Rassemblement des personnels grévistes de la CGT de l'hôpital et du comité de défense de l'hôpital public de Morlaix - 11 juin 2019 - photo Jean-Luc Le Calvez
Intervention de Christophe Boudrot, secrétaire de la CGT hôpital du pays de Morlaix - photo Jean-Luc Le Calvez
Intervention de Christophe Boudrot, secrétaire de la CGT hôpital du pays de Morlaix - photo Jean-Luc Le Calvez
Intervention de Martine Carn pour le comité de défense du centre hospitalier public de Morlaix - photo Jean-Luc Le Calvez
Rassemblement des personnels grévistes de la CGT de l'hôpital et du comité de défense de l'hôpital public de Morlaix - 11 juin 2019 - photo Jean-Luc Le Calvez
Rassemblement des personnels grévistes de la CGT de l'hôpital et du comité de défense de l'hôpital public de Morlaix - 11 juin 2019 - photo Jean-Luc Le Calvez
Photos du rassemblement revendicatif à l'hôpital par Jean-Luc Le Calvez
Seul la CGT appelait au debrayage et au rassemblement parmi les syndicats des hospitaliers à Morlaix.
80 personnes dans le hall, agents et usagers, notamment du comité de défense de l'hôpital public du pays de Morlaix, réunis.
Ouest-France, 11 juin:
À l’appel de la CGT et du comité de défense des usagers, un rassemblement a eu lieu à l’hôpital de Morlaix (Finistère), mardi 11 juin. Les urgences sont en grève depuis le 23 mai. À l’appel de la CGT et du Comité de défense des usagers, ces soignants et particuliers ont investi le hall du bâtiment administratif de l’hôpital.
Service minimum
Christophe Boudrot, de la CGT, est revenu sur la grève des urgences en France. « Les proportions que prend le mouvement sont particulièrement impressionnantes et révélatrices de la gravité de la situation. » Il cite des chiffres du ministère de la Santé : « En 20 ans, le nombre de passages annuels est passé de 10 à 21 millions. Mais les soignants et leurs moyens n’ont bien sûr pas doublé, eux. »
Commencée en région parisienne il y a plus de deux mois, la mobilisation a gagné la province, notamment Morlaix, depuis le 23 mai.« Le préavis est reconductible et illimité », indique Christophe Boudrot, précisant que chaque jour, « dix personnes sont grévistes ». Dans les faits, cela ne se ressent pas sur la prise en charge : « En raison du service minimum, ces grévistes sont systématiquement réquisitionnés. »
Un bip anti-agressions
La CGT confie avoir obtenu « quelques avancées, mais on attend que cela soit confirmé par écrit ». Craignant pour leur sécurité, les agents pourraient notamment obtenir « un bip permettant de donner l’alerte en cas d’agression ».
Au-delà des urgences, le syndicat milite « contre les fermetures de lits et suppressions de postes dans tous les services ».
Ce mardi 11 juin, jour du vote de la Loi Santé au Sénat, des rassemblements ont eu lieu partout en France à l’appel de plusieurs syndicats. Au centre hospitalier des pays de Morlaix, 70 personnes environ se sont réunies, répondant à la demande de mobilisation de la CGT, soutenue par le Comité de défense des usagers de l’hôpital public. Si Christophe Boudrot, secrétaire du syndicat, a notamment insisté sur la situation actuelle, rappelant le contexte de mobilisation au niveau des urgences et dénonçant de manière générale, « la dégradation de la situation d’accueil et de prise en charge à l’hôpital », du fait de « la fermeture de lits », d’un « manque de moyens humains », Martine Carn du Comité de défense s’est montrée très alarmée face à « la loi Santé 2022 ». Relayant une décision commune avec d’autres comités de défense, elle a lancé un appel à mobilisation de la population samedi 15 juin, sur la place des otages, entre 10 h et 12 h. Objectif : distribuer des tracts et recevoir les doléances des personnes concernant l’hôpital.
José et sa fille Rosa sur la place des Otages de Morlaix, près du Grand Café de la Terrasse. À l’époque, en 1939, le petit garçon qu’était José s’était assis dans un café près du Viaduc et était resté là des heures. Ce passage est décrit dans son ouvrage « Exilés, le passé te rattrape toujours ». Sur les traces de cette enfance, le vieil homme pense peut-être avoir retrouvé ce café, sans en être certain. (Le Télégramme/Cécile Renouard)
En revenant sur les terres de Morlaix et Plougasnou, 80 ans après y avoir été amené en tant que réfugié espagnol, José Colina Quirce a effectué son grand pèlerinage… Mais aussi livré son histoire. Émouvante.
80 ans plus tard, il est revenu à Morlaix et à Plougasnou. Non pas sur décision des autorités, mais sur la sienne cette fois. « C’est une forme de pèlerinage », justifie José Colina Quirce, petit homme un peu voûté mais à la parole alerte. À ses côtés marchent deux autres personnes, sa fille Rosa et son gendre Benoist. Tous les trois, menés par le patriarche, ou « pappy », 89 ans, sont montés d’Ariège, où ils vivent tous ensemble, jusqu’en Bretagne. Direction Morlaix et Plougasnou, pour revoir ces lieux où José et des membres de sa famille, après avoir fui le régime de Franco et s’être retrouvés en France comme 475 000 autres réfugiés, ont été conduits en 1939 par des trains jusqu’à la pointe bretonne, et plus précisément au camp de Plougasnou.
Le temps du silence pour vivre
Rencontrer José Colina Quirce, c’est aussi rencontrer toute une famille, « à la mode espagnole ». Celle des présents à ses côtés, celle des absents, membres éloignés au fil des tragédies et des événements historiques, et celle des morts qui ponctuent encore sa vie et qui ne sont jamais oubliés. José est venu ici avec toute cette famille-là, à ses côtés ou dans son cœur, pour revoir Morlaix avec « son viaduc qu’[il] a regardé pendant des heures, le café où [ils sont] restés attendre », pour revoir Plougasnou et retrouver le camp où il a passé « quatre ou cinq mois lorsqu’[il] avait 9 ans ». « C’était essentiel de revenir », explique-t-il. C’était il y a longtemps mais « les souvenirs sont intacts ».
Comment raconter ?
« Longtemps, dans ma vie, ça a été le temps du silence. Parce qu’on a voulu vivre, on a voulu que nos enfants ne connaissent pas ça », se souvient le vieil homme de 89 ans avant de préciser : « Mais à l’approche de la retraite [comme chef de chantier], j’ai commencé à me dire qu’il faudrait tout de même en parler ». De « ça », de « l’exil », de « la guerre », « d’être réfugié ». « J’ai essayé longtemps d’en parler, d’écrire mais je n’arrivais pas. C’était toujours le même problème, la même question : comment le faire ? », explique-t-il. Le regard fixé dans le vide, il ajoute : « C’est le même problème pour les gens qui sont revenus des camps de la mort ».
« C’était dur, je n’ai rien occulté »
Les années passent. Une rencontre fait basculer José dans sa quête, lui permettant enfin d’entrer dans l’écriture, de raconter. « J’ai retrouvé mon cousin Antoine avec qui j’étais réfugié, se souvient-il. Je ne l’avais pas revu depuis des années… Il avait fait sa vie de son côté, comme moi ». Antoine est aussi animé par un désir de « raconter », et a notamment fait des recherches généalogiques dans les registres ecclésiastiques espagnols. « Il fallait savoir d’où l’on venait, qui on était. J’ai appris avec lui où était née ma mère, par exemple ». Le fil historique et familial est tissé. Si Antoine entend écrire une histoire avec une certaine poésie, José comprend, lui, qu’il veut aller dans une autre direction : « Je ne prétends pas détenir la vérité mais j’ai décidé d’écrire mes souvenirs d’enfant, de la guerre civile, des camps, et aussi ceux des autres, de mes tantes aussi. Mais sans la croyance absolue que ce que disaient les adultes de l’époque était la vérité. Sans adoucir les choses ». L’écriture spontanée se fait… en espagnol. « Je l’ai fait pour ma famille et c’était dur car je n’ai rien occulté ».
