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12 décembre 2015 6 12 /12 /décembre /2015 19:47
Accords de libre-échange: le baiser de mort de l'Europe à l'Afrique (Jacques Berthelot, Le Monde Diplomatique)

Accords de libre-échange tous azimuts

http://www.monde-diplomatique.fr/2014/09/BERTHELOT/50757

Le baiser de la mort de l’Europe à l’Afrique

par Jacques Berthelot

Le baiser de la mort de l’Europe à l’Afrique

En ce début d’été 2014, l’Union européenne triomphe. Après plus de dix ans d’une sourde bataille, elle a enfin vaincu la résistance des pays africains qui refusaient de conclure avec elle les traités de libre-échange prévus depuis 2000 par l’accord de Cotonou (Bénin) (1). Le 10 juillet, les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont signé l’accord de partenariat économique (APE) d’Afrique de l’Ouest (2) ; le 22 juillet, l’APE d’Afrique australe était paraphé ; le 25 juillet, le Cameroun ratifiait un APE individuel.

Seule déconvenue pour l’Union : l’Afrique de l’Est n’a pas suivi. Les pays de cette sous-région dominée par l’Afrique du Sud ont refusé de se priver de précieuses recettes douanières sans réelles contreparties européennes. Les APE prévoient en effet la suppression des droits de douane sur trois quarts des exportations de l’Union, tandis que celle-ci continuera à importer d’Afrique de l’Ouest la totalité de ses produits qui sont déjà en franchise de droits. Un marché de dupes. Comment en est-on arrivé à un tel désastre ?

Depuis 2008, les Etats d’Afrique de l’Ouest résistaient aux pressions de Bruxelles, aiguillonnés par de puissants mouvements sociaux réunis au sein de divers réseaux : le Third World Network Africa, basé à Accra (Ghana), la Plate-forme des organisations de la société civile de l’Afrique de l’Ouest sur l’accord de Cotonou (Poscao), à Dakar (Sénégal), et le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (Roppa), à Ouagadougou (Burkina Faso). Mais plusieurs événements ont permis de « retourner » les capitales africaines.

Basculement du rapport de forces

Tout a commencé avec la plainte déposée en 1995 devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par les producteurs latino-américains de bananes. Ils bénéficiaient (d’où le nom de « bananes-dollars ») du soutien de Washington, qui n’a jamais accepté les « préférences » accordées par Bruxelles aux pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, dits ACP. En vertu des conventions de Lomé, signées dans les années 1970, ceux-ci étaient exemptés de droits de douane à l’entrée du marché communautaire (3). Donnant tort à l’Union européenne, l’organe de règlement des différends de l’OMC a ordonné le remplacement des « préférences » par des avantages dits « réciproques » au plus tard fin 2007. Ce fut l’objet des APE programmés par l’accord de Cotonou.

Mais, à l’expiration du délai, seules les Caraïbes avaient conclu un accord régional. Quarante-trois pays n’avaient pas bougé, et vingt avaient signé des accords individuels dits « intérimaires ». Parmi les non-signataires figuraient la majorité des pays moins avancés (PMA) qui relèvent du programme « Tout sauf les armes » adopté par l’Union en 2001 : tous leurs produits, hors les armements, entrent sans droits de douane sur le marché européen. Pour vaincre les résistances, les Vingt-Huit adressent alors un ultimatum aux dirigeants africains : à défaut de ratification des APE régionaux avant le 1er octobre 2014, les exportations des pays hors PMA — en l’occurrence, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cap-Vert et le Nigeria — seront taxées à leur entrée sur le Marché commun.

Au sein de l’Union européenne, les APE ont été négociés par la direction générale du commerce de la Commission, et non par celle du développement et de la coopération, dont relevaient les conventions de Lomé. Quelques Etats ont malgré tout tenté de limiter les dégâts. « L’Union devrait opter pour une approche non mercantiliste et ne poursuivre aucun intérêt offensif, déclaraient conjointement, en mars 2005, le ministère du commerce et le ministère du développement international britanniques. L’Union devrait proposer à l’OMC (...) de réduire les exigences de réciprocité et de se recentrer sur les priorités du développement. » Au Royaume-Uni, les grandes associations (Oxfam, ActionAid, Christian Aid, Friends of the Earth) ont l’oreille de l’opinion, tandis que Downing Street défend les intérêts bien compris des industriels, qui misent sur l’essor des économies africaines.

En mai 2006, la délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale française adoptait à l’unanimité le rapport du député Jean-Claude Lefort, qui s’interrogeait : « Pouvons-nous vraiment prendre la responsabilité de conduire l’Afrique, qui abritera dans quelques années le plus grand nombre de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour, vers davantage de chaos, sous couvert de respect des règles de l’OMC (4) ? » Si le Parlement européen a produit de nombreux rapports contestant les APE, il s’est finalement aligné sur la Commission.

En 2013, la pression des ministres du commerce et de la coopération du Danemark, des Pays-Bas, de la France, du Royaume-Uni et de l’Irlande n’a fait que légèrement fléchir Bruxelles : la Commission a abaissé de 80 à 75 % le pourcentage des exportations de l’Union qui entreront en franchise de droits sur le marché de l’Afrique de l’Ouest (5).

Côté africain, c’est l’arrivée au pouvoir de M. Alassane Ouattara (2011) en Côte d’Ivoire — poids lourd économique de la sous-région — qui a permis d’emporter l’adhésion de la Cedeao. « En libéral convaincu, explique M. Cheikh Tidiane Dieye, directeur de la Poscao, M. Ouattara ne cache pas son engagement en faveur de l’accord de libre-échange, qui aura pour lui l’intérêt de maintenir l’accès préférentiel au marché de l’Union pour le thon, la banane et le cacao, entre autres. » Après s’être vigoureusement opposé aux APE, le Sénégal s’y rallie, avec pour objectif de devenir l’interlocuteur privilégié des Européens. De son côté, le Nigeria se montre conciliant depuis qu’il attend le soutien occidental dans la lutte contre Boko Haram.

Pourtant, l’Afrique de l’Ouest a tout à perdre. Le marché de la banane l’illustre parfaitement. Sanctionné par l’OMC, Bruxelles s’était engagé en 2009 à réduire ses droits sur les fruits venus des plantations d’Amérique latine : de 176 euros la tonne en 2009 à 114 euros en 2017. Dans la foulée, en décembre 2012, des accords bilatéraux de libre-échange (ALE) ont été signés avec la Colombie et le Pérou d’une part, avec six pays d’Amérique centrale d’autre part (Costa Rica, Salvador, Honduras, Guatemala, Nicaragua et Panamá), pour qui les droits seront abaissés peu à peu à 75 euros la tonne d’ici à 2019. Un avantage dont va bénéficier l’Equateur après la signature, le 17 juillet 2014, de son accord d’association avec l’Union (il est resté, du fait de ses prix faibles, le premier exportateur vers l’Europe comme vers le reste du monde). En 2009, des compensations — insuffisantes — avaient été accordées à la Côte d’Ivoire et au Ghana, leur permettant de continuer à exporter à droits nuls sans plafond. En 2014, rien n’est prévu dans l’APE.

Un système absurde

Or les préférences accordées aux bananes ACP, africaines notamment, perdront tout intérêt si les négociations d’accords de libre-échange avec le Marché commun du Sud (Mercosur), l’Inde et bientôt les Philippines (second exportateur) aboutissent. Le Brésil réclame un quota tarifaire à droits nuls de deux cent mille tonnes. L’Inde, premier producteur de bananes avec trente millions de tonnes, commence à s’organiser pour exporter.

La compétitivité des pays des Andes et d’Amérique centrale devrait beaucoup s’accroître par rapport à celle des ACP, car la fourberie de Bruxelles ne connaît aucune limite. En effet, tous les pays qui signent des accords de libre-échange bilatéraux peuvent ipso facto exporter à droits nuls vers l’Union, sauf pour certains produits soumis à des quotas (viandes, produits laitiers et sucre, textile-habillement). En outre, les pays d’Amérique latine, dont les monnaies sont arrimées au dollar, devraient bénéficier de la politique américaine de monnaie faible par rapport à l’euro — auquel est lié le franc CFA.

