Rédigé à la manière d’un business plan de start-up, le document élaboré par le milliardaire Pierre-Édouard Stérin et ses proches au sein de Périclès décrit, étape par étape, l’installation à tous les échelons du pouvoir d’une alliance entre l’extrême droite et la droite libérale-conservatrice. L’Humanité en dévoile de larges extraits qui, dans les circonstances politiques actuelles, sont plus que jamais d’intérêt public.
Synthèse
Rappel du plan. Notre projet découle d’un ensemble de valeurs clés (liberté, enracinement et identité, anthropologie chrétienne, etc.) luttant contre les maux principaux de notre pays (socialisme, wokisme, islamisme, immigration). Pour servir et sauver la France, nous voulons permettre la victoire idéologique, électorale et politique. Pour cela, Périclès prévoit de déployer environ 150 millions d’euros sur les dix prochaines années via le financement ou la création de projets.
Rétrospective. Lancement de Périclès et indépendance vis-à-vis du Fonds du bien commun. Essaimage écosystème avec 3,5 millions d’euros sur plus de 40 projets. Lancement réussi de deux projets organiques : guérilla juridique et conseil opérationnel aux partis.
Priorités 2024. Lancer les principaux projets organiques : baromètres, école des futurs maires, think tank, réserve. Construire une présence proche des dirigeants de demain. Finaliser les recrutements de l’équipe.
1. Rappel du plan
Projet Périclès, acronyme :Patriotes/Enracinés/Résistants/Identitaires/Chrétiens/Libéraux/Européens/Souverainistes
Fondateurs et administrateurs :Pierre-Édouard Stérin (Otium Capital et Fonds du bien commun), François Durvye (Otium Capital), Alban du Rostu (Fonds du bien commun)
Notre projet découle d’un ensemble de valeurs clés.Valeurs que nous promouvons :liberté individuelle et d’entreprendre/Propriété privée/Subsidiarité/Le vrai, le bien, le beau/La famille, base de la société/Place particulière du christianisme/Enracinement dans un terroir/Fierté de notre histoire, notre identité, notre culture/Unité, cohésion et confiance. Tendances que nous combattons :hyperétatisme/Socialisme et assistanat/Lois liberticides/Wokisme/Refus des limites/Laïcité agressive/Refus de la préférence nationale/Islamisme/Immigration incontrôlée
Trois objectifs pour servir et sauver la France
Victoire idéologique :rendre nos idées majoritaires dès maintenant/Promouvoir nos idées de façon claire, argumentée et cohérente (médias, réseaux sociaux, production intellectuelle)/Imposer nos thèmes et en maîtriser la fenêtre d’Overton (production audiovisuelle, influenceurs, porte-parole, leaders d’opinion)/Décrédibiliser et attaquer les idées adverses (réalité des faits/chiffres, shaming, procès)
Victoire électorale :faire la différence lors des élections d’ici à deux ans/Identifier les élections prioritaires sur lesquelles agir et déterminer quels candidats alignés (vision commune et ouverte à l’union) ont le plus de chance de victoire/Former au combat électoral ces candidats (stratégie, communication, choix des thèmes) /Mettre à leur disposition tous les outils nécessaires (big data, médias, ressources humaines, financement)
Victoire politique :permettre l’exercice réussi du pouvoir dès la prochaine échéance/Mettre à disposition un programme cohérent et global (think tank, livre blanc pour les municipales, shadow cabinet)/Construire une relation de confiance avec tous les leaders de la droite de demain pour les faire travailler ensemble en cas de victoire électorale/Fournir une réserve d’hommes de pouvoir prêts à servir à tous les postes clés (cabinets, structures parapubliques, haute administration)/Développer les réseaux relais nécessaires (médias, finance, organismes internationaux)
Périclès déploie environ 150 millions d’euros en dix ans sur ses actions
Essaimage écosystème :+ 50 projets (2023), + 70 projets (2024), + 100 projets par an à partir de 2025
Créations prioritaires :guérilla juridique, conseil auprès des politiques – une mission pour les municipales incluse, baromètre (2023), école des candidats aux mairies et think tank (2024), plus de 2 000 candidats formés à l’école (2025)
Réseaux et autres :structuration juridique et financière, voyage international (Hongrie) pour inspiration (2023), revue intellectuelle (2024), développement des clubs thématiques (2025), réserve avec plus de 1 000 hommes de pouvoir, 100 % de la population touchée (médias, réseaux sociaux), présence dans cinq pays européens (2027)
Échéances électorales :influencer les sujets traités lors des européennes (2024), aider à remporter plus de 1 000 mairies (2026), aider à remporter la présidentielle + majorité absolue (2027)
Équipe, en équivalents temps plein (ETP) :6-8 ETP (2023), 10 ETP (2024), 20-30 ETP (2025), 50 ETP (2027)
Budget annuel :8 millions (2023), 7-10 millions (2024), 12-15 millions (2025), 25 millions (2027)
Budget cumulé jusqu’en 2032 : 150 millions environ
2. Rétrospective
Lancement de Périclès et indépendance vis-à-vis du Fonds du bien commun
Objectifs. Après quelques mois d’incubation, rendre Périclès indépendant du Fonds du bien commun sous douze mois afin de permettre une pleine liberté d’action pour Périclès et protéger le Fonds du bien commun aux plans légal et réputationnel
Situation à date. Structuration juridique indépendante et autonome du Fonds du bien commun avec une association mère Périclès, un fonds de dotation présidé par Périclès, une association opérationnelle et de financement présidée par Périclès et quatre recrutements finalisés, quatre prioritaires encore en cours
Essaimage écosystème : chaque priorité a été adressée
Au total, 3,5 millions d’euros ont déjà été engagés sur plus de 40 projets. Chaque priorité essentielle a été adressée : wokisme (35 % du montant total alloué), immigration (30 %), socialisme (12 %), culture et morale chrétienne (10 %), islamisme (8 %), autres (5 %).