Version espagnole, version française
Après cette version espagnole, éditée à quelques exemplaires pour les siens, il établit un lien avec la Maison du Peuple de Morlaix. L’objectif est commun, rédiger un ouvrage en français, pour une autre version sur ce passage de sa vie entre l’Espagne et la Bretagne. Le livre est sorti au printemps grâce, notamment, à toute l’aide de sa famille pour « écrire en français et faire passer les émotions ». Un livre où José décrit Morlaix, sa vie au camp de Plougasnou. Une tranche de vie forte.
« Je suis toujours un exilé »
On hésite à lui poser la question. L’essentielle peut être. On lui montre le titre de son ouvrage « Exilés ». Et doucement elle survient : « Qu’en est-il aujourd’hui ? ». « Je suis toujours un exilé. Je ne suis pas espagnol. J’ai essayé de revenir en Espagne en y habitant en partie pendant seize ans car il y avait ce désir d’enfant, ce désir de mes parents de toujours revenir au pays. Mais je n’ai jamais réussi à m’intégrer. J’ai alors compris après cette tentative que nous ne reviendrions plus jamais en Espagne. Là-bas, je suis considéré comme un Français. Et ici, je ne le suis pas du point de vue administratif. Au bout de 80 ans, je me sens vraiment intégrer. Mais je suis toujours un exilé ».
Dans son ouvrage « l’Extrême centre ou le poison français, 1789-2019 », Pierre Serna montre que le régime macroniste n’est pas une révolution, mais une « vieille histoire » dont la recette remonte à... 230 ans.
Extrait.
Il est temps pour l’historien, passant le plus clair de son temps dans le passé, de s’aventurer et de prendre le risque de travailler avec l’aujourd’hui. Cet ultime chapitre met à l’épreuve l’hypothèse de recherche, celle d’un extrême centre qui a empoisonné la vie politique française dans le passé, pour étudier son opérativité dans le présent. Il serait trop facile de laisser là le lecteur et de lui laisser assumer le non-dit anachronique au bord duquel l’historien s’arrêterait par fausse pudeur, le laissant sauter seul le bond d’hier à nos jours. La rigueur des arguments, apportés du passé au présent, oblige l’historien à encore plus de prudence au moment de tisser les fils ténus, spectaculaires ou invisibles qui relient 1789 à 2019.
Comme le pensait Marc Bloch, l’historien pose des questions au passé en fonction de son expérience présente, mais, plus encore, l’histoire ne sert qu’à comprendre le présent, pas tant parce qu’elle le construit comme l’aboutissement d’une chaîne d’événement tous liés, sinon cela serait du déterminisme réducteur, mais parce qu’elle débusque dans le présent des formes sans cesse rejouées et renouvelées, voire réinventées du passé, mais toujours différentes. Le temps qui passe opère une répétition lancinante dans une différence radicale, jusqu’à ce qu’un nouveau régime d’historicité vienne imposer une nouvelle représentation du monde. Ainsi, jusqu’à preuve du contraire, l’Angleterre vit dans la matrice inventée entre 1688 et 1690 par sa glorieuse Révolution, les États-Unis dans leur république née entre 1776 et 1789 par la guerre d’indépendance, et la France dans sa république démocratique née entre 1789 et 1792 par sa Révolution abolissant l’Ancien Régime.
Il n’y a nul constat de pessimisme ou de désenchantement quant à la capacité du futur à s’inventer, mais simplement l’hypothèse que les libertés fondamentales posées dans la particularité des Révolutions de ces trois pays pris en exemple irriguent encore leur culture, leur identité et leur vivre en commun. Comprendre et penser ce va-et-vient constitue le sel du métier d’historien. Plus que la narrativité de ce qui est advenu et ne se reproduira plus, sous la forme du roman vrai, ou de l’illusion de la reconstitution exacte du passé, l’histoire est une machine à basculer dans le futur par sa modeste contribution à la construction du présent. L’Hier, comme origine sans cesse interrogée en fonction d’une demande sociale toujours différente, selon les générations successives, possède autant d’avenir que le Lendemain dans cette perspective qui rend le métier d’historien enthousiasmant (1).
Un « objet politique historiquement identifié »
Qu’en est-il du macronisme ? Une révolution, comme le prétendait le candidat à la présidentielle du printemps 2017, sous-entendant une projection dans le futur, ou bien ce que j’appelle ici un OPHI, un objet politique historiquement identifié, et constitué aussi de nombreux conservatismes passés et convergents. Le macronisme est-il le dernier avatar de l’extrême centre apparu sous la Révolution et rejoué sous des visages différents tout au long du XIX e siècle et du XX e siècle ? C’est l’hypothèse que je soutiens en reprenant strictement les trois paramètres utilisés pour définir l’extrême centre entre 1789 et 1815 :
1. La possibilité en temps de crise d’utiliser l’arme du girouettisme politique pour recentrer sa position, tout en la justifiant au nom des intérêts supérieurs de la patrie-nation et au nom de la liberté de changer d’opinion en se plaçant ni à droite ni à gauche.
2. Adopter le discours politique de la modération, qui permet d’identifier une politique du centre, qui se veut au-dessus des passions partisanes en prétendant fonder sa légitimité, plus que sur les principes, par la maîtrise de la technicité des affaires du pouvoir et l’efficacité du pragmatisme qu’un homme politique fort doit affronter en temps d’orage, contre les extrêmes prêts à déstabiliser le pays.
3. L’extrême centre masque derrière cette rhétorique et ces éléments de langage apaisants, voire néo-stoïciens, une rigueur et une appétence pour l’utilisation du pouvoir exécutif, risquées pour la démocratie, renforçant toujours davantage les prérogatives du pouvoir exécutif, jusqu’à imposer un régime républicain sans démocratie, un système sécuritaire, finissant par décrédibiliser toute forme de pluralisme dans le débat contradictoire. Le durcissement de la réalité du pouvoir, malgré sa prétention à réconcilier la société, construit la soumission du plus grand nombre, placé sous un contrôle policier toujours plus strict, résigné à abandonner la politique et sa capacité à transformer le réel, dans le moins mauvais des cas. Dans l’hypothèse la plus inquiétante, ce pouvoir exclusif de l’exécutif provoque l’ire de ceux qui, se sentant exclus de cette forme de gouvernance sans démocratie réelle, renforcent leur radicalité de droite ou de gauche, préexistante certes, mais exacerbée par l’omniprésence de cet extrême centre conquérant et nouveau, ayant d’autant plus besoin de ces extrêmes qu’il en est un miroir déformé.
« Folie » ambiante
Quel est le corpus de sources, demandera-t-on légitimement, pour définir LaREM comme un OPHI ? La parole du candidat d’abord, puis du président de la République ensuite, son action officielle et enfin la loi que son parti hégémonique vote sur présentation des projets du gouvernement : ce sont là les documents publics et les plus solennels qui soient. Ici nul ragot, nulle attaque médiocre, nulle bassesse. La méthode d’historien peut être appliquée au présent pour lui donner sens, dans une actualité où, de la façon la plus symptomatique qui soit, des témoins certes subjectifs, mais qui ne l’est point dans un engagement sincère, perçoivent telle une « folie » ambiante ou une « folie » du pouvoir intéressantes à analyser sans plus tarder, par une question qui n’a rien d’incongru au vu des formes irrationnelles de détestation que le président a provoquées ou subies, ou bien au vu des comportements hors de toute logique de bien des citoyens : le macronisme rend-il fou ? Et le président lui-même ne dérape-t-il pas lorsqu’il en vient à traiter de façon condescendante et méprisante une citoyenne qui a osé manifester… à 73 ans avant d’être blessée gravement par les forces de l’ordre alors qu’elle était parfaitement pacifique ?