Malgré les promesses, l’APE d’Afrique de l’Ouest ne devrait pas bénéficier des 6,5 milliards d’euros sur cinq ans inscrits dans son plan de financement : aucun ajout n’est en effet prévu à la dotation du Fonds européen de développement (FED), qui représente 4 euros par habitant et par an ! Bruxelles se contente de recycler des fonds déjà programmés ailleurs. Aucune mesure ne compensera les pertes de recettes douanières consécutives à l’ouverture des marchés africains, notamment celles perçues sur les 11 milliards d’euros d’importations que les PMA auraient pu continuer à taxer s’ils n’étaient pas intégrés dans l’APE régional. Les pertes seront d’autant plus grandes que la Cedeao a adopté, sous la pression de Bruxelles, un tarif extérieur commun (TEC) qui fixe les droits les plus faibles du monde, notamment de 5 % sur la poudre de lait et les céréales (10 % sur le riz). Le « trou » dans les caisses africaines pourrait atteindre 2,3 milliards d’euros.

Pour convaincre leurs interlocuteurs, les dirigeants européens font valoir que, si l’APE régional n’est finalement pas ratifié, les pays qui ne figurent pas parmi les moins avancés, comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana, devront se contenter des tarifs peu avantageux fixés par le système de préférences généralisées (SPG) de l’Union : 3,5 % de réduction en moyenne par rapport aux droits accordés à la nation la plus favorisée, dits NPF, acquittés par les pays occidentaux. Concrètement, ces Etats devraient payer à l’Union un droit de 136 euros par tonne sur les bananes, de 5,8 % sur les ananas, de 18 à 24 % sur le thon et ses conserves, de 9 % sur le café torréfié, de 2,8 à 6 % sur les produits du cacao, de 8,9 % sur l’huile de palme et de coprah. Les pays des Andes et d’Amérique centrale, qui pour la plupart bénéficient, en plus des ALE, du système de préférences généralisées SPG+ (lire « Régimes douaniers européens »), ne paient que 117 euros sur les bananes en 2014 et n’en paieront que 75 en 2019. Ils exportent leurs ananas, poissons, café torréfié, produits du cacao et huiles de palme et de coprah à droits nuls.

Ce système absurde ne tient pas compte de la différence des situations économiques : en 2012, le produit national brut (PNB) moyen par tête des quatre pays non ACP d’Afrique de l’Ouest était de 1 530 dollars, contre 4 828 dollars pour les six pays non ACP d’Amérique centrale et 7 165 euros pour les trois pays andins. Les perspectives paraissent sombres pour la sous-région, dont le déficit alimentaire a bondi (de 11 millions de dollars en 2000 à 2,9 milliards en 2011) et dont la population explose : trois cent quarante millions d’habitants en 2014 et cinq cent dix millions prévus en 2030.

La faiblesse africaine dans les négociations tient également au fait que les Européens financent en grande partie l’intégration régionale — notamment à travers le budget de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) —, mais aussi les réunions de l’Assemblée parlementaire paritaire Union européenne - ACP et les sessions de « mise à niveau » de leurs experts. Surtout, les dirigeants s’affaiblissent eux-mêmes en écoutant les cabinets d’experts plutôt que leurs populations, pourtant mobilisées et constructives.

Les associations d’Afrique de l’Ouest ont proposé que leur région soit classée « grand PMA », et qu’une dérogation soit demandée à l’OMC. Elles suggèrent aussi d’instituer une taxe de 1,5 % sur les échanges internes à la Cedeao pour compenser les droits de douane que devront payer les exportateurs de Côte d’Ivoire et du Ghana.

« Les chefs d’Etat sont mal informés. On ne comprend pas ce qui les empêche de consulter les mouvements sociaux. Mais ils ne se fient qu’aux bureaucrates, s’insurgeait le 25 octobre 2013 M. Mamadou Cissokho, président honoraire du Roppa. Ce n’est pas acceptable : avant d’engager la vie de millions de personnes, il faut les consulter (6) ! »

La Commission a laissé entendre qu’elle pourrait repousser la date limite pour la ratification au 1er octobre 2016. La bataille n’est pas terminée.

Jacques Berthelot

Economiste. Auteur de Réguler les prix agricoles, L’Harmattan, Paris, 2013.

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 19:06

Le double jeu de l’Arabie saoudite face à Daech
"Officiellement, la monarchie saoudienne appartient à la coalition réunie autour des États-Unis pour combattre Daech en Syrie et en Irak. En fait, Riyad est beaucoup plus actif dans la promotion du wahhabisme et, surtout, prend l’offensive pour imposer sa suprématie régionale face à l’Iran."

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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 21:26
Penser les meurtres de masse: une conférence hétérodoxe et riche de Alain Badiou sur la violence dans le monde capitaliste contemporain

Une conférence du philosophe communiste Alain Badiou en vidéo sur le site de Là-bas si j'y suis: "Penser les meurtres de masse"
Une vision globale et cohérente de notre monde.
C'est un peu long 1h45 mais une fois qu'on a commencé à écouter on va forcément jusqu'au bout.

Lien fourni par notre correspondant du Front de Gauche Pays Bigouden, Gaston Balliot:

http://www.gastonballiot.fr/alain-badiou-penser-les-meurtres-de-masse/

Et par notre honorable correspondant de Rennes, Jacky Rivoalan:

Alain Badiou, penser les meurtres de masse.mp3

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5 décembre 2015 6 05 /12 /décembre /2015 08:08
Cinq conflits entremêlés, par Pierre Conesa (Monde Diplomatique, décembre 2015): les sous-bassements religieux et politiques des conflits actuels au Proche et Moyen-Orient

L’engouement quasi unanime des responsables politiques pour la « guerre » traduit une grave méconnaissance de la réalité du terrain. Décidé durant l’été 2014, l’engagement militaire occidental ajoute une cinquième strate à une superposition de conflits qui embrasent l’aire arabo-islamique.

par Pierre Conesa

En 1979, la révolution iranienne mettait en place le premier régime politique officiellement « islamique », mais en réalité exclusivement chiite. Elle revivifiait ainsi le conflit ancestral entre sunnites et chiites, qui représente la première strate d’une lente sédimentation. Quand, après sa prise du pouvoir à Téhéran, l’ayatollah Rouhollah Khomeiny demande une gestion collective des lieux saints de l’islam, le défi apparaît insupportable pour l’Arabie saoudite.

Un an avant de trouver la mort près de Lyon à la suite des attentats de 1995 en France, le jeune djihadiste Khaled Kelkal déclarait au sociologue allemand qui l’interrogeait : « Le chiisme a été inventé par les juifs pour diviser l’islam » (1). Les wahhabites saoudiens ont la vieille habitude de massacrer des chiites, comme en témoignait dès 1802 la prise de Kerbala (aujourd’hui en Irak), qui se traduisit par la destruction de sanctuaires et de tombeaux, dont celui de l’imam Hussein, et le meurtre de nombreux habitants.

Cette « guerre de religion » déchire aujourd’hui sept pays de la région : Afghanistan, Irak, Syrie, Pakistan, Liban, Yémen et Bahreïn. Elle surgit sporadiquement au Koweït et en Arabie saoudite. En Malaisie, le chiisme est officiellement banni. A l’échelle de la planète, les attentats les plus aveugles, comme ceux commis durant des pèlerinages, tuent dix fois plus de musulmans que de non-musulmans, les trois pays les plus frappés étant l’Afghanistan, l’Irak et le Pakistan. L’oumma, la communauté des croyants, que les salafistes djihadistes prétendent défendre, recouvre aujourd’hui un gigantesque espace d’affrontements religieux.

Dans ce contexte, on comprend pourquoi Riyad mobilise beaucoup plus facilement ses avions et ses troupes contre les houthistes du Yémen, assimilés aux chiites, que pour porter secours au régime prochiite de Bagdad.