Lancement avec succès de deux projets organiques :guérilla juridique (collectif Justitia)/victoire idéologique
Mission :organiser et professionnaliser le contentieux stratégique en utilisant les leviers juridiques/judiciaires médiatiques contre l’islamisme, l’immigration, l’attaque à la liberté d’expression, la théorie du genre
Mode d’action :un collectif d’avocats + une association ayant intérêt à agir, dirigés par un avocat très engagé (Aymeric de Lamotte)
Objectifs :plus de 20 procédures par an afin de faire changer la peur de camp, faire appliquer la loi et se défendre des attaques adverses, faire évoluer la loi
Situation à date :cocréation avec l’Institut Thomas-More en mai 2023/16 avocats membres du collectif Justitia (dont Thibault de Montbrial, Pierre Gentillet, avocats de Juristes pour l’enfance)/20 procédures étudiées, dont 9 lancées
Lancement avec succès de deux projets organiques :conseil opérationnel municipales/Victoire électorale
Présentation du projet et objectifs :permettre au Rassemblement national (RN) de transformer ses derniers succès électoraux en victoire aux municipales 2026/Équiper l’état-major du RN d’un plan structuré sur trois ans avec des objectifs précis/Étudier de manière statistique les villes de plus de 3 000 habitants ayant le plus de chance de succès en analysant la couleur politique et l’ancienneté du maire en place, les résultats de Marine Le Pen au second tour des présidentielles et ceux du candidat RN local aux législatives de 2022.
Situation à date :projet validé par la direction et l’état-major du RN aux Estivales 2023/Constitution d’une équipe par département pour valider les villes et identifier les candidats, dirigés par le DG du RN/Objectif de 300 villes à gagner absolument par le RN en 2026
Cette première mission de conseil ne rend le RN ni exclusif ni prioritaire par rapport aux autres partis. Il conviendra de lancer dans les prochains mois des missions similaires correspondant aux besoins de chacun (par exemple, recrutement de candidats pour LR)
Un observatoire indépendant et scientifique qui mesure objectivement l’état du pays sur des sujets sociétaux (par exemple, lien social/familial, sécurité/criminalité, démographie, souveraineté économique, culture) et diffuse massivement ces résultats pour toucher toute la population française et remettre au cœur du débat les « bons chiffres sur les sujets qui comptent »
Objectif d’ici à décembre 2024. Cocréation/Financement de 3 baromètres « monothématiques » avec des structures externes : islam et insécurité, immigration, extrême gauche
Question pour le comité exécutif(Comex).Stratégie Buy(achat) sur un institut de sondage dès 2023 (contre 2026 initialement) ?
Principaux projets organiques :l’école des futurs maires/Victoire électorale
Une école de formation des futurs dirigeants politiques partageant nos valeurs en proposant aux futurs candidats (municipales, législatives) une palette d’outils stratégiques et opérationnels (communication, playbook,campagne électorale, analyse de données, financement, besoins en ressources humaines)
Objectif :former et faire gagner en 2026 environ 1 000 maires de petites et moyennes communes
Collaborateurs :4 élus en exercice prêts à collaborer à la création et au développement de l’école et des formations
Partenariats :formation théorique et logistique à l’Institut de formation politique (IFP)/Formation pratique et boîte à outils à la Fédération des trucs qui marchent
Septembre 2024 : lancement de la première promotion
Principaux projets organiques :think tank/Victoire politique
Projet et objectif :être le premier think tank de droite en France afin de réunir les principaux experts thématiques des sujets régaliens (sécurité et défense, économie, immigration, famille, Europe, etc.), d’influencer la sphère politique/médiatique/intellectuelle, de préparer les mesures politiques et les réformes
Situation à date :en plus de la création d’une nouvelle structure (Build – construction), étude de l’option Buy (achat de structures existantes décrites comme « cibles » – NDLR) sur :
Institut Thomas-More(structure franco-belge fondée par Charles Millon)
Libéral-conservateur d’inspiration chrétienne/Les « plus » : bon réseau de chercheurs (issus du privé, bénévoles) ; relation de confiance (collaboration sur collectif Justitia) ; marque respectée/Les « moins » : image un peu poussiéreuse ; mal gérée, passif financier ; équipe pas stratèges, peu d’influence ; veulent garder leur indépendance (méfiants car craignent notre approche hégémonique)
Ou Fondation du Pont-Neuf(think tank créé par Charles Beigbeder)
Conservateur et catholique/Les « plus » : positionnement subtil (pas d’extrême droite) ; relation de confiance (collaboration sur la réserve) ; deal facilement exécutable, cherchent un repreneur/Les « moins » : très attaché à l’image de Charles Beigbeder ; peu connu ; coquille vide, besoin de placer un directeur général à 100 % ; réseau surtout constitué de juristes et d’experts en droit + philosophes
Principaux projets organiques :la réserve (en lien avec le Fonds du bien commun)/Victoire politique
Objectif :après la victoire électorale, une victoire politique durable requiert de s’appuyer sur des hommes compétents et convaincus, à la fois issus du public et du privé/Constituer en amont de la présidentielle une réserve de 1 000 personnes (technocrates, professionnels de la politique, experts thématiques) pouvant être mis aux postes clés (cabinets, structures parapubliques, haute administration)
Approche:recenser les postes clés à exercer dans l’administration centrale et dans les établissements publics pour transformer durablement le pays/Identifier pour chaque poste les talents compétents et alignés en s’appuyant sur les réseaux du Fonds du bien commun, d’Otium, de think tanks alliés, etc. /Former ces talents en vue de l’exercice du pouvoir local et national/Mettre en réseau ces profils et les fidéliser pour s’assurer de leur engagement le jour J via rencontres formelles/informelles, comités, groupes de travail, shadow cabinet, etc. /Présenter ces profils aux dirigeants politiques de demain
Objectifs fin 2024 :systématiser le recensement des profils via un CRM (Customer Relationship Management) et les catégoriser par thématiques/postes clés avec un objectif de 50 par mois, en lien avec le Fonds du bien commun/Avoir identifié et mis en relation plus de 50 % des talents requis
Question pour le Comex :comment identifier les hommes déjà en poste et alignés, mais ne s’assumant pas ?
Construire une présence proche des dirigeants de demain
Personnalités définies comme prioritaires. Relation de confiance et influence réelle : Jordan Bardella et Marine Le Pen (RN)/Relation active mais pas de réelle influence : Éric Ciotti, Laurent Wauquiez, David Lisnard, François-Xavier Bellamy (LR) et Marion Maréchal (Reconquête !)/Pas de relation activable à date : Nicolas Sarkozy (LR) et Éric Zemmour (Reconquête !)
Objectif à fin 2024:80 % des profils prioritaires en relation de confiance et influence réelle, contre 30 % aujourd’hui
Questions pour le Comex :Quels sont les autres profils prioritaires avec qui nous devons nouer une relation de confiance/Influence réelle ? Qui sont, pour chaque profil prioritaire, les responsables capables de devenir l’homme de confiance ? Quelles sont les personnes manquantes sur cette cartographie (potentiels dirigeants de demain) ? Comment rester transpartisan tout en travaillant étroitement avec des concurrents ?