C’est ce que soutiennent deux observateurs engagés, Frédéric Lordon, de façon circonstanciée dans un long article de Mediapart, et François Ruffin, de façon plus provocante, soutenant que le président est responsable de rendre le pays fou. Paroles disqualifiées de suite parce que outrancières et venant d’opposants déclarés au président ? (2) C’est à voir, et le passé dit autre chose. D’abord, tous les historiens notent dans la presse de la Révolution et de la Restauration cette figure de la folie, du tournis, dû au bouleversement rapide des situations, où littéralement le simple citoyen ne sait plus où donner de la tête. La girouette qui tourne sans cesse est une figure de la folie bien connue des anciens. Celui qui provoque le transformisme de toute une classe politique a intérêt à ce tournis, où chacun, perdant son équilibre, s’en remet à lui puisqu’il semble le seul à marcher droit et seul à savoir où il va, en montrant le chemin à suivre, alors qu’il a brouillé tous les repères anciens. Il impose une nouvelle boussole, la sienne, pour se diriger dans la jungle du monde. Face au vertige ambiant, il est le guide, le premier de cordée.
Étourdir l'ensemble du corps social
Une étude sur les asiles pour aliénés, comme l’on disait en 1815, montre de nouveaux cas de pathologies dues aux changements brusques politiques, après la Seconde Restauration (3). La folie n’est point une figure anodine quoique tenue en marge de la politique et de ses raisons raisonnables (4). Elle est un outil pour ceux qui l’instrumentalisent afin de mieux étourdir l’ensemble du corps social en imposant des rotations de cou incessantes de droite à gauche. Cette tactique permet d’éjecter du manège imposé ceux qui désirent garder leurs principes et rester la tête droite. On les fait passer pour des retardés, qui ne comprennent par la marche du temps et qui s’enferment eux-mêmes dans leur camisole idéologique, incapables de chausser les nouveaux godillots de la République. Comment ne pas penser à ce prisonnier du château d’If que décrit Alexandre Dumas, à qui l’on cache tous les événements entre avril et juin 1815 pour ne pas aggraver sa fragilité mentale ?
Le macronisme, par la perte des repères qu’il impose, par la contradiction permanente entre le discours et le réel, la parole d’un côté, porteuse d’une idéalité présumée, soutenue avec le calme sourire de son président, et, d’un autre côté, l’expérience collective d’un vécu quotidien avec son lot de violences sociales, voire policières, ce mouvement permanent et antinomique provoque les symptômes d’une schizophrénie sociétale en train de déstabiliser le pays.
Cette névrose française de l’extrême centre est en passe de devenir une grave psychose nationale dans la crise des gilets jaunes, comme autant d’habits de protection au travail, comme autant de camisoles voyantes, comme autant de feux allumés pour dire le désarroi de ceux qui, stoppés sur le bord du chemin autoroutier et n’ayant que quelques minutes à vivre s’ils ne passent pas derrière la barrière de sécurité, enfilent leur gilet jaune pour voir les bolides de plus en plus puissants filer devant leurs yeux… Dans la République en marche, certains ne vont plus à pied depuis longtemps dans leur voiture de luxe.
Une parole qui étouffe
Trois temps clés le démontrent : le programme du candidat Macron, car il est le texte d’un homme sincère, parti à la conquête de la France et qui a donné à sa mission le nom de « révolution ». Ensuite, les premières actions présidentielles, du mois de mai au mois d’août 2017, avec l’entretien dans « le Point ». Enfin, la gouvernance depuis le début de la crise des gilets jaunes en novembre 2018, jusqu’au mois de mars 2019 et le déroulement à marche forcée d’un débat national imposé autour de quatre thèmes choisis par le président dont la parole étouffe toutes les autres, parallèlement à la montée en puissance d’un arsenal législatif répressif jamais atteint depuis le début de la V e République.
L’essai se termine au moment où le débat national tourne à un dialogue de sourds entre les monologues interminables du président et les cahiers de doléances qui expriment une politique alternative écologique et sociale à mettre en place de toute urgence. Hélas, les impératifs éditoriaux obligent à conclure avant le résultat des élections européennes qui devraient voir la droite et la gauche traditionnelles perdantes, le centre présidentiel sauvé par la peur de voir les fascismes monter en Europe, et l’extrême droite française toujours plus renforcée. Qu’en sera-t-il de la gauche de transformation sociale ?
(1) Marc Bloch « Que demander à l’histoire ? », dans « l’Histoire, la guerre, la Résistance », Paris, « Quarto » Gallimard, p. 469-483 ; Paul Veyne, « Comment on écrit l’histoire », Paris, Seuil, 1971. (2) Frédéric Lordon, « les Forcenés », dans « le Monde diplomatique », 8 janvier 2019. (3) Françoise Jacob, « Faire la Révolution, est ce devenir fou ? Les aliénistes français du XIX e siècle jugent 1789 », dans l’Image de la Révolution française, Congrès mondial du bicentenaire, Michel Vovelle (dir.), Maxwell Éditeur, Londres, Paris, 1989, t.3, p. 2055-2062. Laure Murat, « L’Homme qui se prenait pour Napoléon », Paris, Gallimard, 2011. (4) Michel Foucault, « Il faut défendre la société ». Cours au Collège de France.1976, Paris, Gallimard EHESS, 1997.
Évasion fiscale. Une étude réalisée par un organisme gouvernemental évalue à 36 milliards d'euros la sous-déclaration fiscale des grandes sociétés, en raison du gonflement artificiel des bénéfices dans les paradis fiscaux. La perte de recettes induite pour l’impôt s'élève à 14 milliards.
La France subit une perte de 29 % des recettes de son impôt sur les sociétés (IS), du fait des profits expatriés par les multinationales dans les paradis fiscaux. Au total, 14 milliards d’euros de recettes publiques ont manqué à l’appel en 2015. Un montant qui correspond à l’impôt dont auraient dû s’acquitter les grandes sociétés, sur la base du taux d’imposition légal en vigueur, pour les 36 milliards d’euros de profits qu’elles ont soustraits cette année-là de leurs déclarations fiscales, soit 1,6 % du PIB.
Pour parvenir à cette estimation d’un phénomène par définition difficile à cerner, puisqu'il s'agit d'une « activité cachée », les chercheurs du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII, un organisme rattaché aux services du premier ministre), ont étudié les « anomalies » observables dans « les données agrégées de la balance des paiements », où sont « enregistrés tous les échanges d’un pays avec le reste du monde ». L’auteur de l’étude, l’économiste Vincent Vicard, y a détecté une incohérence entre la situation d'« emprunteuse » de la France au plan international, et « le solde des revenus d’investissements » qui, lui, « est largement positif », du fait d’un sur-rendement des investissements français à l’étranger par rapport aux investissements étrangers en France.
Distorsions de comptes
Croisé avec les données collectées sur la localisation des profits des multinationales par la Banque de France, qui montrent un niveau de rentabilité des investissements « systématiquement plus élevé » dans les filiales situées dans les paradis fiscaux, « le différentiel de rendement peut s’interpréter comme la trace statistique laissée par l’évitement fiscal des entreprises multinationales », affirme l’étude du CEPII. En clair: les distorsions observées s’expliquent par le gonflement délibéré des profits déclarés dans les pays à faible imposition, au détriment des recettes fiscales dans l’Hexagone. Ainsi, « les maisons-mères françaises déclarent autant de profits dans sept petits pays » où l'impôt est réduit comme Singapour ou Hong-Kong, que dans l’ensemble des pays du G7 plus la Chine. Au total, 19 % des profits étrangers de ces sociétés sont « enregistrés dans les paradis fiscaux en 2015 (contre 7 % en 2001) ».
Les travaux du chercheur montrent ainsi que « l’évitement fiscal prend de plus en plus d’ampleur », puisque l’on est passé d’« un montant estimé à moins d’un milliard d’euros »de profits non déclarés en France en 2001, à 13 milliards en 2008, puis plus de 30 milliards à partir de 2013, et enfin 36 milliards en 2015.
Une concurrence fiscale féroce
Pour Vincent Vicard, cette hausse est notamment « liée au différentiel de taxation croissant avec le reste du monde », les écarts de taux d’imposition ayant « atteint jusqu’à 16 points de pourcentage entre 2013 et 2015 » contre 5 points en 2000, « sous l’effet de la concurrence fiscale entre pays, qui a conduit à une baisse généralisée du niveau de taxation des profits ».