On voit mal pourquoi les Occidentaux devraient prendre position dans cette guerre, et avec quelle légitimité.

La deuxième guerre est celle que mènent les Kurdes pour se rendre maîtres de leur destin, en particulier contre l’Etat turc. Elle est née en 1923, dans les décombres de l’Empire ottoman, avec le traité de Lausanne, qui divisait le Kurdistan entre les quatre pays de la région : Turquie, Syrie, Irak et Iran. Les nombreuses révoltes qui ont secoué le Kurdistan turc entre 1925 et 1939 ont toutes été écrasées par Mustafa Kemal Atatürk. Depuis les années 1960, tous les soulèvements, en Turquie, en Irak ou en Iran, ont été noyés dans le sang, dans l’indifférence de la communauté internationale. Depuis 1984, cette guerre a causé plus de 40 000 morts en Turquie, où 3 000 villages kurdes ont été détruits, pour un coût estimé à quelque 84 milliards de dollars (2).

Nul ne devrait être surpris qu’Ankara ait laissé affluer les candidats djihadistes vers les deux principales forces dans lesquelles ils se reconnaissent, le Front Al-Nosra et l’Organisation de l’Etat islamique (OEI), puisqu’elles combattent les Kurdes d’Irak et surtout de Syrie, très proches de ceux de Turquie. Principale menace pour Ankara, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) reste classé comme groupe terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis, et ne peut recevoir d’aide militaire occidentale. Seul pays de la région à appartenir à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et à avoir la capacité de modifier la situation militaire sur le terrain, la Turquie a fini par rejoindre la coalition. Mais elle concentre ses moyens sur la reprise des affrontements avec le PKK et voit d’un mauvais œil les Kurdes d’Irak et de Syrie gagner une indépendance de fait.

Troisième guerre en cours : celle qui déchire les islamistes entre eux depuis la guerre du Golfe (1990-1991) et plus encore depuis les révoltes arabes. La rivalité la mieux connue oppose les Frères musulmans, soutenus par le Qatar, et les salafistes, soutenus par l’Arabie saoudite, en Egypte, en Libye ou en Tunisie.

Plus nouvelle est la concurrence entre, d’une part, Al-Qaida et ses franchisés et, d’autre part, les affidés de M. Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’OEI. Au cours des premiers mois de 2014, ces derniers ont pris le pas sur le Front Al-Nosra, filiale locale d’Al-Qaida en Syrie, au prix de plus de 6 000 morts (3). La proclamation du « califat » a suscité de nombreux ralliements. Les combattants étrangers de l’OEI proviennent d’une centaine de pays. En désignant M.Al-Baghdadi comme leur ennemi principal, les pays occidentaux orientent de façon décisive la mobilisation des djihadistes à ses côtés.

Enfin, l’une des guerres les plus meurtrières, qui a fait près de 250 000 morts et des millions de réfugiés, est celle que mène le président syrien Bachar Al-Assad contre tous ses opposants.

Riyad envoie une quinzaine d’avions de combat en Irak, contre une centaine au Yémen

La bataille que livrent les Occidentaux apparaît, elle, comme un nouvel épisode d’une guerre beaucoup plus ancienne, avec une autojustification historique insupportable pour les populations de la région.

Faut-il remonter aux accords Sykes-Picot, ce partage colonial de la région entre la France et le Royaume-Uni sur les ruines de l’Empire ottoman ?

Faut-il remonter à Winston Churchill, alors secrétaire à la guerre du Royaume-Uni, faisant raser des villes et des villages kurdes — bombardés au gaz chimique ypérite — et tuer les deux tiers de la population de la ville kurde de Souleimaniyé, ou réprimant violemment les chiites irakiens entre 1921 et 1925 ?

Comment oublier la guerre Iran-Irak (1980-1988), dans laquelle Occidentaux et Soviétiques soutinrent l’agresseur (Bagdad) et mirent sous embargo l’agressé (Téhéran) ?

M. Barack Obama est le quatrième président américain à envoyer des bombardiers en Irak, pays déjà meurtri par vingt-trois ans de frappes militaires occidentales. Après l’invasion américaine, entre 2003 et 2011, près de 120 000 civils ont été tués (4). En 2006, la revue médicale The Lancet estimait le nombre de décès imputables à cette guerre à 655 000, cette catastrophe démographique s’ajoutant aux 500 000 morts causés par l’embargo international entre 1991 et 2002. Aux dires de l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright, le 12 mai 1996 sur CBS, cela en « valait la peine ».

Aujourd’hui, pourquoi les Occidentaux interviennent-ils contre l’OEI ?

Pour défendre des principes humanistes ?

Il est permis d’en douter lorsqu’on constate que trois pays de l’alliance continuent à pratiquer la décapitation, la lapidation et à couper les mains des voleurs : le Qatar, les Emirats arabes unis et — très loin devant les deux premiers — l’Arabie saoudite.

La liberté religieuse ?

Personne n’ose l’exiger de Riyad, où une cour d’appel vient de condamner à mort un poète palestinien pour apostasie (5).

S’agit-il alors d’empêcher les massacres ?

L’opinion arabe a du mal à le croire quand, deux mois après les 1 900 morts des bombardements israéliens sur Gaza, qui avaient laissé les capitales occidentales étrangement amorphes, la décapitation de trois Occidentaux a suffi pour les décider à bombarder le nord de l’Irak. « Mille morts à Gaza, on ne fait rien ; trois Occidentaux égorgés, on envoie l’armée ! »,dénonçait un site salafiste francophone.

Pour le pétrole, alors ?

L’essentiel des hydrocarbures de la région s’en va vers les pays d’Asie, totalement absents de la coalition.

Pour tarir le flot des réfugiés ?

Mais, dans ce cas, comment accepter que les richissimes Etats du Golfe n’en accueillent aucun ?

Pour protéger les « droits de l’homme » en défendant l’Arabie saoudite ?

Riyad vient d’en démontrer sa conception novatrice en condamnant M.Ali Al-Nimr, un jeune manifestant chiite, à être décapité puis crucifié avant que son corps soit exposé publiquement jusqu’au pourrissement (6).

Sur le plan militaire, les contradictions sont plus évidentes encore. Aujourd’hui, seuls les avions occidentaux bombardent réellement l’OEI. Les Etats-Unis en déploient près de 400, et la France une quarantaine, dans le cadre de l’opération « Chammal », avec l’arrivée du porte-avions Charles- de-Gaulle (7).

L’Arabie saoudite dispose d’environ 400 avions de combat, mais elle n’en engage qu’une quinzaine en Irak, soit autant que les Pays-Bas et le Danemark réunis.

En revanche, au Yémen, près d’une centaine d’avions saoudiens participent aux bombardements de la coalition des dix pays arabes sunnites contre les houthistes (chiites), menée par Riyad.

Dix pays arabes contre les chiites du Yémen, cinq contre l’OEI : étrange déséquilibre ! C’est bien contre les houthistes que Riyad mobilise toutes ses forces, et non contre Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), dont se revendiquait Chérif Kouachi, auteur des attentats contre Charlie Hebdo à Paris. Cette organisation que l’ancien directeur de la Central Intelligence Agency (CIA) David Petraeus qualifiait de« branche la plus dangereuse » de la nébuleuse Al-Qaida a pris le contrôle d’Aden, la deuxième ville du Yémen.

Désormais, l’OEI a atteint trois objectifs stratégiques. Tout d’abord, elle apparaît comme le défenseur des sunnites opprimés en Syrie et en Irak. Ses victimes sont à 90 % des musulmans. En Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Pakistan, les victimes des attentats sont d’abord des chiites, ensuite de « mauvais musulmans » — en particulier des soufis —, puis des représentants des régimes arabes et, en dernier lieu seulement, des membres de minorités religieuses ou des Occidentaux.

