour imposer le statut des mineurs (14 février 1946) et celui du personnel du gaz et de l'électricité (22 juin 1946). Il cosignera d'ailleurs ces documents, qui vont transformer les conditions matérielles, sociales et culturelles des agents de ces deux services publics. On retrouve en effet, dans les deux statuts, des avancées considérables: sécurité d'emploi, protection sociale de haut niveau, unicité de traitement, activités sociales gérées par les travailleurs eux-mêmes, 1% des recettes d'EDF pour les électriciens et les gaziers".

Pour faire comprendre et obtenir une mise en oeuvre concrète de ces mesures en contournant les obstacles et les difficultés, Croizat effectue des centaines de déplacements, aussi bien à Paris qu'en province. Il y démontre sa capacité d'écoute et son humilité, en même temps que son sens de l'efficacité et du travail bien fait.

Cette profond mouvement de rénovation sociale de la société française pour l'universalité de l'accès au droit et la souveraineté du travail va pourtant s'interrompre.

En 1946, le patronat redresse la tête, sabote l'application du programme du CNR. Les tensions au sein du gouvernement croissent. Droite et socialistes freinent les nationalisations ou remettent en cause les statuts des mineurs, des gaziers et électriciens, des cheminots et des travailleurs de chez Renault... Ils entament la guerre d'Indochine. Le blocage des salaires et la flambée des prix créent un climat social tendu. Les pressions des Américains sur le gouvernement s'accentue pour faire sortir les communistes.

L'éviction a lieu le 5 mai 1947. Le motif est la solidarité trop voyante des communistes aux revendications des ouvriers de Renault. En réalité, dans un contexte de début de guerre froide, les Américains monnayent leur aide à la France contre une marginalisation des communistes.  

Evincé du gouvernement, Croizat reprend à plein temps la tête de la Fédération CGT de la métallurgie. En cette année charnière, les grèves contre le blocage des salaires et la vie chère se multiplient: mineurs, métallos, dockers, ouvriers de chez Renault. "La police intervient. Elle embarque, incarcère. Partout, au coeur des carreaux de Lorraine ou du Pas de Calais, la violence s'installe. A Firminy, dans le bassin de la Loire, la grève lancée le 4 octobre 1948 tournera à l'émeute entre mineurs et CRS pour la possession du puits". 2 mineurs sont tués par balle.

Croizat tonne en décembre 1947 dans l'Union des métallurgistes: "Ce gouvernement n'a pas hésité à faire tirer sur les grévistes, à employer des gaz lacrymogènes, en un mot, à mettre tout en oeuvre pour venir à bout de la résistance ouvrière. Rien n'a été ménagé. On a utilisé des mesures répressives et spéculé à fond sur la misère et la faim des valeureux combattants... Si Hitler n'a pas réussi à mater le peuple, ce n'est pas Jules Moch et ses sbires qui y parviendront".  

Plus tard, en 1950, Croizat bataille contre le plan Schuman et le projet de Communauté du Charbon et de l'Acier avec l'Allemagne. Il y voit un projet de mise sous tutelle américaine, de réduction de l'indépendance industrielle de la France. Il remet aussi en cause les cadences et la productivité imposés par le patronat dans les industries.

En juillet 1950, Croizat, déjà éprouvé par un cancer du poumon, perd son fils, ouvrier électricien de 26 ans, dans un accident du travail à Lyon. Il meurt le 12 février 1951 après une opération qui n'a pas suffit. Son cortège funèbre, le 17 février 1951, rassemble des centaines de milliers de personnes venus lui rendre hommage.

A cette vie exemplaire et si riche de réalisations durables et révolutionnaires, nous avons le désir d'être fidèles à notre humble niveau en perpétuant et prolongeant l'héritage et surtout en commençant par le défendre face à la réaction capitaliste progressant depuis 30 ans sous des gouvernements de droite comme (prétendument) de gauche sous couvert de modernisme, d'adaptation à la mondialisation, à la concurrence internationale.

