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22 mars 2018 4 22 /03 /mars /2018 08:06
Garde-côtes libyens vs ONG : l’Italie et l’UE ont choisi leurs alliés (Europ Med Droits, Migreurop)
Garde-côtes libyens vs ONG : l’Italie et l’UE ont choisi leurs alliés

 

 

Depuis fin 2016, l’Italie – soutenue par l’UE – a initié une double stratégie pour mettre un terme aux arrivées de personnes migrantes par la Méditerranée centrale : criminaliser les secours citoyens, et faire à nouveau de la Libye le gendarme de l’Europe. Ces deux dimensions se sont accentuées au cours de l’été 2017 avec l’imposition d’un « code de conduite » aux ONG et la mise sous séquestre des bateaux des organisations récalcitrantes. Dans le même temps, des navires militaires italiens étaient déployés dans les eaux territoriales de la Libye, laquelle déclarait unilatéralement sa zone de recherche et de sauvetage (SAR) interdite aux navires étrangers non autorisés, singulièrement ceux des ONG.

Au cours des derniers jours, cette double stratégie a franchi une nouvelle étape. Le 15 mars 2018, l’ONG espagnole de secours en mer Proactiva Open Arms, mène plusieurs opérations de sauvetage dans les eaux internationales au large des côtes libyennes. L’ONG est alors contactée par les garde-côtes de Tripoli, qui lui ordonnent de transférer les personnes migrantes secourues sur un de leurs navires. Connaissant les privations de liberté et les sévices dont sont victimes les boat people réacheminés en Libye, l’équipage refuse de les livrer. Après plusieurs heures de fortes tensions au cours desquelles les garde-côtes libyens italiens, armes à la main, menacent l’équipage du Proactiva Open Arms, ceux-ci se retirent finalement. L’ONG espagnole se dirige alors vers l’Italie pour y débarquer en toute urgence les 216 personnes secourues et reçoit l’ordre de débarquer les exilé.e.s à Pozzallo (Italie), pour qu’ils soient acheminés au hotspot. Le 19 mars, le procureur de Catane ordonne l’immobilisation du bateau dans le port et procède à sa saisie. Suite au refus de l’ONG de remettre les personnes secourues aux garde-côtes libyens, une enquête a été ouverte et trois membres de l’équipage sont poursuivis, semble-t-il, pour « association criminelle visant à faciliter l’immigration clandestine ».

Si les ONG de secours en mer gênent tant, c’est qu’elles constituent l’ultime verrou empêchant les garde-côtes libyens d’intercepter les personnes migrantes en toute impunité, et qu’elles permettent de témoigner du sort réservé à celles et ceux qui échappent à l’enfer libyen. En finançant [1], équipant, et coordonnant les activités des garde-côtes libyens pour renvoyer les personnes interceptées vers des sévices que certains dirigeants européens ont eux-mêmes, comble de l’hypocrisie, qualifié de « crimes contre l’humanité » [2], ceux-ci s’en rendent complices. C’est pour tenter d’enrayer cette politique que les réseaux Migreurop et Euromed Droits défendent le respect du droit international (dont le droit d’asile) la liberté de circulation pour toutes et tous (dont le droit de quitter tout pays, y compris le sien - article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme), et soutient celles et ceux qui sont accusé.e.s de délit de solidarité.

20 mars 2018

Organisations signataires :

  • EuroMed Droits
  • Migreurop
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20 mars 2018 2 20 /03 /mars /2018 20:27
Afrin, nouveau Munich de l’Europe JEAN-JACQUES RÉGIBIER MARDI, 20 MARS, 2018 (L'Humanité)

Après son silence sur Afrin – et alors que les droits de l’homme, la liberté de la presse et l’Etat de droit sont plus que jamais bafoués en Turquie - l’Union européenne apparaît comme une alliée soumise aux visées dictatoriales et expansionnistes d’Erdogan. Une soumission qui rappelle les pires pages de l’histoire européenne.

Dimanche, alors que l’armée turque et les djihadistes issus d’Al-Qaïda venaient d’entrer dans Afrin, le journaliste Charles Enderlin qui fut pendant 35 ans le correspondant de France 2 à Jérusalem, affirmait dans un tweet: « c’est le Munich du peuple kurde. » Et il posait cette question : « qui joue le rôle de Chamberlain ? » Il faut ajouter (ce serait dommage de l’oublier): et qui joue le rôle de Daladier, le délégué français aux fameux pourparlers ?

C’est bien en effet à Munich que fait aujourd’hui penser Afrin. Rappelons ce que fut cet épisode peu glorieux de l’Histoire européenne. En septembre 1938, 6 mois après l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, la France et l’Angleterre, représentées respectivement par Edouard Daladier et Neville Chamberlain, signent avec Hitler des accords qui permettent au Führer d’annexer la région des Sudètes en Tchécoslovaquie, et qui aboutiront finalement au démantèlement de ce pays, dont la France et la Grande-Bretagne étaient pourtant les alliés. Daladier et Chamberlain qui s’attendaient à être hués à leur retour de Munich pour avoir cédé devant Hitler, sont accueillis en héros. Socialiste, figure majeure du Front Populaire, Léon Blum dira, commentant les accords de Munich, qu’il est partagé « entre un lâche soulagement, et la honte.»

Qui voudrait aujourd’hui utiliser cet épisode historique - symbole récurrent de la lâcheté et de la soumission devant le plus fort alors que rien n’y oblige - n’aurait effectivement aucun mal à trouver les points communs avec l’attitude adoptée aujourd’hui par l’Union européenne envers la Turquie. Les Kurdes, qui ont été, en Irak comme en Syrie, la force principale qui a défait Daesh, l’ennemi contre lequel combattait en principe aussi l’Europe, sont abandonnés par les pays européens, comme ceux-ci l’ont fait à Munich en laissant tomber la Tchécoslovaquie.

