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23 juillet 2016 6 23 /07 /juillet /2016 06:40
Turquie. Erdogan instaure trois mois d'état d'urgence, licencie 60 000 fonctionnaires (Ouest-France)

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé mercredi soir l'instauration de l'Etat d'urgence pour trois mois en Turquie à la suite d'une tentative de coup d'Etat manquée la semaine dernière.

« Notre conseil des ministres a décidé de l'instauration de l'état d'urgence pour une durée de trois mois », a annoncé le chef de l'État lors d'une conférence de presse. Cela était« nécessaire pour éradiquer rapidement tous les éléments de l'organisation terroriste impliquée dans la tentative de coup d'État », a-t-il dit en référence aux réseaux du prédicateur Fethullah Gülen, sa bête noire, qu'il a accusé d'avoir été l'instigateur du putsch. Ce dernier, depuis son exil aux États-Unis, a formellement démenti toute implication.

Le président Erdogan s'est engagé à ne faire « aucun compromis » sur la démocratie, alors que son régime est sous le feu des critiques à l'étranger sur l'étendue des purges déclenchées après la tentative de putsch qui ont déjà touché 55 000 Turcs et préoccupent également la population.

Adopter des lois sans passer par le Parlement

« Nous n'avons jamais fait aucun compromis sur la démocratie, et nous n'en ferons jamais », a assuré M. Erdogan lors de son discours à Ankara. L'état d'urgence « n'est absolument pas contre la démocratie, la loi et les libertés » mais « c'est tout le contraire : (il) vise à protéger et renforcer ces valeurs », a-t-il ajouté.

Appliqué officiellement depuis 01h00 (22h00) GMT), l'état d'urgence permet au président et au gouvernement de faire adopter des lois sans passer par la voie parlementaire, ainsi que de limiter ou de suspendre certains droits et libertés.

Selon un dernier bilan officiel, la tentative de putsch dans la nuit de vendredi à samedi a fait 312 morts, dont 145 civils, 60 policiers et trois soldats. 104 rebelles ont été tués.

+++ LIRE AUSSI : Turquie. 60 000 personnes victimes de la purge après le putsch raté

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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 06:38
Béthléem

Béthléem

Un enfant palestinien tué par des tirs de soldats israéliens

RTBF avec AFP, mercredi 20 juillet 2016

Un enfant palestinien de 12 ans a été tué mardi par des tirs de soldats israéliens lors d’affrontements dans une localité de Cisjordanie occupée proche de Jérusalem, a indiqué le ministère palestinien de la Santé.

"Mohiyeh al-Tabakhi, 12 ans, a été tué par des tirs de soldats de l’occupation dans la localité d’al-Ram", proche banlieue palestinienne de Jérusalem, séparée de la Ville sainte par le Mur construit par Israël, a indiqué en soirée un communiqué de ce ministère.

L’enfant a été touché à la poitrine par une balle caoutchoutée, au corps métallique, qui a provoqué un arrêt cardiaque, ont indiqué des sources médicales citées par l’agence officielle palestinienne Wafa.

Contactée par l’AFP, la police israélienne a affirmé avoir tiré des grenades lacrymogènes et assourdissantes sur des manifestants dans le secteur.

"Après avoir essuyé des jets de cocktails Molotov, les policiers ont utilisé des grenades lacrymogènes et assourdissantes pour disperser les manifestants", a déclaré à l’AFP la porte-parole de la police israélienne Luba Samri. "Il n’y a pas eu de tirs".

Depuis octobre, les violences dans les Territoires palestiniens et en Israël ont coûté la vie à 217 Palestiniens, 34 Israéliens, deux Américains, un Érythréen et un Soudanais, selon un décompte de l’AFP.

La plupart des Palestiniens tués sont des auteurs ou auteurs présumés d’attaques, selon Israël. Les autres ont été abattus lors d’affrontements, de manifestations ou de bombardements israéliens sur la bande de Gaza.

***

Comment qualifier une oppression coloniale qui place un grand nombre d'enfants dans un désespoir tel qu'ils ne voient qu'une manière de défendre leur dignité ou d'assouvir leur rage quand le vase déborde: lancer une attaque au couteau alors qu'ils ont toute chance de ne pas en sortir vivants?

***

Lire aussi, consultée sur la lettre de diffusion de l'AFPS :

Un tribunal israélien condamne un enfant palestinien de 14 ans à 6 ans et demi de prison

Ma’an News, mardi 19 juillet 2016

Un tribunal militaire israélien a condamné dimanche Muawiya Alqa, âgé de 14 ans, à six ans et demi de prison, accusé d’une attaque au couteau à Jérusalem en novembre menée avec son cousin de 12 ans.

La sentence de Muawiya comprend également trois ans de probation avec une peine de prison automatique de dix mois en cas de violation de cette probation, et sa famille a été condamnée à payer une amende de 26 000 shekels (environ 6 100 €).

Cette sentence est conforme à l’accord de plaider-coupable atteint avec le procureur militaire israélien par l’avocat de Muawiya plus tôt ce mois-ci.

En novembre, Muawiya avait été inculpé de tentative de meurtre et de possession d’un couteau.

Les forces israéliennes avaient tiré sur le cousin de Muawiya, Ali Alqam âgé de 12 ans, et l’avaient blessé après qu’ils ont supposément poignardé et blessé un garde de sécurité israélien dans le tramway près de la colonie israélienne illégale de Pisgat Zeev au nord de Jérusalem.

Ali, qui a été touché au moins trois fois et a qui a dû subir une intervention chirurgicale pour retirer une balle de son ventre, est actuellement détenu dans un centre de rééducation pour mineurs puisque les autorités israéliennes ont décidé en avril de maintenir sa détention d’un an.

Pendant ce temps, Muawiya a été déplacé entre les prisons israéliennes du Russian Compound, de HaSharon, et de Megiddo.

Selon l’organisation Addameer pour les droits des prisonniers, 414 des 7 000 Palestiniens actuellement détenus dans les prisons israéliennes sont des mineurs. En mai, environ 104 de ces jeunes étaient âgés de moins de 16 ans.

La pratique israélienne généralisée de la détention d’enfants palestiniens, parfois dans les mêmes établissements pénitentiaires que les adultes, a été critiquée comme une violation de la Convention internationale sur les droits de l’enfant, ratifiée par Israël en 1991.

La convention stipule que « l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être conforme à la loi et qu’elle ne doit être utilisée que comme une mesure de dernier ressort et pour la plus courte période de temps nécessaire."

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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 06:11

Après la tuerie de Nice, il faut s’opposer à la récupération indécente par Israël et ses soutiens

Communiqué de l’AFPS, mardi 19 juillet 2016

Le choc de l’attentat de Nice suscite des réactions extrêmement inquiétantes parmi les responsables politiques et singulièrement chez certains élus des Alpes-Maritimes.

Venant d’habituels supporters inconditionnels de la politique israélienne, nous ne sommes pas surpris de les voir jour après jour montrer en modèle l’exemple israélien en matière de lutte contre le terrorisme, la France ayant comme le dit savamment l’un d’eux « les mêmes ennemis (sic) ». Ces propos sonnent comme une insulte aux victimes et à leurs familles qui méritent autre chose que ce genre de business sur leur dos.

Pour tel « penseur » de haut vol qui se lâche dans « Le Figaro », il faut « restreindre le spectre des libertés fondamentales », « passer au niveau supérieur dans la répression et s’inspirer de l’exemple d’Israël confronté à cette situation depuis 40 ans ».

Non, nous ne sommes pas confrontés à la même situation : ce n’est pas à l’organisation de l’"Etat Islamique" que l’Etat d’Israël est confronté, mais à un peuple, le peuple palestinien, dont il continue à confisquer la terre, qu’il occupe, colonise, assiège, et plonge dans la misère et la révolte.

Et non, nous ne voulons en aucun cas prendre modèle sur l’Etat d’Israël : jamais dans l’histoire le pouvoir israélien, dont toutes les références morales ont disparu au profit de l’occupation et de la colonisation de la Palestine, ne s’est autant attaqué aux libertés de ses propres citoyens, au point qu’un ancien Premier ministre déclare y déceler des "germes de fascisme".

Non, nous ne devons pas nous inspirer de l’"exemple israélien", mais au contraire cesser toute coopération militaire et sécuritaire avec l’Etat d’Israël tant que ce pays viole le droit international. Pour éviter de voir à nouveau les familles de Gaza massacrées par des missiles israéliens utilisant des composants français, comme vient de le mettre en évidence la plainte d’une famille de Gaza soutenue par l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture).

Et parce que le combat pour la sécurité ne peut pas être séparé du combat pour le droit.

Le Bureau national de l'AFPS

Après la tuerie de Nice, il faut s'opposer à la récupération indécente par Israël et ses soutiens (AFPS)
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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 06:05

Impossible paix israélo-palestinienne : deux siècles d’histoire vus par Henry Laurens

Le cinquième et dernier tome de La question de Palestine conclut sur une note pessimiste vingt ans de travail d’Henry Laurens sur deux cents ans d’histoire. Car après les échecs successifs d’Oslo et de Camp David et la persistance d’un jeu à somme nulle entre Israéliens et Palestiniens, force est de constater que la « réinvention » de la Terre sainte entreprise par l’Occident au début du XIXe siècle finit dans le sang, la spoliation et le malheur.

