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3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 05:42

En Grèce et dans de nombreux pays, l’Europe de l’austérité bafoue les droits fondamentaux des populations et la démocratie pour protéger les intérêts financiers. Elle érige des murs à ses frontières et provoque ainsi de terribles catastrophes humaines.

Aujourd’hui, l’Union européenne tente de faire plier la Grèce, d’étouffer les voix qui proposent une autre Europe, celle de la dignité, de la solidarité, de la justice sociale.

Du 20 au 27 juin se tiendra une grande semaine de mobilisation européenne. Ensemble, à Rome, à Berlin, à Londres, à Athènes, à Madrid, à Bruxelles, à Paris et dans de nombreuses autres villes, nous répondrons à l’appel des mouvements grecs « unis contre l’austérité et l’injustice sociale ».

En France, un appel à mobilisation a été lancé par des personnalités, organisations associatives, syndicales, politiques, sous forme d’une pétition que nous vous appelons à signer.

Des actions, débats, rassemblements se tiendront partout en France. Nous vous invitons à prendre part à leur organisation, voire à en initier dans vos quartiers, villes ou villages. Vous pouvez nous tenir informé sur l’adresse contact@audit-citoyen.org

A Paris, une manifestation aura lieu samedi 20 juin après-midi de Stalingrad à la place de la République où se tiendront ensuite des assemblées citoyennes et un rassemblement festif (voir la page de l’évènement, plus d’information à suivre dans les prochains jours).

Mobilisons-nous pour arrêter le massacre des droits et de la démocratie. Et pour dire aux institutions et dirigeants européens : non, vous ne nous représentez pas, cette Europe n’est pas la nôtre !

Attac

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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 10:21
Marie-Christine Vergiat: pour une politique respectueuse des migrants (L'Humanité, le 20 mai 2015)

Marie-Christine Vergiat est euro-députée du Front de Gauche. Elle interviendra au Forum Européen Alternativa le samedi 30 mai, à Paris, sur le sujet "Un monde de mobilité".

L'Humanité: La proposition de la Commission Européenne d'instaurer des quotas pour répartir les migrants entre les pays est-elle une réponse au manque de solidarité entre Etats membres?

Marie-Christine Vergiat: Je suis généralement réticente aux quotas, mais, en l'occurence, il s'agit d'obliger les Etats membres à un minimum de solidarité. A cause du réglement Dublin II, ce sont les Etats par lesquels les migrants entrent en Europe qui reçoivent le maximum de demandeurs d'asile. On ne peut pas les gérer seuls. En outre, la clé de répartition des demandes proposée par la Commission tient compte de la taille de la population, du taux de chômage, du PIB, des efforts déjà réalisés... Cela paraît logique, sauf qu'on fait l'impasse sur les souhaits des demandeurs d'asile. Et c'est une réponse minimale avec 20 000 personnes concernées. C'est pour le moins insuffisant au regard des 500 millions d'habitants de l'Europe. Le gouvernement français doit arrêter de faire son cinéma. Notre pays est l'un des rares de l'UE dans lequel le nombre de demandeurs d'asile diminue.

L'Humanité: La possibilité pour les marines européennes d'intervenir dans les eaux libyennes, envisagée à Bruxelles, répond-elle aux défis posés par les migrations?

Marie-Christine Vergiat: Une opération militaire est très difficile à mettre en oeuvre sans risquer la vie des migrants. Elle serait, par ailleurs, inadmissible sans accord de l'ONU et des autorités libyennes officielles. Des moyens vont être déployés de la sorte pour des résultats dérisoires. C'est de la communication. La première mesure devrait être de répondre à l'obligation du droit international de sauvetage en mer. Le budget de l'opération "Triton" passe de 3 à 9 millions d'euros, mais le mandat de Frontex en matière de sauvetage en mer n'est pas modifié contrairement à celui sur les retours rapides.

L'Humanité: Quels seraient les axes d'une politique respectueuse des migrants?

Marie-Christine Vergiat: Il faut arrêter de manipuler les chiffres. La proportion de demandeurs d'asile en France par rapport à l'ensemble de la population est de 0,1%. La proportion de ceux dont les demandes sont acceptées, c'est 0,003%. On marche sur la tête avec des politiques inhumaines. Il faut, par exemple, cesser d'externaliser le contrôle des arrivées, et de plus en plus la gestion des demandes d'asile, vers les pays tiers où, dans certains cas, des dictatures sévissent. Et il est évidemment possible de proposer des politiques alternatives basées sur les règles de droit. Cela signifie avant tout une opération massive de sauvetage en mer avec des moyens adéquats. Mais aussi le non-refoulement des demandeurs d'asile, le respect de la Déclaration universelle des droits de l'homme à commencer par le droit au regroupement familial. La plupart des pays d'Europe ont d'ailleurs besoin de migrants pour des raisons démographiques et économiques. Il faut donc ouvrir des voies légales qui sont le meilleur moyen de lutter contre les trafics.

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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 14:27

http://syriza-fr.org/2015/05/18/onmoment-de-verite-pour-leurope-par-tasos-koronakis/

Athènes, le 18 mai 2015

Chers amis, Après presque quatre mois de négociations intensives, nous avons atteint un moment de vérité pour notre projet européen commun. Le gouvernement dirigé par SYRIZA fait de son mieux pour parvenir à un accord honorable avec ses partenaires européens et internationaux respectant à la fois les obligations de la Grèce en tant qu’Etat membre-européen, mais aussi le mandat électoral du peuple grec. Le gouvernement dirigé par Syriza a déjà entamé une série de réformes qui s’en prennent à la corruption et à l’évasion fiscale généralisée. Les dépenses sont freinées et les recettes fiscales collectées dépassent les attentes, permettant d’atteindre un excédent budgétaire primaire de 2,16 milliards (janvier-avril 2015), bien supérieur à l’estimation initiale d’un déficit de 287 millions. Parallèlement, la Grèce a honoré toutes les obligations de sa dette avec ses ressources propres – cas unique parmi les Nations européennes – puisque tout versement de fonds a été coupé depuis août 2014. Quatre mois de négociations épuisantes ont passé, durant lesquels, systématiquement, les créanciers de la Grèce ont tout fait pour contraindre le gouvernement dirigé par SYRIZA à appliquer l’exact programme d’austérité rejeté par le peuple grec aux élections du 25 janvier. L’asphyxie de liquidités orchestrée par les institutions a conduit à une situation critique pour les finances de notre pays, rendant insupportable le service des titres de créance à venir. Le gouvernement grec a fait de son mieux pour parvenir à un accord, mais les lignes rouges –ayant à voir avec des excédents primaires durables et réalistes, la restauration des contrats collectifs et du salaire minimum, la protection des travailleurs contre les licenciements massifs, la protection des salaires, des pensions et du système de sécurité sociale contre de nouvelles réductions, l’arrêt des privatisations à prix bradé, etc- doivent être respectées. La souveraineté populaire et les mandats démocratiques doivent être respectés. Il ne faut pas confondre la patience et la bonne volonté du peuple grec avec la propension à céder à un chantage sans précédent. La démocratie européenne ne doit pas être asphyxiée. La période est cruciale ; nos partenaires européens doivent faire preuve de volonté politique pour surmonter l’impasse actuelle. Cet appel n’est pas seulement un appel à la solidarité, c’est un appel au respect des valeurs européennes essentielles. Dans ce cadre, SYRIZA appelle tous les acteurs sociaux et politiques, progressistes et démocratiques, conscients du fait que la lutte de la Grèce ne se limite pas à ses frontières nationales, mais qu’elle est une lutte pour la démocratie et la justice sociale en Europe. Dans ces moments critiques, nous appelons à des actions de solidarité sociale et politique, allant de l’organisation de rassemblements et de campagnes de sensibilisation à travers l’Europe, à des initiatives institutionnelles dans les assemblées locales, régionales et nationales et des déclarations individuelles ou collectives de soutien aux efforts de la Grèce pour faire passer le paradigme européen d’une austérité désastreuse à un nouveau modèle de croissance durable. Votre soutien est d’une importance capitale, non seulement pour le peuple grec, mais aussi pour l’avenir de l’idée européenne. Avec nos meilleures salutations, *Tasos Koronakis, Secrétaire du Comité central de la SYRIZA Pour plus d’informations, voir la dernière déclaration du Secrétariat politique de SYRIZA :

