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18 octobre 2024 5 18 /10 /octobre /2024 08:06

 

Dans sa préparation du budget 2025, M. Barnier pointe le déficit de 6,1 % du PIB et la dette de 3 200 Mds €, 112 % du PIB. Elle est de 122 % aux USA et de 252 % au Japon. Mais il utilise cette situation pour annoncer une cure d’austérité (60 Mds € d’économies, 2 points de PIB). Un remède qui peut tuer le malade alors qu’il faut faire l’inverse pour développer le pays. L’Europe nous y obligerait. Oui, mais sur une trajectoire de 7 ans. Ça laisse du temps. En vérité le capital veut baisser la dépense pour se nourrir sur le dos de l’État.

Quatre causes sont à l’origine de la dette.

1. Les choix de E. Macron privant le budget de l’État de 62 Mds € de rentrées fiscales et distribuant 200 Mds € d’aides aux entreprises sans contrepartie sociale et écologique.

2. L’augmentation des intérêts de la dette : de 33,8 Mds € en 2022 à 56 Mds € en 2024, résultat des taux d’intérêts de la BCE en hausse et de l’inflation gonflant les dépenses.

3. L’utilisation de l’argent des entreprises, de l’État et des banques pour la rentabilité du capital contre l’emploi, les salaires, les services publics, l’écologie, c’est-à-dire contre une croissance saine créant des richesses et élargissant la base des prélèvements fiscaux et sociaux.

4. Les suppressions d’emplois dans les services publics faisant reculer le PIB et la base de développement du pays.

 

Direction, récession !

Ignorer ces causes et poursuivre des choix qui depuis 40 ans montrent leur nocivité fera basculer la France en récession avec les conséquences humaines imaginables. Il faut sortir de ce cercle vicieux !

Alors que nos services publics sont à l’os, que l’activité économique est en berne, il faut relancer des dépenses nouvelles à la place de recettes déflationnistes des années 30 en France et en Allemagne dont on sait comment cela a fini. En fait, des avances pour se développer qui, en faisant augmenter le PIB, permettront « d’avaler » la dette car baissant son poids dans le PIB, et feront reculer le déficit. Financées à 0 %, ces avances urgentes doivent provenir de la création monétaire pour relancer les services publics (hôpital, école, transport, énergie) et la production industrielle à partir de critères d’emplois, de formation, de salaires, écologiques. Le pôle public bancaire, Poste et CDC, doit être mobilisé, refinancé à 0 % pa.r la BCE. Au-delà, pour les pays de l’UE, créer un fonds européen pour les services publics alimenté par la BCE.

Il faut de même réorienter les aides aux entreprises à partir d’objectifs sociaux et environnementaux au lieu d’être des trappes à bas salaires.

Enfin, réformer la fiscalité, à commencer par la fiscalité des entreprises, avec une triple dimension universelle, progressive et incitative et un volet local indispensable pour financer les collectivités locales. Puis rétablir un ISF intégrant dans sa base l’ensemble des biens professionnels et reconstruire un impôt sur le revenu taxant la rente et le capital au moins comme les salaires, sinon plus. Les droits de successions doivent être révisés pour mieux imposer les grosses successions. Une des conséquences serait de faire reculer la TVA et d’aller vers une extinction progressive de la CSG au fur et à mesure qu’une réforme du financement de la protection sociale par les cotisations deviendrait opérationnelle.µ

Jean-Marc Durand, membre du CN

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18 octobre 2024 5 18 /10 /octobre /2024 08:00

 

Dans le cadre de sa niche parlementaire le 30 octobre, le groupe communiste au sénat formule cette proposition de loi constitionnelle sur la Charte des services publics.

« Le peuple français, Considérant : Que toute activité qui concerne le développement social, culturel, éducatif, économique et personnel de la société tout entière a vocation à constituer un service public et à être défendue comme tel ;

« Que le service public est le vecteur de l’intérêt général, qui exige le dépassement des intérêts particuliers afin de s’imposer à l’ensemble de la Nation ;

« Que le service public est le socle de notre contrat social. Il est à la fois le fondement et la limite du pouvoir des gouvernants. Dès lors, leurs prérogatives ne sont que la contrepartie de leur obligation d’œuvrer pour le lien social, à la réalisation et au développement de la solidarité nationale, en prenant en charge les activités d’intérêt général indispensables à la vie collective ;

« Que l’État, expression et garant de l’intérêt général, est historiquement en charge des fonctions collectives pour concrétiser cette volonté d’équité sociale ;

« Que le service public permet d’assurer une répartition équitable des richesses produites et l’accessibilité aux biens essentiels et, le cas échéant, de remédier à la défaillance de l’initiative privée.