Pierre Prier, Orient XXI, lundi 18 juillet 2016

Henry Laurens a terminé son grand œuvre. Le tome V de La question de Palestine sera le dernier. Vingt ans de travail pour peindre minutieusement deux cents ans d’histoire, qui forment une boucle… Dans le tome I (couvrant la période de 1799 à 1922, de l’expédition d’Égypte au mandat britannique), on voit « la petite Palestine, pas plus grande qu’un ou deux départements français », prendre « une place qu’elle n’avait jamais occupée dans les imaginaires, sauf peut-être dans la période des croisades ». Au début du XIXe siècle, « après s’en être passé pendant cinq siècles, l’Occident réinvente la Terre sainte ».

Les ingérences étrangères sont multiformes : recherche des origines qui voit une France de plus en plus laïque défendre ses droits sur les lieux saints chrétiens, débarquement en masse des ordres enseignants catholiques et des missionnaires protestants, montée des nationalismes sioniste et arabe qui croisent les volontés impérialistes occidentales, tout cela se cristallise autour de Jérusalem. La question de Palestineest aussi une question d’Occident.

À l’horizon 1900, toutes les questions la définissant sont présentes : deux groupes humains se constituant en peuples revendiquant une même terre, avec un rôle permanent des acteurs impériaux extérieurs à la région et la double caractéristique d’un irrédentisme absolu et d’un jeu à somme nulle. Les uns et les autres se battront tout aussi bien pour avoir le droit à exister que pour conquérir ou défendre quelques mètres carrés.

Le dernier chapitre du premier tome s’intitule « L’impossible conciliation ». Il annonce le titre du tome V, dernier paru : La paix impossible (de 1982 à 2001). La boucle est bouclée. L’auteur se dit, dans une récente interview à L’Orient le jour, d’un « pessimisme total » pour l’avenir de la Palestine et même de la région. Le « jeu à somme nulle », où il doit y avoir un perdant et un gagnant, sans possibilité de compromis, est toujours à l’ordre du jour. Sauf qu’il s’agit d’un match inégal. La réserve propre à l’historien ne l’empêche pas de constater que l’un des joueurs ne respecte pas les règles de base. Sans que l’arbitre — les États-Unis — brandisse le carton rouge.

Oslo, un jeu à somme nulle

Le tome V commence avec la guerre du Liban, « première guerre israélo-palestinienne », à l’issue de laquelle l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) s’installe à Tunis et entame sa longue marche vers la reconnaissance d’Israël et les accords d’Oslo de 1993. Une grande partie de l’ouvrage est consacrée au lent processus d’étouffement de ces accords par le gouvernement de droite qui a succédé au signataire israélien des accords, le premier ministre Yitzhak Rabin, assassiné par un militant israélien juif d’extrême droite le 4 novembre 1995. Le vice est dans les détails de négociations d’une grande complexité, mais il est d’abord au cœur des accords d’Oslo eux-mêmes, écrit Henry Laurens, pour qui le climat de confiance nécessaire n’a jamais été installé. Les gouvernements israéliens de la période — tant de droite que de gauche — en sont pour lui les premiers responsables, en continuant de coloniser les terres d’un éventuel État palestinien.

Oslo aurait été jouable si l’on était entré dans un processus de décolonisation, mais on est allé au contraire dans le sens d’une colonisation et d’une cantonisation renforcées... La dépossession n’a jamais été aussi forte que durant l’application des accords.

Les Israéliens établissent des « faits sur le terrain » dans le but de les voir traduits en droit à la fin de la partie. Ils utilisent ainsi à leur avantage la faille principale des accords, « la contradiction essentielle du processus » : il ne précise pas où il va. Toutes les questions importantes, du statut de Jérusalem aux frontières et à la question des réfugiés, sont remises à plus tard. Oslo ne précisait pas la nature de la future entité palestinienne. État indépendant ou simple autonomie ? Yasser Arafat s’en tenait aux lignes du 4 juin 1967, avant la guerre, y compris Jérusalem-Est, annexée par Israël après la guerre — annexion jamais reconnue internationalement. Les Israéliens ne voulaient pas de cette référence, les États-Unis les ont soutenus. C’est le déséquilibre fondamental d’Oslo, et la cause de son échec. « Deux juridismes s’opposent », dit Laurens.

Aux yeux des Palestiniens, le droit est pour eux, puisque les résolutions des Nations unies, y compris celle du Conseil de sécurité ont fixé que toute la colonisation, y compris celle de Jérusalem, est illégale : ils ne font donc que négocier dans le cadre de l’application de ce droit, auquel s’ajoute le principe fondamental du droit à l’autodétermination. Or, les Américains ont suivi les Israéliens en mettant de côté ces droits au profit d’une négociation définie comme pragmatique… Américains et Israéliens entendent établir un nouveau droit fondé sur les accords qui mettraient fin au conflit.

Il n’est pas certain que Rabin, s’il était resté en vie, aurait changé la donne. Rien n’indique que le premier ministre assassiné, malgré la légende qui s’est répandue, aurait envisagé un autre schéma.

Les Palestiniens de leur côté ont-ils eux aussi voulu saper le processus d’Oslo ? Les Israéliens ont fréquemment dénoncé les divisions palestiniennes, principalement entre l’OLP, chargée des négociations, et les partis islamistes Hamas et Djihad islamique, opposés aux accords. L’auteur n’adhère pas à cette explication. « Les dernières années du processus ont été les moins violentes de la période. Arafat a réussi à neutraliser le Hamas ». Les militants islamistes n’ont pas oublié les rafles de la « sécurité préventive », la police politique palestinienne. La relative modération (il y eut tout de même des attentats sanglants) du Hamas devait toutefois autant à une réflexion très politique qu’à la répression : « le Hamas avait de toute façon fait le diagnostic sûr que la politique israélienne réussirait à faire échouer le processus ».

L’échec de Camp David

Le sommet de Camp David, en présence de Ehoud Barak et de Yasser Arafat, sous l’égide de Bill Clinton donnera raison au Hamas. Même s’il peut paraître facile de trancher quand on connaît la fin de l’histoire, on se demande encore comment le président des États-Unis a pu sérieusement croire à un règlement final du conflit ; ce n’est pas faute d’avoir été averti. À la veille de la rencontre encore, les négociateurs palestiniens « supplient les Américains de ne pas tout miser sur un sommet unique ; personne n’est prêt pour un accord qui serait à prendre ou à laisser. On ne veut pas les entendre ». Clinton cède au premier ministre Ehoud Barak, qui veut à tout prix une victoire diplomatique. Privé de majorité, Barak compte sur un succès pour reprendre la main. Pourtant il le rend lui-même impossible en publiant des « lignes rouges » inacceptables par Arafat : pas de retour aux lignes du 4 juin 1967, pas de retour des réfugiés palestiniens en Israël, pas de division de Jérusalem, pas d’armée étrangère à l’ouest du Jourdain, regroupement de 80 à 90 % des colons israéliens dans des blocs de colonies. Arafat devra non seulement accepter tout cela, mais en outre faire une déclaration mettant fin au conflit.

Dans la perspective israélienne, le sommet abolira toutes les négociations précédentes et tous les textes juridiques — y compris les résolutions de l’ONU. Clinton a traité cet enjeu colossal avec désinvolture. « Camp David a été l’une des négociations les moins bien préparées de l’histoire », écrit Henry Laurens. Les pays arabes n’ont pas été consultés, malgré l’importance pour eux de Jérusalem. On n’a même pas prévu de cartes ! Clinton se fait faute de mieux le porte-parole des Israéliens. Ehoud Barak refusant le contact direct avec Arafat, c’est le président des États-Unis qui présente les propositions israéliennes comme si elles étaient américaines, après en avoir discuté avec Barak qui ne lâche pas grand-chose. La véritable négociation se déroule entre Israéliens et Américains. Et si des versions différentes de ce fiasco peuvent encore circuler aujourd’hui, c’est parce que de nombreuses réunions n’ont pas fait l’objet de transcriptions écrites... Il n’existe pas non plus de procès-verbal unifié du sommet.

La négociation échoue. Sur Jérusalem et l’esplanade des Mosquées, mais aussi sur la question territoriale, les Israéliens proposant des territoires morcelés, plutôt « contigus » que « continus ». Pour couronner le tout, Clinton désignera publiquement Yasser Arafat comme le responsable de l’échec, en violation de la promesse qu’il lui avait faite de ne pas l’accuser en cas d’insuccès.

Un double mensonge, un simple procédé de « com’ » surtout destiné à sauver le soldat Barak vis-à-vis de l’opinion israélienne, relayé par nombre de journalistes occidentaux qui répètent jusqu’à plus soif le mot d’ordre israélo-américain : Arafat a « refusé les offres généreuses d’Ehoud Barak ». Alors que Camp David n’était finalement qu’une étape. Le communiqué final précise que « les deux parties s’engagent à poursuivre leurs efforts » sous l’égide des États-Unis. Ce qu’ils firent d’ailleurs.