Erdogan, en tous cas, ne se gêne pas pour filer la métaphore historique. Dimanche, à l’occasion de la commémoration de la victoire de l’empire ottoman sur les troupes françaises et britanniques dans la bataille des Dardanelles (1), le président turc a fait le parallèle avec l’entrée de ses troupes le jour même à Afrin : « nous avons foudroyé ceux qui ont cru mettre en place un corridor terroriste le long de nos frontières, comme nous avons vaincus ceux venus de tous bords (c’est-à-dire, les Britanniques et les Français, ndlr) dans la bataille des Dardanelles. »

Mensonge politique (le seul « corridor terroriste » à la frontière turque est celui qu’Erdogan vient de mettre en place dans le canton d’Afrin, installant ses alliés djihadistes de la nébuleuse Al-Qaïda à la place des Kurdes qui ont été chassés) et volonté d’humilier.

Voilà le salaire de la peur que les Européens reçoivent aujourd’hui d’Erdogan.

Entre silences et euphémismes

En quelques jours, l’Europe vient en effet une nouvelle fois de donner plusieurs gages de ses bonnes dispositions envers le maître d’Ankara.

Le 15 mars, dans le communiqué du Parlement européen faisant suite à la session plénière, et portant sur la situation en Syrie, il n’est absolument pas fait allusion à l’attaque le l’armée turque et des djihadistes contre le canton d’Afrin. Seuls « le régime d’Assad, la Russie et l’Iran » sont sommés « de respecter le cessez-le-feu de 30 jours. » Pas un seul mot sur la Turquie qui bombarde pourtant la ville d’Afrin au même moment. Nulle part, le communiqué du Parlement européen ne demande à la Turquie de respecter le cessez-le-feu.

Le même jour, Le Groupe d’Etats contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO), qui passe pour le redresseur de torts de l’Europe en matière de corruption,  évite soigneusement de froisser Erdogan, à l’occasion de son analyse de la situation de l’Etat de droit en Turquie.

Dans un premier rapport sur l’indépendance de la justice, le GRECO s’en tient à « exprimer sa préoccupation » et à enfoncer des portes ouvertes, affirmant par exemple que « le fait que le Conseil de la magistrature, (…) soit composé de membres désignés par le Président de la République et le Parlement, et qu’aucun de ses membres ne soit élu par les magistrats eux-mêmes, va à l’encontre d’une justice indépendante, »

A propos du financement politique en Turquie, le Conseil de l’Europe exprime juste sa « déception. » Il est difficile d’être plus conciliant, surtout quand le même rapport constate que sur l’ensemble des recommandations faites par le GRECO à la Turquie, seules « 2 sur 22 », ont été respectées…

Enfin, le 14 mars, la Commission européenne, annonce qu’elle va verser à nouveau 3 milliards d’euros à la Turquie, la seconde tranche d’aide financière prévue dans le cadre de l’accord UE-Turquie sur les réfugiés. La députée européenne Marie-Christine Vergiat (GUE-GVN) commente : « Non contente d’avoir sous-traité l’accueil des réfugiés à un pays qui n’est pas signataire de la Convention de Genève, et dont la dérive autoritaire et la violation des droits fondamentaux dans tous les domaines ne peuvent plus être ignorés par personne, la Commission européenne et les Etats membres s’apprêtent donc à signer un nouveau chèque en blanc au régime d’Erdogan. »

Commission européenne, Parlement européen, Conseil de l’Europe… En 24 heures, toutes les institutions qui représentent l’Europe sont montées au créneau. Comment ces 3 messages adressés à Erdogan dont les troupes sont en train d’entrer dans Afrin, pourraient ne pas être interprétées comme un signe d’encouragement ?

Un festival de faux alibis

L’argument rituel selon lequel si l’Europe se tait sur les turpitudes d’Erdogan, c’est pour que celui-ci n’ouvre pas ses frontières pour laisser passer les 3 millions de migrants qui sont réfugiés en Turquie - - outre qu’il est l’aveu d’une erreur politique puisqu’il lie les mains de l’Union européenne face à un dictateur, et qu’il est au départ, un aveu de soumission – ne tient plus aujourd’hui.

A l’occasion d’un débat mercredi dernier au Parlement européen (voir ci-dessous), la députée européenne Virginie Rozière ( Socialistes et Démocrates ) faisait remarquer en substance que si l’Europe avait eu le courage de s’occuper  elle-même des migrants en assumant le problème à bras-le-corps, au lieu de la sous-traiter à Erdogan, dont on savait très bien qu’il ferait chanter l’UE, nous ne serions pas aujourd’hui soumis à ses humeurs. Mais comment peut-on justifier sans état d’âme, que la peur des migrants amène tout un contient à renoncer à ses principes en cautionnant les dérives dictatoriales d’un pays ?

L’Europe n’a pas non plus d’excuse économique car elle ne dépend pas de la Turquie. Comme le rappelle Katar Abudiab, spécialiste de géopolitique et professeur à la Sorbonne (2), c’est bien plutôt la Turquie qui dépend de l’Europe : « la plupart de l’économie de la Turquie se fait avec l’Europe. L’Union européenne a donc le pouvoir de mettre la pression sur la Turquie. » « Nous ne faisons pas ce qui est nécessaire, » a renchéri lundi le géostratège Gérard Chaliand sur LCP.

Dans le concert de propos aimables à l’intention du président turc, la France n’est pas en reste.

Après qu’Erdogan ait lancé ses troupes sur Afrin fin janvier, Emmanuel Macron s’en était tenu à exprimer sa « préoccupation. » Un mot qui a beaucoup fait sourire, mais qui avait cependant mis en colère le ministre des Affaires étrangères turc, considérant qu’il s’agissait là d’une « insulte. » Message reçu. Le président français s’était dit quelques jours plus tard « rassuré » sur cette intervention turque en Syrie.

(1) La Bataille des Dardanelles qui s’est déroulée durant la Première guerre mondiale entre mars 1915 et janvier 1916, tient une grande place dans le récit national turc dont elle est une date clé.

(2) « Enjeux politiques en Syrie », Table ronde, Centre de recherche syrien, 18 mars 2018, Paris.