SP DE SYRIZA: LES LIGNES ROUGES DU GOUVERNEMENT SONT AUSSI LES LIGNES ROUGES DU PEUPLE GREC

Un moment de vérité pour l'Europe par Tasos Koronakis
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14 mai 2015 4 14 /05 /mai /2015 12:54

Bruxelles (AFP) – Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a présenté mercredi un plan d’action pour l’immigration et l’asile, immédiatement rejeté par la Grande-Bretagne, opposée à toute solidarité pour la prise en charge des migrants et des réfugiés.

« Les migrants qui tentent de gagner l’Union européenne en traversant la Méditerranée devraient être renvoyés », a affirmé dans les médias britanniques la ministre de l’Intérieur, Theresa May, reconduite dans ses fonctions par David Cameron après sa victoire aux législatives.

« Je suis en désaccord avec Federica Mogherini (la chef de la diplomatie européenne) quand elle soutient qu’aucun migrant ou réfugié intercepté en mer ne sera renvoyé contre son gré », a insisté Mme May, quelques heures avant la présentation du plan de Jean-Claude Juncker. « Une telle approche ne peut qu’encourager plus de gens à risquer leur vie », a-t-elle estimé.

Le plan d’action adopté mercredi par la Commission européenne veut éviter les embarquements, secourir les migrants qui ont pris la mer et gérer leur accueil à leur arrivée dans l’Union européenne.

Il détaille une série d’actions immédiates et des stratégies à plus long terme, comme la création d’un centre d’accueil au Niger, sur la route empruntée par les migrants sub-sahariens.

Certaines dispositions, notamment l’instauration de quotas pour répartir entre pays européens les réfugiés et l’immigration légale, suscitent l’hostilité. La Grande-Bretagne n’est pas isolée. Le Premier ministre conservateur hongrois Viktor Orban s’est insurgé contre les quotas, qu’il a qualifiés de folie.

« Ces réactions sont désespérantes », a confié à l’AFP un haut responsable de l’exécutif bruxellois sous couvert de l’anonymat.

Les arrivées par la mer ne sont qu’une fraction du phénomène de l’immigration, mais elles sont les plus dramatiques. La principale voie arrive en Libye, à destination du sud de l’Italie. Elle est empruntée par des migrants venus des pays de la Corne de l’Afrique et des pays d’Afrique de l’ouest, notamment le Nigeria.

Le plan d’action présenté mercredi insiste sur la nécessité de combattre les passeurs et de détruire leurs bateaux. Ce combat impose l’emploi de la force, une mesure qui sera discutée par les ministres des Affaires étrangères lundi prochain.

Il préconise par ailleurs de renforcer les moyens de surveillance et de sauvetage en Méditerranée afin d’éviter les naufrages. C’est la mission assignée aux opérations Triton en Italie et Poséidon en Grèce, dont le budget et les moyens vont être accrus.

La troisième partie du plan est la plus controversée. Elle veut imposer la solidarité aux Etats et modifier la règle qui impose la prise en charge des demandeurs aux pays d’arrivée. La dernière tentative de la modifier a été rejetée par 24 des 28 gouvernements européens.

- Un plan « massacré » ? -

Le président de la Commission Jean-Claude Juncker veut à nouveau forcer les barrières. « L’Union européenne a besoin d’un système permanent qui permette le partage des demandeurs d’asile », soutient sa communication. En contrepartie, elle insiste sur l’accélération des renvois des migrants non autorisés à rester dans l’UE.

Plus de 360.000 demandes d’asile ont été traitées en 2014. La moitié seulement – 185.000 – ont été acceptées et six pays ont assumé l’essentiel de l’effort : Allemagne, Suède, France, Italie, Royaume-Uni et Pays-Bas.

La Commission propose l’instauration de quotas pour permettre une distribution plus équitable. La mesure concerne les réfugiés protégés par le Haut Commissariat des Nations unies, qui a demandé à l’UE d’accueillir chaque année 20.000 Syriens. Mais elle doit également permettre de soulager les pays de l’UE en cas d’afflux massifs d’arrivants.

L’Italie réclame cette solidarité. La France et l’Allemagne soutiennent le principe des quotas, sans toutefois se prononcer sur leur caractère obligatoire. Le Royaume-Uni et la Hongrie ont annoncé leur ferme opposition. Un vote à la majorité qualifiée peut permettre d’imposer les quotas, mais le recours à cette extrémité sera politiquement difficile.

Le plan sera discuté par les ministres de l’Intérieur de l’UE le 15 juin à Luxembourg, puis soumis aux dirigeants lors du sommet de Bruxelles du 30 juin. « Il est fort probable qu’il va être massacré, comme l’a été le dernier plan d’action présenté par la Commission européenne en décembre 2013 après un naufrage près de l’île italienne de Lampedusa », ont confié à l’AFP plusieurs responsables européens proches du dossier.

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14 mai 2015 4 14 /05 /mai /2015 07:35

185 000 demandes d'asile ont été admises l'an passé dans toute l'UE. L'Allemagne et la Suède sont les plus "généreux".