L’esplanade des Mosquées, théâtre du malheur

En décembre 2000, Clinton publie des « paramètres » qui vont plus loin que les soi-disant « offres généreuses » de Barak. Les négociations continuent, jusqu’à la rencontre de la dernière chance dans la ville égyptienne de Taba, sur la mer Rouge, du 21 au 27 janvier 2001. Le représentant européen Miguel Angel Moratinos en rédigera un compte-rendu officieux ; est-on passé à côté de la paix, comme on l’entend dire parfois ? C’était en réalité trop tard, des élections étaient programmées en Israël et la défaite de Barak assurée. Et Taba n’a pas résolu les principaux problèmes. Certes, des cartes ont été présentées pour la première fois, les Palestiniens se sont montrés flexibles sur le droit au retour des réfugiés — et ont obtenu qu’Israël reconnaisse, pour la première fois, la nécessité de résoudre la question centrale des réfugiés et d’envisager la question de « l’application de la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies » [1], et on a avancé sur le partage de Jérusalem. Mais Moratinos ne peut que constater les désaccords qui subsistent. Sur les frontières et les colonies, et surtout sur le cœur du problème, l’esplanade des Mosquées (le Mont du temple pour les Israéliens). Aucun accord n’a été trouvé, et la solution a été renvoyée à plus tard.

Ce lieu saint est à la fois symbolique et essentiel, selon Henry Laurens, qui en tire l’argument principal de son pessimisme.

C’est là que réside l’irréductibilité du conflit… avec une confusion totale du national et du religieux chez les Israéliens comme chez les Palestiniens, et un biblisme américain incompréhensible pour les musulmans.

Le futur premier ministre Ariel Sharon, adversaire de toute négociation avec les Palestiniens, l’a bien compris. Le 28 septembre 2000, en effectuant une « visite » sur l’esplanade, escorté par une centaine de policiers, il déclenche la seconde intifada, qui permettra à Israël de réoccuper la plus grande partie des territoires palestiniens. La « réinvention de la Terre sainte » s’achève dans le sang et le malheur.

[1] Lire Alain Gresh, « Proche-Orient, la paix manquée », Le Monde diplomatique, septembre 2001.

Maison dite de Sharon à Jérusalem, symbole de la colonisation rampante des quartiers arabes musulmans et chrétiens de Jérusalem

Maison dite de Sharon à Jérusalem, symbole de la colonisation rampante des quartiers arabes musulmans et chrétiens de Jérusalem

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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 05:33
Turquie: Erdogan purge l'appareil d'Etat (Stéphanie Fontenoy, Médiapart: le 18 juillet 2016)

Turquie: Erdogan purge l’appareil d’Etat

18 JUILLET 2016 | PAR STÉPHANIE FONTENOY

Après le coup d’État militaire avorté, le président Erdogan veut mettre la société au pas. Une purge immédiate et radicale a commencé dans l’armée, la justice, la police et la bureaucratie.

Istanbul (Turquie), correspondance.- Les nuits d’Istanbul ont des airs de fête nationale depuis le coup d’État militaire avorté du 15 juillet, au cours duquel au moins 308 personnes ont été tuées, et 1 440 blessées. Des cortèges de voitures toutes vitres ouvertes, d’où dépassent de jeunes Turcs euphoriques brandissant le drapeau carmin frappé d’un croissant de lune et d’une étoile, circulent en boucle dans les rues, répandant dans leur sillage un concert de klaxons. De leurs stéréos émanent l’hymne républicain et des chants politiques à la gloire du président Recep Tayyip Erdogan et de son Parti de la justice et du développement (AKP). En plus des appels à la prière, les haut-parleurs des mosquées invitent les fidèles à descendre dans la rue « pour défendre le pays ». « Nous sommes très fiers de notre peuple, car nous nous sommes opposés aux comploteurs de l’armée. La Turquie sort grandie et plus forte de cette épreuve », explique un électeur de l’AKP qui a sorti son drapeau au lendemain du coup d’État manqué.

Usant comme d’habitude de fortes métaphores religieuses, le président islamo-conservateur joue sur la fierté nationale et la ferveur musulmane pour mobiliser ses partisans et les inviter à faire front, en particulier dans les grandes villes comme Ankara et Istanbul.

Les funérailles des antiputschistes lui ont servi dimanche de tribune pour galvaniser ses troupes. « La semaine à venir est très importante. Vous allez remplir les places, nous ne pouvons pas, pour le moment, être tranquilles. Il ne s'agit pas là d'une opération d'une douzaine d'heures. Nous allons poursuivre les opérations avec conviction », a exhorté le président turc devant une foule compacte.

Funérailles ou meeting politique ? Les notables de l’AKP étaient venus en nombre avec leurs grosses berlines noires, garées en double file dans les rues de Fatih, un quartier conservateur où avait lieu la cérémonie. Des participants levaient l’index et l’auriculaire, signe de rassemblement du mouvement nationaliste turc. Par moments sereine et familiale, l’atmosphère devenait plus partisane lors du passage des cercueils contenant les dépouilles, encadrées par des forces de l’ordre, ovationnées de puissants « Allahu akbar » (« Dieu est grand ») pour se donner du baume au cœur. Les corps des soldats putschistes, pour la plupart de jeunes appelés, ont été exclus des hommages nationaux, puisqu’ils sont considérés avant tout comme des traîtres.

Après le recueillement, place aux règlements de comptes. Une purge immédiate et radicale a commencé dans l’armée, la justice, la police et la bureaucratie. Le président Erdogan a fait arrêter son plus proche conseiller militaire, le colonel Ali Yazici, ainsi que le général Mehmet Disli et le commandant de la base aérienne d’Incirlik, le général Bekir Ercan Van. Au total, 36 généraux seraient détenus. Des milliers de militaires, un tiers des juges et des procureurs, 30 préfets, 46 sous-préfets, 8 000 agents de police ont été limogés, interrogés, placés en garde à vue. L'agence de presse progouvernementale turque Anadolu rapporte en outre ce lundi que des mandats d'arrêt ont été délivrés à l'encontre de 2 745 juges et procureurs dans toute la Turquie. Près de 9 000 fonctionnaires du ministère de l’intérieur ont également été limogés.

Et ce n’est qu’un début. Ce grand nettoyage vise surtout les milieux gülenistes, proches de l’iman Fethullah Gülen, un ancien allié devenu ennemi juré du président turc. Ce dernier accuse le prédicateur d’être l’instigateur du coup d’État, à travers son influente confrérie « Hizmet » dont les membres sont présents au sein de l’armée, de la magistrature et de l’administration. Bien qu’il soit exilé aux États-Unis depuis 1999, le prédicateur musulman est accusé par les autorités turques de diriger un État dans l’État. Sa plateforme, qui comprend notamment des médias, des écoles et un groupe financier, a d’ailleurs été récemment classée comme organisation terroriste en Turquie. « Erdogan va utiliser cette tentative de coup d’État pour purger tous les sympathisants de Gülen des services publics », affirme Aykan Erdermir, chercheur à la Foundation for Defense of Democracies basée à Washington aux États-Unis et ancien député turc du parti d’opposition CHP (républicain – laïc).

Ce coup d’État manqué constitue un prétexte en or pour l’homme fort de la Turquie, qui peut désormais imposer toutes ses volontés. Ce qui laisse planer de nombreux doutes sur l’origine et les motivations réelles de ce soulèvement. Fethullah Gülen a réfuté toute implication, suggérant qu’il pourrait s’agir d’un coup monté depuis le palais présidentiel. Certains, parmi l’opposition, dénoncent une « farce » et n’hésitent pas à comparer les événements du 15 juillet à l’incendie du Reichstag en 1933. Il se dit aussi que le président avait eu vent d’un complot, mais qu’il aurait fermé les yeux pour mieux mater la rébellion et sortir grandi de cet épisode. Pour Inar Izci, analyste politique turc, les racines du putsch proviennent des divisions internes au sein de l’appareil d’État. « C’est une lutte fratricide entre les responsables du pouvoir. Que les auteurs soient les gülenistes ou une fraction dissidente de l’armée, ils appartiennent tous à l’élite dirigeante », affirme-t-il.

« On a l’impression d’avoir eu affaire à des desperados »

Vrai ou faux, la rapidité avec laquelle s’est déroulée le putsch, la façon dont les militaires se sont rendus en opposant très peu de résistance, soulèvent de nombreuses questions.« Le mode opératoire avait l’air trop maladroit. On connaît la puissance de l’armée turque et sa puissance de feu. Quand elle veut obtenir quelque chose, elle va jusqu’au bout. Elle est allée jusqu’à pendre un premier ministre dans le cas d’Adnan Menderes en 1960 ou de nombreux militants d’extrême gauche et d’extrême droite à la suite du coup d’État de 1980. On constate qu’il y a un manque de volonté, comme si cette entreprise était perdue d’avance. On a l’impression d’avoir eu affaire à des desperados », souligne Bahar Kimyongür, journaliste d’opposition visé par la justice en Turquie.