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20 mars 2018 2 20 /03 /mars /2018 19:26

Mobilisation générale le 24 mars pour stopper Erdogan

Afrin, après avoir héroïquement résisté, est désormais sous le déluge de feu de l’armée turque et de ses supplétifs de Daesh. Les civils fuient maintenant par milliers pour échapper aux pillages, aux massacres, aux viols et aux égorgements. Le bilan humain provisoire est terrifiant. Après les Arméniens il y a un siècle, les Kurdes ont tout lieu de craindre l’attitude génocidaire de R.T. Erdoğan.
Les masques sont tombés devant ceux qui feignaient de croire que la Turquie entendait protéger sa frontière. Sans ambages, R.T. Erdoğan vient de déclarer : « Maintenant, le drapeau turc flotte là-bas ». Il entend désormais poursuivre l’offensive dans tout l’espace kurde jusqu’à la frontière irakienne avec la bénédiction de Moscou et de Washington. L’épuration ethnique qui se dessine vise clairement à faire d’Afrin une base arrière d’enracinement du terrorisme islamiste avec de lourdes conséquences pour la région, l’Europe et la France.

Le gouvernement français a commis une grave faute en considérant que l’on pouvait comprendre R.T. Erdoğan et en faisant preuve à son égard d’une tolérance complice.

Comme le rappelait le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, l’heure est à une mobilisation transpartisane pour stopper R.T. Erdoğan. La France et l’Union européenne doivent parler plus fermement, condamner la politique d’Ankara, exiger l’interdiction du survol de l’aviation turque et son retrait du territoire syrien. L’ONU doit, sans attendre, adopter une résolution protégeant les Kurdes de Syrie.

Des manifestations se dérouleront en Europe le 24 mars 2018. Dans toutes les grandes villes françaises, des défilés auront lieu et le PCF entend contribuer à en faire un succès pour exprimer sa solidarité totale avec les Kurdes qui incarnent le combat pour la liberté, la paix et la démocratie.

Mobilisation générale le 24 mars pour stopper Erdogan (PCF, 19 mars 2018)
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20 mars 2018 2 20 /03 /mars /2018 19:21
Turquie. Erdogan veut envahir tout le Kurdistan syrien
PIERRE BARBANCEY
MARDI, 20 MARS, 2018
L'HUMANITÉ
Déploiement de l’armée turque et de milices islamistes dans Afrin, dimanche dernier. Omar Haj Kadour/AFP
Déploiement de l’armée turque et de milices islamistes dans Afrin, dimanche dernier. Omar Haj Kadour/AFP
 

L’occupation d’Afrin renforce la position des islamistes à Idleb. Khaled Issa, représentant en France du Kurdistan syrien, dénonce l’attitude passive de la communauté internationale.

Depuis dimanche, jour de l’entrée de l’armée turque et de ses supplétifs à Afrin, la ville est le théâtre de scènes de pillage. Des correspondants de l’AFP ont vu des magasins saccagés, des combattants chargeant pêle-mêle dans des pick-up cartons de nourriture, chèvres, couvertures, et même des motos empilées les unes sur les autres, avant de quitter la ville. Des milices proturques ratissent les rues. Elles ont marqué sur la devanture des boutiques et les façades des maisons le nom de leur faction. Près de 250 000 personnes ont été poussées à l’exil et ont trouvé refuge dans des villages souvent contrôlés par l’armée nationale syrienne.

« Il y a une responsabilité morale pour la communauté internationale face à une agression injustifiée et illégale, dénonce Khaled Issa, représentant en France du Kurdistan syrien (Rojava). Ce qui se passe à Afrin est un nettoyage ethnique, et les grandes puissances restent spectatrices. Nous sommes frustrés de voir que les mêmes combattants qui luttaient courageusement contre Daech sont laissés à la merci de l’armée turque alliée aux djihadistes, lâchés sous les bombes d’Ankara. La Turquie ne va pas s’arrêter avec Afrin. » Il pointe du doigt notamment les dangers qui pèsent désormais sur la ville de Manbij.

Les dernières déclarations turques semblent lui donner raison. « Ce que nous disons est très clair. Nous ne sommes pas là-bas pour rester, et absolument pas pour occuper », a cru bon déclarer le vice-premier ministre turc, Bekir Bozdag, sans toutefois avancer de calendrier pour le retrait des forces qui y sont déployées et ont hissé le drapeau turc. Il a d’ailleurs ajouté : « Afrin est maintenant sous contrôle, mais la Turquie a encore du pain sur la planche. Nous avons beaucoup de choses à faire », en avertissant qu’Ankara comptait rendre la ville à ses « vrais propriétaires » (sic).

L’évocation d’une possible opération dans le nord de l’Irak

Le président turc, Recep Erdogan, a été encore plus clair. « En prenant hier (dimanche) le contrôle de la ville d’Afrin, nous avons laissé derrière nous l’étape la plus importante de l’opération baptisée “Rameau d’olivier”, a-t-il dit. Maintenant, après (Afrin), nous allons poursuivre ce processus jusqu’à la destruction totale de ce corridor constitué de Manbij, Aïn al-Arab (nom arabe de Kobané), Tal Abyad, Ras al-Aïn et Qamichli. » Il a même évoqué une possible opération dans le nord de l’Irak, si le gouvernement central à Bagdad tardait à agir contre les éléments du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui y disposent de bases arrière et de camps d’entraînement. « Si vous devez le faire, faites-le. Si vous n’êtes pas en capacité de le faire, alors, une nuit, nous pourrons soudainement entrer dans le Sinjar pour le nettoyer du PKK, a assuré Erdogan. Nous l’avons déjà dit au gouvernement central irakien. Si cette affaire traîne davantage, alors il y aura un nouveau “Rameau d’olivier” là-bas. »

En réalité, en intervenant de la sorte, Ankara change totalement la situation sur le terrain. Le canton d’Afrin est en effet limitrophe de la région d’Idleb, elle-même frontalière avec la Turquie, contrôlée par plusieurs groupes armés, la plupart islamistes et les plus puissants affiliés à l’ex-Front al-Nosra (al-Qaida en Syrie).