« Proclame :

« Art. 1er. Les services publics concernent les activités indispensables à la réalisation et au développement de la cohésion sociale. Ils concilient le progrès social, la protection de l’environnement et le développement économique.

« Art. 2. Le service public est régi selon les principes d’égalité, de continuité, de neutralité, d’adaptabilité et d’accessibilité. En découle un principe de proximité en vertu duquel un service public, qu’il soit dématérialisé ou non, doit impérativement proposer un accueil physique de proximité et accessible pour tous les usagers.

« Art. 3. La personne publique assure directement le service public qu’elle a créé. À titre d’exception, une personne privée peut se voir déléguer la gestion d’un service public, en cas de nécessité impérative motivée.

« Art. 4. L’État garantit la préservation et le fonctionnement pérenne de l’ensemble des services publics locaux ou nationaux. Pour ce faire, les financements publics doivent être suffisants afin de garantir leur bon fonctionnement et assurer la gratuité ou une tarification juste et équitable.

« Art. 5. Les services publics assurés par les collectivités territoriales à la suite d’un transfert de compétences par l’État doivent être strictement et durablement compensés. Ces transferts financiers doivent être compatibles avec les principes d’autonomie financière et de libre administration.

« Art. 6. Les gouvernants ont le devoir de prévenir et de limiter les atteintes aux services publics, qu’ils soient administratifs ou industriels et commerciaux. Une évaluation sociale, environnementale et économique doit être préalable à toute modification du périmètre d’un service public.

« Art. 7. Les agents et les usagers du service public disposent de droits et de pouvoirs leur permettant d’évaluer les missions à remplir et les moyens institutionnels, humains et financiers à mobiliser, afin de garantir le bon fonctionnement des services publics.

« Art. 8. La présente Charte inspire l’action européenne et internationale de la France. »

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9 octobre 2024 3 09 /10 /octobre /2024 05:54

 

Mesdames, Messieurs,


Vous êtes 270 000 à assurer, chaque jour, le droit à la sécurité et à la tranquillité de nos concitoyens. Policiers, gendarmes, douaniers, toutes et tous agents du service public, vous avez fait le choix courageux de vous mettre au service de la nation et de garantir la paix civile. Vous avez su, lors des Jeux olympiques, garantir la sécurité et la sérénité de cet évènement international et ainsi permettre à la France d’accueillir le monde, fraternellement, généreusement. Nous vous en sommes extrêmement reconnaissants.

Beaucoup de nos concitoyens auraient aimé qu’une telle parenthèse de concorde s’inscrive dans la durée. Mais les exigences du moment et les évolutions de la société pèsent sur nos vies à tous et affectent défavorablement votre travail quotidien. Des décennies de politiques du chiffre, additionnées à des réductions budgétaires et des réorganisations perpétuelles ont affaibli votre capacité d’agir efficacement.

Beaucoup d’entre vous se sentent découragés, avec l’impression de « vider l’océan à la petite cuillère » ajoutée à l’absence de reconnaissance de vos métiers. Tout cela nourrit de la déception, de la colère. Les démissions s’enchaînent à un rythme plus élevé que les recrutements. Pourtant, notre pays doit affronter des menaces toujours plus grandes : terrorisme, narco trafic, cyber attaques et cybercriminalité, blanchiment d’argent et corruption, délinquance en col blanc et délinquance tout court, racisme, antisémitisme, violence sexuelles et intrafamiliales…

Nous surmonterons tous ces fléaux en mobilisant tous les moyens de la nation, ceux de la justice mais aussi l’ensemble de nos services publics et de leurs agents. Parce que la France a besoin d’un continuum de sécurité, l’État, à vos côtés, doit retrouver sa place, toute sa place pour garantir à chaque citoyen la sécurité, la tranquillité, la justice, quels que soient son lieu d’habitation, son âge, sa classe sociale ou sa couleur de peau.

C’est pourquoi nous sommes tellement attachés à la construction d’un grand service public de la sécurité aux côtés d’un ministère de la Justice en capacité de faire appliquer rapidement ses décisions, toutes ses décisions. Nous défendons le recrutement dans un premier temps de 60 000 fonctionnaires dans la police, la gendarmerie et les douanes, dont 30 000 nouveaux fonctionnaires de police dédiés à une police du quotidien, de proximité et de terrain. Nous devons aussi redonner tous ses moyens à la police judiciaire en abrogeant la dernière réforme afin qu’elle puisse pleinement travailler au service de la justice, mener des enquêtes, en toute indépendance du pouvoir politique.