L’étude souligne aussi que cette concurrence fiscale s’exerce principalement entre voisins, puisque « neuf des dix premiers pays d’enregistrement des profits manquant en France sont en effet des pays européens », au premier rang desquels le Royaume-Uni et les Pays-Bas, pays dits « de transit pour les investissements des multinationales », suivis par « de grands paradis fiscaux - le Luxembourg, la Suisse et l’Irlande ». Une situation qui illustre, selon le chercheur, « le lien entre intégration économique et opportunités d’évitement fiscal », et qui souligne « l’importance de l’échelon européen » à prendre en compte pour lutter efficacement contre ce phénomène.
De passage en France pour la présentation de son livre Inégalités, ce que chacun doit savoir (Seuil), James K. Galbraith a répondu à l’invitation de l’Humanité pour un débat, sur le vif, avec la sociologue Monique Pinçon-Charlot, spécialiste de la bourgeoisie française, et l’économiste Frédéric Boccara, membre du conseil économique social et environnemental (CESE).
Conseiller de Barack Obama, de Bernie Sanders et de Yanis Varoufakis, James K. Galbraith passe pour un économiste iconoclaste. Chroniqueur au Texas Observer, au New York Times, au Washington Post et au Boston Globe, il fait partie des voix dites « hétérodoxes » qui, comme celles de Joseph E. Stiglitz ou Paul Krugman outre-Atlantique, font valoir d’autres idées que celles platement déroulées aux pieds des soi-disant « premiers de cordée » par « les figures dominantes contemporaines de l’économie », « sorte de politburo de la pensée économiquement correcte », comme il l’écrit sept années avant le déclenchement de la crise financière de 2008.
Fils du grand économiste de la société industrielle John Kenneth Galbraith, qui fut en son temps conseiller de Franklin Delano Roosevelt, John Fitzgerald Kennedy et de Lyndon B. Johnson, James K. Galbraith entend défaire, arguments à l’appui, « l’emprise magique des conservateurs sur les esprits de la gauche ». Une tâche plus nécessaire que jamais. Après un salut à la rédaction du journal fondé par Jean Jaurès, c’est à un échange à la fois respectueux et concentré que se sont livrés nos invités.
En question, l’accroissement des inégalités, dont le bruit de fond se fait entendre partout dans un monde dominé par les politiques néolibérales et mis en danger par la cupidité aveugle des classes dominantes. Une question aux enjeux majeurs, comme le montrent James Galbraith, Monique Pinçon-Charlot et Frédéric Boccara dans les pages qui suivent. Une question qui appelle également une réponse collective face aux périls inédits qui pèsent sur notre époque.
Chaque année, un certain nombre d’organisations indépendantes produisent des rapports sur l’évolution des inégalités. À quelles conclusions principales aboutit l’enquête scientifique à l’échelle globale et sur le temps long ?
James K. Galbraith : Dans mon livre Inégalité. Ce que chacun doit savoir, je me suis donné l’objectif de trouver une réponse, scientifique, juste et assez précise à la question portant sur l’origine des inégalités. Pour cela, il fallait faire un effort qui a duré presque vingt ans pour avoir, à l’échelle mondiale, des chiffres et des mesures sur lesquelles fonder quelque confiance. Avec mon équipe, nous avons fait des enquêtes sur plus de 150 pays et sur une période de cinquante ans, et nous avons trouvé deux choses convergentes. D’abord, qu’il y a des tendances en commun dans l’économie mondiale. Ces tendances correspondent au changement de la politique financière et monétaire, qu’on peut corréler à la hausse des inégalités dans la plupart des pays : la crise d’endettement du début des années 1980, la chute des régimes socialistes à la fin des années 1980 et au début des années 1990 et, ensuite, la crise asiatique des années 1995, 1996 et 1997. Après l’an 2000, on peut constater une pause et une stabilisation. Pas partout, mais dans un grand nombre de pays. C’est le deuxième point. À cause de la baisse des taux d’intérêt, l’amélioration des prix des exportations et le recul, en Amérique latine notamment, de la politique néolibérale. Au Brésil, par exemple, avec des gouvernements démocratiques qui ont essayé de lutter contre la pauvreté et de rétablir ou plutôt d’établir, peut-être pour la première fois, la démocratie sociale. Première conclusion donc : c’est une question de politique monétaire, financière et de l’endettement surtout. Je crois que mon livre est une contribution assez importante au débat parce que les économistes ont l’habitude de considérer cette question dans un cadre assez étroit. Par rapport aux statistiques, disons, strictement nationales d’une part ou, d’autre part, en considérant que c’est un phénomène secondaire par rapport au marché du travail par exemple.
Monique Pinçon-Charlot : Ce pouvoir de la grande finance n’aboutit pas seulement à aggraver les inégalités au niveau économique mais aussi sur le plan culturel. Le monde de la grande richesse, c’est le monde des collectionneurs d’art, avec, aujourd’hui, l’art contemporain, et aussi celui des grandes écoles. Dans nos recherches, Michel Pinçon et moi-même, nous reprenons les quatre formes de la richesse définies par Pierre Bourdieu : la richesse économique, culturelle, sociale et symbolique. La financiarisation du capitalisme, avec ce qu’on appelle le néolibéralisme, est ce moment où, précisément, à cause de la politique monétaire que James décrit à l’échelle internationale, la finance prend le pouvoir sur tous les secteurs de l’activité économique, sociale et politique. Les médias et les instituts de sondage sont ainsi aujourd’hui la propriété de milliardaires. Cette financiarisation de l’économie est à l’origine de l’aggravation de toutes les formes d’inégalités à l’échelle de la planète. Nos recherches montrent à quel point l’oligarchie est organisée. Malgré une concurrence interne liée aux traditions nationales, il y a une coordination de ses intérêts de classe sous la forme de groupes informels et internationaux comme Bilderberg ou la Trilatérale. Le capital social des dominants est donc national et international. La quatrième forme de richesse, celle symbolique, que décrit Bourdieu dans sa théorie de la domination, fait l’objet d’inégalités particulièrement cruelles au moment où les plus riches s’approprient toutes les richesses et tous les pouvoirs, se déclarent les premiers de cordée, les créateurs de richesse ou les modernes, tandis que les travailleurs sont traités de coûts, de charges, quand ce n’est pas de fainéants et de ringards. Je veux insister sur le fait que les inégalités forment système et que ce système d’inégalités est en cohérence avec la constitution de l’oligarchie comme classe sociale au sens marxiste du terme, c’est-à-dire, en soi, avec des modes de vie et de richesses exceptionnels et, pour soi, avec une mobilisation déterminée dans la défense de ses intérêts.
Frédéric Boccara : Les constats de Monique et de James sont riches et documentés. Je soulignerai pour ma part trois aspects des inégalités. D’abord, il y a les inégalités de revenus. Dans ces inégalités de revenus, il faut distinguer, d’un côté, les inégalités entre salaires, sur lesquels un certain nombre d’économistes et de commentateurs insistent pour opposer les salariés entre eux – y compris des gens à gauche comme Thomas Piketty, qui triche sur ses courbes pour opposer les salariés bien payés aux autres – et, d’un autre côté, il y a les inégalités considérées sur l’ensemble des revenus comprenant les revenus du capital, bien plus élevées. Les prélèvements du capital sont considérables. C’est ce que nous appelons le coût du capital, indicateur de sa domination. Deuxièmement, il y a les inégalités de patrimoine, qui sont toujours beaucoup plus importantes que les inégalités de revenus. Ensuite, il y a les inégalités pour ainsi dire réelles, comme les inégalités sociales face à la mort par exemple. Il y a plus de six ans d’écart entre l’espérance de vie des ouvriers et celle des catégories plus aisées. Mais aussi les artisans, qui sont dans le monde du travail et qui travaillent beaucoup, ont une espérance de vie qui n’est pas si bonne. Pour les chômeurs et les précaires, c’est pire. On ne connaît pas l’espérance de vie des très riches qui ne vivent pas de leur travail. Les inégalités réelles, ce sont aussi les inégalités de disponibilité du temps. Mais, troisièmement, il y a les inégalités de pouvoir liées aux monopoles sur les moyens financiers.