Par ailleurs, l’OEI est parvenue à délégitimer Al-Qaida et sa branche locale en Syrie, le Front Al-Nosra. Les appels du successeur d’Oussama Ben Laden, M. Ayman Al-Zawahiri, mettant en demeure M. Al-Baghdadi de se placer sous son autorité, traduisent une impuissance pathétique. La somme des défections au sein des groupes djihadistes montre la dynamique nouvelle créée par l’OEI.

A terme, le « calife » Al-Baghdadi devra défier l’Arabie saoudite

Enfin, l’OEI est devenue l’ennemi numéro un de l’Occident. Celui-ci a déclenché contre elle une « croisade » qui ne dit pas son nom, mais qui peut facilement être présentée comme telle par les propagandistes du djihad. L’opération américaine « Inherent Resolve » (« Détermination absolue ») regroupe principalement douze pays de l’OTAN (plus l’Australie), et l’alliance retrouvée avec la Russie renforcera encore plus le caractère de « front chrétien » que la propagande sur Internet sait si bien utiliser. Selon une pétition en ligne signée par 53 membres du clergé saoudien, les frappes aériennes russes ont visé des « combattants de la guerre sainte en Syrie » qui « défendent la nation musulmane dans son ensemble ». Et, si ces combattants sont vaincus, « les pays de l’islam sunnite tomberont tous, les uns après les autres » (8).

La contre-stratégie militaire des Saoud ne laisse planer aucune ambiguïté : elle est essentiellement axée sur la lutte contre les chiites. Riyad, comme les autres capitales du Conseil de coopération du Golfe, ne peut considérer l’OEI comme la principale menace, sous peine de se trouver contesté par sa propre société.

L’intervention militaire saoudienne à Bahreïn en 2012 était destinée à briser le mouvement de contestation républicain, principalement chiite, qui menaçait la monarchie sunnite des Al-Khalifa.

Au Yémen, l’opération « Tempête décisive » lancée en mars 2015 vise à rétablir le président Mansour Hadi, renversé par la révolte houthiste. Il n’est évidemment pas question pour Riyad d’envoyer ses fantassins contre l’OEI alors que 150 000 hommes sont déployés sur la frontière yéménite. Pourtant, le prochain objectif de l’OEI devrait être d’asseoir la légitimité religieuse de son « calife », qui s’est nommé lui-même Ibrahim (Abraham) Al-Muminim (« commandeur des croyants », titre de l’époque abbasside) Abou Bakr (nom du premier calife) Al-Baghdadi Al-Husseini Al-Qurashi (nom de la tribu du Prophète). Une véritable compétition est engagée avec l’autre puissance qui prétend prendre la tête de l’oumma et représenter l’islam : l’Arabie saoudite est dorénavant contestée sur le terrain. Pour l’emporter, M. Al-Baghdadi doit défier le « défenseur des lieux saints ». On peut donc penser qu’à terme, une fois réduites les zones chiites, le « calife » visera l’Arabie saoudite.

Quelles conséquences probables pour l’Europe ? Après les réfugiés afghans, irakiens et syriens, elle devrait rapidement voir arriver les réfugiés yéménites. Pays plus peuplé que la Syrie, le Yémen ne peut évacuer ses ressortissants vers les pays frontaliers, tous membres de la coalition qui le bombarde. Depuis 2004, la guerre a fait plus de 340 000 déplacés, dont 15 % vivaient dans des camps, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies. En outre, le Yémen accueillait 246 000 réfugiés, somaliens à 95 %. Les pays du Conseil de coopération du Golfe montreront le même égoïsme que lors de l’exode syrien, c’est-à-dire : aucune place offerte aux réfugiés. Reste donc l’Europe.

On comprend mieux pourquoi l’alliance mène une guerre pour laquelle elle ne peut fixer un objectif stratégique clair : chacun de ses alliés est en conflit avec un autre. Les interventions en Irak, en Syrie, au Mali ou en Afghanistan s’apparentent au traitement de métastases ; le cancer salafiste a son foyer dans les pays du Golfe, protégés par les forces occidentales. Peut-on détruire l’OEI sans renforcer d’autres mouvements djihadistes, le régime de M. Al-Assad ou Téhéran ?

La guerre sera longue et impossible à gagner, car aucun des alliés régionaux n’enverra de troupes au sol, ce qui risquerait de menacer ses propres intérêts.

La stratégie occidentale fondée sur les bombardements et la formation de combattants locaux a échoué en Syrie et en Irak comme en Afghanistan. Européens et Américains poursuivent des objectifs qui ignorent les mécanismes des crises internes au monde arabo-musulman. Plus l’engagement militaire s’accentuera, plus le risque terroriste augmentera, avant l’affrontement prévisible et ravageur qui devrait finir par opposer l’OEI à l’Arabie saoudite. Est-ce « notre » guerre ?

Pierre Conesa

Maître de conférences à Sciences Po Paris, ancien haut fonctionnaire au ministère de la défense. Auteur du rapport « Quelle politique de contre-radicalisation en France ? », décembre 2014, et du Guide du petit djihadiste, à paraître en janvier 2016 aux éditions Fayard.

Pierre Conesa

Pierre Conesa

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5 décembre 2015 6 05 /12 /décembre /2015 08:03

Revendiquées par l’Organisation de l’Etat islamique (OEI), les tueries du 13 novembre dernier à Paris ont entraîné l’intensification de l’engagement occidental au Proche-Orient. Cette région du monde paraît ainsi condamnée aux interventions armées. Pourtant, si la destruction militaire de l’OEI en Syrie et en Irak constitue un objectif sur lequel semblent s’accorder des dizaines de pays étrangers, des Etats-Unis à la Russie, de l’Iran à la Turquie, tout le reste les sépare…

«Je ne suis pas contre toutes les guerres. Ce à quoi je m’oppose, c’est à une guerre imbécile, une guerre irréfléchie, une guerre fondée non pas sur la raison mais sur la colère. » Ainsi parlait, le 2 octobre 2002, un élu de l’Illinois nommé Barack Obama. La « colère » consécutive aux attentats du 11 septembre 2001 n’était pas retombée aux Etats-Unis, et le président George W. Bush avait choisi de la rediriger non pas vers l’Arabie saoudite, d’où provenaient la plupart des membres des commandos d’Al-Qaida, mais vers l’Irak, qu’il attaquerait six mois plus tard. Les médias voulaient la guerre ; la plupart des sénateurs démocrates, dont Mme Hillary Clinton, s’y rallièrent. Et l’invasion de l’Irak créa le chaos qui servirait d’incubateur à l’Organisation de l’Etat islamique (OEI).

Les tueries du 13 novembre à Paris sont en passe de favoriser les deux principaux objectifs de cette organisation. Le premier est la création d’une coalition d’« apostats », d’« infidèles », de « renégats chiites » qui viendra la combattre, en Irak et en Syrie pour commencer, en Libye ensuite. Son second projet est d’inciter la majorité des Occidentaux à croire que leurs compatriotes musulmans pourraient constituer une « cinquième colonne » tapie dans l’ombre, un « ennemi intérieur » au service des tueurs.

La guerre et la peur : même un objectif apocalyptique de ce type comporte une part de rationalité. Les djihadistes ont calculé que les « croisés » et les « idolâtres »pouvaient bien bombarder (« frapper ») des villes syriennes, quadriller des provinces irakiennes, mais qu’ils ne parviendraient jamais à occuper durablement une terre arabe. L’OEI escompte par ailleurs que ses attentats européens attiseront la méfiance envers les musulmans d’Occident et généraliseront les mesures policières à leur encontre. Ce qui décuplera leur ressentiment au point de pousser quelques-uns d’entre eux à rejoindre les rangs du califat. Extrêmement minoritaires, assurément, mais les janissaires du djihadisme salafiste n’ont pas pour objectif de gagner des élections. A vrai dire, si un parti antimusulman les remporte, la réalisation de leur projet avancera d’autant plus vite.