Chaque pays cherche son intérêt propre

C’est dans cette région qu’ont trouvé refuge les combattants évacués d’Alep-Est, de Homs et bientôt de la Ghouta orientale. Il est donc à prévoir que les convois d’armes vont passer encore plus facilement pour équiper les islamistes et autres djihadistes qui disposent déjà, en Turquie, d’une base de retrait. Les blessés y sont notamment soignés et des troupes formées. Par la force des armes et son soutien à ces groupes qui accueillent également dans leurs rangs des djihadistes de Daech, Erdogan s’est donc imposé comme un acteur incontournable de la crise syrienne et de son dénouement. Que va maintenant faire la communauté internationale ? C’est toute la question. Chaque pays cherche son intérêt propre. Les divergences se creusent, par exemple entre la Russie, l’Iran et Damas. Par ailleurs, en cas d’avancée turque vers Manbij, que vont faire les États-Unis, qui y ont des soldats stationnés. Le statut de membre de l’Otan de la Turquie, d’un côté, son rapprochement avec la Russie, de l’autre, semblent la protéger contre toute mesure de rétorsion.

La croix-rouge veut accéder à afrin

Le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a demandé, hier, un accès humanitaire à Afrin pour y acheminer de l’aide.« Maintenant, avec les combats, nous avons un grand nombre de personnes déplacées (...) Nous devrons trouver la meilleure façon d’atteindre cette population au cours des prochaines semaines », a déclaré Peter Maurer. Il s’est dit préoccupé de la « crédibilité » de sociétés nationales comme le Croissant-Rouge et la Croix-Rouge qui arrivent sur ces zones, soulignant que « celle du Croissant-Rouge turc pour travailler avec la population kurde est proche de zéro ».

Grand reporter
Turquie. Erdogan veut envahir tout le Kurdistan syrien (Pierre Barbancey, L'Humanité, mardi 20 mars 2018)
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20 mars 2018 2 20 /03 /mars /2018 06:32
Syrie. La ville d’Afrin occupée par l’armée turque et les islamistes
PIERRE BARBANCEY
LUNDI, 19 MARS, 2018
L'HUMANITÉ
Depuis mercredi soir, près de 250 000 personnes ont quitté Afrin, empruntant un couloir dans le sud de la ville menant vers des territoires tenus par les Kurdes ou le pouvoir syrien. Bulent Kilic/AFP
 

Les troupes d’Erdogan et ses supplétifs ont pris possession de la ville. Les combattants kurdes annoncent qu’ils vont passer d’une guerre de confrontation directe à une tactique d’attaques éclairs.

Que veut Ankara ? Hier, l’armée et ses supplétifs islamistes ont pris le contrôle de la ville d’Afrin et le premier geste des militaires a été de hisser le drapeau turc sur l’un des bâtiments principaux de cette cité du nord-ouest de la Syrie. Les soldats turcs et les djihadistes se sont déployés dans l’ensemble des quartiers, tirant en l’air et paradant pour célébrer leur victoire, ont rapporté des correspondants de l’AFP. Perchés sur le balcon d’un bâtiment public, des soldats ont fièrement brandi le drapeau turc. Plus loin, des rebelles syriens se sont rassemblés au pied d’une statue d’une figure historique de la résistance kurde, déboulonnée.

Plus de 1 500 combattants kurdes auraient été tués

Il s’agit donc bel et bien d’une occupation au terme d’une opération lancée le 20 janvier. Près de 250 000 personnes ont quitté Afrin depuis mercredi soir, empruntant un couloir dans le sud de la ville menant vers des territoires tenus par les Kurdes ou le pouvoir syrien. Les communications téléphoniques ainsi qu’Internet ont été coupés, et il est difficile de savoir exactement ce qui se passe. Des informations ont fait état du bombardement d’un convoi de bus dans lequel se trouvaient près de 300 personnes. Le bilan serait des plus lourds. La veille, l’hôpital central de la ville avait été visé, faisant au moins 16 morts. Des exactions contre les civils ont été rapportées. Un « grand nombre » des combattants kurdes ont « fui la queue entre les jambes ! » a lancé le président turc, Recep Tayyip Erdogan. « Notre travail n’est pas fini (...). Mais les terroristes sont finis à Afrin », a renchéri le porte-parole du gouvernement turc, Bekir Bozdag. Dimanche matin, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a indiqué que plus de 1 500 combattants kurdes auraient été tués, ainsi que 400 islamistes. L’armée turque a de son côté fait état de 46 soldats tués et 225 blessés dans ses rangs.

« Pendant 58 jours, l’armée turque a attaqué la population et la région d’Afrin, dans un objectif de génocide et de dépopulation. C’est une attaque commune, préparée et soutenue par la Russie et les pouvoirs internationaux, a dénoncé Osman Cheikh Issa, coprésident du comité exécutif du canton d’Afrin. Ce n’est pas une attaque seulement sur Afrin, mais sur tout le peuple du nord de la Syrie. La résistance des peuples du nord de la Syrie a été une résistance commune. » Pour sa part, Brusk Hesêkê, porte-parole des Unités combattantes kurdes (YPG), a insisté : « Nous ne nous sommes pas retirés d’Afrin, nous avons pris des précautions pour sauver la vie des civils qui ont été soumis à des massacres illimités. Des combattants des YPG YPJ sont présents dans tous les districts d’Afrin et vont continuer le combat. » Il a également prévenu que, « dans tous les secteurs d’Afrin, nos forces vont devenir un cauchemar permanent » pour les soldats turcs et leurs alliés. « Notre guerre contre l’occupation turque (...) est entrée dans une nouvelle étape : nous passons d’une guerre de confrontation directe à une tactique d’attaques éclairs. »