Alors que le débat fait rage, entre les capitales européennes, sur la répartition de l'assistance aux réfugiés, Eurostat publiait hier des chiffres officiels en matière d'asile. En 2014, 185 000 demandes (sur 385 000 présentées) ont reçu l'autorisation de bénéficier du droit d'asile. Cela représente 50% de plus qu'en 2013 mais l'effort par pays a été très inégal.

Les deux pays les plus "accueillants" auront été l'Allemagne (47 500) et la Suède (33 000). Suivis de la France et de l'Italie (20 600 chacune). Si on ajoute le Royaume Uni (14 000) et les Pays Bas (13 000), six pays ont fourni l'essentiel de l'accueil.

Le premier pays d'origine de ces demandes est la Syrie (68 000, soit plus du tiers), suivie de l'Erythrée (8%) et de l'Afghanistan. A noter que la France a donné l'asile à plus de Russes (2080) que de Syriens (2015).

Il est bon de préciser que ces chiffres concernent trois types de couverture juridique. 104 000 personnes se sont vu octroyer le statut de réfugié au regard de la Convention de Genève (56% de toutes les décisions positives), 61 000 la protection subsidiaire en raison des risques encourus en cas de rapatriement (33%) et 20 000 une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires (11%). Ne sont pris en compte, dans ces statistiques, ni les migrants ayant obtenu des titres de séjour classiques, ni a fortiori les migrants clandestins.

Il est bon également de rappeler que 68 000 Syriens protégés par l'UE (essentiellement par Berlin et Stockholm) ne représentent que 2% des 4 millions de Syriens ayant dû quitter leur pays depuis le début de la guerre.

Tous les chiffres, pays par pays, sur http://international.blogsouest-france.fr

Géricault - Le radeau de la Méduse

Géricault - Le radeau de la Méduse

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9 mai 2015 6 09 /05 /mai /2015 11:56

Ce que ne vous disent jamais les éditorialistes, experts et journalistes gardiens du temple de la pensée unique.

Une vidéo intéressante sur la gestion islandaise de la crise financière de 2008: refus de sauver les banques de la faillite en socialisant les pertes au préjudice du citoyen, nationalisation des 3 premières banques du pays, assemblée constituante, référendum sur l'appropriation nationale des ressources naturelles du pays, souveraineté monétaire...


http://www.informaction.info/video-mouvements-sociaux-pourquoi-aucune-nouvelle-de-lislande-2-ans-plus-tard

A lire aussi, cet article du Monde Diplomatique (octobre 2014), Quand l'austérité tue (comparatif entre la Grèce et l'Islande).

Les conséquences sanitaires des politiques économiques

Quand l’austérité tue

Rigueur ou relance ? Si, depuis le début de la crise financière de 2007, les gouvernements européens ont choisi, les experts poursuivent leurs délibérations… avec d’autant plus de prudence qu’ils font rarement partie des premières victimes des coupes budgétaires. Soumettre les politiques économiques aux critères d’évaluation de la recherche médicale permettrait toutefois de trancher la question.

par Sanjay Basu et David Stuckler, octobre 2014

« Merci d’avoir participé à ce test clinique. Vous ne vous rappelez peut-être pas avoir donné votre accord, mais vous avez été enrôlé en décembre 2007, au début de la Grande Récession. Votre traitement n’a pas été administré par des médecins ou des infirmières, mais par des politiciens, des économistes et des ministres des finances. Dans le cadre de cette étude, ils vous ont fait suivre, ainsi qu’à des millions d’autres personnes, l’un des deux protocoles expérimentaux suivants : l’austérité ou la relance. L’austérité est un médicament destiné à réduire les symptômes de la dette et du déficit, pour traiter la récession. Elle consiste à diminuer les dépenses gouvernementales en matière de couverture médicale, d’assistance aux chômeurs et d’aide au logement.

« Si vous avez reçu une dose expérimentale d’austérité, vous avez peut-être remarqué de profonds bouleversements dans le monde qui vous entoure. Si en revanche vous faites partie du groupe de la relance, votre vie n’a peut-être pas été bouleversée par le chômage et la récession. Il est même possible que vous vous trouviez aujourd’hui en meilleure santé qu’avant la crise... » Ce message ne vous sera jamais adressé. Et pourtant…

Afin de déterminer les meilleurs traitements, les chercheurs en médecine ont recours à des « essais randomisés contrôlés » à grande échelle (1). Dans le domaine de la politique, il se révèle difficile, voire impossible, d’enrôler toute une société dans des tests d’une telle envergure pour expérimenter des mesures sociales. Toutefois, il arrive que des dirigeants politiques, confrontés à des problèmes similaires, optent pour des lignes d’action différentes. Pour les scientifiques, ces « expériences naturelles » offrent la possibilité d’étudier les conséquences sanitaires d’options politiques (2).

Nous avons ainsi analysé des données provenant des quatre coins du monde au cours de diverses périodes de récession, en mesurant l’impact social des mesures d’austérité et de relance. Plusieurs de nos résultats étaient prévisibles. Quand les gens perdent leur travail, ils risquent davantage de se tourner vers la drogue, l’alcool ou de développer des tendances suicidaires, comme aux Etats-Unis au cours des années 1930 ou en Russie durant la période des privatisations massives des années 1990. Mais, au cours de nos recherches, nous avons également découvert que certaines communautés, voire des nations entières, jouissent d’une meilleure santé depuis l’effondrement de leur économie. Pourquoi ?

Une leçon pour les peuples

Deux pays illustrent les résultats de nos travaux concernant l’Europe empêtrée dans la crise de la dette depuis la fin des années 2000 : l’Islande (3) et la Grèce (4).

Sur la période 2007-2010 — les pires années de la crise —, le taux de mortalité a diminué régulièrement en Islande en dépit d’une légère hausse (non significative) des suicides à la suite de l’effondrement des marchés. Lors de nos recherches sur les récessions en Europe, nous avions découvert que les crises bancaires provoquent généralement une augmentation à court terme des accidents cardiaques. Mais tel n’est pas le cas en Islande.

En octobre 2008, confronté aux répercussions de la crise des subprimeaux Etats-Unis et aux engagements inconsidérés de ses banques, Reykjavík a dans un premier temps fait appel au Fonds monétaire international (FMI) pour mettre en place un plan de sauvetage. Celui-ci s’accompagnait de recommandations favorables à l’instauration d’une politique d’austérité, en particulier dans le système de santé publique — qualifié par le FMI de « bien de luxe » —, qui aurait dû subir une baisse de financement de 30%.

Les Islandais ont refusé ce plan en manifestant massivement. Un événement inattendu s’est alors produit début 2010. Le président islandais a demandé au peuple ce qu’il souhaitait : fallait-il absorber la dette privée pour renflouer les banquiers en réduisant drastiquement le budget du gouvernement ou refuser de payer pour investir dans la reconstruction de l’économie ? Interrogés par référendum, 93 % des Islandais ont choisi la seconde option.