Pouvez-vous illustrer ce point ?
Frédéric Boccara : Aujourd’hui, d’après l’Insee, à peine deux cents très grandes multinationales installées en France, françaises ou étrangères, occupent directement un tiers des salariés des entreprises, sans parler des sous-traitants. Elles contrôlent plus de la moitié des profits, hors profits financiers. Ce sont des chiffres très importants. Ils montrent comment se polarise le champ des inégalités, qui sont des inégalités de pouvoir et de création de richesse. Ils renvoient, comme je l’ai dit, au monopole sur les moyens et sur leur utilisation. Ce monopole s’est concentré énormément. Par exemple, le fonds américain BlackRock gère 6 000 milliards de dollars, soit trois fois le PIB français. C’est gigantesque ! Et les banques, c’est bien plus encore. C’est de l’argent qui appartient à toutes sortes de personnes, des riches ou des moins riches, mais qui, monopolisé par ces institutions, fait levier et donne un pouvoir considérable à quelques entreprises, banques et centres de décision. Il est monopolisé au service d’une « culture du profit ». La question qui se pose, c’est de se saisir de ces leviers par l’action publique, pas seulement pour compenser les inégalités mais pour les réduire effectivement, au service d’une autre culture : développement des capacités de chacune et chacun, et développement de la société, de ses « bonnes » richesses. Avec la radicalité des révolutions informationnelle et écologique, combattre les inégalités de pouvoir, de savoirs, de formation, de revenus, de temps disponible devient décisif, y compris pour une autre production et pour l’efficacité économique elle-même. Il faut donc articuler répartition et production. Distribution des parts du gâteau avec sa taille à accroître et sa composition à assainir.
Le mouvement des gilets jaunes a mis en exergue la question de la justice fiscale à travers, notamment, la critique de la suppression de l’ISF. La montée des inégalités peut-elle être mise en relation avec l’« échappée fiscale » des classes possédantes favorisée par les politiques néolibérales ?
Monique Pinçon-Charlot : L’expression d’«échappée fiscale » me paraît bien douce par rapport à la réalité. Il s’agit d’une fraude fiscale qui s’intègre dans une guerre de classe que mènent les plus riches contre les peuples. En cela, nous ne faisons que manifester notre accord avec le milliardaire américain Warren Buffett qui déclarait en 2005 que cette guerre de classe est menée par les riches et qu’ils sont même en train de la gagner. Le fondement de la fraude fiscale est le refus assumé de la part des ultrariches de contribuer aux solidarités nationales. Nous sommes nombreux en France, je pense particulièrement à Alain et Éric Bocquet, aux États-Unis et ailleurs, à combattre la fraude fiscale et à la documenter. Mais, paradoxalement, la fraude fiscale ne fait que s’aggraver ! On est passé en deux ou trois ans de 80 milliards à 100 milliards d’euros qui manquent chaque année dans les caisses de Bercy. Tout se passe comme si la critique sociale permettait au système capitaliste et à l’oligarchie d’affiner toujours plus la fraude fiscale et les secrets de son opacité. Dès son arrivée à l’Élysée, Emmanuel Macron a introduit le « droit à l’erreur » pour remplacer la politique de contrôle fiscal par une politique d’accompagnement qui sera évidemment favorable aux plus riches contribuables, en toute complicité avec certains hauts fonctionnaires de Bercy. Frédéric a insisté avec justesse sur l’interconnexion des inégalités, de la richesse et du pouvoir. L’État n’est en effet pas du tout une forme réifiée, indépendante des rapports de forces et de classes, qui défendrait généreusement l’intérêt général. L’État est aujourd’hui pillé par des oligarques prédateurs. Rien ne doit échapper à la gourmandise des donateurs qui ont placé Emmanuel Macron à l’Élysée. Les privatisations et les cadeaux fiscaux sont une des modalités de ce pillage. Les revenus du capital sont désormais imposés, de manière forfaitaire, à 12,8 %, c’est-à-dire en dessous de la première tranche d’imposition, de fait, des salariés, qui est à 14 %, mais qui grimpe de manière progressive jusqu’à 45 % !
Frédéric Boccara : Cette question de « l’évasion » montre l’obsession du profit, pas seulement pour échapper à la fiscalité, mais aussi aux salaires, aux cotisations sociales, voire aux dépenses de développement, investissement, R&D… Bref à tout débat sur l’utilisation des richesses créées. Au CESE nous parlons d’ « évitement fiscal », dans un avis auquel j’ai activement participé. Et nous insistons : les choses se jouent aussi au sein même des entreprises, et proposons de conférer un droit d’information et de décision aux salariés comme à la société civile extérieure, concernant les localisations et cessions des brevets, la fixation des montants des royalties et des intérêts des prêts intra-groupe. Bref agir aussi en amont de la fiscalité, avant même que ne soient constatés les profits.
Cette prédation du néolibéralisme appuyée sur le pouvoir politique n’est-elle pas à mettre en relation avec ce que James Galbraith a appelé l’« État prédateur », il y a plus de dix ans ?
James K. Galbraith : Dans mon livre l’État prédateur, en effet, je proposais de montrer qu’une grande partie de la politique néolibérale est une espèce de politique prédatrice de l’État-providence. C’est-à-dire que, étant donné qu’au XXe siècle on a établi des institutions pour les protections sociales et pour le bien commun au cours de l’évolution de nos politiques, ces institutions sont devenues des cibles et des sources d’enrichissement. La diminution des protections sur la Sécurité sociale ouvre un champ pour les assureurs privés par exemple. C’est un aspect très clair de ce genre de choses et même, dans certains cas, on a peut-être un élargissement de certains aspects des services publics, mais de manière à enrichir un petit nombre. C’est le cas pour les entreprises pharmaceutiques et pharmacologiques aux États-Unis, qui ont beaucoup profité du nouveau système d’assurance pour les médicaments. Mais je voudrais aussi souligner un deuxième point qu’a évoqué Frédéric. Ce qu’on trouve à travers notre enquête, c’est qu’il y a une relation assez étroite entre le degré d’égalité ou d’inégalité quand on fait une comparaison entre pays et la performativité de leurs statistiques macroéconomiques, c’est-à-dire que, en général, les économies qui ont maintenu un degré élevé d’égalité, c’est-à-dire surtout en Europe du Nord, ont l’expérience d’un taux de croissance de productivité plus élevé que les autres. Pourquoi ? Parce que cet environnement favorise les entreprises progressistes et défavorise les entreprises qui seront, d’un point de vue technologique, plus réactionnaires et plus régressives. Ceux qui jouent sur la main-d’œuvre bon marché ne sont pas favorisés par une politique où il y a une compression des salaires. Deuxièmement, il y a une réduction des taux de chômage. Dans ces pays-là, c’est très clair. L’inégalité et le chômage, ce sont deux aspects de la même chose. C’est aussi très évident en ce qui concerne les questions de migration. Quand les inégalités sont très grandes, vous avez la migration vers les villes, vous avez la migration vers les pays et les régions les plus riches. C’est motivé par la différence. Pour bien gérer l’économie nationale, l’économie continentale et l’économie mondiale, il faut réduire cet accroissement des inégalités. Autrement, ce que Monique a décrit sur la question de la culture de la société deviendra très difficile à tenir avec une façon de vivre ensemble sans violence.