Le Président de la République se moque bien des Français. Voilà le ressentiment qui monte dans notre pays aujourd’hui, conjugué avec beaucoup de colère. Car malgré deux défaites aux élections européenne et législatives, le camp présidentiel ne lâche pas le pouvoir.
Il ose même renvoyer dos à dos le Rassemblement national et les forces politiques du Nouveau Front Populaire, justifiant ainsi ses petits arrangements politiciens pour empêcher le NFP d’accéder aux responsabilités.
Pourtant, les Françaises et les Français ont, ces dernières semaines, exprimé à trois reprises dans les urnes leur volonté de changement. Certes en utilisant des bulletins différents, mais à chaque fois avec la même volonté, la même colère, le même objectif : en finir avec la politique d’Emmanuel Macron.
En refusant le changement, c’est tout le processus démocratique, toutes les institutions de la République qui se trouvent fragilisées.
Malheureusement, la France a un Président de la République prêt à tout pour garder le pouvoir et poursuivre sa politique en faveur des plus riches et de la finance. Pêché d’orgueil ? Pression du monde de la finance ? L’histoire le dira.
Mais nous sommes arrivés au bout d’une histoire.
Celle de la Cinquième République, dévoyée jusqu’au bout par un pouvoir utilisant tous ses articles pour empêcher la démocratie de vivre.
Celle du barrage républicain qui permet à des candidats macronistes ou de droite de se faire élire grâce aux voix de la gauche mais qui se permettent ensuite de les trahir dans l’hémicycle.
Celle d’une droite républicaine en décomposition, filant toujours plus vers l’extrême-droite.
Celle de forces de gauche et écologistes obnubilées pour partie par la présidentielle avec un Jean-Luc Mélenchon qui se rêve déjà au second tour face à Marine Le Pen en 2027. C’est mortifère.
Ces derniers mois révèlent au grand jour la grande détresse d’un pays qui a perdu sa boussole républicaine : la défense des intérêts du peuple d’abord.
C’est au nom de cette boussole que notre République s’est construite, de 1789 à la Résistance et la Libération quand la nation a su se rassembler pour reconstruire le pays. Cette culture de l’intérêt général a disparu. Les intérêts particuliers, ceux de la finance, notamment, ont pris le dessus.
C’est un symbole important que la parution du classement, ce 20 juillet 2024, des 500 plus grandes fortunes de France, dont le patrimoine a encore grandi, au lendemain du hold-up de la macronie et de la droite sur l’Assemblée nationale.
En 7 ans de pouvoir, ceux-là ont vu leur patrimoine plus que doubler ! 1 228 milliards d’euros en 2024 contre 570 Milliards en 2017, soit 115% de hausse ! A l’évidence, les salaires n’ont pas vu la même progression depuis l’élection d’Emmanuel Macron à l’Elysée!
En 7 ans de pouvoir macroniste, le nombre de travailleurs au SMIC est passé de 12% à 17% !
Tout augmente, le nombre de milliardaires comme le nombre de Smicards. L’un ne va d’ailleurs pas sans l’autre.
Les caisses de l’État ont été vidées par ces gouvernements qui ont d’abord servi les grandes fortunes.
Plus de 70 milliards de cadeaux fiscaux par an pour les plus riches, pour les actionnaires du CAC 40, pour le monde de la finance.
Comment financer des services publics efficaces, garantir les meilleurs écoles pour tous nos enfants, quels que soient leurs origines sociales ou leur lieu d’habitation ? Comment assurer la tranquillité publique, protéger nos concitoyens de la drogue ou de balles perdues, lutter contre la corruption, les fraudeurs fiscaux, quand tous les moyens de l’Etat sont laissés à l’abandon?
Quand L’État fout le camp, tout fout le camp.
Emmanuel Macron a laissé la France à l’abandon. Y compris sur la scène internationale, préférant soutenir les voies de la guerre plutôt que celles de la Paix, en Ukraine comme au Proche-Orient, totalement aligné derrière la politique américaine.
Dans les mois qui viennent, il devra assumer cette situation: Une impasse démocratique avec des gouvernements qui tomberont dès la première motion de censure, qu’ils soient de droite ou même du NFP. Après cette dissolution, la France est ingouvernable.
Une impasse politique pour les Français qui ne verront jamais le changement attendu. Leur colère va grandir. Comment va t-elle s’exprimer ? Je ne sais pas mais je serai à leurs côtés pour qu’ensemble, nous arrivions à les battre définitivement.
Mais aujourd’hui, à la veille de partir en vacances, je veux dire clairement au Président de la République : vous avez semé le chaos. Vous en assumerez toutes les responsabilités.
Ne comptez pas sur nous pour vous apporter le moindre soutien, ni aujourd’hui, ni demain.
La seule issue viendra du peuple, du mouvement social et des forces politiques qui, comme nous, n’ont jamais perdu leur boussole.
Nous ferons appel au peuple, à l’intervention citoyenne, à toutes les forces vives de la nation, syndicales, associatives, citoyennes.
Nous resterons unitaire pour deux au sein des forces de gauche et écologistes pour construire l’espoir du changement, malgré tout.
Nous prendrons toute notre place au Parlement, avec les sénateurs, sénatrices et députés communistes et apparentés pour défendre tout ce qui ira dans le bon sens et censurer tout ce qui portera atteinte à nos concitoyens.
Nous serons encore plus présents dans les villes, les départements, les régions ou les élus communistes exercent leurs mandats dans la plus grande proximité, avec beaucoup d’honnêteté et de sincérité, avec l’objectif à chaque fois d’être les plus utiles et les plus efficaces.
Nous serons de tous les combats, dans les villes, les villages, au plus près des attentes des salariés, de la jeunesse, des habitants des grandes villes comme de la ruralité. La dignité de chacun, la Paix comme le climat sont au cœur de notre engagement.
Nous gardons intact l’espoir de bâtir des Jours Heureux. Nous y mettrons toutes nos forces dès la rentrée prochaine.
Une panne informatique mondiale a eu lieu le 19 juillet dans les entreprises utilisant des logiciels de Microsoft (développeur de Windows) avec Crowdstrike (fournisseur de solutions de cybersécurité).
Cet incident d'une ampleur sans précédent affecte tous types de services dans le monde, des chaînes de télévision aux aéroports, hôpitaux, banques, appels d’urgence (le 911 aux États-Unis), tous types de services des États, et en France les services informatiques des Jeux olympiques de Paris 2024. En France, cet incident a notamment touché jusqu'au service informatique de l'Assemblée Nationale.