« La France est en guerre », a annoncé d’emblée le président François Hollande aux parlementaires réunis en Congrès le 16 novembre. L’Elysée cherche depuis longtemps à s’engager sur le front syrien et s’acharne à y impliquer davantage les Etats-Unis. Mais l’une des bizarreries de cette affaire tient au fait que M. Hollande veut livrer aujourd’hui la guerre à l’OEI en Syrie alors qu’il y a deux ans, en proie au même entêtement guerrier, il s’employait à convaincre Washington de « punir » le régime de M. Bachar Al-Assad.

M. Obama s’opposera-t-il très longtemps à la « guerre imbécile » que réclame l’Elysée ? La pression qu’il subit est d’autant plus forte que l’OEI poursuit le même dessein que Paris… Comme l’expliquait le chercheur Pierre-Jean Luizard il y a quelques mois, tout s’est passé dans une première étape « comme si l’Etat islamique avait consciencieusement listé tout ce qui peut révulser les opinions publiques occidentales : atteintes aux droits des minorités, aux droits des femmes, avec notamment le mariage forcé, exécutions d’homosexuels, rétablissement de l’esclavage, sans parler des scènes de décapitation et d’exécution de masse (1) ».

Lorsque l’exhibition de ce catalogue macabre n’a plus suffi, ou plus tout à fait, l’OEI a décidé d’égorger un otage américain, en veillant à diffuser les images de la scène ; puis elle a organisé plusieurs fusillades meurtrières à Paris. La riposte des « croisés » ne pouvait plus tarder.

De fait, un chef d’Etat est presque contraint de réagir à des actions spectaculaires de ce genre. La pression politique l’invite à annoncer aussitôt quelque chose, y compris parfois n’importe quoi. Ordonner la destruction d’un hangar, d’un dépôt de munitions, le bombardement d’une ville. Afficher sa détermination. Promettre de nouvelles lois encore plus sévères, fustiger les « munichois ». Entrelarder ses phrases de termes martiaux, parler de « sang », et assurer qu’on sera « impitoyable ». Récolter des ovations debout, puis dix points dans les sondages. Au final, tout cela se révèle souvent déraisonnable, « imbécile » ; mais seulement quelques mois plus tard. Et ce piège de la surenchère semble de plus en plus irrésistible, en particulier en régime d’information continue, haletante, frénétique, quand aucun acte, aucune déclaration ne doit demeurer sans réplique immédiate.

En 1991, au moment de la guerre du Golfe, les faucons américains reprochèrent au président George H. Bush de ne pas avoir ordonné aux troupes qui venaient de libérer le Koweït de poursuivre jusqu’à Bagdad. Quatre ans plus tard, le chef d’état-major américain de l’époque, le général Colin Powell, justifia leur retenue, toute relative : « Au plan géopolitique, la coalition, en particulier les Etats arabes, ne voulait pas que l’Irak soit envahi et démembré. (…) Un Irak fragmenté en entités politiques sunnites, chiites et kurdes n’aurait pas contribué à la stabilité que nous recherchions au Proche-Orient. Le seul moyen d’éviter une telle issue aurait été la conquête et l’occupation par les Etats-Unis d’un pays de 20 millions d’habitants. (…)Au demeurant, il aurait été naïf d’espérer que, si Saddam était tombé, un Thomas Jefferson irakien l’eût remplacé. Nous aurions vraisemblablement hérité d’un Saddam avec un autre nom (2). » En 2003, on le sait, M. George W. Bush « acheva le travail » militaire de son père. Les néoconservateurs saluèrent alors un nouveau Churchill, la démocratie, le courage. Et le général Powell oublia sans doute de se relire, puisqu’il vit toutes ses craintes réalisées par un président qu’il servait cette fois comme secrétaire d’Etat…

On a souvent reproché à M. George W. Bush son simplisme enfantin et criminel, sa« guerre à la terreur ». Il paraît avoir trouvé des héritiers à Paris. « Revenons à des choses simples, vient ainsi d’expliquer M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, avec son ton de maître d’école spécialisé dans l’instruction des enfants en bas âge que nous sommes. Daech, ce sont des monstres, mais ils sont 30 000. Si l’ensemble des pays du monde n’est pas capable d’éradiquer 30 000 personnes qui sont des monstres, alors à ce moment-là c’est à ne plus rien comprendre (3). »Essayons donc de le lui expliquer.

En recourant d’abord à la métaphore des poissons dans l’eau : les « 30 000 monstres » disposent de nombreux appuis dans les zones sunnites d’Irak et de Syrie ; les armées qu’ils affrontent y sont en effet souvent perçues comme les instruments de dictatures chiites, responsables de nombreux massacres elles aussi. C’est pour cette raison que l’OEI s’est emparée de plusieurs villes, parfois sans combattre, lorsque les soldats qui les défendaient abandonnèrent leurs uniformes et leurs armes avant de détaler. Les Etats-Unis ont cherché à financer la formation et l’équipement de plus de 4 000 combattants syriens « modérés » ; or, d’après les Américains eux-mêmes, seuls « quatre ou cinq » seraient opérationnels. Coût unitaire : plusieurs millions de dollars… A Mossoul, 30 000 soldats irakiens ont été défaits par 1 000 combattants de l’OEI, qui se sont emparés de plus de 2 000 véhicules blindés et des centaines de millions de dollars qui les attendaient dans les coffres des banques. A Ramadi, les djihadistes ont également défait des forces irakiennes vingt-cinq fois plus nombreuses. Les soldats syriens sont épuisés par quatre années de guerre. Et les Kurdes, souvent victorieux contre l’OEI, n’ont pas vocation à mourir pour des territoires qu’ils ne revendiquent pas. « En réalité,observe Luizard, l’Etat islamique n’est fort que de la faiblesse de ses adversaires et il prospère sur les ruines d’institutions en cours d’effondrement (4). »

Même situation en Libye. Sous le coup d’une émotion légitime, et sous l’égide d’un tandem de choc composé de M. Nicolas Sarkozy et de Bernard-Henri Lévy, la France a puissamment œuvré à la chute de Mouammar Kadhafi. Elle imaginait que, là aussi, il suffirait de laisser lyncher un dictateur pour que son trépas enfante une démocratie libérale à l’occidentale. Résultat : l’Etat est en morceaux et l’OEI contrôle plusieurs villes du pays, d’où elle organise des attentats contre la Tunisie voisine. Au point que le ministre français de la défense admet aujourd’hui : « La Libye me préoccupe beaucoup. Daech s’y est installé en profitant des affrontements internes entre Libyens. » Toutefois, calcule-t-il, « si on réunit les forces de Tobrouk et de Tripoli, Daech n’existe plus » (5)… Le problème était pourtant déjà résolu il y a trois ans, quand Bernard-Henri Lévy expliquait : « La Libye, contrairement à ce qu’annonçaient les Cassandres, n’a pas éclaté en trois entités confédérées. (…) La loi des tribus n’a pas prévalu sur le sentiment d’unité nationale. (…) Pour l’heure, le fait est là : la Libye, comparée à la Tunisie et l’Egypte, fait figure de printemps réussi — et ceux qui l’ont aidée peuvent être fiers de ce qu’ils ont fait (6). » Une fierté tout à fait légitime : en dehors de Bernard Guetta, qui relaie chaque matin sur France Inter le point de vue du Quai d’Orsay (7), nul n’affabule avec autant d’aisance que lui.

Dorénavant, le président français appelle de ses vœux « une grande et unique coalition » contre l’OEI. Elle inclurait nécessairement le président syrien. Or celui-ci répond déjà : « Vous ne pourrez pas combattre Daech en restant alliés au Qatar et à l’Arabie saoudite qui arment les terroristes (8). » De son côté, le président russe juge que la Turquie, autre membre présumé de l’alliance antidjihadiste, a donné un« coup de poignard dans le dos » à son pays en abattant, le 24 novembre, un de ses avions militaires. En somme, sitôt la guerre remportée par la coalition hétéroclite que Paris cherche à bricoler, la question du « jour d’après » se poserait dans des conditions encore plus périlleuses qu’en Afghanistan, en Irak et en Libye. Mais, aux Etats-Unis, les néoconservateurs ont déjà oublié (comme l’Elysée ?) tous ces échecs. Au point de réclamer l’envoi dans les zones occupées par l’OEI de 50 000 soldats américains (9). Et puis sans doute davantage.