L’incapacité et la lâcheté de l’Union européenne

Depuis le début de l’opération militaire, la Turquie a bénéficié de la mansuétude des puissances internationales et régionales, laissant bien seules les populations de ce canton alors qu’il y avait moyen d’empêcher l’armée turque d’entrer en Syrie. La Russie a laissé les avions d’Erdogan bombarder Afrin et l’armée syrienne n’est pas intervenue malgré la demande des dirigeants civils et militaires du canton. Quant aux États-Unis, ils préfèrent renforcer leurs positions à Manbij, au plus près des puits de pétrole. Ce faisant, les uns et les autres ont laissé se dégarnir le front existant encore dans la vallée de l’Euphrate où demeurent des poches de Daech, combattues par les YPG. Et l’Union européenne (UE), elle, a une fois de plus fait preuve de sa lâcheté et de son incapacité, se bornant à quelques vagues et frileuses déclarations à l’encontre d’Ankara. Seul le ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, Jean Asselborn, s’est ému de la situation à Afrin et s’en est ouvert au secrétaire général de l’Otan – dont est membre la Turquie –, rappelant notamment dans une lettre « qu’il n’y a pas de solution militaire pour le conflit en Syrie ».

Censure sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux pratiquent la censure contre les Kurdes. Les informations diffusées sur compte Twitter @ICafrinresist sont ainsi inaccessibles sous prétexte qu’elles comporteraient « un contenu potentiellement offensant ». Régulièrement les messages du Conseil démocratique kurde en France (CDKF) sont censurés. Enfin, Facebook vient de fermer, pour trente jours, la page de Sylvie Jan, présidente de l’association France-Kurdistan.

Grand reporter
Syrie. La ville d’Afrin occupée par l’armée turque et les islamistes (L'Humanité, Pierre Barbancey, 19 mars 2018)
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18 mars 2018 7 18 /03 /mars /2018 15:45
Biodiversité: le réchauffement menance près d'une espèce sur deux dans les écosystèmes remarquables (L'Humanité, 15 mars 2018)
Biodiversité. Le réchauffement menace près d’une espèce sur deux dans les écosystèmes remarquables
MARIE-NOËLLE BERTRAND
JEUDI, 15 MARS, 2018
HUMANITE.FR

Selon une étude portant sur 35 régions emblématiques de par leur biodiversité, un réchauffement global de 4,5°C conduirait à voir disparaître localement jusqu’à 48% des espèces. Les plantes et les amphibiens sont les plus menacées.

Le réchauffement climatique ne fera pas de quartier aux écosystèmes les plus singuliers de la planète. C’est le résultat inquiétant de la recherche réalisée par le WWF et le Tyndall Centre for Climate Change de l’Université d’East Anglia, en Grande Bretagne, et publiée ce 14 mars dans la revue scientifique Climatic Change.

Selon les projections réalisées dans 35 régions du monde, sélectionnées pour leur biodiversité emblématique, un réchauffement global de 4,5°C, soit celui vers lequel nous nous dirigeons si rien n’est entrepris, pourrait conduire à voir disparaître localement jusqu’à 48% des espèces vivant dans ces zones. Même limité à 2°C, comme le préconise l’Accord de Paris sur le climat conclue en 2015, le réchauffement global pourrait engendrer une perte de 25% de ces espèces.

69% à des espèces de plantes d’Amazonie Guyane courent le risque de disparaitre localement dans le cas d’un réchauffement global de 4,5°C

Entre ces deux scénarios – le pire et le moins pire -, chercheurs et écologistes ont étudié une multitude de cas de figures. Tous confirment des perspectives maintes fois exposées scientifiquement : plus le réchauffement sera rapide et conséquent, plus le nombre d’espèces impactées sera important. Les moins mobiles et les plus lentes – à savoir les plantes, les amphibiens et les reptiles - s’éteindront les premières, dans une proportion qui dépendra aussi de notre capacité à ne pas en rajouter avec, par exemple, de la déforestation.

Partout, des températures saisonnières à la hausse

Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont étudié 35 « Ecorégions prioritaires », ciblées par le WWF pour leur richesse variétale, le nombre d’espèces en voie de disparitions qu’elles abritent ou encore celles qui leur sont endémiques (que l’on ne trouve nulle part ailleurs). Parmi ces écorégions, on retiendra pêle-mêle l’Australie, l’Amazonie, l’Est de l’Himalaya, les Galápagos ou encore le bassin du Yang-Tsé-Kiang.

S’appuyant sur les niveaux de réchauffement global envisagés selon l’importance des actions menées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ils ont ensuite modélisé les conditions climatiques futures spécifiques à chacune de ces régions. « Dans un grand nombre d’Ecorégions prioritaires, il est prévu que les températures saisonnières moyennes dépassent celles qui n’avaient été préalablement observées qu’à l’occasion des années les plus chaudes des cinquante dernières années », relate la synthèse de l’étude réalisée par le WWF. Dans certains cas, ces coups de chaud pourraient se produire « dès 2030 », avec à la clé, une pluviométrie plus faible et des épisodes de sécheresses plus longs.

A Madagascar, la température a déjà augmenté de 0,4°C depuis 1961. A +2°C, 31% des espèces d’amphibiens pourraient disparaitre localement.

Des bouleversements, rappellent les chercheurs, surviendront même si la hausse des températures moyennes à l’échelle mondiale est contenue à 2°C d’ici la fin du siècle, soit l’engagement minimal qu’ont pris les Etats dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat (l’ambition forte étant de limiter le réchauffement à 1,5°C). L’intensité du branle-bas météorologique, en revanche, empirera pour chaque degré en plus qui n’aura pas pu être empêché.

Ainsi, si le réchauffement mondial atteint en moyenne 3,2°C à l’horizon 2080 - soit la température envisagée si les Etats se contentent des promesses d’actions actuellement mises sur la table (et les tiennent) -, 28% des espèces d’oiseaux de Madagascar courent, localement, un risque d’extinction. Si la hausse est au contraire limitée à 2°C, ce risque est divisé par deux, tombant à 14%. Si, au contraire, résolument rien n’est entrepris et que les températures grimpent en moyenne de 4,5°C, ce sont 40% des espèces d’oiseaux de l’île qui courent un grave danger.