Alors que de nombreuses villes ont investi dans des polices municipales et dans la vidéo surveillance, les moyens de la police nationale reculent dans ces mêmes villes. Nous souhaitons donc revoir l’organisation en communautés de brigade ou circonscription d’agglomération en renforçant le maillage en commissariats et brigades de gendarmerie à travers le pays, dotés de moyens d’intervention, 24 h/24 h, et des moyens d’investigation à la hauteur des besoins. Nous souhaitons accroître les moyens dédiés à la police technique, scientifique, au renseignement, aux unités en charge du narcotrafic, de la délinquance financière, du trafic d’êtres humains et du démantèlement des réseaux mafieux, de toute cette délinquance qui gâte la vie des gens. Nous voulons retrouver le contrôle de nos frontières et empêcher autant que possible l’entrée des substances illicites comme celle des armes. Les moyens humains et techniques que nous devons développer sont considérables mais nous devons en faire une priorité. Car c’est en contrôlant beaucoup plus les marchandises qui entrent par nos ports, nos aéroports que nous arriverons à tarir la source, dans l’Hexagone comme dans les territoires d’Outre-Mer.

Nous relèverons ce défi par un plan pluriannuel d’embauches et de formations. Et nous y parviendrons en rendant plus attractives toutes vos missions. Nous proposons de revaloriser vos salaires, par la hausse de 10 % du point d’indice, par la transformation de nombreuses primes en salaires, par l’accès à une retraite anticipée, par la fin de la politique du chiffre, par la protection de vos vies comme de celle de vos familles. Nous faisons de la lutte contre le haut du spectre des trafiquants de drogues, d’armes ou d’êtres humains notre priorité. En cela, nous exigerons un haut niveau de réciprocité entre nos services et ceux notamment des monarchies du Golfe, comme ceux d’Afrique du Nord et d’Amérique latine pour tarir à la source l’arrivée de la drogue, mettre fin à l’impunité pour les criminels en exil et rendre ainsi effectif le démantèlement des filières.

Nous activerons tous les leviers, qu’ils soient économiques, diplomatiques ou politiques, loin de la timidité affichée par la France ces dernières années. Nous souhaitons également revoir et allonger la formation des policiers et agir contre la surpopulation carcérale, assurer des conditions dignes de détention et donner les moyens à l’administration pénitentiaire et judiciaire de réaliser sa mission en toute sécurité.

Nous devrons investir beaucoup plus fortement dans notre jeunesse pour la préparer à relever les beaux défis de notre pays. L’éducation, le travail, le respect, la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité sont des principes, des droits et des valeurs de notre République que nous voulons faire vivre pleinement pour nos enfants. C’est aussi le meilleur moyen pour lutter contre la délinquance avec des services de l’État, de la justice, de l’éducation nationale à la hauteur. Aucune mesure d’économie ne doit les toucher, à l’image de celles subies par la Protection judiciaire de la jeunesse.

Vous le constatez vous-même : quand l’État recule, c’est l’ensemble des services publics qui disparaît et, à travers cet affaiblissement orchestré, c’est la cohésion nationale qui est menacée. C’est pourquoi le budget de l’État doit se mettre au service de ces choix. Nous irons chercher l’argent là où il se trouve. Mais certainement pas dans les poches de celles et ceux qui travaillent et contribuent déjà beaucoup, comme vous toutes et vous tous.

Les communistes sont pleinement à votre disposition pour échanger sur cette ambition que nous portons pour la France et l’ensemble de nos concitoyens.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de mes salutations républicaines.

Fabien Roussel

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9 octobre 2024 3 09 /10 /octobre /2024 05:54

Il y a un an, jour pour jour, le premier pogrom de l’histoire de ce XXIe siècle a conduit à la mort de 1 200 hommes, femmes et enfants, blessant et mutilant plus de 7 500 personnes. Parmi ces victimes figurent 42 Français.

Ce massacre de masse, visait des Israéliens parce qu’Israéliens, des Juifs parce que Juifs.

Je veux, par ce message, au nom des communistes français, rendre hommage à toutes les victimes.