Au total, en pleine période de récession, l’Islande a choisi de continuer à accroître ses dépenses consacrées à la protection sociale, déjà passées, entre 2007 et 2009, de 280 milliards de couronnes (environ 1,6 milliard d’euros) à 379 milliards de couronnes (environ 2,3 milliards d’euros), soit de 21 à 25 % du produit intérieur brut (PIB). Les dépenses supplémentaires, décidées après 2010, ont par exemple financé de nouveaux programmes d’« allégement de dettes » pour les propriétaires dont le bien immobilier valait désormais moins que le montant de leur emprunt. L’opération a permis d’éviter une explosion du nombre de sans-abri. En 2012, l’économie islandaise croissait de 3 %, et le chômage descendait au-dessous de 5 %. Au mois de juin de la même année, l’Islande a effectué des remboursements sur ses dettes plus tôt que prévu. Le FMI a dû reconnaître que l’approche unique de l’Islande avait entraîné une reprise « étonnamment » forte (5)…

Plus au sud, la Grèce a servi de laboratoire pour étudier les effets des politiques d’austérité. En mai 2010, le FMI lui a proposé un prêt aux conditions habituelles : privatiser les entreprises et les infrastructures publiques, amputer les programmes de protection sociale. Comme en Islande, les manifestants grecs réclamaient un référendum national sur cet accord, mais le plan d’austérité fut appliqué sans être voté : contrairement à ce qui s’est passé en Islande, la démocratie a été suspendue.

Face à la progression du chômage, aux expropriations de masse et à l’augmentation des dettes privées, de nombreux Grecs se sont tournés vers les programmes de protection sociale pour survivre. Or, déjà très affaiblis par les mesures d’austérité, ceux-ci n’étaient pas en mesure d’absorber l’augmentation soudaine du nombre de bénéficiaires. A mesure que les budgets des hôpitaux diminuaient, consulter un médecin devenait de plus en plus difficile. Les files d’attente pour avoir accès à un thérapeute ont doublé, puis triplé. Dans un entretien accordé au New York Times, le chef du département d’oncologie à l’hôpital Sotiria, au centre d’Athènes, le docteur Kostas Syrigos a raconté l’histoire d’une patiente atteinte du pire cancer du sein qu’il ait jamais vu. Les réformes imposées par la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) l’avaient empêchée de se soigner depuis un an. Quand elle s’est présentée dans une clinique clandestine, où travaillaient des médecins bénévoles, la tumeur avait percé la peau et commençait à suinter sur ses vêtements. La femme souffrait atrocement et tamponnait sa plaie purulente avec des serviettes en papier (6).

En mai 2010, juste après la mise en place du premier plan de sauvetage du FMI, la compagnie pharmaceutique Novo Nordisk a quitté le marché grec car l’Etat lui devait 36 millions de dollars. Ce retrait a non seulement coûté des emplois, mais également privé cinquante mille diabétiques d’insuline.

Le taux de suicide a augmenté, en particulier chez les hommes : entre 2007 et 2009, avant même le plan du FMI, il avait bondi de 20 %. Le 4 avril 2012, Dimitris Christoulas s’est ainsi rendu place Syntagma, en plein centre-ville d’Athènes. Il a gravi les marches du Parlement, placé une arme contre sa tempe et déclaré : « Je ne me suicide pas. Ce sont eux qui me tuent. » Une lettre retrouvée dans sa sacoche expliquait : « Le gouvernement (...) a détruit mon seul moyen de survie, qui consistait en une pension très respectable que j’ai payée seul pendant trente-cinq ans (...). Puisque mon âge avancé ne me permet pas de réagir de manière active (quoique, si un Grec saisissait une kalachnikov, je serais juste derrière lui), je ne vois pas d’autre solution pour finir dignement ma vie et ne pas me retrouver à fouiller dans les poubelles pour me nourrir. »

Les associations de soutien psychologique ont constaté une multiplication par deux des appels à l’aide. Et il ne s’agit que de la partie visible de l’iceberg. Certains Grecs ont sans doute préféré ne pas appeler au secours en raison de la stigmatisation qui entoure la détresse psychologique dans le pays : l’Eglise orthodoxe refuse par exemple d’enterrer ceux qui se suicident. De nombreux médecins considèrent l’augmentation du nombre de « blessures indéterminées » et d’autres causes mystérieuses de décès comme la manifestation de suicides déguisés pour sauver l’honneur des familles.

Pendant quarante ans, des programmes de pulvérisation d’insecticides avaient empêché les maladies transmises par les moustiques de se développer en Grèce. A la suite des coupes drastiques opérées dans les budgets alloués au sud du pays, une épidémie de virus du Nil occidental a éclaté en août 2010, tuant soixante-deux personnes. Le paludisme a fait son retour pour la première fois depuis 1970. Les autorités ont également constaté une recrudescence d’infections par le VIH au centre d’Athènes, du jamais-vu en Europe depuis des années : entre janvier et octobre 2011, les nouveaux cas ont été multipliés par dix chez les usagers de drogues. Entre-temps, les crédits alloués aux programmes d’échange de seringues avaient été supprimés. L’usage de l’héroïne a augmenté de 20 % entre 2010 et 2011, notamment chez les jeunes, frappés par un taux de chômage de 40 %.

Avec un budget amputé de presque 50 %, le ministre de la santé grec n’avait guère de marges de manœuvre. Cependant, une issue politique demeurait : l’option démocratique. En novembre 2011, au moment où l’épidémie de VIH a été constatée, le premier ministre Georges Papandréou a ainsi tenté la solution islandaise, annonçant un référendum sur une seconde cure d’austérité. Le peuple grec voyait clairement que les mesures d’austérité ne fonctionnaient pas. En dépit des coupes budgétaires, la dette publique continuait à s’envoler (165% du PIB en 2011). Mais, sous la pression de la « troïka » et d’autres gouvernements européens, notamment français et allemand, M. Papandréou a annulé le référendum avant d’être poussé à la démission.

Comme ce fut le cas en Islande, le FMI a finalement admis, en 2012 :« Nous avons sous-estimé les effets négatifs de l’austérité sur l’emploi et l’économie (7). » Mais imposer cette épreuve à la Grèce représentait moins une stratégie économique qu’un projet politique. Mme Angela Merkel, la chancelière allemande, a ainsi présenté le plan d’aide octroyé à Athènes comme une leçon inculquée au reste de l’Europe : « Ces pays peuvent voir que le chemin emprunté par la Grèce n’est pas facile. Ils feront donc tout ce qu’ils peuvent pour l’éviter (8). »

Les politiques économiques ne sont ni des agents pathogènes ni des virus qui provoquent directement la maladie, mais la « cause des causes » : le facteur sous-jacent qui détermine qui sera exposé aux plus grands risques sanitaires. Voilà pourquoi la moindre modification d’un budget national peut avoir des effets considérables — et parfois involontaires — sur le bien-être de la population.