Même s'il ne s'agit pas d'une cyberattaque, cet incident nous montre la fragilité du système numérique mondial tel qu’il est construit. Tout ou partie de la gestion des services informatiques de structures essentielles est massivement délégué à quelques multinationales privées. Crowdstrike démontre aussi par cette panne qu’elle a accès à distance à des millions de machines dans le monde entier, ce qui pose de très profondes questions de dépendance, de souveraineté, de surveillance et de sécurité.
Le Parti Communiste Français salue le travail des personnels de l'ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d'Information) dans la veille et l'information des risques afférents aux services informatiques en France.
Le PCF surtout considère indispensable :
d’élargir le périmètre et les budgets des services tels que la DINUM (Direction Interministérielle du NUMérique)
de travailler à créer un système d’information moins dépendant des multinationales du numérique, plus cohérent, et résilient à toutes les échelles de l’État et des services publics, qui mette les enjeux de sécurité et de liberté au dessus des quêtes de profit
d’intégrer ces développements au sein d’une grande politique industrielle française et européenne du numérique, car il s’agit de l’infrastructure informationnelle de nos sociétés.
Nous assurer que cette infrastructure est maîtrisée de bout en bout, de manière souveraine, transparente et résiliente est au 21e siècle indispensable à tous les développements démocratiques et de progrès qui sont au cœur du projet du Parti Communiste Français.
Notre stratégie est uniquement défensive, centrée sur quelques secteurs stratégiques. Il y a aussi quelques rares décisions politiques, il faut l’admettre, comme le refus de vendre Carrefour au géant canadien Couche-Tard.
Naïveté, passivité ou complicité ? Le manque de masques lors de la crise du covid a mis la lumière notre perte de souveraineté ; nous étions incapables de répondre aux besoins des peuples.
Depuis plus de cinquante ans, notre pays a connu plusieurs vagues de désindustrialisation : 2 millions d’emplois industriels ont été supprimés, des savoir-faire détruits, des régions sinistrées. Et nous avons bradé notre outil industriel à des puissances industrielles étrangères - Technip, Nokia, les chantiers de l’Atlantique, j’en passe...
Macron essaie de nous faire oublier qu’il était déjà aux affaires, et qu’il est donc coresponsable des désastres économiques et industriels depuis plus de dix ans. Le pire cas est celui de General Electric, qui a préféré payer 50 millions d’euros de pénalités plutôt que de créer les emplois promis. Désormais, il rapatrie les brevets aux États-Unis et on laisse EDF se débattre pour récupérer les turbines Arabelle.
Depuis des années, notre groupe plaide en faveur du renforcement du contrôle des investissements étrangers, mais surtout du respect des engagements pris.
Ainsi que le souligne le rapport de la mission d’information sur Atos - fleuron français du numérique, en grande difficulté -, la France a certes renforcé le contrôle des investissements étrangers, mais il reste à faire. Nos administrations centrales n’ont toujours pas les moyens de contrôle suffisants du suivi du respect des conditions posées au moment de l’autorisation. Ce suivi n’est ni systématique ni centralisé.
Mais il faut aussi une stratégie offensive, pour reprendre en main la chaîne de valeur de chaque secteur. La question de la souveraineté numérique est cruciale : nous nous félicitons de l’implantation de data centers, mais cette activité est gourmande en énergie et avare en emplois. Et alors que l’on implante des gigafactories de batteries électriques, Stellantis et Renault liquident leurs sous-traitants - MA France à Aulnay-sous-Bois ou Impériales Wheels à Châteauroux qui va fermer le 20 juin, alors que le dernier repreneur a pris 45 millions d’euros d’aides d’État... Et que fait le Gouvernement ? Il reste les bras ballants ou sermonne les ouvriers.
Pour une véritable intelligence économique, il ne faut pas se contenter d’une politique de l’offre en priant pour que les grands groupes créent de l’emploi. Il faut également conditionner les aides publiques à des garanties sociales et environnementales, demander leur remboursement lorsque les emplois sont détruits et surtout responsabiliser les donneurs d’ordres pour éviter les délocalisations. Monsieur le ministre, y êtes-vous prêt ?
Il faut une politique générale qui concerne tous les secteurs. Comment comprendre que le PSG soit aux mains des Qataris, qui abritent chez eux le chef du Hamas ? Vous avez même envisagé de leur vendre notre patrimoine commun, le Stade de France !
N’oublions pas que même nos amis allemands ont tout fait pour affaiblir notre filière nucléaire et notre industrie.
La réindustrialisation doit concerner toute la chaîne de valeurs. Les gigafactories, c’est très bien, mais on laisse des entreprises dont l’État est parfois actionnaire - Stellantis, Renault - liquider la sous-traitance. Le pays sera-t-il plus fort sans détenir l’ensemble de la chaîne de valeur ?
Pour l’entreprise MA France à Aulnay-sous-Bois : la seule chose que vous faites c’est de sermonner les syndicats. Une semaine après, l’entreprise est en liquidation. Vous donnez toujours raison au patronat, jamais aux salariés, et c’est scandaleux alors que la désindustrialisation continue sur l’ensemble du territoire.
« Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner [...] à d’autres est une folie ». Emmanuel Macron, 12 mars 2020.
Le médicament est un enjeu majeur de santé publique. En France, l’un des objectifs de notre système de santé est l’accès pour toutes et tous aux médicaments. La pandémie de Covid-19 est venue souligner les défaillances de l’action publique dans le domaine du médicament et les conséquences des choix de l’industrie pharmaceutique française qui, depuis de nombreuses années, ont profondément affaibli notre indépendance sanitaire et mettent en danger l’accès aux soins de milliers de patientes et patients.
La santé publique est un bien commun antagoniste des brevets, des logiques de marché et de recherche de profits. Il y a donc urgence à reposer le débat sur les modalités de la recherche, ses priorités, ses financements, les règles de fixation des prix, les contrôles et l’évaluation solide des progrès thérapeutiques.
Les pénuries de médicaments concernent désormais toutes les classes thérapeutiques puisque même les produits de base de la pharmacopée familiale sont concernés. Cette situation gravissime est une réalité en officine comme à l’hôpital.
Avant même l’apparition du Covid-19, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait résumé en 2016 les principales causes des pénuries comme suit : difficultés d’acquisition des matières premières, problèmes de fabrication, questions de concurrence, décisions commerciales, impact des nouvelles technologies, médicaments coûteux et fragmentation du marché.
Depuis près de 30 ans, les choix de l’industrie pharmaceutique de délocaliser et sous-traiter la production de principes actifs en Asie, les plans de licenciement dans les filières de recherche pour externaliser la Recherche et Développement à des start-up, la déconnexion des prix des médicaments par rapport aux coûts réels de production entraîne une augmentation des marges des laboratoires inversement proportionnelle au nombre de médicaments disponibles en officine.