Je veux également témoigner de la solidarité des communistes français avec les familles de celles et ceux qui, le 7 octobre, ont été capturés et pris en otage par le Hamas.

Le Parti communiste français continue d’exiger leur libération immédiate et inconditionnelle, comme le font des centaines de milliers d’Israéliens qui manifestent courageusement pour un cessez-le-feu et la démission de Benyamin Netanyahou.

Les responsables de cet acte terroriste doivent répondre de leurs crimes devant la justice internationale.

Ils défigurent le juste combat du peuple palestinien pour que soit reconnu son droit à l’existence nationale et à la paix avec le peuple israélien.

Ce pogrom intervient dans un moment où l’antisémitisme grandit, dans le monde comme en France.

Le PCF, dans son histoire, l’a toujours combattu avec acharnement. Comme il s’est toujours battu contre le racisme, pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et pour la paix.

Un an après, je veux redire également, les crimes du Hamas ne justifient en rien le génocide en cours à Gaza. Ils ne justifient en rien l’accélération de la colonisation en Cisjordanie et les exécutions sommaires dans les territoires palestiniens et les camps de réfugiés. Ils ne justifient en rien les bombardements aveugles au Liban.

Les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en ce moment-même par les dirigeants de l’État d’Israël empêchent la libération des otages. Ils sont une menace pour la paix dans toute la région, et pour la sécurité même du peuple israélien. Leurs auteurs, eux aussi, répondre de leurs actes devant la justice internationale.

Le PCF est pleinement engagé pour le cessez-le-feu immédiat sur tous les théâtres d’opération. Pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. Pour la reconnaissance de l’Etat de Palestine aux côtés de l’Etat d’Israël, sur les frontières de 1967. Pour une solution à deux Etats pour deux peuples vivant en paix, en sécurité et en démocratie, à égalité, sur une même terre.

S’inclinant aujourd’hui devant les victimes du 7 octobre, le PCF condamne, dans notre pays, toute dérive qui prétendrait transformer un conflit politique ayant pour enjeu le partage de la souveraineté sur la terre de Palestine en guerre de religion ou de civilisation.

Notre combat est celui de la paix, de la solidarité entre les peuples, de la justice et du droit.

Nous serons toujours aux côtés des peuples palestinien et israélien et des forces progressistes qui, de part et d’autre, aspirent à la Paix.

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 05:21
Stéphane BONNÉRY - Favoriser l’école privée : 20 ans de politiques économiques (I.R.FSU)
Stéphane BONNÉRY - Favoriser l’école privée : 20 ans de politiques économiques (I.R.FSU)

Stéphane BONNÉRY
Favoriser l’école privée : 20 ans de politiques économiques 
La Pensée n°419, juillet septembre 2024
20,00€

Lire et voir l'interview sur le site de l' IR.FSU

Cinq questions à Stéphane BONNÉRY
Propos recueillis par Paul Devin

Vous dites qu’un facteur essentiel du développement de l’école privée est lié au baby-boom des années 2000.
Merci de nous expliquer pourquoi.

Plus exactement, mon étude statistique (notamment à partir des données de la DEPP au Ministère) publiée dans le dernier numéro de la revue La Pensée[1], montre que le développement de l’enseignement privé depuis un quart de siècle résulte de la conjonction entre deux phénomènes qui ont été instrumentalisés par les gouvernements néolibéraux : l’enlisement dans la crise économique du capitalisme et le babyboom de l’an 2000. C’est spécifique au cas français, d’abord parce que cette vague de naissances n’a pas eu lieu dans les pays voisins, ensuite parce que le réseau public était particulièrement fort, et que les gouvernements ont eu besoin, pour imposer des choix néolibéraux à l’école, de cette pression démographique cumulée à la pression budgétaire liée à la crise économique.
Schématiquement, et paradoxalement, l’enseignement privé traditionnel est en difficulté : il n’est plus fréquenté que marginalement pour des raisons idéologiques par les familles de tradition catholique. Moins d’un élève sur cinq du privé suit l’ensemble de sa scolarité dans ce seul réseau. Les autres passent de l’un à l’autre. Ce n’est d’ailleurs plus dans les zones géographiques de son implantation traditionnelle que le privé sous-contrat progresse. Et il un peu concurrencé sur ce créneau par les établissements « hors contrat », dont les effectifs ont presque triplé dans la décennie 2010, mais qui restent très faibles dans la masse globale : ces derniers concernent soit des établissements ultra-religieux, soit des projets dits de pédagogies alternatives, avec un coût important pour les familles. La très grande majorité des nouveaux « clients » du privé sous contrat est bien davantage constituée des familles qui veulent éviter l’établissement du secteur. Beaucoup d’études mettent en avant cette « demande » d’évitement, qui pour certaines familles est motivée par de la crainte des mauvaises fréquentations populaires. Avec d’autres chercheurs, il me semble important de souligner les causes qui se situent dans « l’offre », surdéterminée par les questions économiques et politiques, notamment les familles qui quittent le public du fait de l’inquiétude sur le niveau d’enseignement : il est je crois inefficace d’aborder cette question en termes moraux, de culpabilisation. Car cela ne relève pas que du fantasme : si des équipes pédagogiques sont motivées pour maintenir le niveau dans les établissements de fréquentation populaire, il y a toute une pression de la hiérarchie, des injonctions, des outils pédagogiques à disposition… pour « adapter », dans le sens du renoncement à viser la même ambition partout. La suppression massive des heures d’enseignement, dans le premier degré comme dans le second (où elle a conduit à d’énormes suppressions de postes, notamment de CAPESsiens titulaires en collège), a été un levier déterminant pour pousser les profs à choisir entre la restriction des objectifs sur le seul socle minimal, ou la possibilité de traiter l’autre partie du programme.