Frédéric Boccara : Aujourd’hui, on ne peut pas seulement « compenser », corriger les excès du marché et équilibrer les pouvoirs. Il faut porter une logique radicalement différente, même si c’est à partir du système existant. Il faut de tout autres critères positifs que la rentabilité financière. Il faut aller au-delà de Keynes, voire de Marx, à partir de leurs points forts. De tout autres critères de gestion des entreprises d’utilisation des fonds, portés par des institutions nouvelles sont le défi démocratique et économique de notre temps. D’autant que nous assistons à une véritable révolution technologique informationnelle, mettant au cœur de l’efficacité les dépenses pour les capacités humaines, sur lesquelles insiste tant le grand économiste indien Amartya Sen, et non celles pour le capital, ainsi que le partage des coûts au lieu de la concurrence prédatrice. La révolution écologique renforce et élargit profondément ce défi, de même que la révolution monétaire en cours, d’émancipation de la monnaie d’avec l’or. Les deux catastrophes possibles, financière et écologique, sont liées. Il faut se doter des moyens de les conjurer. Un secteur public, d’accord avec James, mais aussi des institutions financières publiques, tous fonctionnant avec d’autres critères. Voyons que le rôle des services publics devient décisif. Et au-delà d’allocations chômage, ayons la visée d’un revenu et d’une activité possible pour tous, mais avec les moyens d’étendre la richesse de la société et d’y contribuer : emploi, formation, droits sur l’utilisation des richesses. C’est ce que nous désignons par une sécurité d’emploi ou de formation.
Réduire l’accroissement des inégalités est-il possible sans une large base de l’économie qui soit socialisée ?
James K. Galbraith : Je suis plutôt favorable aux grandes entreprises et je crois qu’elles sont inévitables dans l’organisation de la production dans la société, mais il faut, effectivement, avoir des contrôles, des équilibres de pouvoir, avec des organisations qui puissent imposer les valeurs sociales, que ce soient les protections des conditions de travail, les salaires des travailleurs, les conditions environnementales et la direction du développement, et pas seulement des entreprises privées qui décident selon leurs seules préférences. Cela, effectivement, suppose une base qui soit socialisée avec un secteur public et des secteurs où ne domine pas la recherche du profit avec des institutions décentralisées : des assurances pour la retraite, des assurances santé, des assurances contre le chômage, des services publics des biens de consommation qui sont en commun.
Comment, pratiquement, faire avancer la lutte contre les inégalités ? N’est-elle pas une affaire collective ?
Frédéric Boccara : La question de l’unité du salariat dans sa diversité, depuis les plus précaires et les ouvriers jusqu’aux ingénieurs et aux cadres, mais aussi les enseignants, les chercheurs, les infirmières, les médecins, autrement dit la question de l’unité des forces sociales, est fondamentale. Les bases objectives de cette unité, nous devons les faire percevoir. Les inégalités mettent en lumière ces bases, dans leurs deux dimensions de richesse et de pouvoir, comme le montrent les travaux de Monique et Michel. La question environnementale pose aussi cela de manière brûlante. La société entière crève et souffre de la domination de la rentabilité et du pouvoir du capital. Cela s’exprime dans les inégalités. La réduction des inégalités doit être un but pour une civilisation humaine de partage des biens communs de toute l’humanité. Pas l’égalité au sens du nivellement. Le grand enjeu, c’est une sorte d’alliance entre toutes les forces et les acteurs du développement réel et de la création face au grand capital financier égoïste et cosmopolite. Mais cela veut dire aussi qu’il faut d’autres buts et d’autres critères qu’on puisse imposer à partir de l’existant. L’équation qu’on a devant nous est une alternative à la fois radicale et réaliste. Radicale, car il faut une autre logique. Réaliste, parce qu’elle part de la situation que nous vivons. La poursuite de la rentabilité à tout prix dans les entreprises n’est pas compatible avec une autre production écologique. L’écologie, ce n’est pas seulement dans la consommation, c’est une tout autre production. L’imposition d’autres critères, notamment à partir de l’utilisation de l’argent, doit se faire aussi bien dans les entreprises que dans les banques et les institutions publiques.
À partir de quand l’oligarchie libérale a-t-elle amorcé sa contre-révolution, disons, anti-égalitaire ?
Frédéric Boccara : On pourrait revenir sur 1979 et la théorie quantitative de la monnaie imposée en parallèle avec la « théorie » du ruissellement. L’idée c’était : « Peu importe où l’on met l’argent, il faut seulement maîtriser sa quantité pour éviter l’inflation. » Cela, c’est la théorie néolibérale. Nous, nous disons : si on utilise l’argent pour développer les gens ou pour polluer, ce n’est pas la même chose ! Si on utilise l’argent pour développer les gens ou pour accumuler du capital financier, ce n’est pas la même chose ! C’est une question politique majeure et qui s’articule à celle des institutions nouvelles à créer, dont parle James. Cette question d’une nouvelle démocratie, que pousse, par exemple, le mouvement des gilets jaunes, est très importante. On pourrait très bien avoir des conférences régionales citoyennes, dans chaque région, où l’on poserait les questions suivantes : combien d’argent existe ? Non pas seulement public mais celui des entreprises et des banques. Qu’est-ce que cela a donné ? Quelles atteintes à l’environnement ? Quelle création d’emplois ? On se donnerait des objectifs ensemble. Je ne suis pas pour faire table rase du passé mais pour faire advenir le meilleur dans l’actuel. C’est une lutte terrible qui est en cours. Pour des alliances efficaces, nous avons besoin de débattre et expérimenter cette idée de prendre le pouvoir dans les institutions et d’en créer de nouvelles, pour imposer une autre logique aux banques et aux entreprises, jusqu’aux multinationales organisant l’évitement fiscal, social, voire productif généralisé.
James K. Galbraith : Il y a effectivement une liaison très étroite entre les inégalités et la soutenabilité de l’écologie. C’est une question fondamentale de survie qui se pose au monde, parce que c’est seulement à travers une société plus égalitaire qu’on peut avoir un niveau de vie, une capacité, une qualité de vie pour la population générale qui soit acceptable dans les limites écologiques qui sont posées. À travers les services publics, à travers les assurances sociales et à travers les biens de consommation qui sont partagés et qui n’ont pas cet aspect de gaspillage, cet aspect d’émulation, cet aspect décrit avec génie par Thorstein Veblen de consommation ostentatoire. À travers des institutions qui nous enseignent à vivre ensemble d’une façon agréable et acceptable. Avec du travail pour tous. Avec une contribution faite par tous. C’est comme cela que les choses vont avancer. Autrement, on est sur la voie, vraiment, de la destruction. Les deux sujets, la question économique et la question écologique, ont été traitée séparément dans la plupart des discussions. Il faut admettre que, si on accepte les inégalités, on accepte aussi cette voie de détérioration de la situation écologique et, cela, il n’est pas possible de l’accepter.
Monique Pinçon-Charlot : Je rebondis pour faire ma petite conclusion à partir de ce que vient de dire James. La question écologique avec le dérèglement climatique, en s’interconnectant avec toutes les autres formes d’inégalité, va soit nous faire basculer dans l’enfer, soit, au contraire, nous permettre de construire le paradis. Nous sommes en effet à un moment de bascule dans l’histoire de l’humanité tout à fait inédit puisque c’est la première fois que la planète est menacée dans sa survie à cause d’êtres humains capitalistes, qui, dans leur soif de pouvoir et d’argent, ont provoqué ce dérèglement. Je suis d’accord avec vous deux pour essayer de continuer à travailler de l’intérieur pour améliorer tout ce qui est améliorable, mais j’insiste sur le fait que nos pensées critiques peuvent paradoxalement aider les capitalistes à aggraver l’opacité de l’oppression.
Je voudrais aussi déplorer les concurrences internes au marché de la contestation sociale, avec ses divisions et parfois ses ego disproportionnés. Or, nos recherches ont au contraire mis en évidence la solidarité, malgré des niveaux de richesse tout à fait hétérogènes, de l’oligarchie. Bien entendu, cette classe a l’argent et les pouvoirs et, n’étant pas nombreuse, la solidarité est beaucoup plus facile pour elle. Mais, à l’heure où la survie de la planète est en jeu, nous devons mettre toutes nos forces pour arriver à surmonter nos divisions politiques, bien dérisoires face à ce qui va advenir, et construire une union populaire et solidaire dans le respect des sensibilités des uns et des autres. Ce serait le plus beau des cadeaux empoisonnés que nous pourrions faire à nos oppresseurs !