La fixation du prix des médicaments est le fruit d’un rapport de force entre pouvoirs publics et laboratoires pharmaceutiques, dont les intérêts sont le plus souvent divergents. Cette situation est d’autant plus inacceptable pour les patientes et les patients que des laboratoires utilisent en réalité les ruptures de stock pour augmenter leurs tarifs, car leur quasi-monopole permet par exemple de surfacturer les produits lorsque le concurrent est défaillant.
La feuille de route 2024-2027 visant à garantir la disponibilité des médicaments et assurer à plus long terme une souveraineté industrielle, présentée par le gouvernement le 21 février dernier, reprend, pour partie, des recommandations émises par la commission d’enquête du sénat sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique.
Cependant, cette feuille de route demeure largement insuffisante au regard des enjeux immédiats et futurs, pour nos concitoyens et pour la France.
Nous proposons, à travers cette résolution, de renforcer le dispositif prévu par le gouvernement en lui demandant de mettre en oeuvre plus largement les recommandations de la commission d’enquête sénatoriale, d’autant qu’elles font l’objet d’un consensus.
La pénurie de médicaments se généralise
Les pénuries de médicaments sont les conséquences des choix des laboratoires qui ont adopté un mode de gestion de leur production basée sur l’externalisation en Asie et à flux tendus.
L’exemple de Sanofi est particulièrement édifiant puisque dans un contexte où le discours du gouvernement est à la relocalisation de la production des principes actifs du médicament sur notre sol, l’entreprise a décidé, le 14 avril 2023, de supprimer 135 emplois sur les sites d’Aramon et de Sisteron et de fermer un atelier de production de principes actifs. Le 19 avril 2024, le groupe Sanofi a annoncé un nouveau plan de licenciement de 330 salariés, soit une réduction de moitié en dix ans des effectifs en recherche et développement en France.
L’annonce du placement en redressement judiciaire de l’usine amiénoise MetEx au mois de mars 2024, seule en Europe à fabriquer de la lysine, qui est un acide aminé entrant dans la composition de certains médicaments, pose la question de la souveraineté industrielle de la France.
De la même manière, le Gouvernement, qui prétend agir en faveur de la relocalisation de la production de principes actifs, a été inactif face à la fermeture de l’entreprise Synthexim dans le Pas-de-Calais, seule entreprise en France productrice du principe actif méthylphénidate, principale molécule pour soigner les personnes atteintes de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité.
Enfin, la mise en vente par le groupe Servier de l’entreprise Biogaran, leader dans les médicaments génériques, est une alerte supplémentaire sur les risques de pénurie de médicaments. Parmi les produits phares de Biogaran figure notamment l’amoxicilline, déjà victime de ruptures de stock. La souveraineté sanitaire impose de conserver la production de médicaments génériques sur le territoire national.
Depuis les années 1980, la France est passée de 470 entreprises de production du médicament à seulement 247 aujourd’hui et en 10 ans, l’industrie pharmaceutique a supprimé 10 000 emplois tandis que le nombre de ruptures de stocks ou de risques de rupture a été multiplié par plus de dix entre 2008 et 2017.
En 2023, selon l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), près de 5 000 signalements de ruptures de stock ou de tensions d’approvisionnement ont été recensés en France.
Le nombre de ruptures continue de progresser puisque l’ANSM avait signalé 2 760 alertes en 2021, 3 761 alertes en 2022, et en enregistre 4 925 en 2023. Parmi les médicaments susceptibles de manquer en pharmacie figurent des traitements du quotidien comme le paracétamol, mais aussi l’amoxicilline ou l’ozempic pour les diabétiques. Pourtant ces traitements figurent dans la liste des médicaments essentiels du ministère de la Santé présentée en juillet 2022.
Si la relocalisation de la production de certains comprimés est d’ores et déjà prévue, cette mesure ne présentera pas d’effets à court terme. Le problème, c’est que toutes les classes thérapeutiques de médicaments sont plus ou moins touchées par la pénurie. Il peut s’agir d’antiépileptiques comme le Rivotril, mais aussi de médicaments anesthésiques locaux comme la lidocaïne. Les statistiques de l’ANSM révèlent que ce sont surtout les traitements anti-infectieux, cardiovasculaires et du système nerveux qui sont les plus sujets aux tensions d’approvisionnement et aux risques de pénurie.
Accompagnés par les cabinets de conseil au quotidien, les industriels pharmaceutiques français sont obsédés par leurs objectifs de marges brutes, quitte à sacrifier leur outil industriel au profit de leurs actionnaires, contre l’intérêt des salariés, des patients et au détriment de la souveraineté sanitaire de la France.
La commission d’enquête a montré combien les pénuries de médicaments s’inscrivent dans une logique marchande de profits, d’offre et de demande et sont des moyens de pression pour obtenir des aides financières supplémentaires ou des prix plus élevés.
Nous devons retrouver une maîtrise publique du médicament qui assure la transparence des prix, l’absence de pénurie et la démocratie sanitaire.
Les prix pharaoniques de certains médicaments sont, en partie, les conséquences d’un système opaque de négociation entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les représentants des entreprises du médicament. Loin de réguler les tarifs ou de garantir la disponibilité des médicaments, les décisions politiques de ces dernières années ont aggravé la situation actuelle.
Ce contexte de pénurie rend encore plus incompréhensible, aux yeux de nos concitoyens, la décision du gouvernement de doubler les franchises médicales au motif d’une « surconsommation » de médicaments, accroissant le reste à charge pour les malades, quand en parallèle il se refuse à imposer des conditions exigeantes voire des sanctions aux industriels.
Recouvrer notre souveraineté sanitaire un impératif vital
Face aux pénuries de médicaments qui mettent en danger la santé de nos concitoyennes et concitoyens, il importe d’imposer des règles strictes aux industriels du médicament. Des règles de production minimale en France, de stock stratégique, de transparence des prix des médicaments mais également de contreparties au versement d’aides publiques.
Le crédit d’impôt recherche (CIR) ne doit plus financer les plans de licenciement des industriels ou le rachat de start-up. Il doit être versé aux laboratoires en contrepartie du maintien de la production sur notre territoire et, en cas de délocalisation, l’État doit exiger le remboursement des aides versées.
L’industrie pharmaceutique souffre d’un mal qui est l’absence de prise en compte de la notion de « public ». Par conséquent, il est indispensable de modifier son modèle économique fondé sur la propriété exclusive des inventions pharmaceutiques qui permet de récupérer une rente d’innovation à partir d’une situation de monopole juridique et industriel.