Il y aurait eu nécessité d’investissements pour accueillir cette croissance de la population enfantine et ils n’ont pas été faits. Vous considérez que ce n’est pas seulement par austérité budgétaire mais parce que cela constituait une opportunité de développement du privé ?
Mon étude statistique montre que l’arrivée de la vague du babyboom en primaire a permis au privé d’accroitre ses effectifs d’élèves, et d’obtenir des postes (payés par l’État), tout en ayant les moyens de sélectionner les familles selon leur niveau scolaire et social. Pendant ce temps, le primaire public a dû absorber toute la vague, dans sa diversité sociale, avec des moyens très contenus afin de maintenir les taux d’encadrement en classe sans trop augmenter le nombre de professeurs des écoles : il y a eu une suppression massive des classes de toute petite section (de 35 % d’enfants de 2 ans scolarisés, à 10 % entre 1998 et 2023) et des postes dédiés à la remédiation des difficultés pour les rapatrier sur les autres classes. De même qu’un détournement des postes massivement fermés dans l’enseignement secondaire (surtout le collège et la voie professionnelle) et le supérieur. Le ministère a aussi joué avec la démographie enseignante, où les départs en retraite n’ont pas été remplacés. Et quand la vague démographique d’élèves est arrivée au collège, l’enseignement public n’a pas eu davantage de postes : pendant le ministère Valaud-Belkacem, les fermetures ont ralenti, et ont été remplacées par des contractuels, ce qui s’avère très loin d’une reconquête. Et depuis, Blanquer et ses successeurs ont eu toutes latitudes pour poursuivre l’austérité et dégrader les scolarités publiques. Si les dogmes austéritaires néolibéraux pèsent, avec les injonctions et les contrôles européens, il faut prendre la mesure de ce que ces gouvernements tentent de répondre aux ordres du privé : pour maintenir le profit, quand l’industrie ne suffit plus du fait de la crise économique, alors ils cherchent à marchandiser l’éducation, comme la santé, et donc favorisent le développement du privé. Les gouvernant ne sont pas que des idéologues, ils subissent une grosse pression de leur classe sociale, la bourgeoisie, dans laquelle ils sont socialisés et à qui ils rendent des comptes, laquelle a besoin de faire travailler son capital.