Pour ce dernier, qui le tient de source militaire, les jeunes appelés ayant participé au coup d’État auraient pu être manipulés. « Certains soldats pourraient ne pas avoir été mis au courant de leur participation à un putsch, affirme-t-il. Ils auraient reçu la consigne de bloquer certains axes, ponts et édifices officiels, dans le cadre d’une opération antiterroriste. Il se peut que ces militaires aient été manipulés et n’aient pas forcément été au courant de cette opération et de ce qui se tramait. »

D’autres ont vu dans cette tentative de renversement une intervention totalement déconnectée de la société turque dans son ensemble. « Cette tentative de coup d’État dénotait une méconnaissance de ce qu’est devenue la Turquie. Elle a été menée avec l’état d’esprit de 1980. Le fait qu’on ait laissé les réseaux sociaux fonctionner, par exemple. Ce n’est plus en prenant la télévision publique qu’on contrôle l’opinion. La façon de faire était incroyablement archaïque », souligne Jean-François Pérouse, directeur de l’Institut français des études anatoliennes d’Istanbul et auteur, avec le journaliste Nicolas Cheviron, du récent ouvrage Erdogan, Nouveau Père de la Turquie ?(lire l'entretien réalisé par Pierre Puchot).

Une seule certitude : l’homme fort d’Ankara sort grandi de l’épreuve, ayant réussi sa démonstration de force en direct devant les caméras du monde entier, le « peuple » prétendument derrière lui. « Cela crée une nouvelle configuration pour les années à venir, car Recep Tayyip Erdogan est intouchable, il est devenu un héros de la démocratie. Par un référendum, il va obtenir la possibilité de changer la Constitution très facilement, de passer au système présidentiel, et surtout il va devenir très difficile de construire une opposition politique », poursuit Jean-François Pérouse.

La gauche turque est sur des charbons ardents, pendant que les minorités, notamment les alévis, se sentent menacées par la montée en puissance des musulmans sunnites. « Je ne sais pas ce qui va se passer demain, mon pays m’échappe », explique un étudiant turc, qui préfère rester anonyme, par peur des représailles. « Après les militaires, s'inquiète-t-il, Erdogan va s’attaquer aux gens éduqués, aux intellectuels, car ils sont une menace pour lui. Il veut nous réduire au silence car nous ne sommes pas avec lui. Il n’y aura plus de juges pour me représenter, car ils seront tous à la botte du pouvoir. »

La peur de l’avenir est palpable, au point que de nombreux Turcs réfléchissent à quitter le pays. « Le gouvernement va agir comme s’il avait les pleins pouvoirs. Ma plus grande inquiétude est que le soutien populaire à l’AKP devienne plus fort et plus interventionniste, et qu’il nous influence dans la vie de tous les jours. Les personnes de gauche, laïques ou non conservatrices, les personnes LGBT, se sentent menacées. Je crains encore plus de fragmentations dans la société. À moyen terme, je pense que ce pays pourrait descendre dans une guerre civile, avec des éliminations d’opposants et des emprisonnements », redoute Inan Izci.

Signe avant-coureur de ses tendances répressives, le président Erdogan n’a pas exclu de rétablir la peine de mort, abolie en 2004. Répondant à une foule qui scandait « Nous voulons la peine de mort » pour les putschistes, le président turc a affirmé, dimanche :« Je pense que notre gouvernement va en discuter avec l’opposition et qu’une décision sera sans aucun doute prise », a t-il affirmé. « En démocratie, la décision, c’est ce que veut le peuple. Nous ne pouvons pas trop retarder cette décision car dans ce pays, ceux qui mènent un coup contre l’État sont dans l’obligation d’en payer le prix. »

Dans l’immédiat, les quatre partis représentés au Parlement turc affichent une unité de façade, condamnant de concert le coup d’État et vantant la victoire de la démocratie. Dans ce contexte, il est probable que le chef de l’État obtienne rapidement le soutien des députés pour approuver son projet de référendum en vue d’établir un régime présidentiel en Turquie, qui assoirait officiellement son pouvoir. Son rêve est désormais à portée de main.

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18 juillet 2016 1 18 /07 /juillet /2016 07:25
Samar Yazbek entr'ouvre les "Portes de la terre du néant" en Syrie

"Le monde est obsédé par l'Etat islamique, mais les avions d'Assad continuent à larguer des bombes sur les civils, dans les provinces d'Idlib, de Damas, d'Homs, d'Alep".

"Nous sommes dans une guerre entre le Beau et le Laid. Il faut lutter contre l'effondrement moral".

Samar Yazbek

Un livre beau, terrible et déchirant à lire d'urgence sur la guerre en Syrie, que l'on sent en lisant ce témoignage s'enfoncer dans l'absurdité, la confusion et le chaos le plus total.

Samar Yazbek a été trois fois clandestinement dans le Nord de la Syrie partiellement tenu par la rébellion depuis le début de la guerre: elle a suivi des combattants rebelles, vu et vécu les carnages causés par les bombardements des hélicoptères et avions de Bachar-al-Assad, ramassé des corps de victimes dans les décombres, écouté les témoignages des survivants des crimes de guerre des voyous sans foi ni loi qui terrorisent le peuple pour le compte du régime de Bachar-al-Assad. Elle a vu la volonté d'anéantissement des zones rebelles, certains villages ou petites villes pouvant recevoir cinq fois en une après-midi des salves de barils explosifs semant la mort de manière terrifiante. Elle raconte la dérive communautaire et sectaire d'un conflit opposant au départ une dictature à la majorité du peuple syrien entrée en rébellion pour sa dignité et ses droits bafoués, une évolution démocratique. Elle nous parle avec beaucoup d'humanité et un sens du détail qui résume des choses fortes et difficilement dicibles du courage et de la capacité de résilience d'une population civile qui survit et vit malgré tout dans les pires conditions, peut continuer à plaisanter, à pratiquer ses rituels quotidiens, à s'aimer, à manifester de la fraternité et de la solidarité collective, tout en étant confrontée aux agressions constantes des forces militaires et de sécurité criminelles de Bachar-al-Assad et des islamistes de Daech, souvent étrangers et méprisant pour la population autochtone, ou d'autres groupes, qui pratiquent les enlèvements, les exécutions, et tentent d'imposer une dictature sur les mœurs et les comportements à partir d'une conception de la morale et du religieux qui n'était pas du tout celle des Syriens, dont la vie sociale ressortait d'une vieille civilisation urbaine multiculturelle, non d'une politique religieuse sectaire, formaliste et essentiellement oppressive de l'individualité.

Ce livre est précieux pour comprendre l'insurrection du printemps 2011, mesurer la sauvagerie de sa répression par le régime pendant des mois, le cynisme et la cruauté du pouvoir, les raisons du déclenchement de la guerre civile, ses instrumentalisations, son évolution de moins en moins lisible, avec la multiplication des factions rebelles, en concurrence les uns avec les autres, parfois vénale, le morcellement du territoire, la progression de l'Etat islamique, mieux équipé, ayant plus de moyens, et bénéficiant de l'apport des djihadistes étrangers.

***

Voici de larges extraits d'une chronique du journaliste et écrivain Jean Hatzfeld, qui a lui-même magistralement raconté la barbarie humaine et la guerre au Rwanda et en Yougoslavie, dans "Le Monde des Livres" du 15 avril 2016.

Les Portes du néant (Bawabât ard al-adâm), de Samar Yazbek, traduit de l’arabe (Syrie) par Rania Samara, préface de Christophe Boltanski, Stock, « La cosmopolite », 306 p., 21 €.

Les Portes du néant, à la frontière turque, s’ouvrent une première fois sur la route qui mène à la région d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie. Samar Yazbek les franchit en août 2012, en se faufilant dans un trou creusé sous des barbelés. Une voiture l’attend, qui traverse la nuit sur un fond sonore de bombardements, avec à l’intérieur Maysara et Mohammed, deux frères d’armes rebelles : ses anges gardiens.

A Saraqeb, le véhicule stoppe devant une vaste demeure envahie de familles, qui sera désormais le sweet home de Samar Yazbek où, de retour de ses chaotiques expéditions, elle retrouve une douceur complice auprès de gens un peu en vrac, notamment deux gamines, Rouha et Aala, dont elle écrit, une nuit de frappes aériennes : « Une nouvelle famille se joignit à nous dans l’abri. Aala, qui insistait toujours pour raconter une histoire chaque soir (…), me les montra du doigt : “Leur mère est de notre côté, mais le père soutient Bachar. (…) Mais ça fait rien. Elles doivent se cacher ici avec nous pour ne pas mourir.” Ma petite Schéhérazade avait les plus beaux yeux noirs que j’ai jamais vus. (…) Elle observait attentivement le monde autour d’elle mais paraissait toujours plus fragile chaque fois que nous descendions dans l’abri. Elle s'occupait de sa petite sœur Tala qui souffrait d('un déséquilibre hormonal causé par la peur et l'angoisse (...) Peu de temps avant que les frappes ne s'interrompent, elle saisit le morceau d'obus que tenait Tala en lui disant d'un temps calme: "ça, ce n'est pas pour les enfants". Elle avait à peine sept ans."