Ismaël Dupont

 

Hommages à notre camarade Michel Etievent, historien, spécialiste d'Ambroise Croizat et de la création de la Sécu
Partager cet article
Repost0
13 octobre 2021 3 13 /10 /octobre /2021 05:49
Une magnifique affiche de Dugudus sur le 80e anniversaire de l'exécution des otages de Chateaubriant

Une magnifique affiche de Dugudus sur le 80e anniversaire de l'exécution des otages de Chateaubriant

Châteaubriant - 17 octobre - 80e anniversaire de l'exécution des 27 dans la Sablière le 22 octobre 1941
 
Le 22 octobre 1941, 48 hommes, qui ne s’étaient pas résignés à voir leur pays tomber aux mains de l’Allemagne nazie, furent exécutés à Châteaubriant, Nantes et Suresnes, au Mont-Valérien.
 
27 patriotes français, détenus au camp de Choisel, ont été fusillés par les Allemands dans la carrière de Châteaubriant, le mercredi 22 octobre 1941 entre 15h50 et 16h10.
 
Ces militants du Parti communiste français et/ou de la CGT ont été assassinés en représailles à l’exécution du Feldkommandant de Nantes, Karl Hotz, par un résistant communiste.
 
Cette exécution de masse généra immédiatement une vague d’émotion qui peu à peu s’étendit dans tout le pays ainsi que dans le monde libre.
 
La fédération du Finistère du PCF invite ses adhérents et nos sympathisants à participer à la commémoration du  80e anniversaire de l'exécution de nos camarades, et parmi eux, avec le député communiste Charles Michels, Jean-Pierre Timbaud, le responsable de la CGT des Métaux, le jeune Guy Môquet, dirigeant de la Jeunesse Communiste à Paris, plusieurs militants finistériens: Pierre Guéguin et Marc Bourhis (devenu trotskyste) de Concarneau, Eugène Kerivel de Douarnenez, Fernand Jacq de Huelgoat, détenu aussi au camp de Choisel étant fusillé deux mois plus tard, à Juigné- les- Moutiers, près de Châteaubriant ,dans la forêt de la Blisière ,à l'âge de 32 ans, le 15 décembre 1941.
 
Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français, et Philippe Martinez, le secrétaire national de la CGT, assisteront à la cérémonie en l'honneur de nos camarades victimes du fascisme.
 
Le comité brestois du souvenir et les fédérations du PCF Finistère et des Côtes d'Armor organisent un déplacement collectif depuis le Nord Bretagne.
 
- Par une place dans le car du nord Finistère le dimanche 17 octobre (participation de 20€ pour le transport).
- Départ 7h15 : Parking de Géant – Brest
- Passage vers 8h : Parking de Géant – Morlaix
- Passage vers 9h : Gare – Saint Brieuc
 
- Un car part du sud-Finistère  - de Concarneau- avec 32 personnes ayant réservé jusqu'à présent.
 
Des co-voiturages sont aussi organisés de Brest, Morlaix, du Pays Bigouden.
 
Les Finistériens sont présents nombreux cette année pour le 80e anniversaire de l'exécution des 27 de Châteaubriant, où on attend près de 5000 personnes.
 
 
La fédération du PCF Finistère
federation@29.pcf.fr / dupont.ismael@yahoo.fr
5 rue Henri Moreau 29 200 BREST
06 20 90 10 52
 
« Les Fusillés de Châteaubriant »

Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour
Ils n’ont pas de recommandations à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au-dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.

René-Guy Cadou, « Les Fusillés de Châteaubriant », in René-Guy Cadou, Pleine Poitrine, Périgueux, P. Fanlac, 1946.
Repris dans Pierre Seghers, La Résistance et ses Poètes : France 1940-1945, Paris, Éditions Seghers, 1974.
© Éditions Seghers, 1974

 
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011