Quels éléments vous amènent à considérer que le développement du privé ne constitue pas une évolution sociétale mais le résultat d’une politique choisie ?
Beaucoup de familles vont dans le privé avec le sentiment de faire un choix contraint : le manque de postes se ressent dans les absences de professeurs non remplacées, à force de réduire les recrutements, par la faiblesse de certains contractuels, et par l’abaissement du niveau des objectifs visés dans certains établissement de secteur à force que les équipes manquent de temps avec les élèves et de soutien. Le sabotage du public produit ses effets. Quand les parents se sentent isolés et sont inquiets, ils cherchent des solutions de sauvetage individuel s’ils ne trouvent pas de moyens de gagner collectivement une éducation de qualité pour leur enfant.
Dans toutes les périodes depuis1999, en primaire et dans le secondaire, le nombre de postes du privé, payés et alloués par l’État, baisse moins que ceux du public quand les effectifs d’élèves baissent, et symétriquement, le privé profite davantage que le public de financements publics des postes quand le nombre d’élèves augmente. C’est une politique nationale organisée, même si silencieuse, de favoritisme au profit du privé en matière d’utilisation de l’argent public pour recruter des professeurs.
De même, les collectivités locales sont obligées par la loi de financer le fonctionnement du temps scolaire (pédagogie, loyers ou entretien du bâti, etc.) des établissements privés à la même hauteur que le public : cela existait un peu depuis la loi Debré de 1959, mais depuis l’imposition de la Charte des droits européens en 2007 (en substance, c’est le Traité de Constitution Européenne refusé par référendum qui a été imposé par le parlement) et depuis sa conséquence, la loi Carle de 2009, c’est d’une toute autre ampleur. Et l’obligation de scolarité à 3 ans par Blanquer, puisqu’elle était déjà effective à 100 %, n’avait d’autre but que d’imposer le financement de la maternelle privée. Au total, ce sont les trois quarts des coûts de l’enseignement privé sous contrat qui sont pris en charge par l’argent public.
Aujourd’hui, où la vague démographique a quitté le primaire et quasiment le collège, le privé est inquiet : comment éviter un plan social, en conservant les postes, alors que la génération scolarisable est moins fournie ? C’est tout le sens de l’offensive conduite par l’éphémère ministre Oudéa-Castéra, qui certes était maladroite et dont les manipulations se sont avérées trop visibles pour servir son camp, mais qui traduit cette politique volontariste de favoritisme : discréditer le public, lui couper les moyens, le laisser s’enliser dans la gestion des flux et la baisse du niveau ainsi provoquée, en utilisant ces difficultés au profit du recrutement par le privé.
De même, des propositions comme celle du « chèque éducation », portée par la droite et l’extrême droite (Marion Maréchal), visent à aider encore le privé, en aidant les familles à payer le quart des dépenses qui reste à leur charge, et qui constitue en réalité les « à-côtés » de l’école : temps des devoirs, cantine, sorties, projets, etc. Car ces « à-côtés » ont pris une importance considérable avec la baisse du temps d’enseignement dans les programmes du primaire et du collège, ce qui constitue un produit d’appel pour le privé.
Cette politique n’est pas que nationale : elle constitue la copie conforme des directives européennes, qui veulent réduire le service public à la française à un service rendu au public, que cette prestation soit gratuite ou marchande, réalisée par les pouvoirs publics ou par des prestataires. L’égalité de la préparation des enfants face à l’avenir n’est pas l’objectif. Rappelons que jusque dans les années 1990, la commission européenne invitait le privé à investir dans l’enseignement ainsi que dans la recherche et développement. Depuis, avec le plan « Europe 2020 », les directives ont été réorientées en pire, pour que l’argent public serve à favoriser les entreprises privées qui n’assument plus les coûts mais simplement les bénéfices, notamment dans une logique de rentabilité financière. On voit ainsi les fonds de pension, les conglomérats financiers, investir dans l’enseignement supérieur privé parce qu’il est soutenu financièrement par l’argent public. Non seulement, cet argent sert d’autres logiques, mais les bénéfices ne sont pas réinvestis dans l’éducation, fût-elle privée, mais dans la rémunération de la finance.