Pas de néant à l'horizon, mais une guerre, soudaine, contre Bachar-al-Assad que les rebelles mènent à la kalachnikov tandis que l'armée attaque du ciel en hélicoptère. Samar Yazbek la rejoint pour vivre l'après-Bachar: aider les femmes à monter des ateliers, distribuer des journaux, discuter à longueur de nuits, écrire.

Samar Yazbek est née dans une grande famille alaouite, à Lattaquié, dans la Syrie d'Hafez Al-Assad, le chef alaouite. Elle a vécu une enfance insouciante sur les bords de l'Euphrate. Caractère trempé, elle quitte les siens à 16 ans pour Damas, pour se vouer à la littérature.

Aussi, naturellement, chaque vendredi du printemps 2011, elle a marché dans la foule pacifiste, qui après celle de Tunis, du Caire, a célébré les révolutions arabes. Elle a publié des articles sur le vent de la liberté, dénoncé les violences de la répression. Les policiers l'ont tabassée en prison. Sous la menace des moukhabarat (services de renseignements), elle s'est réfugiée à Paris.

L'espoir d'une Syrie libre l'attire donc dans les bras de la guerre un an plus tard.

Elle écrit un hymne à la dignité des Syriens, note les graffitis des murs: "O Temps que tu es traître!"

Elle accompagne les combattants en expédition. Puis la guerre sombre dans un chaos radical qui imprègne son écriture.

Février 2013, deuxième porte: cette fois, Samar franchit la frontière à travers un village bédouin. Elle décrit magnifiquement les zones frontalières. Elle repart dans les villages. Les barils de poudre jetés d'hélicoptère remplacent les obus, les cadavres sentent fort sous les décombres. Les gamines Aala et Rouha sont parties. L'auteur observe les nouveaux visages:

"Une fille de seize ans était assise à l'entrée, coiffée d'un hijab. Elle était amputée des deux jambes, l'une coupée à la cuisse, l'autre au genou. Son regard était serein cependant. Elle m'a dit qu'elle apprenait à dessiner à ses frères et à ses sœurs, mais qu'elle manquait de matériel. (...) Après nous avoir regardés descendre vers le caveau où vivaient les siens, la tête penchée, elle continua à tracer des lignes dans la terre humide."

Le temps presse terriblement, Samar Yazbek choisit un style qu'elle veut efficace, parfois rude. Elle rapporte ainsi les mots d'un déserteur de l'armée:

"On entre dans un appartement et on casse tout sous les ordres de l'officier qui vocifère et jure. Il décrète qu'on doit violer une fille. La famille s'est réfugiée dans la chambre à côté. Il nous passe en revue le doigt pointé avant de s'arrêter sur mon ami Mohammed. Il lui donne une tape dans le dos... Mohammed tombe à genoux, baise les godasses du type: "Pitié, commandant! Ya sidi! Je ne peux pas. S'il vous plaît" (...) L'officier lui saisit les couilles en criant: "Tu veux que je t'apprenne comment faire?" Alors mon ami s'est redressé et rué sur lui, et c'était un costaud, je vous le jure (...) L'officier a tiré sur Mohammed, il l'a tué. Vous voulez savoir où il a visé?".

Samar Yazbek s'impose sur scène: "Je poussai un hurlement en croyant avoir touché une main douce et délicate sous les débris. Mon cri me trahit.(...) Un garçon de vingt ans à peine qui portait au front un bandeau noir sur lequel était écrit "Il n'y a de Dieu qu'Allah!" s'exclama: "Eloignez cette femme! Sa place n'est pas avec les hommes. Dieu nous pardonne!" Je lui aurais obéi si je n'avais pas su qu'il n'était pas syrien. Je le défiai du regard. C'était l'un des combattants étrangers de Daech. Je ne reculai plus d'un pouce comme il s'avançait vers moi. Au même instant, la voiture de mes amis s'arrêta devant nous (...)". (...)

Été 2013, revenue à Paris, on imagine Samar Yazbek à sa table, écrivant ses mois de guerre, le désespoir d'un pays perdu, le déracinement. Mais elle repart là-bas, à "la frontière où m'attendaient Abdallah et son frère Ali, qui venait de perdre un œil à cause d'une balle. (...) Chaque fois que je les quittais, j'avais le sentiment que je ne les reverrais plus, puis je revenais, et là, c'était comme si j'allais passer le reste de ma vie avec eux".

(...) Dans la Syrie en guerre, les journalistes ne voyagent plus comme au Liban ou en Bosnie. Leur tête, mise à prix, repose sur un cou fragile. Ils arpentent la frontière, parfois s'aventurent en de rapides incursions. Les réseaux sociaux pervertissent l'information qu'ils ne ramènent plus.

En Syrie, les villes sont écrasées, les champs dévastés; la guerre détraque les esprits. Elle dérobe la révolution. (...)

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17 juillet 2016 7 17 /07 /juillet /2016 19:48

Turquie : "La France doit cesser son soutien au régime sanguinaire d'Erdogan" (PCF)


La tentative de putsch militaire en Turquie, dans la nuit du 15 au 16 juillet, organisée par quelques divisions de l'armée turque insurgées contre le président Erdogan s'est soldée par près de 300 morts à
Istanbul et Ankara, plus d’un millier de blessés, et a entraîné en moins de 24 heures 6 000 arrestations. À l’appel du pouvoir, des lynchages de putschistes ont eu lieu et l’éventualité d’un rétablissement de la peine de mort ressurgit. La politique de polarisation extrême, orchestrée par l’AKP, a attisé des fractures au sein de l’armée.

Le Parti communiste français tient à exprimer sa solidarité avec les peuples de Turquie, les démocrates et progressistes qui sont pris en étau entre la violence d'Etat, la mobilisation de l'extrême droite et
des ultra-religieux, et la rébellion militaire. Or, comme le souligne le Parti démocratique des peuples (HDP), il ne peut y avoir d’autres solutions qu’une démocratisation de la Turquie et l’établissement d’une
paix durable dans tout le pays, et particulièrement dans les villes kurdes assiégées depuis près d'un an par les forces de l'ordre et armées.

Les événements des 15 et 16 juillet montrent que la politique de R.T. Erdogan conduit au chaos. La France et l’Union européenne doivent la condamner et cesser de la soutenir. Le ministre français des Affaires
étrangères, Jean-Marc Ayrault, en affirmant ce matin la volonté de la France de voir "l’Etat de droit fonctionner pleinement en Turquie" et refuser tout "chèque en blanc à Monsieur Erdogan", engage une inflexion du discours de la France qui devra être suivie d'effets. Car, après l’échec de la tentative de coup d’État, le pire est déjà en marche.

R.T. Erdogan amplifie la purge de ses opposants dans l’appareil d’État, notamment dans la magistrature et l’armée, en violation totale de l’Etat de droit. Des milliers de juges ont été destitués et arrêtés dont des
membres du Conseil d’État et de la Cour constitutionnelle. Cette purge devrait s’élargir à toute la haute administration.

Tout en se présentant désormais comme le "défenseur de la démocratie", R.T. Erdogan poursuit l’établissement de sa dictature après avoir écrasé les libertés, muselé les médias, réduit les pouvoirs de l’opposition, levé l’immunité parlementaire des députés du HDP afin de les jeter en
prison, et déclenché une guerre meurtrière contre les populations kurdes du pays.

Au moment où les forces conservatrices et nationalistes font bloc autour du pouvoir, il faut certainement s’attendre à l’annonce d’un référendum sur la réforme constitutionnelle afin d’établir le régime ultra-présidentiel sans contre-pouvoir auquel aspire Erdogan.

R.T. Erdogan croit pouvoir capitaliser sur les événements de ces derniers jours pour restaurer son image, et celle de la Turquie jusqu’alors isolée sur le plan diplomatique en raison de son soutien apporté aux différentes organisations djihadistes Daesh et Al Nosra. Si J.-M. Ayrault doute de la fiabilité du régime turc en la matière, le PCF tient à lui rappeler que les preuves de cette duplicité sont connues et qu'elles ont valu à des journalistes, comme Can Dündar, des poursuites judiciaires et une tentative de meurtre.

Aujourd'hui, Erdogan se considère autorisé aux brutalités de masse les plus sanglantes. Il est de la responsabilité de la France et des pays membres de l'UE de cesser leurs soutiens à ce régime qui représente pour la Turquie et sa région un obstacle de plus à la paix et à la sécurité collective.