Nous disposons désormais d’éléments sérieux nous permettant de conclure que le véritable danger pour la santé publique n’est pas la récession en tant que telle, mais l’adoption de politiques d’austérité pour y faire face. Autant dire que, si l’« expérience grecque » avait été menée selon des critères aussi rigoureux que des tests cliniques, elle aurait été interrompue depuis longtemps par un conseil d’éthique.

Sanjay Basu et David Stuckler

Respectivement docteur en sociologie et professeur de médecine, auteurs de Quand l’austérité tue. Epidémies, dépressions, suicides : l’économie inhumaine (Autrement, Paris, 2014), d’où est tiré cet article.

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16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 08:24

Une conférence de Eric Toussaint (CADTM) sur l’audit de la dette grecque, dont il est le coordinateur .

Une présentation très claire de la fonction de cet audit de la dette

http://cadtm.org/Grece-dette-democratie

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16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 08:20

Un fardeau insupportable et inadmissible pour les peuples !

En 2014, les dépenses militaires mondiales se sont élevées

à 1800 milliards de dollars.

Le SIPRI vient de rendre public le montant mondial des dépenses militaires pour 2014.Celles-ci s’élèvent à 1 800 milliards de dollars en 2014, soit une baisse de 0,4 % en termes réels, selon les chiffres publiés le 13 Avril par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI)

Cependant, ces chiffres révèlent une évolution dangereuse et inadmissible. En effet les dépenses militaires mondiales ont doublé en douze ans. De 850 milliards de dollars en 2002, elles sont passées à 1680 milliards en 2012 et à 1800 milliards de dollars en 2014! Et l’Otan, dans sa logique guerrière demande à tous ses Etats membres de consacrer 2 % de leur PIB en dépenses militaires.

Oui comme le dit Ban Ki-Moon « La guerre est sur-armée et la paix est sous financée ».

Cette gabegie est dangereuse et criminelle alors que, selon les responsables du PNUD (programme des Nations Unies pour le développement), il suffirait de 85 milliards de dollars par an pendant 10 ans pour résoudre les principaux problèmes de l’humanité (alimentation en eau, éradication des principales maladies, analphabétisme, faim)

Pour ce qui concerne la France, avec 63,2 milliards de dépenses militaires, elle est l’Etat d’Europe de l’Ouest qui dépense le plus d’argent en ce domaine. Elle se situe au 5e rang mondial après les USA, la Chine, la Russie et l’Arabie Saoudite.

La France pourrait faire immédiatement 10 milliards d’économies sur 6 ans en gelant les programmes de modernisation de son arsenal d’armes atomiques (M 51, TNN, pré-études pour de nouveaux sous-marins nucléaires). Ce serait un acte politique majeur à quelques jours de la conférence d’examen du Traité de Non- Prolifération nucléaire à laquelle participeront 80 pacifistes français.

A l’heure où la France fait des coupes budgétaires drastiques dans les budgets sociaux et les budgets des services publics (Radio France etc.) voilà une première économie simple et souhaitée par 81% des français (sondage IFOP).

Ce serait un acte positif pour qu’une vraie baisse des dépenses militaires s’impose ici et ailleurs et que l’argent soit mis au service de la paix, de la satisfaction des besoins sociaux, d’un développement économique et social juste et durable, et non de la guerre et des logiques guerrières qui n’aboutissent qu’à des échecs et des catastrophes humanitaires.

Pour le Mouvement de la Paix, une bonne manière d’agir en ce sens peut consister à signer la pétition en ligne pour un traité d’interdiction des armes nucléaires sachant que sur six ans la France consacre au minimum 24 milliards d’euros au titre de la dissuasion nucléaire dont 10 milliards pour de nouvelles armes nucléaires.
Signer en ligne : http://www.mvtpaix.org/wordpress/pour-un-traite-dinterdiction-des-armes-nucleaires/

Le Mouvement de la Paix/14 avril 2014

Mouvement de la paix: 1800 milliards de dollars de dépenses militaires, un fardeau insupportable pour les peuples
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15 avril 2015 3 15 /04 /avril /2015 10:34

Le 17 avril est la journée internationale de solidarité avec les prisonniers politiques.

Le Parti Communiste appelle à faire de ce vendredi une journée de mobilisation populaire pour la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques palestiniens en organisant des inaugurations symboliques de place Marwan Barghouti partout dans le pays.

Israël détient aujourd'hui 6000 prisonniers dont 163 enfants (parmi lesquels 13 de moins de 16 ans); 484 détenus sont condamnés à la perpétuité. Leur nombre est en constante augmentation et Israël continue d'agir en dépit du droit international; ces arrestations arbitraires conduisent alternativement à des condamnations devant des tribunaux militaires ou des détentions administratives, c'est à dire sans aucune possibilité de défense pour les détenus. Depuis 1967, ce sont 800 000 Palestiniens qui ont été ainsi emprisonnés illégalement, soit 20% de la population palestinienne... et ce n'est qu'en 1999 que la Cour suprême israélienne a interdit "certaines méthodes de torture, sauf cas d'extrême nécessité".

En 2014, 2000 prisonniers ont fait près de 12 semaines de grève de la faim contre les détentions administratives. Ils n'ont reçu aucun soutien des officiels européens alors que l'article 2 des accords d'association avec l'Union européenne exige le respect des droits de l'homme.

Israël détient ainsi des civils et des représentants du peuple démocratiquement élus, puisque 17 membres du Conseil législatif palestinien parmi lesquels le député Marwan Barghouti, dirigeant de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP). Il y a quelques jours encore, au début de ce mois d'avril, l'armée israélienne a arrêté au milieu de la nuit chez elle, en territoire palestinien, la députée Khalida Jarrar, dirigeante du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).

L'absence de toute réaction internationale, européenne et américaine, conforte le sentiment d'impunité des dirigeants israéliens. Il n'existe aucun autre cas d'impunité aussi totale que celle dont jouit Israël; une exception injustifiable et une situation d'injustice, d'humiliation et de violence insupportable pour les Palestiniens à laquelle il faut mettre un terme, car plus elle dure, plus elle éloigne toute perspective de paix- et c'est précisément l'objectif recherché par la droite et l'extrême-droite israéliennes.

Dans ce contexte, seules la solidarité internationale et la mobilisation populaire peuvent peser significativement, comme en témoignent les votes de parlements européens en faveur de la reconnaissance de l'Etat palestinien. En France, nous devons aujourd'hui contraindre le chef de l'Etat à respecter ce vote.