La capacité à fuir, déterminante mais inégale

Encore est-ce là les perspectives les moins douloureuses, soit celles qui envisagent que les espèces disposeront d’une capacité de dispersion. Autrement dit, d’une possibilité de migrer vers d’autres zones moins hostiles et de s’y acclimater, le tout dans un laps de temps relativement rapide.

Or, cette capacité à fuir face au réchauffement est loin d’être garantie dans tous les cas de figures. « Ces déplacements se heurtent à d’importantes difficultés », relève ainsi l’étude. Des obstacles naturels, telles que les chaînes montagneuses, peuvent l’empêcher. L’artificialisation des habitats, surtout, peut freiner le cheminement. « L’habitat adapté vers lequel se déplacer peut ne pas exister, avoir déjà été converti en terres agricoles ou faire l’objet d’une autre forme d’utilisation des terres qui s’avère incompatible avec la survie d’une espèce donnée. » En d’autres termes avoir été bétonné, déboisé ou pollué d’une quelconque façon. Et là encore, cela change tout : « En l’absence de possibilité de dispersion, la part d’espèces exposées à une extinction au niveau local progresse de 20 % à près de 25 % » dans le cadre d’un réchauffement de 2°C. Le pire des scénarii, celui qui conjuguera une absence de dispersion et une hausse de 4,5°C, voit ce chiffre bondir jusqu’à 50 %.

Si les Etats se contentent de limiter la hausse des températures globales à 3,2°C, 55% des espèces de plantes et 43% des espèces d’amphibiens courent le risquent de disparaitre de la Méditerranée.

Toutes les espèces, en outre, n’ont, intrinsèquement, pas les mêmes capacités à se sauver. Anthropique, c'est-à-dire induit par l’activité humaine, le réchauffement auquel nous assistons se produit dans un délai bien plus court que les précédents bouleversements géologiques. De fait, plantes et animaux disposent, pour migrer, d’un temps bien plus limité que par le passé. Sans surprises, ce sont donc les espèces les plus « lentes », celles dépendant du vent pour se disséminer ou dont les aptitudes physiques n’offrent pas la possibilité de se mouvoir sur des distances très longues, qui ont le plus de risques de disparaître. Dans ces courses, les grands perdants sont, dans l’ordre d’arrivée, les reptiles, les plantes et les amphibiens. L’exemple de la région Amazonie Guyane est en ce sens éloquent. Dans le cas d’un réchauffement à 2°C avec possibilité de dispersion, 0% des espèces de mammifères et d’oiseaux courent, localement, un risque d’extinction. Ce taux monte à 35% pour les reptiles, à 43% pour les plantes et à 47% pour les amphibiens.

Chef de rubrique Planète
Biodiversité: le réchauffement menance près d'une espèce sur deux dans les écosystèmes remarquables (L'Humanité, 15 mars 2018)
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18 mars 2018 7 18 /03 /mars /2018 15:43
TIPP/TAFTA et CETA : le pouvoir des tribunaux d’arbitrage ébranlé !
 

 

La Cour de justice de l'Union européenne a rendu dernièrement un arrêt important qui va plutôt dans le bon sens.Il concerne les « tribunaux d’arbitrages », connus sous le nom de l’ISDS, mécanismes censées gérer les différents entre les investisseurs et les États.
Ces tribunaux sont un des éléments les plus toxiques du TTIP/TAFTA, accord de libre-échange de l'UE avec les États-Unis -en état de d’attente depuis l’élection de Donald Trump-, et du CETA, accord entre l'UE et le Canada -actuellement en application temporaire jusqu’à la ratification par les États qui doit prochainement arriver à l’Assemblée nationale en ce qui concerne la France.
Ces « tribunaux d’arbitrage » privés, constitués d’avocats et de professionnels du droit commercial, sont censés trancher les conflits entre les États qui légifèrent et les entreprises qui considéreraient ces législations allant à l’encontre de leurs investissements et de leurs profits dans le cadre d’une concurrence « libre et non faussée ».

Le constat, sans surprise, montre comment nombre des jugements de ces tribunaux privés ont donné raison aux multinationales et aux grands groupes en condamnant lourdement les Etats à leur verser de fortes amendes.
La Cour de justice européenne vient de décréter que certains de ces mécanismes sont incompatibles avec le droit de l’Union. En effet, dans le cadre des conflits que ces tribunaux ont à examiner, ces derniers sont amenés régulièrement à prendre en compte le droit communautaire. Or, n’étant pas partie intégrante du système juridique officiel de l’UE, ils n’ont pas pouvoir d’interpeller la Cour de justice européenne (CJUE) pour lui demander de trancher en cas de doute.
Ces tribunaux ne respectent pas l’autonomie du « droit de l’Union » et ne peuvent donc pas garantir sa pleine application, les rendant ainsi incompatibles avec le droit de l’UE.

Sans nul doute après les nombreuses mobilisations citoyennes et politiques de ces dernières années contre les accords TIPP/TAFTA et CETA, cet arrêt de la CJUE est un véritable coup porté à tous les accords commerciaux conclus ou négociés par l’UE qui incluent ce genre de mécanisme. Il confirme également ce qui est porté dans les batailles : ils sont un scandale antidémocratique !
Le Parti communiste français, ses parlementaires, plus que jamais vont redoubler d’effort afin que sur la question de la ratification du CETA, les citoyen.ne.s puissent trancher par référendum après un réel débat démocratique.
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14 mars 2018 3 14 /03 /mars /2018 20:30
fresque dans un camp de réfugiés à Béthléem

fresque dans un camp de réfugiés à Béthléem

L’aide internationale aux réfugiés palestiniens est menacée
 PAR 

Depuis que Trump a annoncé qu’il coupait une partie du financement de l’UNRWA, l’organisation onusienne cherche à boucher le trou dans son budget. Elle organise une conférence de donateurs jeudi à Rome à laquelle la France participe.