Parti communiste français
Paris, le 17 juillet 20
16

La France doit cesser son soutien au régime sanguinaire d'Erdogan (PCF, 17 juillet 2016)
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17 juillet 2016 7 17 /07 /juillet /2016 19:40
Huit questions pour comprendre le putsch raté en Turquie (Libération, entretien avec d'Aude Massiot avec Elise Massicard, chercheuse au CNRS spécialiste de la politique turque)

Huit questions pour comprendre le putsch raté en Turquie - Libération

Vendredi soir, des officiers de l’armée turque ont tenté de prendre le pouvoir par la force et de renverser le président Recep Tayyip Erdogan, qui était alors en vacances sur la côte méditerranéenne. Après plusieurs heures d’affrontements, entre les putschistes d’un côté, et de l’autre la police, certains corps de l’armée et des citoyens turcs descendus dans la rue à l’appel du président Erdogan, ce dernier a pu reprendre la main sur le pouvoir, samedi matin.

Pouvait-on s’attendre à une tentative de coup d’Etat en Turquie ?

Les observateurs spécialistes du pays ne s’accordent pas tous sur ce point. Pour Elise Massicard, chercheuse au CNRS spécialiste de la sociologie politique contemporaine turque, «une telle éventualité était envisageable. Cela fait plusieurs mois que des rumeurs circulent sur une possible intervention antigouvernementale par l’armée». La Turquie possède une tradition de coups d’Etat militaires. Quatre ont eu lieu depuis 1960.

Actuellement, toutes les institutions étatiques sont contrôlées par le gouvernement. Un renversement du pouvoir ne pouvait vraisemblablement venir d’un autre acteur que l’armée. Du moins, une partie de l’armée, car l’intervention militaire de vendredi n’a pas été menée par tous les corps militaires. Certains pilotes de l’armée de l’air, par exemple, n’auraient pas suivi les putschistes et seraient intervenus pour les neutraliser.

Les militaires putschistes étaient-ils soutenus par une partie de la classe politique turque ?

«Certains milieux souverainistes ne sont pas contre une intervention militaire pour renverser le gouvernement, remarque Elise Massicard. Mais ce n’est pas une solution qui est acceptée officiellement. Le Parti kémaliste, la plus grande formation d’opposition ne soutient pas une intervention par la force». L’argument d’une prise de pouvoir non démocratique a été justement utilisé par Erdogan pour délégitimer ce parti. Face à la population, le président se présente désormais comme le défenseur de la démocratie en Turquie. Pourtant, depuis son accession au pouvoir, Erdogan n’a cessé de réduire les libertés individuelles, la liberté de la presse et le pouvoir de l’opposition.

La population descendue dans la rue condamnait-elle justement cette prise de pouvoir non démocratique ?

Selon notre reporter à Istanbul, il apparaît plutôt que les citoyens qui sont sortis dans la rue ont répondu à l’appel lancé par Erdogan via Facetime dans la nuit. Les slogans entendus seraient plutôt ouvertement pro-Erdogan. «Le président a toujours une assise populaire très large dans la société turque, rappelle Elise Massicard. La population est très polarisée sur ces questions entre ceux qui soutiennent le gouvernement, et ceux qui s’opposent à sa politique».

Le gouvernement a désigné rapidement la mouvance islamiste Gülen comme instigatrice du coup d’Etat. Est-ce crédible ?

La mouvance islamiste tenue par l’ancien allié du gouvernement, Fethullah Gülen, réfugié actuellement aux Etats-unis, est un «bouc émissaire pour Erdogan depuis la fin de l’année 2013, rapporte la chercheuse du CNRS. Le régime lui attribue tout ce qui ne va pas dans le pays». Selon elle, il semble donc difficile de croire qu’ils aient pu organiser cette intervention tout seuls. Par ailleurs, l’armée turque n’est pas spécialement pro-Gülen et inversement. Il est tout de même possible qu’il y ait eu une coalition entre la mouvance et une partie de l’armée pour renverser Erdogan.

«Mais pour la population qui ne suit l’actualité que via les médias étatiques, l’implication de Gülen est une explication tout à fait crédible,ajoute Elise Massicard. Ces médias affirment régulièrement depuis deux ans que la mouvance complote pour renverser le pouvoir». Ces membres sont poursuivis dans toutes les institutions d’Etat.

Doit-on s’attendre à une purge contre les putschistes ?

Erdogan l’avait promis dès le début du coup d’Etat vendredi soir. Elle a donc débuté dès le lendemain. Le Premier ministre Binali Yildirim a annoncé, samedi matin, l’arrestation de 2 839 personnes et la possibilité de rétablir la peine de mort pour punir «les traîtres». D’autres institutions sont touchées. Plusieurs centaines de juges ont été écartés samedi. En plus des affrontements entre policiers et militaires, certains civils auraient lynché des militaires putschistes. «Ces violences non contrôlées par les autorités ont été légitimées, voire encouragées, par le gouvernement», souligne Elise Massicard.

Erdogan a-t-il utilisé les responsables religieux pour légitimer son appel à la population ?

Dans la nuit de vendredi, à Istanbul, les muezzins ont interrompu leur chant de prière pour appeler la population à descendre dans la rue afin de soutenir le gouvernement. Pour la chercheuse du CNRS, «ce ne sont pas des initiatives personnelles». En Turquie, les imams et les muezzins sont des fonctionnaires d’Etat, et Erdogan a des liens forts avec la communauté religieuse musulmane. Reste que c’est la première fois que le gouvernement en appelle aux responsables religieux pour relayer ce type de messages politiques. «Pour Erdogan, c’est un moyen de se légitimer en s’appuyant sur la religion», ajoute-t-elle.

Erdogan avait-il préparé ses arrières dans l’éventualité d’un coup d’Etat ?

Vendredi soir, les putschistes comme les forces pro-gouvernementales ont fait usage d’un important arsenal militaire. Comment expliquer cet équilibre? D’abord, toute l’armée n’a pas soutenu le coup d’Etat. Il y avait donc des moyens de défense militaires du côté des pro-Erdogan. L’arsenal donné à la police laisse tout de même penser que le président envisageait un retournement des militaires. Depuis son accession au pouvoir, Erdogan s’est beaucoup appuyé sur la police pour établir sa politique sécuritaire. Leurs moyens d’intervention ont été largement renforcés depuis plusieurs années.

Dans le pays s’observe déjà un resserrement du pouvoir par Erdogan. L’échec de ce putsch renforce l’assise du président turc sur l’opposition politique qui subsiste, mais aussi face aux puissances qui interviennent dans la région. Le gouvernement a déjà annoncé la fermeture de la base militaire d’Incirlik, qui servait de base arrière pour la coalition internationale, dans les interventions en Syrie et en Irak, tant que Fethullah Gülen ne serait pas extradé des Etats-unis. Plus largement, c’est tout l’espace aérien qui a été fermé. Les missions aériennes des Etats-unis contre l’Etat islamique ont donc été suspendues.

La communauté internationale, y compris la France, a largement condamné le coup d’Etat. De même pour tous les partis représentés à l’Assemblée nationale turque. «Le président a pu ainsi rassembler derrière lui et obtenir un consensus sur son maintien au pouvoir, alors qu’il était, depuis plusieurs mois, fragilisé, à cause notamment de la multiplication des attentats terroristes sur le territoire, observe Elise Massicard. Cette reprise en main politique pourrait avoir pour conséquence un durcissement de la gestion sécuritaire de la question kurde».

Aude Massiot

Lire aussi dans le Monde Diplomatique du mois de juillet (repris par le "Chiffon Rouge" il y a quelques jours) la tribune du leader kurde du mouvement de gauche démocratique et laïc, Selahattin Demirtas, parti persécuté par le pouvoir.

La sale guerre du président Erdogan, "l'homme qui se prend pour un sultan" par Selahattin Demirtas, leader kurde des formations de gauche et écologiste en Turquie (HDP, Parti démocratique des peuples) - Tribune du Monde Diplomatique, juillet 2016

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14 juillet 2016 4 14 /07 /juillet /2016 05:36
Nouvelle loi scélérate à la Knesset pour museler les ONG qui défendent les droits démocratiques (AFPS)

Sous couvert de transparence c’est une véritable loi scélérate qui vient d’être adoptée en 3ème lecture à la Knesset. Présentée par la ministre d’extrême droite Ayelet Shaked, elle oblige les ONG à dévoiler les donations venues de l’étranger dans les cas où plus de la moitié de leur financement provient d’Etats autres qu’Israël, ou d’organisations étrangères comme l’Union européenne.

Il est piquant de voir Netanyahou se féliciter d’une loi sur la « transparence » au moment même où il déploie des trésors d’énergie pour échapper au scandale de son ami Arnaud Mimran qui vient d’être condamné à huit ans de prison par la justice française dans une affaire d’escroquerie mafieuse.

Sont très directement visées les ONG comme Adalah, B’Tselem ou Breaking the Silence qui portent témoignage et documentent les crimes et violations des droits humains commis à l’encontre des Palestiniens. La loi ne concerne évidemment pas les fonds privés et donc les sommes colossales récoltées notamment aux Etats-Unis, au profit des organisations de colons.

Son objet avait été très clairement indiqué par la ministre lors de sa présentation à la Knesset : se préserver d’incriminations de crimes de guerre qui s’appuieraient sur des preuves fournies par des ONG, comme dans un rapport de l’ONU sur les crimes commis lors de la guerre de 2014 contre Gaza.