Comment une telle politique a-t-elle agi sur les conditions de l’égalité à tous les niveaux du cursus scolaire au sein de l’école publique ?
Avec ces politiques, et avec un plus grand nombre d’enfants dans la génération, le privé sous contrat a pu davantage sélectionner ses clients : notamment, les familles voulant que leurs collégiens quittent le public (c’est le niveau le plus demandé du privé) ont été mises devant la pression qu’il ne soit accepté qu’à la condition que toute la fratrie bascule. Les candidatures sont sélectionnées sur critères sociaux et sur les résultats scolaires.
L’article de Pierre Merle publié conjointement dans le même numéro de La Pensée[2] montre que sous la présidence Macron, la population des collèges s’est de plus en plus spécialisée dans son recrutement social : embourgeoisement du privé, ghettoïsation des établissements des quartiers populaires. Ces changements pèsent sur les résultats PISA de la France : les écarts sociaux se creusent.
En amont du collège, je montre que la casse de la scolarité à deux ans, et le manque de temps pour enseigner, dans une logique d’économies budgétaires, de même que la suppression des postes de remédiation, participent de ces politiques inégalitaires.
Le projet politique à l’œuvre n’est pas celui de la disparition de l’enseignement public, mais de son dévoiement pour le limiter à une sous école destinée à ceux qui ne peuvent se payer mieux, destinés à des postes d’exécution. La réforme du « choc des savoirs », vient en cohérence franchir un cran de plus que la précédente dite du « socle commun » en inégalisant les parcours, en limitant les enfants de travailleurs d’exécution au minimum, pour réserver le reste, au nom des soi-disant « compétences individuelles », à ceux qui pourront se payer la part du programme en option : le primaire est transformé en gare de triage vers des filières étanches du collège, pré-orientant vers le lycée général ou vers la voie pro privatisée.
L’extrême-droite a exactement le même projet éducatif, celui d’une politique de classe, même s’ils la déguisent derrière des critères ethniques qui viennent aggraver le problème : les familles populaires qui penseraient pouvoir accéder à une meilleure qualité d’éducation grâce au RN seraient victimes d’une belle arnaque : l’extrême-droite ne s’en prend pas à la bourgeoisie, qu’elle laisse dans son entre-soi, elle promeut plutôt un privé low-cost, pour diviser les enfants de travailleurs selon leurs origines supposément ethniques. La racialisation des problèmes sociaux invisibilise les enjeux profonds.

Est-il réaliste dans la situation actuelle de revendiquer que le subventionnement public soit réservé à l’école publique ?
Quand les défenseurs du service public d’éducation s’interrogent sur les sommes versées sans contrôle à l’école privée, financée aux trois quarts par des fonds publics, ils se voient aussitôt accusés de vouloir « relancer la guerre scolaire ». Or celle-ci a bien lieu, depuis un quart de siècle. Elle se déroule à bas bruit, par le biais des politiques publiques qui favorisent l’enseignement privé.
Depuis 1959, le camp laïque réclame de réserver l’argent public pour l’école publique, sans succès, et même en enchaînant les défaites. Si l’on veut atteindre cet objectif, en étant réaliste, il semble plus stratégique de se fixer un objectif intermédiaire en mesure de convaincre au regard du rapport de forces idéologique. La grossièreté d’Oudéa-Castéra, et le scandale Stanislas ont permis a beaucoup de français de découvrir que le privé était autant subventionné. Il nous faut d’abord des occasions de faire connaître l’ampleur du scandale, de cette politique de favoritisme, de sabotage du public pour favoriser le privé. Pour que les nombreuses familles qui se sentent tiraillées, contraintes de quitter le public, comprennent les causes réelles de ce qui leur arrive, à savoir une politique délibérée incitée par la crise du capitalisme. Donc, l’une des entrées, c’est effectivement, comme le propose le sénateur Pierre Ouzoulias, d’exercer un contrôle sur l’argent versé au privé. On se rendrait ainsi compte du grand flou qui règne, dans la possibilité qu’ont les établissements privés de faire glisser des moyens entre primaire et secondaire. De même que le temps scolaire est déjà financé par l’argent public, et que le privé tente de se faire payer par la collectivité les activités bonus qui ont pris davantage de place avec la réduction du temps de classe. Et on démasquerait la fausse idée selon laquelle les familles choisissent l’établissement… c’est l’inverse, les établissements bourgeois choisissent leurs clients sur critères sociaux et scolaires, n’ayant aucun mérite à avoir de meilleurs résultats. Exigeons de la transparence sur ce à quoi sert l’argent : à rémunérer des actionnaires ?
Tout cela est nécessaire pour élever le niveau de conscience que ce qui se joue à l’école est d’abord une duplication de la lutte entre classes sociales, de deux projets qui s’affrontent. D’un côté, les politiques conduites depuis plusieurs décennies, avec la marchandisation des services et la prédestination à une future place de travailleur dès l’enfance, selon la qualité d’éducation à laquelle l’enfant a accès, c’est une politique d’individualisation, c’est-à-dire où chacun reçoit selon là où il est né. De l’autre côté, une politique de service public, pour transmettre une culture commune et pour réduire les inégalités, où chaque individu bénéficie de cette garantie collective de la qualité éducative : pour cela, il faut des moyens, pour que les établissements publics aient du temps pour enseigner, pour que les profs puissent se former. Et donc, pour faire prendre conscience par ces batailles intermédiaires qu’il faudra poser la question de la nécessité d’utiliser l’argent public pour l’école publique.