Lundi 12 mars, à travers le Moyen-Orient, des milliers d’écoliers sont sortis dans les cours de récréation pour faire voler des cerfs-volants bleus. Du bleu teinte ONU. Cette opération de communication était organisée par l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, un programme vieux de 70 ans qui connaît aujourd’hui une grave crise financière.

Depuis que l’administration de Donald Trump a décidé en début d’année de couper une partie de ses donations à l’organisation, celle-ci craint de ne plus pouvoir assumer ses missions que beaucoup jugent cruciales pour la stabilité dans la région. Jeudi 15 mars se tiendra à Rome une réunion sous l’égide de l’UNRWA, avec des représentants de 90 pays, pour tenter de pallier son manque de fonds. Jean-Yves Le Drian représentera la France, qui envisage d’augmenter sa contribution annuelle.

Hormis Israël et une partie de l’administration américaine, tout le monde juge le travail de l’UNRWA utile et nécessaire, mais peu de pays se pressent pour remplir ses caisses. Créée en 1949 afin d’assister les Palestiniens chassés de leur terre par la création de l’État d’Israël, l’UNRWA est un des piliers essentiels de la survie de ces réfugiés, qu’ils vivent à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban ou en Syrie. L’agence onusienne soutient 1,7 million d’entre eux par des aides alimentaires ou financières, elle offre 9 millions de consultations médicales par an et scolarise plus de 500 000 enfants dans des écoles dont le niveau est souvent jugé meilleur que celui des établissement locaux.

« Parmi toutes les dépenses onusiennes, celle de l’UNRWA est certainement une des plus efficaces en termes de ratio argent/réalisations », estime un diplomate français. Mais l’année 2018 pourrait bien voir la fin d’une grande partie de ce travail. En effet, à la suite de la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël, l’Autorité palestinienne a dénoncé la position de médiateur de Washington et annoncé ne plus vouloir participer aux réunions dites « du processus de paix ». En rétorsion, Donald Trump et son ambassadrice aux Nations unies Nikki Haley ont décidé de réduire leur contribution (volontaire) à l’UNRWA.

L’an passé, les États-Unis avaient versé 364 millions de dollars à l’organisation. Cette année, la première tranche de 120 millions a été amputée de 60 millions et l’UNRWA n’a aucune assurance que le reste sera versé. Donc, pour l’heure, le déficit de financement se monte à 60 millions, mais il pourrait atteindre 300 millions si Washington maintient les cordons de sa bourse fermés. Or la contribution américaine représente 30 % du budget de fonctionnement de l’UNRWA.

Depuis des décennies, Israël dénonce l’UNRWA au prétexte que l’aide aux réfugiés palestiniens maintiendrait ceux-ci dans un statut de dépendance qui encourage leurs revendications au retour sur leur terre d’origine. À cet argument, le commissaire général de l’organisation, Pierre Krähenbühl répond : « Est-ce que si demain l’UNRWA n’existait plus, les jeunes Palestiniens arrêteraient de réclamer une solution et un retour en Palestine ou en Israël ? Bien évidemment que non ! » Pour les forces de sécurité israéliennes, qui sont généralement plus pragmatiques que leur gouvernement, l’UNRWA remplit une fonction utile : elle loge, soigne, nourrit et éduque les réfugiés palestiniens les plus pauvres et les plus fragiles, et permet de faire baisser les tensions.

« Si l’UNRWA cessait de remplir une partie de ses fonctions, des milliers de jeunes Palestiniens se retrouveraient soudainement oisifs, miséreux et bourrés de ressentiment », explique le diplomate français. « On peut penser que beaucoup d’entre eux se tourneraient vers la violence, soit contre Israël, soit contre leurs pays hôtes, voire aux côtés des groupes islamistes. » Il semble que le premier ministre Benjamin Netanyahou soit en partie conscient de ce problème, bien qu’il déteste l’UNRWA. De passage récemment au siège de l’ONU à New York, il a plaidé pour que l’aide aux réfugiés à Gaza et en Cisjordanie soit maintenue. Mais il a aussi avancé l’idée que les fonctions de l’UNRWA pourraient être transférées à l’organisation onusienne qui chapeaute tous les réfugiés dans le monde, l’UNHCR. Le secrétaire général Antonio Guterres lui a répliqué : « Êtes-vous bien sûr ? La mission de l’UNHCR est de rapatrier les réfugiés dans leur pays d’origine. » Apparemment, Netanyahou n’en avait pas conscience, mais cela prouve néanmoins qu’il juge utile le travail de l’UNRWA.

Du côté des Américains, il semble que leur décision soit un mélange de la défiance traditionnelle des conservateurs à l’égard des Nations unies couplée à l’arrogance de Trump qui n’a pas supporté que l’Autorité palestinienne critique sa décision. Comme le confie Pierre Krähenbühl, « ce n’est pas la première fois qu’il y a une différence de vue entre les États-Unis et l’Autorité palestinienne, mais jusqu’à maintenant, il y avait toujours eu un consensus sur la protection des fonds humanitaires. J’avais effectué une visite à Washington en novembre dernier qui s’était très bien passée et je ne prévoyais pas une telle décision. C’est malheureusement un conflit qui dépasse le cadre de l’UNRWA et qui nous laisse démunis ».

Pourtant, assure Pierre Krähenbühl, le rôle de l’UNRWA est encore plus précieux dans la situation actuelle où toutes les négociations semblent figées : « Aujourd’hui, l’horizon des jeunes Palestiniens est fermé : il y a une absence de perspective crédible et identifiable pour leur avenir. Quel est le message qui est livré actuellement à la génération née après les accords d’Oslo ? Que quand on s’engage politiquement, cela n’aboutit pas… Ce n’est pas un très bon message à faire passer à la jeunesse. Il y a de vrais risques pour la stabilité régionale. »

Le secrétaire d’État américain sortant Rex Tillerson, qui a été démis de son poste mardi 13 mars, faisait partie de ceux qui étaient opposés à une coupe dans la contribution à l’UNRWA. Son remplacement par Mike Pompeo, un « faucon », encore plus béni-oui-oui à l’égard du président et proche d’Israël, ne présage pas d’une amélioration de la situation, même si les États-Unis seront présents le 15 mars à Rome pour la réunion des donateurs.