Alors qu’elles sont déjà directement menacées, qualifiées de « traîtres » et de « 5ème colonne » par les organisations d’extrême-droite, il s’agit de les fragiliser, de les ostraciser pour les réduire au silence. Cette loi illustre pour le chef de l’opposition, Isaac Herzog, « le fascisme naissant qui s’introduit dans la société israélienne ».

La France, qui comme les autres chancelleries européennes avait dénoncé ce projet, doit revoir en profondeur ses relations avec un Etat qui ne peut s’exonérer en permanence des règles du droit et, sur ce point précis, amener Israël à reculer.

l'AFPS - 13 juillet 2016

***

Les autorités israéliennes ont adopté une loi controversée sur le financement des organisations humanitaires. Les opposants à la mesure y voient une attaque contre les groupes de défense des droits de l’Homme.

France 24 avec Reuters, mardi 12 juillet 2016

Les débats étaient vifs depuis plusieurs semaines en Israël. Mais cela n’a pas empêché les députés israéliens d’adopter, lundi 11 juillet, une loi sur le financement des organisations non gouvernementales.

Présenté par la ministre de la Justice d’extrême droite Ayelet Shaked, la "loi transparence" obligera les ONG à préciser l’origine de leurs donations si plus de la moitié provient d’États autres qu’Israël. Une amende est prévue pour ceux qui ne respecteraient pas cette loi.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a défendu la loi comme "démocratique et nécessaire", et a semblé évoquer le soutien financier reçu par des groupes israéliens qui défendent un État palestinien.

Pour les soutiens du gouvernement, la loi mettra fin aux ingérences étrangères dans ses affaires intérieures. "J’espère que les pays [...] tenteront d’influencer Israël par la voie diplomatique, et pas en finançant à hauteur de millions de dollars ou d’euros des ONG, qui essaient habituellement de promouvoir leurs opinions", a expliqué lundi Ayelet Shaked citée par Reuters.

Loi discriminatoire

Mais nombreux sont ceux en Israël qui ne voient pas la mesure d’un bon œil et la considèrent comme une attaque du gouvernement de droite contre les groupes de défense des droits de l’Homme. Les États-Unis et l’Union européenne se sont inquiétés publiquement de ce texte, qui a été adopté en troisième lecture par 57 voix contre 48 lors d’une séance parlementaire houleuse.

Ses opposants jugent la loi discriminatoire car la plupart des groupes qui reçoivent des fonds d’autres pays ou de l’UE sont des associations opposées à la politique du gouvernement à l’égard des Palestiniens.

"La loi sur les ONG [...] illustre, plus que toute autre chose, le fascisme naissant qui s’insinue dans la société israélienne", a déclaré à des journalistes le chef de l’opposition Isaac Herzog, du parti de centre gauche de l’Union sioniste, quelques heures avant le vote.

"C’est une loi dont le seul but est de réduire au silence et de marquer ceux qui osent faire entendre des critiques à l’égard du gouvernement ou contre les colonies", déclare dans un communiqué le groupe Israel Peace Now. D’ailleurs, les fonds privés en provenance de l’étranger, et notamment l’argent reçu par les organisations israéliennes qui soutiennent les colonies de peuplement établies sur des territoires palestiniens, ne sont pas visés par la loi.

Sur plus de 30.000 associations enregistrées en Israël, la moitié est en activité. Environ 70 d’entre elles sont spécialisées dans le conflit israélo-palestinien et reçoivent des fonds de l’Union européenne ou de pays comme le Danemark, la Suède, la Belgique ou la Norvège.

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10 juillet 2016 7 10 /07 /juillet /2016 06:56
Matteo Renzi

Matteo Renzi

« La gauche pour moi c’est Tony Blair, Bill Clinton, Barack Obama. Je représente une troisième voie, joyeuse, pas une gauche maximaliste et incapable de gagner ne serait-ce que dans une assemblée de copropriétaires » (Matteo Renzi)

En Italie, une réforme de l’emploi qui institutionnalise la précarité - Le Monde Diplomatique, juillet 2016

« Jobs Act », le grand bluff de Matteo Renzi

Défait à Rome et à Turin par le Mouvement 5 étoiles — une formation qui se revendique « antisystème » —, le Parti démocrate du président du conseil italien Matteo Renzi sort affaibli des élections municipales du 19 juin. À croire que sa réforme du marché du travail, le fameux « Jobs Act », a davantage séduit les médias, les milieux patronaux et les sociaux-libéraux européens que les électeurs italiens…

par Andrea Fumagalli

Le président du conseil italien Matteo Renzi aime à se présenter comme un dirigeant politique moderne et innovant. Ainsi, sa réforme du marché du travail aurait libéré le pays de ses archaïsmes et fait baisser le chômage. Connues sous le nom de « Jobs Act », les mesures adoptées par son gouvernement pour relancer l’emploi n’ont pourtant fait que pousser plus loin encore la logique des vieilles recettes libérales.

La flexibilisation du marché du travail italien a débuté en 1983, quand les partenaires sociaux (fédérations syndicales, patronat et ministère du travail) ont signé l’accord Scotti. En plus de limiter

l’indexation des salaires sur les prix, ce texte introduisit le premier contrat atypique, à durée déterminée et destiné aux jeunes : le « contrat de formation et de travail ». Depuis, de nombreuses lois ont élargi l’éventail des contrats disponibles, si bien qu’il en existe aujourd’hui près de quarante. En 1997, la loi Treu a légalisé le travail temporaire ; en 2003, la réforme Biagi-Maroni a inventé le contrat de sous-traitance. En 2008 a été mis en place le système desvouchers, ces « bons de travail » d’une valeur de 10 euros brut de l’heure surtout utilisés dans les secteurs peu ou pas qualifiés. La diversification des types de contrat s’est accompagnée de mesures visant à accroître le pouvoir des employeurs. Parmi les plus récentes, la loi dite du « travail lié » (collegato lavoro), votée en 2010, limite les possibilités pour les salariés de recourir à la justice en cas d’abus patronal ; et la loi Fornero (2012) facilite les licenciements individuels pour raisons économiques.

Les réformes mises en œuvre par M. Renzi en 2014 et 2015 s’inscrivent dans la continuité de cette histoire, et peut-être l’achèveront-elles, tant elles ont institutionnalisé la précarité. Ainsi, le contrat à durée indéterminée (CDI) « à protection croissante », entré en vigueur en 2015, n’a pas grand-chose de pérenne ni de protecteur. Au cours des trois premières années, les employeurs peuvent y mettre fin

e président du conseil italien Matteo Renzi aime à se présenter comme un dirigeant politique moderne et innovant. Ainsi, sa réforme du marché du travail aurait libéré le pays de ses archaïsmes et fait baisser le chômage. Connues sous le nom de « Jobs Act », les mesures adoptées par son gouvernement pour relancer l’emploi n’ont pourtant fait que pousser plus loin encore la logique des vieilles recettes libérales.

La flexibilisation du marché du travail italien a débuté en 1983, quand les partenaires sociaux (fédérations syndicales, patronat et ministère du travail) ont signé l’accord Scotti (1). En plus de limiter l’indexation des salaires sur les prix, ce texte introduisit le premier contrat atypique, à durée déterminée et destiné aux jeunes : le « contrat de formation et de travail ». Depuis, de nombreuses lois ont élargi l’éventail des contrats disponibles, si bien qu’il en existe aujourd’hui près de quarante. En 1997, la loi Treu a légalisé le travail temporaire ; en 2003, la réforme Biagi-Maroni a inventé le contrat de sous-traitance. En 2008 a été mis en place le système desvouchers, ces « bons de travail » d’une valeur de 10 euros brut de l’heure surtout utilisés dans les secteurs peu ou pas qualifiés. La diversification des types de contrat s’est accompagnée de mesures visant à accroître le pouvoir des employeurs. Parmi les plus récentes, la loi dite du « travail lié » (collegato lavoro), votée en 2010, limite les possibilités pour les salariés de recourir à la justice en cas d’abus patronal ; et la loi Fornero (2012) facilite les licenciements individuels pour raisons économiques.

Les réformes mises en œuvre par M. Renzi en 2014 et 2015 s’inscrivent dans la continuité de cette histoire, et peut-être l’achèveront-elles, tant elles ont institutionnalisé la précarité. Ainsi, le contrat à durée indéterminée (CDI) « à protection croissante », entré en vigueur en 2015, n’a pas grand-chose de pérenne ni de protecteur. Au cours des trois premières années, les employeurs peuvent y mettre fin à tout moment et sans motivation. Leur seule obligation est de verser au salarié licencié une indemnité proportionnelle à son ancienneté. L’emblématique article 18 du statut des travailleurs (2), qui oblige à motiver tout licenciement individuel par une « juste cause » (faute grave, vol, absentéisme…), se retrouve ainsi mis entre parenthèses pendant trente-six mois. La formule rappelle le contrat première embauche (CPE) imaginé par le premier ministre français Dominique de Villepin en 2006, sauf que le dispositif italien ne se limite pas aux moins de 26 ans, mais concerne l’ensemble de la main-d’œuvre.