—–

[1] Stéphane Bonnéry, « Favoriser l’école privée : 20 ans de politiques économiques », La Pensée, n° 419, 2024. Disponible en numérique sur Cairn et en fascicule imprimé à la Fondation Gabriel Péri.

[2] Pierre Merle, « Embourgeoisement des collèges privés et résultats PISA », La Pensée, n° 419, 2024. Disponible en numérique sur Cairn et en fascicule imprimé à la Fondation Gabriel Péri.

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4 octobre 2024 5 04 /10 /octobre /2024 05:35

 

 

 

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4 octobre 2024 5 04 /10 /octobre /2024 05:32
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2 octobre 2024 3 02 /10 /octobre /2024 17:03
Nous combattrons de toutes nos forces le choix de l’austérité ! - Fabien Roussel, secrétaire national du PCF
Nous combattrons de toutes nos forces le choix de l’austérité !

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre fait le choix de la poursuite de la politique du président de la République qui a échoué et a été massivement sanctionnée dans les urnes par les Françaises et les Français.

Une boussole est au cœur des annonces de Michel Barnier : mener une politique d’austérité confirmant que les deux tiers de la réduction du déficit public, plus de 20 milliards d’euros, seront assurés par la réduction des dépenses de l’Etat et des collectivités, affaiblissant ainsi les services publics de proximité et l’ensemble de notre économie. Il confirme ainsi un cap : servir le capital, au détriment du travail et de la réponse aux besoins des Français et des Françaises en métropole comme dans les Outre-Mer, des TPE-PME dont le nombre de faillites atteint un record, et des collectivités dont les ressources ne cessent d’être amputées.

Les salariés, leurs salaires et retraites, sont les grands absents de cette déclaration.

Des millions de salariés demandent de véritables hausses de salaire pour un travail qui paie, et ils obtiennent pour seule réponse une revalorisation minimale anticipée du Smic et les fausses recettes libérales que sont l’intéressement et la participation salariée.

Des millions de salariés demandent l’abrogation de la réforme des retraites, et celle-ci est rejetée par le Premier ministre qui confirme qu’aucun moyen supplémentaire ne sera dégagé au nom de « l’équilibre financier ».

Quant aux enseignants et soignants mobilisés au quotidien au service de nos concitoyennes et concitoyens, ils n’obtiennent rien d’autre qu’une vague promesse de renforts de bénévoles retraités !

Et aucune mesure n’est annoncée pour l’avenir de la jeunesse du pays, traitée sous le seul angle de la délinquance, celle-ci se voit stigmatisée et la justice des mineurs menacée de destruction.

En matière d’immigration, le Premier ministre cède à l’argumentaire du Rassemblement national, comme en témoigne notamment sa volonté de renforcer Frontex et ses pratiques contraires aux droits humains.

Pire, le Premier ministre décide d’aller plus loin dans l’austérité comme en témoignent les plafonds de dépenses prévus dans le cadre du budget 2025, en baisse de 10 milliards d’euros, touchant massivement le travail et l’emploi.

Au regard de ces choix, la surtaxe sur les grandes entreprises — qui n’est en fait qu’un retour, pour une petite minorité de grandes entreprises, sur certains cadeaux fiscaux accordé par Emmanuel Macron – vise à masquer cette nouvelle cure d’austérité. L’heure est à une remise à plat total de la politique d’exonérations et d’aides publiques aux entreprises, pour servir le progrès social et écologique.

Nous combattrons de toutes nos forces le choix de l’austérité. La France a besoin d’un nouveau mode de développement, éradiquant le chômage et  garantissant un emploi de qualité pour tous et toutes et la formation, davantage de dépenses orientées vers une nouvelle industrialisation sociale et écologique du pays et le développement des services publics. 

En matière de politique étrangère, la voix de la France ne sera pas plus forte avec Michel Barnier, alors même que la situation européenne et mondiale, les risques d’escalade en Ukraine et au Proche-Orient appellent plus que jamais une voix indépendante de la France et une diplomatie au service de la paix.

Aux côtés de nos parlementaires qui appellent à censurer ce gouvernement, le PCF salue les organisations syndicales qui ont organisé une première journée d'action interprofessionnelle. Il appelle à amplifier la mobilisation pour combattre la politique du gouvernement Barnier.

Paris, le 1er octobre 2024

Fabien Roussel,

Secrétaire national du PCF

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2 octobre 2024 3 02 /10 /octobre /2024 17:01
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1 octobre 2024 2 01 /10 /octobre /2024 05:39
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