Les industries doivent être respectueuses de l’environnement et de la préservation des ressources naturelles afin de satisfaire les besoins des populations. Les entreprises pharmaceutiques qui délocalisent leur production délocalisent également leur pollution avec des règles bien moins contraignantes ; c’est la raison pour laquelle nous estimons que la prise en compte des normes environnementales dans la fixation des prix est aussi un impératif écologique.
La nécessité de se doter d’un établissement pharmaceutique national et européen non lucratif capable de produire les médicaments critiques.
Face à l’urgence sanitaire, l’État a la possibilité de recourir à la licence d’office et de s’appuyer sur les outils et l’expérience de l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS).
La commission d’enquête du Sénat sur les pénuries de médicaments a soutenu la création d’un établissement pharmaceutique européen à but non lucratif capable de produire des médicaments critiques en cas de défaut de la production privée ou d’insuffisance de ses capacités.
Selon nous, les pénuries de médicaments et de vaccins démontrent en effet l’urgence d’une politique alternative de santé avec la création d’un pôle public du médicament qui permette une appropriation sociale du médicament.
La création d’un établissement public national produisant les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur en rupture de stock doit s’accompagner d’une instance démocratique associant les représentants de l’État et de la Sécurité sociale, les professionnels du secteur et de leurs syndicats, de la recherche, du développement, de la production et de la distribution, des usagers, des élus nationaux et des collectivités territoriales.
La mise en oeuvre réelle de la démocratie sanitaire est indispensable pour rétablir le lien de confiance entre les citoyennes, les citoyens et les autorités sanitaires ainsi qu’avec les professionnels de santé.
La reconquête d’une souveraineté française dans le champ sanitaire doit constituer une priorité. Plus que jamais, le médicament est un élément stratégique dans toute politique de santé et il est urgent de le faire sortir de la seule loi du marché.
Même pas 100 000. Juste 90 422. 0,35 % c’est ce que pèse aux élections législatives de 1981, le Front national, rebaptisé Rassemblement national en 2018. Autant dire rien. Pourtant quelques dizaines d’années après ce parti réalise des scores inédits dans l’histoire politique de la Ve République. Que s’est-il passé pour en arriver là ?
Partie 1 : Invité à la télé en 1984, Le Pen est lancé, il ne sortira plus du paysage politique
À sa création en 1972, l’objectif de la poignée de militants du groupuscule Ordre nouveau est de créer un espace permettant de réintégrer les différents courants de l’extrême droite français dans le jeu politique et électoral : nostalgiques de Vichy, partisans de l’Algérie française, ex-poujadistes, ultra-catholiques… Un ancien d’Algérie et ancien député poujadiste est choisi pour en être la vitrine médiatique : Jean-Marie Le Pen. Il va progressivement faire du FN un mouvement au service de sa famille.
Les municipales de mars 1983 marquent l’émergence du parti frontiste dans le paysage politique. Marseille, Roubaix, 20e arrondissement de Paris et Dreux, bien sûr, où la liste du FN menée par Jean-Pierre Stirbois recueille 16,7 % des suffrages au premier tour avant de fusionner avec la liste UDF-RPR au second afin de battre la gauche. Cette première émergence coïncide avec le tournant de la rigueur annoncé en mars 1983. Mais, dans les faits, depuis le 9 juin 1982 et l’annonce du président Mitterrand d’une pause dans les réformes afin de les « digérer », la gauche est au ralenti. En 1983, c’est la frange la plus dure de la droite, celle des voyous du SAC de Pasqua, des anciens de l’OAS, qui vote FN par haine des socialos communistes.
Une Europe contre la gauche
Cette année-là, l’alpha et l’Omega des politiques publiques devient : « Contenir le déficit de l’État sous les 3 % du PIB. » Une invention française. « On a imaginé ce chiffre de 3 % en moins d’une heure, il est né sur un coin de table, sans aucune réflexion théorique », expliquait son concepteur, l’économiste Guy Abeille. Mitterrand voulait « une règle facile, qui sonne économiste et puisse être opposée aux ministres qui défilaient dans son bureau pour lui réclamer de l’argent. (…)Plus tard, cette référence sera théorisée par des économistes et reprise dans le traité de Maastricht, devenant un des critères pour pouvoir intégrer la zone euro. »
Les 3 %, gravés dans le marbre des traités européens, symbolisent bien le pari pascalien de François Mitterrand : une Europe contre la gauche et la transformation sociale. Une Europe qui reste intrinsèquement néolibérale comme le prouve l’Acte unique européen (1986) et le traité de Maastricht (1992). Une Europe qui ne sera pas le contrepoids social à la mondialisation néo-libérale mais son cheval de Troie. Ce choix du président de la République va orienter tous les choix budgétaires de la France jusqu’à aujourd’hui, et entraîner des politiques qui ne seront pas pour rien dans la progression continue du FN.
En 1983, François Mitterrand, en fin roublard, comprend rapidement l’intérêt qu’il peut tirer du FN. Sa cote de popularité est en chute libre. Les enquêtes opinion annoncent pour les européennes de 1984 une éventuelle liste de la droite et du centre au-delà des 50 %, un PS autour de 20 % et un PCF à 14 %. Le FN plafonne à 4 %. Pour le président de la République, l’enjeu est d’empêcher l’opposition RPR-UDF de franchir la barre des 50 % et le Front national peut y contribuer. Un petit coup de pouce et – hop ! – voilà le premier dirigeant d’un parti groupusculaire invité, le 13 février 1984, de l’émission politique phare des années 80 : l’Heure de vérité. En juin, le FN décroche 11 %, la droite 44 %. Le plan a fonctionné à la perfection. Pierre Bérégovoy, alors ministre des Affaires sociales, dira même : « On a tout intérêt à pousser le FN,il rend la droite inéligible. Plus il sera fort, plus on sera imbattables. C’est la chance historique des socialistes. »
Chaos de la désindustrialisation
Le Front national ne sortira plus du paysage politique. En 1986, l’introduction de la proportionnelle pour contenir la vague de droite permet au FN d’obtenir une trentaine de députés. En 1988, avec le même score mais un retour au scrutin majoritaire à deux tours, le parti d’extrême droite n’envoie qu’un seul élu à l’Assemblée nationale. Le barrage républicain fonctionne à plein et l’antiracisme dépolitisé de SOS rassemble la majorité de la jeunesse.