L’UNRWA place tous ses espoirs dans cette conférence, en espérant pouvoir combler le trou laissé par les Américains. Cela ne sera pas chose aisée car, comme souvent, les déclarations passionnées d’appui aux Palestiniens sont assez éloignées de ce qui sort des portefeuilles. Le premier contributeur (à hauteur de 365 millions de dollars en 2017) était les États-Unis, suivi par l’Union européenne (136 millions en 2015). Parmi les nations européennes, la Suède, l’Allemagne et le Royaume-Uni pointent en tête (de 60 à 90 millions) mais la France est bien loin (8 millions). L’Arabie saoudite, qui a longtemps été le troisième contributeur, n’était que le sixième en 2017. Quant à la Russie et la Chine, elles n’ont déboursé respectivement que 2 millions et 0,35 million l’an passé.

Il y a donc théoriquement de la marge pour compenser la participation américaine, mais rien n’est gagné. La France pourrait faire un effort, espère une porte-parole de l’UNRWA : « Paris a clairement exprimé, y compris par la voix du président de la République, son fort soutien à l’UNRWA et son intention de contribuer à préserver notamment le système éducatif pour 525 000 élèves de nos écoles. » Mais si aucune solution financière n’est trouvée, les programmes de l’UNRWA (aide alimentaire, notamment à Gaza, écoles et cliniques) pourraient réduire leur fonctionnement, voire carrément fermer boutique dès le mois de mai 2018.

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14 mars 2018 3 14 /03 /mars /2018 20:00
Munther Amira, acteur de la résistance populaire pacifique palestinienne, condamné à de la prison ferme (AFPS)

Munther Amira, acteur de la résistance populaire palestinienne, condamné à 6 mois de prison

http://www.france-palestine.org/Munther-Amira-acteur-de-la-resistance-populaire-palestinienne-condamne-a-6-mois

Munther Amira, coordonnateur des comités de résistance populaire (PSCC), éducateur social dans le camp de réfugiés d’Aida à Bethléem a été condamné le 12 mars à six mois de prison ferme et à 5 ans de prison avec sursis par le tribunal militaire d’Ofer en Palestine occupée. Il a été « reconnu coupable » de quatre chefs       d’inculpation liés à sa participation à des manifestations, notamment « participation à une marche non autorisée ».

Le jour de son arrestation, il portait une pancarte avec les photos des 4 femmes de la famille Tamimi arrêtées le jour précédent. Un fait délictueux selon la loi militaire imposée aux Palestiniens qui vivent en territoire occupé. Tout aussi « délictueuses » ses participations à des manifestations contre la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël et contre les commémorations de la déclaration Balfour.

L’occupant israélien n’a rien d’autre à reprocher à cet homme que sa résistance à l’occupation et à la colonisation dont il transmet les valeurs non-violentes à la jeunesse du camp d’Aida et de Bethléem.

Sa condamnation pour avoir participé on ne peut plus pacifiquement à ces manifestations est une tentative vaine pour intimider les Palestiniens qui luttent contre l’occupation et la colonisation israélienne.

Depuis l’automne 2014, la répression israélienne à l’égard de la jeunesse de Jérusalem et de Cisjordanie, des acteurs et actrices de la résistance populaire est systématique et frontale. La victoire cet été de la résistance populaire de masse contre l’installation des portiques à l’entrée de l’Esplanade des mosquées est insupportable au pouvoir israélien qui entend briser la volonté d’un peuple et le chasser de sa terre.

Le village de Nabi Saleh se serait bien passé de la notoriété que lui a conférée l’arrestation arbitraire d’Ahed et de 4 autres femmes de la famille Tamimi. Ahed et sa mère Nariman attendent toujours de report en report le sort que cette « justice » politique leur réserve. Une fois de plus leur procès a été reporté au 21 mars. Piètre stratégie pour tenter de briser ces militantes. Depuis, plusieurs dizaines d’autres membres de leur famille dont des mineurs ont été arrêtés de manière tout aussi arbitraire. Chaque semaine, ce sont des dizaines d’arrestations qu’Israël opère lors de raids souvent nocturnes dans les villes et villages palestiniens, dans les camps de réfugiés ou lors de manifestations.

Nous appelons les citoyennes et citoyens épris de liberté à manifester leur solidarité à l’égard des prisonniers politiques palestiniens dont Munther Amira, Salah Hamouri et les membres de la famille Tamimi. Leurs portraits doivent être connus de tous, y compris de nos gouvernants afin qu’ils se décident enfin à montrer par des actes auprès des autorités israéliennes leur détermination à les voir libéré.e.s.

Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian doit bientôt se rendre en Israël et en Palestine. Nous lui demandons de s’exprimer clairement contre la répression qui vise les Palestiniens et en particulier les enfants, les défenseurs des droits, toutes celles et ceux qui manifestent pacifiquement contre l’occupation. Et bien sûr notre compatriote Salah Hamouri et la députée Khalida Jarrar, tous deux emprisonnés sous le régime inique de la détention administrative. Face à un pouvoir israélien qui ne reconnaît que la force brutale, la France et l’Europe ont la responsabilité de protéger le peuple palestinien, et c’est clairement la question des sanctions qui doit maintenant être soulevée.

 

Le Bureau national de l’AFPS
14 mars 2018

-- 
Association France Palestine Solidarité (AFPS) 
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11 mars 2018 7 11 /03 /mars /2018 08:02
Salah Hamouri:  200 jours de prison, 200 jours de trop!

Il est intolérable que la France ne prenne pas position sérieusement et concrètement pour la libération de Salah Hamouri. Le gouvernement français devrait tout mettre en œuvre pour faire pression sur le gouvernement israélien et faire libérer notre compatriote. Continuons à amplifier la campagne de soutien à Salah pour que cesse l'arbitraire...

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