Dans la dernière livraison de la revue Foreign Affairs, deux universitaires spécialistes du Proche-Orient, Steven Simon et Jonathan Stevenson, dressent l’inventaire des conditions qui rendraient durable un succès militaire occidental sur le terrain contrôlé en ce moment par l’OEI : appui de l’opinion publique américaine, envoi d’un nombre important de spécialistes de la reconstruction, connaissance des sociétés locales, présence sur les terrains irakien et syrien de clients ou d’alliés. Puis ils concluent : « Si tout cela semble familier, c’est qu’il s’agit précisément de la liste des choses que Washington a été incapable de réaliser lors de ses deux dernières interventions d’envergure au Moyen-Orient : l’invasion de l’Irak en 2003 et la campagne aérienne contre la Libye en 2011. Pour le dire simplement, les Etats-Unis perdraient vraisemblablement une autre guerre au Moyen-Orient pour les mêmes raisons que lors des deux précédentes (10). »

Déjà lourdement engagée en Afrique, la France n’a pas vocation à gagner cette « guerre »-là. Le fait que l’OEI souhaite l’attirer dans un tel piège n’oblige pas M. Hollande à s’y précipiter et à y entraîner une coalition de pays souvent beaucoup plus circonspects. Le terrorisme tue des civils ; la guerre aussi. L’intensification des bombardements occidentaux en Irak et en Syrie, qui crée autant de combattants djihadistes qu’elle en détruit, ne rétablira ni l’intégrité de ces Etats ni la légitimité de leurs gouvernements aux yeux de leurs populations. Une solution durable dépendra des peuples de la région, d’un accord politique, pas des anciennes puissances coloniales, ni des Etats-Unis, que disqualifient à la fois leur soutien aux pires politiques israéliennes et le bilan effroyable de leur aventurisme militaire — effroyable y compris de leur propre point de vue : en envahissant l’Irak en 2003, après avoir soutenu pendant huit ans Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran (plus d’un million de morts), ils ont transformé ce pays en allié de Téhéran… Enfin, des Etats vendant des armes aux pétrodictatures du Golfe qui ont propagé le salafisme djihadiste (lire Genèse du djihadisme) ne sont qualifiés ni pour parler de paix, ni pour enseigner aux Arabes les vertus de la démocratie pluraliste.

« Quand ils opèrent dans des Etats stables, avec des régimes stables et sans le soutien matériel d’une partie de la population, observait l’historien Eric Hobsbawm en 2007, les groupuscules terroristes représentent un problème de police et non un problème militaire. (…) Il est compréhensible que de tels mouvements suscitent une grande nervosité dans la population, surtout dans les grandes villes occidentales, surtout quand le gouvernement et les médias s’unissent pour créer un climat de peur (11). »

Ce climat anxiogène et la dénonciation répétée de l’« angélisme » permettent de couvrir la voix de ceux qui, sans contester l’impératif absolu de protection des populations, refusent l’empilement sans fin de dispositifs répressifs inutiles et dangereux pour les libertés publiques (lire l’article de Patrick Baudoin page 16). Des mesures aux relents xénophobes, comme la possibilité de déchoir de leur nationalité certains binationaux, viennent de s’y ajouter, conformément à la demande du Front national. Et non seulement l’état d’urgence a été voté par la quasi-unanimité des parlementaires apeurés, mais le premier ministre leur a demandé de ne pas déférer au Conseil constitutionnel les mesures juridiquement bancales qu’il leur soumettait.

En 2002, M. Obama s’adressait en ces termes à celui auquel il allait succéder :« Vous voulez vous battre, président Bush ? Battons-nous pour que les marchands d’armes dans notre propre pays cessent d’alimenter les innombrables guerres qui font rage dans le monde. Battons-nous pour que nos soi-disant alliés au Moyen-Orient cessent d’opprimer leur peuple, et de réprimer l’opposition, et de tolérer la corruption et l’inégalité, au point que leurs jeunes grandissent sans éducation, sans perspectives d’avenir, sans espoir, devenant des recrues faciles pour les cellules terroristes. » M. Obama n’a pas suivi les conseils qu’il donnait. Les autres chefs d’Etat non plus. C’est dommage. Les attentats de l’OEI et la désastreuse politique étrangère de la France débouchent à présent sur une nouvelle « guerre ». Uniquement militaire, et donc perdue d’avance.

Serge Halimi

"L'art de la guerre imbécile" - Serge Halimi (Le Monde Diplomatique, décembre 2015)
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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 08:15
Genèse du djihadisme, par Nabil Mouline (Le Monde Diplomatique, décembre 2015)

Genèse du djihadisme, par Nabil Mouline (Le Monde Diplomatique, décembre 2015)

Effort d'élévation spirituelle, le djihad peut aussi signifier le combat contre les infidèles et les hypocrites. Ceux qui s'en réclament aujourd'hui pour justifier une conduite ultraviolente s'inspirent d'une idéologie rigoriste issue d'une double filiation: les Frères musulmans et le salafisme wahhabite, diffusé d'après l'Arabie saoudite.

Phénomène multidimensionnel, le djihadisme est avant tout une idéologie globale. A la faveur d’un bricolage intellectuel qui résulte du détournement de concepts, de symboles et d’images d’origine musulmane ou européenne, ses dépositaires prétendent offrir aux « croyants » un nouveau départ, une nouvelle identité et un nouveau mode de vie pour réussir ici-bas et dans l’au-delà.

En somme, une représentation du monde qui donne la certitude d’appartenir à quelque chose de plus grand que soi : le groupe d’élus chargé par Dieu de rétablir la vraie religion et de réunifier l’oumma(la communauté des croyants) sous l’égide du califat — la monarchie universelle islamique —, avant de se lancer à la conquête du monde et d’obtenir le salut. Retracer la genèse et le développement des principaux affluents de l’idéologie djihadiste permet de mieux comprendre son attractivité et son efficacité, de Saint-Denis à Karachi.

A l’instar d’autres idéologies extrémistes, le djihadisme puise ses racines dans le désenchantement provoqué par la première guerre mondiale. Le démantèlement de l’Empire ottoman, l’abolition du califat par Mustafa Kemal Atatürk, la domination occidentale et la montée en puissance de nouvelles formes de socialisation ont engendré un véritable désarroi dans certains milieux musulmans.

Pour sortir de cette crise existentielle, certains militants, lettrés et oulémas (juristes et théologiens) voient dans l’islam l’unique remède. Plusieurs projets plus ou moins aboutis apparaissent ainsi entre les deux guerres. Le plus important d’entre eux est sans doute celui des Frères musulmans.

Inspirée de la Young Men’s Christian Association, la confrérie des Frères musulmans voit le jour en Egypte en 1928. Pour son fondateur, Hassan Al-Banna, l’islam est un ordre supérieur et total qui doit régner sans partage sur l’espace social musulman, car il est à la fois « dogme et culte, patrie et nationalité, religion et Etat, spiritualité et action, Coran et sabre ». Dans cet objectif, il envisage une stratégie téléologique: il faut d'abord islamiser la société par le bas, en dépassant toutes les écoles juridiques et théologiques, avant de s'emparer du pouvoir et de créer des Etats islamiques. Ces Etats, qui assurent la suprématie de la charia (loi islamique), s'engagent petit à petit dans un processus d'intégration à travers des programmes de coopération. Ce processus doit aboutir à l'abolition des frontières et à la proclamation du califat.

Le fondateur des Frères musulmans n'a jamais précisé les principes et les structures de l'Etat islamique qu'il souhaitait instaurer. Il s'est toujours contenté de slogans et de formules creuses, parfois même contradictoires. Mais les traces retrouvées ça et là dans ses écrits ainsi que dans son action à la tête de l'association-confrérie montrent bien qu'il avait un penchant pour l'élitisme, le dirigisme et l'autoritarisme. Al-Banna se déclare de manière assez claire contre un certain nombre de principes démocratiques, notamment la liberté, la séparation du politique et du religieux, le multipartisme et la séparation des pouvoirs. Pour faire face aux défis internes et externes, l'oumma doit être selon lui dirigée par une seule loi, la charia, par un seul parti, les Frères musulmans, et par un seul chef, le calife.