L’antisémitisme assumé de Jean-Marie Le Pen, sa sortie sur les chambres à gaz qualifiées de « point de détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale », à l’automne 1987, ne laisse aucun doute sur la dangerosité de sa formation. Mais, pour le FN, l’heure est venue d’entonner le refrain de la victimisation et « du tous les mêmes, tous pourris ». Une chanson qui continue jusqu’à aujourd’hui.
Le FN a beau jeu de s’appuyer sur la réalité. Les alternances et les différentes cohabitations se traduisent par une désindustrialisation du pays, des privatisations en cascade, la casse des services publics. Au nom de la baisse des déficits publics, les différents gouvernements vont s’employer à réduire toujours plus la dépense publique. Au nom de l’emploi, ces mêmes gouvernements vont multiplier les exonérations de cotisations sociales patronales. Sans que la situation économique et sociale ne s’améliore ou que le chômage recule durablement mais en expliquant doctement que l’on ne peut faire autrement sous peine de ruiner le pays.
Le pouvoir d’achat régresse, les services publics refluent : classes d’école, hôpitaux, gares, postes… des petites villes perdent tout ou presque et le remplacement du franc par l’euro va accentuer le renchérissement du coût de la vie. La retraite à 60 ans n’aura duré que dix ans. Pourtant, la démonstration sera faite en 1987, 2000, 2008, 2020 : lorsqu’il s’agit de sauver les intérêts des banques et des puissants, il est possible de déroger aux règles intangibles et de trouver des milliards et des milliards.
À l’élection présidentielle de 1988, Jean-Marie Le Pen regroupe 4 millions d’électeurs et frôle les 15 %. Il les dépasse à celle de 1995. La même année, au premier tour des municipales, le FN atteint parfois 30 % des voix, notamment en banlieue parisienne et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il remporte les mairies de Toulon, Marignane et Orange, auxquelles vient s’ajouter Vitrolles en février 1997, à la faveur d’une élection partielle. Aux législatives de 1997, puis aux régionales de 1998, pour la première fois, le score moyen du FN atteint celui de Jean-Marie Le Pen aux scrutins présidentiels. Une dynamique de frontisation du lepénisme qui sera brisée par la dissidence sans avenir de Bruno Mégret.
Nouvelles fractures
Durant cette décennie, la fin du bloc de l’Est a porté un rude coup à un mouvement communiste déjà à la peine. La concomitance de son effritement depuis la fin des années 70 avec l’émergence du FN a conduit certains commentateurs paresseux à y voir un lien de cause à effet, comme si les électeurs communistes étaient passés en masse au vote FN. Or ce n’est pas le cas. L’électorat communiste a, certes, progressivement délaissé le PCF mais d’abord pour d’autres partis de gauche au début des années 80, puis en s’abstenant en réaction aux déceptions successives. L’anticommunisme du FN ne se démentira jamais.
Là où Le PCF porte la solidarité de classe, le FN désigne les travailleurs étrangers comme l’ennemi. « 2 millions de chômeurs, c’est deux millions d’immigrés en trop », expliquent ses affiches. Le FN travaille le double ressentiment. Celui dirigé contre les dirigeants accusés de faire les mêmes politiques qui ne font qu’empirer la situation. Et celui envers les étrangers montrés du doigt comme des profiteurs d’un système trop généreux et en crise à cause d’eux. Le slogan « les Français d’abord » sera repatiné sous le vocable de « préférence nationale ».
Le champ lexical du racisme s’imprègne d’autant plus facilement dans la société que l’immigration arabo-musulmane va être pointée du doigt par les autres partis. Ils ne sont plus seulement « ceux qui profitent », mais aussi « ceux qui menacent notre mode de vie ». Le FN fait son miel de l’affaire du foulard islamique en 1989, des attentats de 1995 à Paris, et ceux d’Al Qaïda en 2001. Ils permettent au FN de commencer son opération de détournement des valeurs républicaines ; de la laïcité et de la sécurité notamment. L’immigration est associée à islamisme, insécurité, terrorisme.
Le verdict du 21 avril 2002, un tacle à « l’état qui ne peut pas tout »
À la veille de la présidentielle de 2002, le président Chirac est à la peine. Lionel Jospin, son adversaire socialiste, est favori. Le vieux loup met alors la barre à droite et axe toute sa campagne sur l’insécurité. À la veille du scrutin, le tabassage d’un vieil homme, « Papy voise », émeut la France et entre en résonance avec les thèmes qui dominent la campagne.
C’est dans ce contexte que survient le coup de tonnerre du 21 avril 2002 : la qualification de Le Pen au second tour de la présidentielle. Le candidat socialiste est éliminé après cinq ans à Matignon. Marqueur d’une politique progressiste, les 35 heures ont été davantage appréciées par les cadres que par les classes populaires. Au rayon des faux pas, le « Il ne faut pas tout attendre de l’État », prononcé par le Premier ministre à la télévision à propos des 7 500 licenciements chez Michelin, apparaît comme le symbole d’une gauche impuissante face au marché. Un épisode qui s’ajoute à la libéralisation de plusieurs secteurs décidés par l’Union européenne et aux privatisations d’Air France et de France Telecom, impulsée par la droite mais mise en œuvre par la gauche.
Après le choc, le second tour de 2002 se transforme en référendum « anti-Le Pen », Jacques Chirac est élu avec plus de 82 %. Mais jamais, depuis la seconde guerre mondiale, un parti issu des rangs de l’extrême droite n’a réalisé une telle avancée. Un plafond de verre a été brisé.
Partie 2 : Sarko, à la carotte et au bâton
Un certain Nicolas Sarkozy est nommé ministre de l’Intérieur et sature les écrans médiatiques de ses postures virilistes pour combattre une insécurité dont il alimente lui-même le sentiment. C’est le temps des sorties sur « la racaille » ou le « karcher ». Les politiques sécuritaires se multiplient. Mais c’est aussi l’institution policière qu’il remodèle pour le pire. Nicolas Sarkozy a été le moteur d’une extrême droitisation express de la police. Le 3 février 2003, le vibrionnant ministre de l’Intérieur profite d’un déplacement à Toulouse pour humilier Jean-Pierre Havrin, directeur départemental de la sécurité publique et inspirateur de la police de proximité.
« La police n’est pas là pour organiser des matchs de rugby dans les quartiers mais pour arrêter les délinquants ! », raille alors Sarko. Avec des airs de matamore, il enterre – pour longtemps – ce dispositif de prévention qui ambitionnait de restaurer le dialogue avec la population. Fini la communication, le « saute-dessus » est privilégiée dans les cités populaires en même temps que la police se militarise. L’ancien maire de Neuilly étend l’usage du LBD et autres Tasers à toutes les « unités urbaines », autorise les grenades de désencerclement.