Affiche de la campagne du PCF pour les prisonniers politiques palestiniens: "Marwan je crie ton nom Liberté!" - 17 avril

Affiche de la campagne du PCF pour les prisonniers politiques palestiniens: "Marwan je crie ton nom Liberté!" - 17 avril

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16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 22:14
Affiche d'Amnesty International-2013

Affiche d'Amnesty International-2013

La guerre civile en Syrie dure maintenant depuis quatre ans. Le bilan humain est effroyable.

Ce conflit a déjà causé 220 000 morts, un million de blessés graves, de gens qui ont tout perdu, et 4 millions de réfugiés dans d'autres pays, principalement le Liban (1,15 million de réfugiés), la Jordanie, la Turquie, l'Irak, l’Egypte dans une moindre mesure. Cette guerre barbare s’est encore intensifiée en 2014, qui a été l’année la plus meurtrière : 76 000 personnes y ont été tués.

En tout, sur ce pays de 23 millions d’habitants en 2011, 11 à 12 millions ont été déplacés, ont dû fuir leur domicile.

La situation humanitaire des populations syriennes, en Syrie et à l’étranger dans les camps de réfugiés, est catastrophique. Le régime de Bachar al-Assad, qui se sent de plus en plus en position de force depuis que les « occidentaux » et leurs alliés font une guerre aux « rebelles » fanatiques de l’Etat Islamique en Irak et en Syrie, utilisant pour alliés les milices chiites du Hezbollah, les forces chiites irakiens, et l’armée loyaliste syrienne, bloque l’accès aux zones « rebelles » par les convois humanitaires. Un article de Benjamin Barthe dans Le Monde du 14 mars rappelle que selon les décomptes de l’ONU, « entre 2013 et 2014, le nombre de Syriens ayant bénéficié des convois d’aide onusiens dans les zones les plus gravement touchées est passé de 2,9 millions à 1,2 million, soit un effondrement de 63%. Sur les 115 demandes de convois soumises au gouvernement syrien dans l’année passée, seulement 50 ont reçu l’agrément de Damas. » Pourtant, le nombre de personnes vivant dans des zones de guerre de haute intensité en Syrie a presque doublé, passant de 2,5 millions en 2013 à 4,8 millions depuis 2015. 80% de la population syrienne vit désormais sous le seuil de pauvreté : l’espérance de vie a chuté de 20 ans en 4 ans, pour tomber à 55 ans.

L’aide internationale pour les camps de réfugiés syriens au Liban, en Jordanie ou en Turquie est très insuffisante et s’est considérablement réduite à mesure que la guerre civile gagnait en férocité et que le nombre de réfugiés augmentait: pour exemple, le budget du service d’aide humanitaire et de protection civile de la commission européenne est tombé de 34 millions d’euros en 2012 à 15 millions d’euros en 2015. Dans beaucoup de camps, on passe l’hiver dans le froid, on ne mange pas à sa faim, on vit dans des conditions sanitaires et de surpopulation déplorables. En décembre 2014, faute de recevoir suffisamment de dons des Etats, le Programme alimentaire mondial a « dû » baisser son assistance mensuelle de 24 à 13 dinars (32 à 17 euros) par personne (et par mois), faute de dons. Handicap International se prépare à réduire ses activités après une nouvelle entaille de 20% dans un budget de 7 millions d’euros (venu de l’UE). « Il y a un désintérêt massif de la communauté internationale pour la crise syrienne, alerte Anne Garella, représentante régionale. Les financements sont inversement proportionnels aux besoins. Les deux tiers de la population sont dans le besoin et les mécanismes d’adaptation s’épuisent » (article d’Hélène Sallon dans Le Monde du 14 mars 2015). Au Liban, l’aide financière internationale aux réfugiés installés depuis des mois est passée de 30 € à 19€ par personne et par mois.

Dans les zones tenues par l’Etat islamique, en raison des attaques contre des humanitaires, de nombreuses associations humanitaires comme MSF ont renoncé à intervenir pour assister les populations en détresse.

La Syrie est-elle abandonnée de tous ?

Pas tout à fait: certains lobbies chrétiens d’Occident s’émeuvent aujourd’hui du sort des chrétiens d’Orient, désormais des cibles de l’Etat islamique. On va même jusqu’à regretter qu’on ait pas davantage soutenu Bachar al-Assad contre la « montée de l’islamisme » ou par exiger qu’on normalise nos relations avec lui au nom de la lutte contre l’islamisme et le djihadisme.

Ils ont raison d’un certain point de vue, malheureusement: l’avenir de communautés chrétiennes qui vivaient depuis presque deux millénaires en Irak et en Syrie est tragiquement compromis et celles-ci ont été et sont toujours victimes d’exactions et d’humiliations terribles de la part des islamo-fascistes de l’Etat islamique.

En même temps, l’indignation ne doit pas être unilatérale. Pour dire les choses naïvement et brutalement, la vie et l’avenir des chrétiens d’orient ont autant de valeur que ceux de la majorité sunnite et musulmane de Syrie.

Les chrétiens ont été pris en otage par le régime de Bachar Al-Assad, qui a cyniquement utilisé la peur de l’islamisme et de la dictature de la majorité sunnite en même temps qu’il renforcerait pratiquement la dimension communautaire du conflit.

Trop longtemps, les autorités religieuses chrétiennes, et une partie des chrétiens de Syrie, notamment la bourgeoisie, ont soutenu le régime sectaire, sanguinaire et corrompu de Bachar al-Assad en y voyant un rempart pour la préservation de leurs intérêts communautaires, alors que de nombreux chrétiens avaient participé à la révolte populaire du printemps 2011.

L’approche des français et des occidentaux sur le conflit syrien est aujourd’hui essentiellement d’ordre sécuritaire. La Syrie est perçue comme un foyer de terrorisme et de progression d’un islamisme radical extrêmement dangereux. On s’inquiète du départ de nos jeunes convertis pour la Syrie, et il y a de quoi, car beaucoup vont se fracasser dans une guerre atroce. On s’inquiète de leur hypothétique retour et de la guerre qu’il pourrait porter en Europe.

On s’inquiète moins de voir les Syriens refoulés d’Europe : seuls les Allemands et les Suédois ont fait un petit effort pour accueillir légalement des réfugiés syriens (10 000). La France, si prompte à donner des leçons au monde entier, qui est l’ancienne puissance colonisatrice de la Syrie entre 1918 et 1945, n’en a accueilli que 500, sur 4 millions. Et cela alors même que l’arrivée des syriens sur les côtes italiennes dans des bateaux de fortune a été multipliée par huit en 2014.

Cette indifférence morale, ce cynisme, cette non-assistance à un peuple qui a traversé une des tragédies les plus terribles depuis la seconde guerre mondiale, inspirent la colère et la nausée.