Grâce à la simplicité relative de son discours et au zèle de ses membres, la confrérie élargit considérablement sa base de soutien en Egypte et ailleurs dans le monde arabe. Elle ne parvient toutefois pas à réaliser son principal objectif: s'emparer du pouvoir, condition indispensable pour rétablir la cité de Dieu et obtenir le salut. Dès la fin des années 1940, cet échec pousse une minorité résolue à adopter des positions de plus en plus radicales, notamment en ce qui concerne l'usage de la violence. Les choses s'accélèrent de manière dramatique durant la décennie suivante en raison de la répression sans précédent menée par la junte militaire fraîchement installée au pouvoir au Caire.

Intellectuel tourmenté, Sayyed Qotb rejoint la confrérie durant cette période de crise. Dans les geôles du président Gamal Abdel Nasser, il opère un revirement idéologique qui aura des conséquences énormes sur le champ politico-religieux arabo-musulman. Il considère en effet que le monde dans lequel il vit est tombé dans l'ignorance et la mécréance (aljahiliyya). Les vrais croyants, désormais ultraminoritaires, doivent accomplir un exode (al-hijra) en se séparant spirituellement et physiquement des sociétés impies. Après avoir créé une plate-forme spirituelle et temporelle solide, ces élus doivent se lancer à la conquête du monde impie dans le cadre d'un djihad intégral. S'inspirant de l'Indo-Pakistanais Abul Ala Mawdudi, un partisan acharné de l'idée de califat, Qotb incite les élus à rétablir la souveraineté absolue de Dieu (al-hakimiyya) à travers l'instauration de l'Etat et de la loi islamiques pour libérer les croyants du matérialisme occidental. Cette culture d'enclave, qui n'est pas nouvelle dans l'histoire musulmane, devient très rapidement le socle politique du djihadisme contemporain.

L'invasion soviétique de l'Afghanistan permet l'essor du wahhabisme

En dépit de leur popularité et de leur adoption par un certain nombre de groupes radicaux à partir des années 1960, les idées d'Al-Banna et de Qotb sont freinées dans leur diffusion par un obstacle structurel: leurs auteurs ne sont pas des oulémas dépositaires d'une tradition séculaire, mais de simples intellectuels et militants islamistes, une catégorie qui n'a pas encore trouvé sa place dans le champ politico-religieux...

En 1979, l'invasion soviétique de l'Afghanistan permet au djihadisme de se doter d'une doctrine théologique et juridique bien établie: le wahhabisme. Grâce aux pétrodollars de l'Arabie saoudite, cette tradition a pu s'imposer comme une nouvelle orthodoxie. Né durant la seconde moitié du XVIIIe siècle en Arabie centrale, le wahhabisme est un avatar du hanbalisme, l'une des quatre écoles juridiques du sunnisme. Prédicateur intransigeant, son fondateur, Mohammed Ibn Abd Al-Wahhab (1703-1792) ne recule devant rien pour imposer ce qu'il considère comme la seule vraie religion, celle du Prophète et des pieux ancêtres, "al-salaf al-salih" d'où le terme "salafisme", autre dénomination de cette tradition. En 1744, il s'allie aux Saoud pour bâtir sur la base de sa doctrine une entité politique: le premier Etat saoudien, en place jusqu'en 1818.

Suivi aveuglement par ses disciples, Ibn Al-Wahhab assure que la seule voie possible vers le salut est la restauration de la religion "pure". Pour ce faire, il faut (re)découvrir le concept fondamental de l'Islam: l'unicité divine - al-tawhib. Cette unicité ne peut se réaliser qu'à une condition: l'observance stricte de l'orthodoxie et de l'orthopraxie, conformément à la doctrine hanbalite. Tous ceux qui n'adhèrent pas à ce dogme sont qualifiés d'hypocrites, d'égarés, d'hérétiques, voire de mécréants. Beaucoup de doctrines et de pratiques du soufisme telles que le culte des saints, les pèlerinages extracanoniques ou les pratiques divinatoires sont assimilées à des formes d'idolâtrie qu'il faut combattre par tous les moyens. De même, les individus et les gouvernements qui recourent à des lois considérées comme non ismamiques sont déclarés apostats.

Devenir et rester un véritable monothéiste suppose d'appliquer strictement les prescriptions divines dans tous les domaines de la vie. Pour atteindre cet objectif, les wahhabites préconisent une interprétation rigoriste des textes sacrés. La charia - notamment les châtiments corporels- doit selon eux être appliquée à la lettre.

Pour tracer les frontières, symboliques et réelles, entre la religion authentique et les fausses, les tenants du wahhabisme ont développé le principe "al-wala wa'al-bara" ("l'allégeance et la rupture"). Le croyant doit une fidélité et une loyauté absolues à tous les autres membres de la communauté. En revanche, les relations avec les mécréants se limitent théoriquement à la conversion, la soumission ou la guerre. Dans cette logique, les musulmans qui habitent des territoires impies doivent tôt ou tard accomplir une hijra (exode) vers la demeure de l'islam, pour faire le plein de forces sacrées avant de repartir au djihad...."

Nabil Mouline

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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 17:08

A l'époque, l'Humanité avait été un des rares quotidiens français à ne pas désinformer sur le génocide des tutsis par le pouvoir extrémiste hutu et la responsabilité de la France de Mitterrand, Balladur, Léotard et Juppé:

Rwanda: les preuves d'un mensonge français


"Un guide rwandais montrant une photo de l'armée française à Bisesero durant le génocide. © Thomas Cantaloube/Mediapart Des documents militaires inédits, dont Mediapart et France Inter ont pris connaissance, montrent que l’armée française a laissé se perpétrer en connaissance de cause des massacres contre la minorité tutsie pendant le génocide au Rwanda en 1994, alors même que sa mission confiée par les Nations unies était de les empêcher. Ces documents sont aujourd'hui entre les mains de la justice."

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29 novembre 2015 7 29 /11 /novembre /2015 21:01

La paix selon Netanyahou ou le viol du droit international comme préalable

http://www.france-palestine.org/La-paix-selon-Netanyahou-ou-le-viol-du-droit-international-comme-prealable

A la faveur de l’onde de choc provoquée par les attentats de Paris et du chaos syrien, B. Netanyahou, qui ne recule devant aucune énormité, a évoqué devant B. Obama la nécessité pour les États-Unis de reconnaître la « souveraineté israélienne » sur le plateau du Golan.

Ressentie pour ce qu’elle est, à savoir une provocation à l’égard de tous les pays de la région, elle s’est accompagnée, dans la presse israélienne, de plusieurs prises de position dans le même sens. La plus remarquable en matière de filouterie ou de gangstérisme sémantique est sans doute celle de Zvi Hauser, ancien secrétaire du cabinet du Premier ministre, appelant à « mener un dialogue constructif avec la communauté internationale quant à la modification des frontières au Moyen-Orient » depuis 1967, la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le Golan devant servir « l’intérêt général en stabilisant la région ».

On croit rêver. Mais oui, on est bien en effet au cœur du cauchemar proche-oriental et on peut compter sur l’inventivité des dirigeants israéliens pour tenter d’y imposer leur novlangue et occulter les destructions de villages et l’expulsion de la majorité de la population syrienne après 1967.

Ils demandent tout simplement qu’on leur reconnaisse le doit de violer la Charte des Nations Unies qui postule l’inadmissibilité des conquêtes par la force.

Même attitude, avec d’autres mots mais avec la même arrogance, quand B. Netanyahou propose à John Kerry d’assouplir les mesures entravant la vie des Palestiniens de Cisjordanie… en échange de la reconnaissance du droit d’Israël à étendre les « blocs de colonies » !