Table ronde réalisée par Jérôme Skalski et Marc de Miramon Photographie Magali Bragard
Place Rol-Tanguy, gare de Morlaix, mercredi 12 juin, à 16h, hommage commémoratif pour l'anniversaire des 111 ans de sa naissance au colonel Rol-Tanguy, militant ouvrier, héros de la Résistance et des Brigades Internationales, ancien président de l'Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance.
Cet hommage à Morlaix aura lieu en présence de Jean Rol-Tanguy, un des enfants d'Henri et de Cécile Rol-Tanguy.
Nous célébrons à partir de cette semaine l'anniversaire des 75 ans du débarquement allié et des combats de la libération qui firent tant de victimes dans les rangs de la Résistance, en Bretagne notamment.
Parmi les Bretons qui ont joué un rôle de tout premier plan dans la Résistance Nationale figure Henri Tanguy, dit Rol-Tanguy (Théo Rol était un de ses compagnons des Brigades Internationales tués dans la bataille de l'Ebre), membre de l'état major des FFI au titre des FTP, commandant les FFI en Ile-de-France pendant les combats de la Libération.
Henri Rol-Tanguy est né à Morlaix le 12 juin 1908 il y a 111 ans. Ce fut un très grand militant ouvrier, cégétiste et communiste, dirigeant dans les Brigades Internationales pendant la guerre d'Espagne et grand dirigeant de la Résistance qui commanda l'insurrection populaire menant à la Libération de Paris en août 1944.
Henri-Rol Tanguy est décédé à Paris le 8 septembre 2002 après une vie d'engagement bien remplie. A ce moment, Morlaix a été une des premières villes à lui consacrer en hommage à ce que furent son action historique et son importance dans le rétablissement de la République une rue ou une place, en l'occurrence, la place de la gare, place Rol-Tanguy.
Alors que le fascisme et l'extrême-droite sont redevenus des menaces véritable pour le vivre-ensemble, les valeurs humaines et démocratiques en France et en Europe, au moment où le Président de la République continue par soumission aux forces de l'argent à détruire méthodiquement l'héritage de la République sociale issue des combats de la Résistance, l'héritage social et démocratique du Conseil national de la Résistance, le Parti Communiste Français - la section du pays de Morlaix et la Fédération du Finistère - appellent tous les citoyens, élus, qui se reconnaissent dans ces valeurs de la Résistance à rendre hommage à l'engagement de Henri Rol-Tanguy, et, à travers lui, aux idéaux de République sociale et démocratique rénovée portée par le Conseil National de la Résistance.
Tous les citoyens, élus, associations, militants syndicaux et des droits de l'homme, anciens combattants, amis de la Résistancequi veulent rendre hommage à Rol-Tanguy sont invités à participer à l'hommage rendu à Henri Rol-Tanguy le 12 avril 2019 à 16h.
Cet hommage à Rol-Tanguy le jour de l'anniversaire de sa naissance est d'autant plus nécessaire que, malgré la rénovation de la Gare de Morlaix, qui a pourtant coûté des millions d'euros, la petite plaque d'hommage datant de l'inauguration de la place, est aujourd'hui très dégradée et dans un triste état, cantonnée dans un endroit éloigné, peu visible et peu reluisant, la dignité et la visibilité de l'hommage rendu sur la place de la gare à Rol-Tanguy, compagnon de la Libération, posant question, et étant insuffisante.
ROL-TANGUY " J'avais pour cet homme d'exception une profonde admiration "
Samedi, 14 Septembre, 2002 - L'Humanité
Aux Invalides, Jacques Chirac prononce l'éloge funèbre de Henri Rol-Tanguy
Le colonel Henri Rol-Tanguy, héros de la Résistance et l'un des principaux artisans de la libération de Paris, a reçu les honneurs militaires à l'occasion d'une cérémonie présidée par le chef de l'État.
Cécile est là. Quelque part, presque au milieu de cette cour d'honneur de l'hôtel des Invalides. Toute frêle. Mais sans larme : peut-être les a-t-elle laissées couler avant, ailleurs. Peut-être les libérera-t-elle plus tard. Pour l'heure, les traits tirés, mais " assurant ". Robert Chambeiron l'étreint. Elle sait. Tout à l'heure, le cercueil où gît Rol, où gît Henri paraîtra, drapé de tricolore, porté par des gars en uniforme. Ils franchiront lentement le passage sud de la cour, où se dressent les gerbes de fleurs et les porte-drapeaux, tandis que " jouera " la musique. Musique régionale du 8e R.T., avec ses tambours voilés de crêpe. Et il faudra tenir. N'a-t-elle pas été sa marraine de guerre pendant l'affreuse guerre pour l'Espagne républicaine ? Et après... On n'a pas été agent de liaison pendant l'Occupation pour rien. " Lieutenant des Forces françaises de l'intérieur ", ça se mérite. Même aujourd'hui. Peut-être surtout aujourd'hui. Ses enfants, leurs enfants sont là. Et les anciens de la Résistance, et les anciennes. Dans la douleur. Comme autrefois. Quand on ne savait pas si celle ou celui qu'on devait attendre (pas trop longtemps !) serait au rendez-vous...
Ensuite, le président de la République s'approchera. Se penchera, lui parlera. Il lui dira des choses. Des mots de compassion, de réconfort. Puis ce sera la cérémonie : tout bien réglé. Comme savent faire les militaires. Des jeunes, de la légion, de l'armée de terre, de l'air et de la marine. Aux gestes si mesurés, qu'ils ont appris. Mais ces gestes, ils les accompliront pour elle. Par devoir. Comme lors de ces cérémonies en souvenir des fusillés : combien étaient-ils, les torturés, les mitraillés, les déportés, les copains, les copines. Les parents...
Le colonel Henri Rol-Tanguy, né le 12 juin 1908 à Morlaix, décédé au cours de la nuit du 8 au 9 septembre 2002 , à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans, repose, depuis le 13 septembre dans le cimetière de la commune de Monteaux (Loir-et-Cher). Il l'a bien mérité. Le 12 septembre, prononçant son éloge funèbre, Jacques Chirac a salué la mémoire de ce militant et résistant communiste dont Charles de Gaulle, le 18 juin 1945, a dit qu'il le considérait comme un de ses " compagnons de la Libération ". 1 059 au total.
La cérémonie a débuté à 14 h 40. Tandis que le cercueil, drapé aux couleurs de la France, après être passé une dernière fois par Denfert-Rochereau et la gare Montparnasse, hauts lieux de l'insurrection parisienne libératrice d'août 1944, était acheminé vers les Invalides. Comme prévu, Jacques Chirac lui a parlé. Puis, sous les doigts de fer des cadrans solaires pointés sur les frontons du musée de l'Armée, il a rappelé le parcours de celui qui devait devenir, le 5 juin 1944, " colonel, chef des FFI d'Île-de-France " et, ès qualités, l'un des principaux artisans de la victoire du peuple de Paris. Parcours initié au sein du peuple : fils de marin entré à Renault-Billancourt ; ouvrier métallurgiste syndicaliste ; à dix-sept ans, avec le plus grand sérieux, il adhère aux Jeunesses communistes. Jacques Chirac : " Il restera toute sa vie fidèle à cet engagement, toujours défenseur d'un humanisme généreux, épris de justice sociale et imprégné des valeurs de la Révolution française. "
Février 1934 : " Les événements puis la guerre d'Espagne vont faire du militant et du syndicaliste un adversaire déterminé du fascisme. " 1939-1940 : sous les drapeaux, " il se battra jusqu'en juin 1940 ", avant de " regagner Paris le 19 août, quatre ans, jour pour jour, ainsi qu'il aimait le souligner, avant le début de l'Insurrection parisienne ". Mais, en 1940, " en ce funeste été 1940, la France, qui vient de subir l'un des plus grands traumatismes de son histoire, mesure toute l'ampleur de la défaite ; dans un pays accablé, Paris, capitale de la liberté, devient " le remords du monde " (...) ; Henri Tanguy est de ceux qui ne peuvent accepter la défaite (...) ; il va se faire stratège pour défendre, avec courage et talent, les valeurs de la République ; il sera de ceux qui, à la tête des combattants parisiens, jouèrent, avec le général Leclerc et la prestigieuse 2e DB, un rôle absolument déterminant dans la libération de la capitale ; plus encore, cette figure mythique de l'insurrection parisienne deviendra l'un des symboles de cette Résistance rassemblant, dans l'ombre, des hommes et des femmes de toutes les origines, de tous les horizons, qui choisirent de se réunir, par-delà leurs différences, sous l'autorité de Jean Moulin ".