Le gouvernement Renzi a également déréglementé l’usage des contrats à durée déterminée (CDD). Depuis mars 2014, la loi Poletti — du nom du ministre du travail Giuliano Poletti — permet aux employeurs d’y recourir sans avoir à se justifier et de les renouveler jusqu’à cinq fois sans période de carence. Cette limitation est de surcroît théorique : elle ne s’applique pas aux personnes, mais aux postes de travail. Il suffit donc de modifier sur le papier une fiche de poste pour condamner un salarié au travail instable à vie.

Dans ces conditions, pourquoi des entreprises choisiraient-elles des CDI à « protection croissante » plutôt qu’une succession de CDD ? La réponse est simple : par intérêt financier. Le gouvernement Renzi a en effet mis en place des incitations fiscales qui permettaient, pour tous les CDI signés en 2015, d’économiser jusqu’à 8 000 euros par an. Austérité oblige, ce dispositif très coûteux pour l’État a été revu à la baisse par la loi de stabilité 2016, et les gains possibles pour les employeurs s’établissent désormais à 3 300 euros. Le Jobs Act a donc créé un effet d’aubaine : faire signer un contrat « à protection croissante », puis licencier son salarié sans justification, devient plus rentable que de recourir à un CDD. Grossière entourloupe statistique, le basculement des CDD vers les CDI permet de gonfler artificiellement les chiffres de l’emploi dit « stable », alors même que la précarité continue d’augmenter.

Les réformes de M. Renzi n’ont pas déclenché de grèves ou de manifestations comparables au mouvement contre la loi El Khomri en France. Contrairement à sa voisine, l’Italie n’a pas de salaire minimum, sauf pour les professions couvertes par des conventions collectives, qui protègent un nombre toujours plus faible de travailleurs (moins de 50 % aujourd’hui). Par ailleurs, le « principe de faveur » n’y existe pas : rien n’oblige les accords d’entreprise à proposer des conditions plus avantageuses pour les salariés que les accords de branche, qui, eux-mêmes, ne sont pas nécessairement plus favorables que le code du travail (3). Les employés sont ainsi très vulnérables au chantage de leur patron. Le pays n’a pas non plus d’équivalent du revenu de solidarité active (RSA), même sous condition de réinsertion professionnelle. Les amortisseurs sociaux sont surtout pensés pour le salarié en CDI ; la masse des nouveaux précaires s’en trouve exclue. Conjuguée à la crise économique, à la faiblesse des syndicats, à la stagnation des revenus et au renforcement du contrôle patronal — le Jobs Act autorise certaines techniques de contrôle à distance des salariés, au risque de porter atteinte à leur vie privée —, cette situation explique la faible résistance rencontrée par les récentes mesures.

Plus de 40 % des jeunes au chômage

Afin de défendre leurs réformes, M. Renzi et ses ministres se sont retranchés derrière les mêmes arguments que leurs prédécesseurs à Rome et que leurs homologues conservateurs en Allemagne ou socialistes en France : l’« assouplissement » du code du travail serait une condition nécessaire (et suffisante) pour construire une économie moderne et faire baisser le chômage, en particulier celui des jeunes. « L’article 18 date des années 1970, et la gauche ne l’avait alors même pas voté. Nous sommes en 2014 ; cela revient à prendre un iPhone et à demander : “Où faut-il mettre le jeton ?”, ou à prendre un appareil photo numérique et à essayer d’y mettre une pellicule », a estimé le président du conseil (4).

Le gouvernement et beaucoup de médias présentent le Jobs Act comme un succès indiscutable. « Un demi-million d’emplois en CDI créés en 2015. [L’Institut national de la statistique] démontre l’absurdité des polémiques sur le Jobs Act », claironnait M. Renzi sur Twitter le 19 janvier 2016. « Avec nous, les impôts diminuent et l’emploi augmente », écrivait-il encore le 2 mars. Il est vrai qu’en 2015, pour la première fois depuis le début de la crise économique, qui a détruit environ un million d’emplois, la courbe du chômage a été (légèrement) inversée : — 1,8 %… Cependant, cette diminution modeste s’explique surtout par le coup de pouce fiscal qui a accompagné la création du CDI « à protection croissante ». La période probatoire étant de trois ans, il faudra attendre 2018 pour dresser un bilan de ces nouveaux contrats ; mais on peut d’ores et déjà constater que la baisse des incitations financières a entraîné une contraction immédiate des créations d’emplois. Le nombre de CDI signés au premier trimestre 2016 a chuté de 77 % par rapport aux mêmes mois de l’année précédente (5).

Par ailleurs, la diminution du chômage en 2015 masque le recours exponentiel au système des vouchers, en particulier dans les secteurs peu qualifiés où les employés sont considérés comme interchangeables. En 2015, 1,38 million de personnes étaient concernées (contre 25 000 en 2008), et 115 millions de « bons » ont été vendus (contre 10 millions en 2010) (6). Logiquement, le taux de précarité a lui aussi suivi une courbe ascendante : d’après les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2011, 43 % des jeunes Italiens se trouvaient dans une situation professionnelle instable ; en 2015, ils étaient 55 %. Dans le même temps, le taux de chômage des 15-24 ans s’est accru de dix points, pour dépasser la barre des 40 %.

L’Italie n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour se conformer aux normes de l’économie moderne : le « degré de protection de l’emploi » — un indice imaginé par l’OCDE pour mesurer la « rigidité » du marché du travail — y a baissé d’un tiers en dix ans…

Depuis son arrivée à la présidence du conseil, M. Renzi a tout misé sur une politique de l’offre. Outre le Jobs Act, les lois de stabilité 2015 et 2016 ont planifié des baisses d’impôts pour les entreprises, une réduction des taxes sur le patrimoine, une diminution des dépenses des collectivités locales, la privatisation de certains services publics (dans le secteur des transports, de l’énergie ou des postes). Selon la philosophie qui guide ces mesures (7), l’augmentation des profits et la baisse des coûts entraîneraient automatiquement une hausse des investissements, donc de la production et de l’emploi.

Ce raisonnement est largement faux. Le chômage en Italie ne s’explique pas par les structures internes du marché du travail : il résulte avant tout de la faiblesse de la demande, car aucun entrepreneur ne se risque à augmenter sa production s’il redoute que ses marchandises ou services ne trouvent pas preneurs. Or le gouvernement Renzi n’a rien fait pour relancer la demande de manière structurelle : ni salaire minimum, ni réforme de la protection sociale en faveur des bas salaires, ni revenu garanti.

Résultat, depuis 2014, le produit intérieur brut (PIB) stagne, et le ratio dette/PIB n’est pas prêt de se réduire, puisque le dénominateur du rapport n’augmente pas.

Le Jobs Act a divisé le marché du travail en trois segments principaux, et chacun d’eux voit l’instabilité érigée en norme. Le premier regroupe les jeunes sans diplôme universitaire, qui entrent généralement dans la vie active avec des contrats d’apprentissage (peu protecteurs) et, de plus en plus, des vouchers (encore moins protecteurs). Dans le deuxième, on trouve les jeunes disposant d’un niveau de qualification moyen ou élevé (niveau licence ou master). Pour favoriser leur insertion, le gouvernement s’appuie sur le plan « Garantie jeunes ». Financé par l’Union européenne et destiné aux pays affichant un taux de chômage élevé, ce plan vise officiellement à améliorer l’« employabilité » des jeunes en leur proposant, à travers des plates-formes régionales rassemblant des entreprises privées et publiques, des « parcours d’insertion » adaptés aux besoins de ces mêmes entreprises : le service civique (gratuit), le stage (presque gratuit) et le travail bénévole. D’abord expérimenté en 2013 pour l’embauche de 700 personnes en vue de l’Exposition universelle de Milan (en plus des milliers de bénévoles), ce modèle a ensuite été transposé au niveau national (8). Il a déjà permis d’occuper 600 000 jeunes et de les faire sortir, à moindres frais, des statistiques du chômage. Enfin, pour le reste des travailleurs — c’est-à-dire les actifs de 30 ans et plus — , le CDD indéfiniment renouvelé et le CDI « à protection croissante » sont destinés à devenir les contrats standards jusqu’à l’âge de la retraite. Seuls les employés jugés efficaces, indispensables au cœur de métier de l’entreprise, seraient embauchés de manière stable et fidélisés.

Comme en témoigne le plan « Garantie jeunes », le travail gratuit, alimenté par l’« économie de la promesse (9) » qui remet toujours à plus tard l’obtention d’un emploi rémunéré et stable, devient la nouvelle frontière de la déréglementation du marché du travail italien. Les réformes de M. Renzi ont consacré le statut de précaire, lui conférant une nature à la fois structurelle et généralisée. Or le développement de la précarité figure justement parmi les premières causes de la stagnation économique de l’Italie, laquelle sert à justifier les mesures visant à accroître la précarité du travail…

Andrea Fumagalli

Professeur d’économie au département de sciences économiques et commerciales de l’université de Pavie. Auteur de La Vie mise au travail. Nouvelles formes du capitalisme cognitif, Eterotopia France, Paris, 2015.

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