D’autant que cela succède à l’inaction face au massacre de son peuple par Bachar al-Assad et son armée depuis 4 ans. Nous n’avons pas sérieusement armés les rebelles modérés qui se battaient pour renverser la dictature de Bachar, pour qu’ils puissent au moins défendre la population civile des zones qu’ils contrôlaient contre les bombardements de Bachar al-Assad. Nous n’avons pas réalisé ces « couloirs de protection aérienne » pour protéger les déplacements de civils, empêcher le bombardement des villes et des villages. N’oublions pas que 80% des victimes de cette guerre sont imputables au régime de Bachar al-Assad et à ses alliés : bombardements massifs et indiscriminés, largages de barils d’explosifs sur les populations civiles des villes et quartiers rebelles (Alep notamment, tout au long de 2014), tortures et exécutions extra-judiciaires : autant de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui sont directement imputables à ce régime.

Cette guerre civile est aussi un conflit international : avec l'Iran et le Hezbollah libanais à base chiite qui soutiennent le régime de Bachar al-Assad, comme la Russie et dans une moindre mesure le gouvernement à base chiite d'Irak. La Turquie soutient elle la rébellion, comme le Qatar, l'Arabie Saoudite, même si ceux-ci prennent aujourd'hui des distances avec Daesh, l'Etat Islamique, qu'ils perçoivent eux aussi comme une menace.

A partir de mars 2011, le pouvoir de Bachar el-Assad a décidé de mater la révolte populaire, d'abord pacifique et démocratique, par tous les moyens à sa disposition. Dès le départ, ce pouvoir contesté pour son caractère anti-démocratique, ultra-répressif et oligarchique, et aussi parce qu'il condamnait au désespoir et à l'absence de perspectives toute une jeunesse exclue des bénéfices du libéralisme économique et de la vente des industries et services à des firmes privées contrôlées par le clan el-Assad et ses alliés, a tout fait pour discréditer et mater de manière impitoyable une révolte qui au départ n'avait pas de dimension confessionnelle ou communautaire très affirmée.

Dès le départ, il s'est dit menacé par des terroristes islamistes manipulés ou venus de l'étranger alors que l'évidence était qu'il était contesté dans ses pratiques par une grande partie de la jeunesse et de la population avides de liberté, de dignité et d'égalité, et inspiré par l'exemple des printemps arabes et des révolutions tunisiennes et syriennes.

Certes, la base sunnite de la population syrienne se sentait plus qu'une autre humiliée par la domination de l'appareil policier et totalitaire du clan el-Assad, issu d'une minorité culturelle et religieuse en Syrie, les alaouites, représentant 10 à 12 % de la population, et présente surtout dans les montagnes côtières de la côte méditerranéenne et les grandes villes, Damas et Alep.

Les Alaouites à partir de 1970 ont été surreprésentés dans les postes clés de l'armée, de l'appareil sécuritaire, du pouvoir politique et économique.

Mais on trouvait aussi dans les manifestations pour exiger des réformes démocratiques et sociales des alaouites, des chrétiens, des démocrates et progressistes laïcs. En même temps évidemment que des musulmans pratiquants plus ou moins inspirés par l'idéologie des Frères musulmans, mouvement sévèrement réprimé au début des années 1980 par Hafez al-Assad, le père de Bachar, responsable des terribles massacres de Hama en 1982 qui ont fait entre 20 000 et 25 000 morts sur 200 000 habitants (février 1982).

Lisons le témoignage de la militante communiste Nahed Badawie sur les premiers temps de la révolte démocratique syrienne, au printemps 2011, recueilli par François Burgat à Beyrouth en janvier 2013 (cité dans l’excellent recueil d’articles Pas de printemps pour la Syrie. Editions la Découverte, 2014 – sous la direction de François Burgat et Bruno Paoli).

« Parmi les procédés employés par le régime dès le début pour instiller la peur et la haine sectaire, je me souviens de cette petite vidéo terrifiante que nombre de mes amis avaient reçue sur leur téléphone et qui leur avait été communiquée très officiellement sur leur lieu de travail – alors qu’il était dangereux d’avoir sur son portable des vidéos de la révolution. On y voyait un supposé révolutionnaire, clairement identifié comme « salafi », brandir plusieurs secondes une tête qu’il tenait par les cheveux et dont s’écoulait encore du sang. Cette propagande, si grossière soit-elle, avait malheureusement un réel impact sur les gens de condition modeste. Cela ne prenait pas sur les intellectuels et tous ceux qui avaient une certaine capacité d’analyse. Mais je me souviens que même un ami ingénieur, malgré son bagage scientifique, ne mettait pas en doute les plus grossières de ces « preuves ».

Un des moments forts de mon expérience militante, c’est peut-être la première fois où j’ai crié moi-même : « Le peuple veut la chute du régime ! » Il faut rappeler que les autorités ont tué des manifestants dès les premières semaines. Chaque vendredi était donc inévitablement suivi d’une cérémonie d’enterrement qui regroupait dix fois plus de gens que ceux qui avaient participé à la manifestation. Alors le régime s’est mis à ouvrir le feu également sur ces cortèges qui prenaient des allures de manifestations. Il y avait ensuite, peu après ou quarante jours plus tard, les « majalis ‘aza » les cérémonies de condoléances. Ces rencontres ont très vite elles-mêmes pris des allures de manifestations.

Je me souviens tout particulièrement de l’une d’entre elles, dans la cité de Qabun, un quartier de Damas où je n’avais jamais mis les pieds. Un long couloir introduisait au grand espace où se déroulait la cérémonie. Des amis se tenaient à l’entrée pour vérifier qu’aucun des participants ne faisait partie des services de sécurité. Nous défilions ensuite devant les proches et les parents. Des délégations de tous les quartiers, mais également de nombreuses villes du pays, se présentaient fièrement, à voix haute. Comme j’étais accompagnée d’amis venant d’un quartier pouvant faire penser qu’ils étaient chrétiens, lorsque nous sommes entrés, le slogan de nos hôtes alignés dans le couloir est devenu : « Un, un, un, le peuple syrien est un ! » C’était une façon de bien signifier le rejet des manœuvres sectaires du régime. Il y avait dans la salle une tribune et nous avons été invités à nous y installer. En face de moi, j’ai vu une véritable marée humaine. Un des animateurs s’est approché de nous et dans un micro a dit tranquillement : « Le peuple veut abattre le régime ! » et nous avons tous repris en chœur. Puis il m’a tendu le micro. Je ne savais trop que dire. J’ai crié « Un, un, un, le peuple syrien est un ! ». Ce fut un moment très fort, extrêmement émouvant… Ce qui était émouvant dans ce genre de circonstances, c’est cette sensation que les Syriens de confession et de quartiers divers se découvraient les uns les autres pour la première fois. Des gens qui ne se seraient jamais parlé apprenaient à se connaître ».