Jacques Chirac a ensuite rappelé la plongée dans la clandestinité d'Henri Tanguy et de Cécile, les groupes armés, le détour par l'Anjou-Poitou pour déjouer les chasseurs et le retour, en avril 1943, à Paris : " Il réorganise les FTP affaiblis par de multiples arrestations " et, " en octobre 1943, lorsque commence l'unification des Forces armées de la Résistance, intègre l'état-major des Forces françaises de l'intérieur de la région parisienne. "
Plus tard, " les cheminots déclenchent la grève ; le 15 août 1944 est diffusé le premier ordre d'insurrection ; Rol s'adresse à la police parisienne, à la Garde républicaine, à la gendarmerie, aux gardes mobiles, aux GMR et aux gardiens de prison ; l'" appel aux barricades " tapé par Cécile Rol-Tanguy retrouve l'audace et la vigueur d'un autre appel aux armes lancé en 1871 par Victor Hugo : " Pas de trêve, pas de repos, pas de sommeil, le despotisme attaque la liberté. Ô, francs-tireurs, allez ! " Aussi, lorsque, le 25 août, à la gare Montparnasse, le maréchal von Choltitz remet la capitulation des troupes allemandes de Paris au général Leclerc et au colonel Rol-Tanguy, le chef de la 2e DB peut-il dire avec une satisfaction immense : " La France de De Gaulle, celle qui a refusé de cesser le feu, retrouve la France de l'intérieur, celle qui a refusé de courber le front. "
L'histoire ne s'arrête pas là : Paris libéré, " Henri Rol-Tanguy s'engage dans la première armée française et, sous le commandement du général de Lattre, participe à la campagne d'Allemagne qui le mène du Rhin jusqu'au Danube ; il sera nommé commandant militaire de Coblence et, en octobre 1945, entrera définitivement dans l'armée ".
Se tournant vers Cécile Rol-Tanguy, Jacques Chirac conclut : " Il restera pour tous un exemple de ce que peuvent réaliser, lorsqu'ils sont portés à leur plus haut degré, le patriotisme, l'amour de la liberté, de la République, de la France (...). Madame, j'ai souvent rencontré votre mari. J'avais pour cet homme d'exception une profonde admiration. Je ne l'oublierai pas (...) ; et, parmi toutes les images que le nom d'Henri Rol-Tanguy fait surgir dans mon esprit et dans ma mémoire, je garderai toujours, comme tant de Français, celle de ce colonel FFI, au visage énergique, accueillant avec fierté, aux côtés du général Leclerc, le général de Gaulle, chef de la France libre. C'était le 25 août 1944. ".
En août 1944, il organise l'insurrection parisienne qui conduira à la libération de la capitale le 25 août.
En ce jour anniversaire du 70e anniversaire de la libération de Paris, on reparle du colonel Henri Rol-Tanguy. Responsable des Forces françaises libres (FFI) d'Ile-de-France, sous le pseudonyme de Rol, du nom d'un de ses camarades d'armes communistes tué lors de la guerre d'Espagne, il est une des pièces maîtresses de la libération de la capitale.
Il assume la direction de l'insurrection parisienne et reçoit, ce 25 août 1944, aux côtés du général Leclerc, la reddition du général allemand von Choltitz, gouverneur de Paris.
Mais qui sait que 36 ans auparavant, ce fils d'officier marinier et de blanchisseuse voyait le jour à Morlaix ? Ce 12 juin 1908, une jeune femme enceinte, nommée Tanguy, se rend de la région parisienne à Brest par le train. En gare de Morlaix, elle ressent les premières contractions et perd ses eaux. « Elle accouchera dans la gare d'un garçon prénommé Henri, mais je ne sais pas si c'est sur le quai comme le voudrait la légende », confirme Alain David, ancien secrétaire de la section PC du pays de Morlaix.
Décédé à 94 ans en septembre 2002, Morlaix lui rend hommage dès janvier 2003, en présence de son épouse, Cécile Tanguy, en rebaptisant du nom de ce Compagnon de la Libération, grand croix de la Légion d'honneur, la place de la Gare.
Cet homme de « devoir » n'aura finalement qu'une relation éphémère avec sa ville natale. « Je me souviens l'avoir accueilli en tant que secrétaire de section du PC pour un grand meeting à Morlaix au début des années 1970 alors qu'il était membre du Comité central du Parti communiste, se rappelle, en hommage, le camarade Alain David. Il dégageait une très forte autorité, un charisme réel. Il avait une façon de mettre en perspective les années 60-70 par rapport à ce qu'il avait connu dans la Résistance et lors de la Libération, très différente de la politique du Parti.»
à l’invitation de la section finistérienne de l’IHS Bretagne
Pont l'Abbé :Le vendredi 7 juin, dédicace de son livre à la librairie Ar Vro à Audierne et conférence à 14h00 à l’UL de Pont L’Abbé;
Morlaix: samedi 8 juin, dédicace à la librairie Dialogues de Morlaix et conférence à 17h30 à la Maison du Peuple.
Juillet 1936, le putsch franquiste plonge l’Espagne dans la guerre. Le 27 décembre, Santander est bombardé par l’aviation que le Reich nazi met au service des forces fascistes. José et sa famille prennent le chemin tragique de l’exil. Comme des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, ils fuient les destructions, les combats, les atrocités de la guerre. Fidèles au gouvernement légal et à la République, ils trouveront refuge en Catalogne. L’effondrement des armées républicaines en janvier et février 1939 (la « Retirada* ») les jettera à nouveau sur les routes de l’exode qui les conduiront en Bretagne. Dans le Finistère, du Conquet à Guilers, de Plougasnou à l’Ile-Tudy et à Audierne.
Dans les années de guerre et d’Occupation, entre enfance et adolescence, José, comme tant d’autres exilés, vit le déracinement, le déchirement des familles, l’accueil aussi et les espoirs déçus d’un retour impossible.
José Colina Quirce est né le 3 décembre 1929 à Santander (Espagne). Son exil en France et celui de sa famille commencent en février 1939. Il vit aujourd’hui en Ariège, non loin de la frontière avec l’Espagne. Aujourd’hui, à l’aube de ses 90 ans, il ravive les souvenirs de ce passé jamais oublié. Une histoire de guerre, de fuite, de refuge et d’exil qui parle d’un temps révolu mais qui n’est pas sans actualité.
Il sera présent dans notre département, à l’invitation de la section finistérienne de l’IHS Bretagne du 5 au 9 juin. Le vendredi 7 juin, dédicace de son livre à la librairie Ar Vro à Audierne et conférence à 14h00 à l’UL de Pont L’Abbé; samedi 8 juin, dédicace à la librairie Dialogues de Morlaix et conférence à 17h30 à la Maison du Peuple.
Venez nombreux le voir et l’écouter
La Maison du Peuple de Morlaix joua un rôle central pour la région dans l'organisation de l'aide aux réfugiés espagnols et aux républicains de 1936 à 1939 pendant la guerre d'Espagne
Samedi 8 juin, à 17 h, à la Maison du Peuple de Morlaix, 1 impasse de Tréguier, conférence de José Colina
sur son livre « Exilés » et l’exode des réfugiés espagnols pendant la guerre d’Espagne.
Entrée libre. Organisé par la Maison du Peuple de Morlaix et l’Institut d’Histoire Sociale CGT.
A 14 h, à la librairie Dialogues, José dédicacera son ouvrage.
Vous êtes invités, bien cordialement, à ces deux manifestations..
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Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.