L’occupation et la colonisation étant ce qu’elles sont, la situation en Palestine occupée et en Israël reste dramatiquement tendue : depuis début octobrequelque 120 morts, victimes pour plus des 5/6 d’entre eux des tirs israéliens, 12000 Palestiniens blessés dont 3000 par balles (balles « réelles » dans un grand nombre de cas). Les manifestations se poursuivent en étant réprimées avec la même violence, quant aux attaques au couteau, réelles ou imaginaires, elles se soldent toujours par de pures et simples exécutions extra judiciaires.

On est installé là dans une logique de domination et d’écrasement de l’autre qui ne peut mener qu’au chaos.

La France va-t-elle continuer longtemps à détourner les regards, à laisser sans réagir proférer de telles énormités et à s’exonérer de toute intervention politique sur la Palestine aux Nations Unies ?


--
Association France Palestine Solidarité (AFPS)

La paix selon Netanyahou ou le viol du droit international comme préalable
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21 novembre 2015 6 21 /11 /novembre /2015 11:15
Arabie Saoudite: un poète condamné à mort

C'est le principal allié de l'Etat Français version Hollande et diplomatie des pétro-dollars au Moyen-Orient...

Ouest France: Ses poèmes ne sont pas du goût des juges saoudiens et un témoin affirme l'avoir entendu maudire Allah, le prophète Mahomed et l'Arabie Saoudite... Assez pour que le poète palestinien Ashraf Fadyah, interpellé début 2014, soit condamné en appel pour apostasie. En première instance, il avait été condamné à quatre ans de prison et 800 coups de fouet.

Huffington Post Algérie:

Un tribunal saoudien a condamné à mort un poète et artiste plasticien palestinien mardi 17 novembre 2015 pour "blasphème", dans un de ses recueils de poèmes édité en 2008, a annoncé le Réseau arabe d'information sur les droits de l'homme, qui a condamné ce jugement sur son site Internet.

Ashraf Fayadh est accusé de "blasphème" dans son recueil de poème "التعليمات بالداخل" (Alta'limat Bildakhel), publié en 2008. Le tribunal l'avait d'abord condamné à quatre ans de prison et 800 coups de fouet , mais un autre juge à condamné à mort Fayadh, selon Reuters.

Le réseau arabe d'information sur les droits de l'homme a rappelé que le poète et artiste plasticien palestinien avait déjà été emprisonné par le Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice en janvier 2014 pour "promotion de l'athéisme dans ses vers et cheveux longs". Lors de sa détention, il avait été privé de recevoir des visites ou faire appel à un avocat.

Le poète, issu d'une famille palestinienne résidant depuis plus de 50 ans en Arabie saoudite, avait également fait l'objet une année auparavant d'une plainte pour "ses idées athéistes" auprès du même Comité, qui a émis l'ordre de l'arrêter avant de le libérer, faute de preuves, explique la même source.

Dans son communiqué, le réseau arabe d'informations sur les droits de l'Homme rappelle que Ashraf Fayadh a pourtant représenté l'Arabie saoudite à la Biennale de Venise comme adjoint du secrétaire du pavillon saoudien. Le poète organise également plusieurs activités artistiques, dont une exposition d'art plastique initiée à l'aide de personnalités officielles, note le réseau.

Une pétition a été lancée et signée par une centaine d'intellectuels et artistes exigeant la libération du palestinien. La même association a de son côté condamné ce jugement "inquisitoire", déplorant que "la vie humaine n'ait plus aucune valeur auprès des autorités du royaume et du Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice".

Le réseau, qui a dénoncé cette pratique, "destinée à dissuader les intellectuels de la réflexion et de l'innovation", a ordonné l'annulation de cette condamnation et la libération de Ashraf Fayadh.

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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 15:35

Appel au boycott des produits israéliens : une décision de la Cour de cassation inquiétante pour la liberté d’expression
http://www.france-palestine.org/Appel-au-boycott-des-produits-israeliens-une-decision-de-la-Cour-de-cassation


La Cour de cassation vient de rendre sa décision dans l’affaire d’appel au boycott par des militants de Mulhouse. Elle confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar de novembre 2013, qui condamnait les militants, après leur relaxe en 1ère instance par le tribunal correctionnel de Mulhouse en décembre 2011.


C’est une décision inquiétante pour la liberté d’expression et nous exprimons tout notre soutien et toute notre solidarité aux militants de Mulhouse visés par cette décision.
Le conseiller rapporteur désigné par la Cour de cassation avait pourtant laissé la porte ouverte à la cassation de la décision de la cour de Colmar, en préparant deux projets d’arrêts en novembre 2014, l’un pour l’autre contre, soumis à la décision de la Cour de cassation. Mais l’avocat général avait ensuite clairement pris parti et recommandé le rejet du pourvoi, en juin 2015. Ceci en contradiction avec nombre de tribunaux et cours d’appel qui ont jugé que :
« Cet appel au boycott est en réalité une critique passive de la politique d’un état, critique relevant du libre jeu du débat politique qui se trouve au cœur même de la notion de société démocratique. Ainsi dès lors que le droit de s’exprimer librement sur des sujets politiques est une liberté essentielle dans une société démocratique, cet appel au boycott entre dans le cadre normal de cette liberté » (Tribunal de Pontoise décembre 2013)

« Attendu qu’il résulte ensemble des articles 1382 du code civil et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que le principe de la liberté d’expression ne peut subir que les restrictions rendues nécessaires par la défense des droits d’autrui ; que relève de l’exercice de la liberté d’expression la provocation d’autrui à se détourner d’un produit ou « appel au boycott »(TGI de Paris janvier 2014)

C’est donc le représentant de l’Etat qui aura eu le dernier mot.
Ce même Etat, qui, malgré les déclarations multiples de Madame Taubira sur le caractère politique de l’appel au boycott, qui ressort donc de la liberté d’expression, n’a toujours pas abrogé la circulaire inique de Madame Alliot Marie, qui appelait les procureurs de France à poursuivre tous les militants qui appelaient au boycott des produits israéliens.
Il deviendrait donc impossible en France de mettre en cause la politique de l’Etat d’Israël ? La France, le pays des Droits de l’Homme, serait donc l’exception européenne, le seul pays où les militants du Droit international seraient poursuivis devant les tribunaux ?
Nous assistons actuellement à une offensive systématique de l’Etat d’Israël, de ses ambassades et de ses réseaux de soutien, qui veulent faire taire toute opposition à la politique criminelle de cet Etat. Même la timide tentative européenne de rappeler les règles du droit en matière de différenciation des produits des colonies, encouragée par 16 pays européens, engagée depuis des années et toujours retardée, fait l’objet d’une campagne hystérique d’intimidation par le gouvernement israélien, qui déclare que toute mesure dans ce sens serait de l’antisémitisme !!!
La contestation de la politique d’un Etat qui bafoue toutes les règles du droit international et qui opprime un autre peuple est un droit absolu, nous entendons bien nous battre pour le faire respecter et nous appelons tous les démocrates à se joindre à notre combat.
Avec nos amis de Mulhouse, nous nous réservons la possibilité d’utiliser toutes les voies de droit, nationales et européennes, pour que la liberté d’expression soit respectée. Et nous renouvelons solennellement notre appel au gouvernement français pour qu’il abolisse enfin et sans délai les circulaires Alliot-Marie / Mercier.

Nous continuerons bien sûr nos campagnes de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre la politique de colonisation, d’occupation et d’apartheid menée par l’Etat d’Israël, et pour faire respecter le droit international. Nous appelons nos concitoyens à nous rejoindre nombreux pour la journée d’action du 7 novembre, au cours de laquelle nous demanderons, devant les magasins Carrefour et plus généralement les chaînes de grande distribution, qu’ils cessent de vendre des produits provenant des colonies israéliennes en territoire palestinien occupé.

Le Bureau National de l’AFPS

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Association France Palestine Solidarité (AFPS)

Appel au boycott des produits israéliens: une décision de la Cour de cassation inquiétante pour la liberté d'expression (AFPS)
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