Au printemps et à l’été 2011, le régime a joué d’une double carte contre les manifestants pacifiques revendiquant la démocratie, la liberté et la dignité : la désinformation pour en faire des personnes manipulées par les islamistes et les étrangers hostiles aux intérêts syriens, la répression cruelle par l’armée et les moukharabat, les services de renseignement de l’armée de l’air, de concert avec les chabbihas, des voyous sans foi ni loi, souvent d’origine alaouite, travaillant autrefois pour les intérêts mafieux des proches du régime, et se comportant en « bêtes fauves » contre les manifestants, puis les insurgés.

« Dans ces premiers mois de la guerre, pour terroriser les révolutionnaires, en leur montrant le sort qui attend ceux qui refusent d’abandonner le combat, les « moukhabarat » commettent des crimes particulièrement abjects, torturant et émasculant un enfant de quatorze ans, tranchant la gorge du chanteur qui a galvanisé durant plusieurs semaines les manifestants à Hama, coupant les jambes d’un homme ayant foulé aux pieds un portrait de Bachar –al Assad. Ils laissent filtrer des scènes insoutenables : séances de torture, égorgement d’un homme, viol de jeunes femmes… Le dévoiement de la révolution pacifique en conflit armé, et peut-être en guerre civile confessionnelle, fait partie de leur projet. Les armes à la main, le régime ne peut être défait » (Wladimir Glasman, dans Pas de printemps pour la Syrie.

Cette stratégie machiavélique de militarisation de la rébellion et de communautarisation du conflit s’accompagne d’une libération et d’une instrumentalisation de prisonniers djihadistes radicaux et salafistes.

La violence de la répression a fatalement engendré une montée en puissance de la réponse militaire et communautaire ou confessionnelle dans la majorité sunnite de la population syrienne (environ 75 à 80% des syriens), la partie de la population sur laquelle la répression s’est abattue avec le plus de violence. Seulement, la plupart des jeunes insurgés en armes se battent au départ, non pour une société islamique, mais, en tant que musulmans fiers de leur appartenance et de leur solidarité face à l’adversité, pour la justice, la liberté, l’égalité, une nation délivrée de Bachar, perçu comme un tyran sans morale aucune. La résistance nationale est première par rapport à l’affirmation religieuse même si celle-ci se renforce avec le durcissement du conflit, la formation idéologique des jeunes recrues et leur expérience de la haine contre le régime « alaouite ».

Les cadres de Jabhat al-Nosra, le futur EIIL Etat Islamique, qui va servir de cheval de Troie dans la rébellion et faire la guerre à l’Armée Syrienne Libre tout autant qu’aux forces de Bachar al-Assad, sont d’abord sortis de prison ou laissés tranquilles et utilisés par le régime après leur retour du djihad en Irak. La violence sectaire et la montée en puissance des islamistes djihadistes fait partie du plan du régime pour obtenir un revirement de la communauté internationale et un renversement des alliances, et se maintenir au pouvoir.

Pourtant, à ce stade du conflit, beaucoup d’observateurs pensent qu’il sera impossible de trouver une solution à tyrannie militaire et à la progression de l’Etat islamique sans rendre possible le départ de Bachar al-Assad et la destruction de son régime criminel honni par les deux tiers au moins de la population syrienne, et sans mettre fin à la domination sans partage des intérêts chiites en Irak. Croire qu’on va faire la guerre efficacement à l’Etat Islamique et l’éradiquer en renforçant de fait la légitimité du régime syrien est sans doute illusoire car l’Etat islamique, quoique ses méthodes et le type de loi islamique dont il se revendique sont étrangers à l’histoire, à la tradition religieuse et sociale syrienne, n’est pas simplement un produit d’importation : il séduit bon nombre de jeunes sunnites qui ont été formés et fanatisés par la guerre et y voient une force susceptible de vaincre le régime honni de Bachar al-Assad.

L’ONU et les états occidentaux, la Russie, et l’ensemble de la communauté internationale, ont une responsabilité écrasante dans la tragédie syrienne.

Nous avons abandonné aux monstruosités de la répression et de la guerre sectaire une population qui ne demandait qu’à vivre libre, en paix, et dans une nation syrienne plurielle.

L’ONU parce qu’à aucun moment elle n’a pu se donner ou trouver (du fait de son organisation héritée de la seconde guerre mondiale) les moyens, en raison notamment du veto russe, de protéger la vie des populations civiles contre un Etat qui faisait la guerre à sa population avec l’appui de l’Iran.

Les Etats occidentaux car ils n’ont pas su, soit armer l’opposition militaire modérée, soit la pousser à la négociation en l’organisant et surmontant les divisions des représentants de l’opposition. Obama en renonçant aux frappes contre le régime syrien suite à l’emploi des armes chimiques contre des quartiers rebelles permis à Bachar al-Assad de continuer à bombarder et soumettre impunément par les moyens les plus barbares la majorité hostile à sa dictature du peuple syrien. Les financeurs d’Arabie Saoudite, du Qatar, de Turquie qui ont pu soutenir et organiser parfois des factions combattantes islamistes peu fréquentables.

Il se trouve aujourd’hui des gens, notamment à l’extrême-droite, pour applaudir Bachar al-Assad ou Poutine qui l’a soutenu contre vents et marée pour affirmer son pouvoir de nuisance face aux « intérêts occidentaux ».

Dans l’opinion même, l’épouvantail de l’Etat islamique tend à réhabiliter a posteriori la dictature prétendument « laïque » de Bachar.

C’est un point de vue basé sur des réflexes de guerre froide, de croisade, ou de culte de la force fasciste, qui ne tient pas compte du droit à la liberté et à la dignité des peuples, qui fait peu de cas du caractère criminel et inhumain de ce régime, de son cynisme profond qui a conduit à la quasi-destruction d’une civilisation héritière d’une longue histoire et marquée par la cohabitation relativement tolérante de confessions et de communautés différentes.

Après la colonisation de la Palestine, la guerre au Liban, celle d’Irak, la guerre en Syrie semble parachever l’agonie d’un certain visage du Proche-Orient, tel qu’il s’est construit en civilisation multiculturelle brillante avant même l’empire Ottoman, depuis l’Antiquité et la conquête musulmane.

Malgré tout, la Syrie et les Syriens doivent pouvoir revivre, sortir de cet enfer.

Ce sont nos frères en humanité et en aspirations, nous ne pouvons continuer à les abandonner.

C’est la responsabilité de nos gouvernements de trouver un chemin pour reconstruire la paix, la sécurité, et construire une démocratie en Syrie. Cela passe peut-être par des négociations sérieuses avec l’Iran.

Ismaël Dupont.

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