Référendum et stratégie du siphonnage
Ce changement de doctrine, qui accentue la brutalisation des rapports avec la population, est porté en interne par le syndicat Alliance. Proche de la droite dure, la jeune organisation est promue par l’entourage de Sarkozy, au point de dominer rapidement le paysage syndical dans la police, auparavant beaucoup plus centriste. Sur les plateaux télés, comme dans les commissariats, ses représentants matraquent leur vision « musclée » du maintien de l’ordre. Un endoctrinement qui infuse sous les képis et fait le boulot pour l’extrême droite. Avec succès : entre 40 % et 55 % des policiers apportent désormais leur voix au FN.
Durant ce second mandat, Jacques Chirac et tous les tenants de l’Europe libérale, qui veulent à tout prix imposer le Traité constitutionnel européen, font également un magnifique cadeau au FN. Ils tirent un trait d’égalité entre le Non de gauche et le Non d’extrême droite au référendum de 2005, ce qui permet à cette dernière de se prévaloir de la victoire…
Ce refus avait été anticipé par un homme : Patrick Buisson. Cet ancien militant de l’Action française, journaliste d’extrême droite, rédacteur en chef de Minute et collaborateur de Jean-Marie Le Pen, cherche à faire sortir ses idées de leur marginalité. Sa rencontre avec Nicolas Sarkozy, qui brigue la présidence de la République, va peser lourd dans l’avenir politique du pays. Le candidat est fasciné par cet intellectuel qui avait aperçu, dans les tréfonds du pays, le rejet de l’Europe telle qu’elle va et que personne à droite n’avait osé voir. Il devient, peu à peu, l’éminence grise de l’ambitieux prétendant.
Après deux mandats chiraquiens, la gauche est favorite pour la présidentielle. Le conseiller de l’ombre propose alors de déjouer les pronostics avec une stratégie électorale qui consiste à siphonner les voix du FN en reprenant ses thèmes. « Racines chrétiennes », « identité nationale » et même « peuple contre les élites » – ce qui pour le maire de Neuilly-sur-Seine ne manque pas de sel – irriguent les discours du candidat.
Ministère « de l’identité nationale »
Et ça marche. Nicolas Sarkozy réalise 31 % au premier tour de la présidentielle alors que le FN chute à 10,4 %. Son plus faible score depuis la présidentielle de 1981. Paradoxalement, cette défaite électorale, coup d’arrêt dans sa progression constante, est la prémisse d’une victoire idéologique. La politique de Sarkozy est, en effet, toute tournée vers la réaction : dès son premier gouvernement, il choque en créant un ministère « de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale », donnant ainsi le point au FN sur le lien entre immigration et perte d’identité.
Celui qui avait fait, depuis 2005, de « l’immigration choisie » son mantra déroule ces thèmes devenus le fil rouge de son action politique. Entre 2002 et 2012, Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur puis président de la République, initie pas moins de quatre lois immigration (2003, 2006, 2007 et 2011). Chacune durcit les conditions d’accueil, l’obtention de la carte de séjour, le regroupement familial et les conditions « d’intégration républicaines ». La logique sous tendue est toujours la même : l’immigration est un danger pour l’identité nationale.
Depuis son arrivée au gouvernement, en politique peu scrupuleux, il utilise les faits divers et joue sur l’émotion pour imposer son récit. À l’été 2010, la cité de la Villeneuve, à Grenoble, s’embrase suite à la mort d’un des jeunes du quartier sous les balles d’un policier dans une course-poursuite après un braquage. Le président aurait pu s’interroger sur ce qui produit ce parcours d’enfant déscolarisé, en pleine errance sociale.
Il préfère pointer du doigt l’immigration et son lien avec l’insécurité : « 50 ans d’immigration insuffisamment régulée ont abouti à mettre en échec l’intégration », dit-il dans ce qui restera comme le « discours de Grenoble ». Un à un, les amalgames jusqu’ici apanage de l’extrême droite, pénètre le discours du pouvoir. Le 4 octobre de cette même année, le grand journal anglo-saxon Newsweek consacre un dossier à la montée de l’extrême droite en Europe. À sa une la photo de… Nicolas Sarkozy.
Sur le plan social, le chef de l’État a apporté sa pierre au désespoir populaire. Pour répondre à la crise de 2008 et le déversement d’argent public sur les marchés, son gouvernement a enchaîné les plans d’austérité. L’hôpital public, les administrations et les collectivités peinent de plus en plus à répondre aux besoins locaux. Si on ajoute le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et la privatisation d’EDF quand il était ministre de l’Économie en 2004, Nicolas Sarkozy aura activement participé à l’augmentation des problèmes de pouvoir d’achat et à l’incapacité des services publics de répondre aux besoins si criants aujourd’hui.
Sarko et les yachts people
À la fin du quinquennat, la CGT dresse son bilan social : « L’augmentation de la rémunération des patrons du CAC 40 de 34 %, les 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté avec moins de 954 euros par mois, le taux de chômage passé de 8 à 9,4 %, les promesses non tenues en matière d’égalité salariale hommes-femmes (25 % d’écart), et 150 000 emplois de fonctionnaires en moins. » Accablant. Durant la dernière décennie, près d’un million d’emplois industriels ont disparu sous les coups de boutoir de la mondialisation. Des régions entières peinent à se remettre de cette saignée continue depuis 30 ans. Les usines parties, la rancœur reste.
Après Chirac en 2005. Nicolas Sarkozy décide de passer outre le vote populaire, en faisant adopter par le Parlement le traité de Lisbonne, copie conforme de la Constitution européenne rejetée par les Français trois ans plus tôt. Un déni démocratique dont se nourrit l’extrême droite. En 2010, Mediapart révèle que Liliane Bettencourt a financé la campagne sarkozienne de 2007. L’année suivante, les premiers éléments démontrant un financement libyen sont rendus publics. Deux des onze affaires dans lesquelles le nom de Sarkozy apparaît et constituent une remarquable contribution au « tous pourris ».
Français contre étrangers, chômeurs contre « la France qui se lève tôt », islam contre laïcité, salariés du privé contre fonctionnaires… Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été une succession de fractures. Patrick Buisson est aux anges. Le « mauvais génie » du président a infiltré la droite, tissé des liens et jeté des ponts avec l’extrême droite. Les « bébés Buisson « pulluleront dix ans plus tard sur les plateaux des chaînes d’info.
Pendant ce temps, les tenants de « l’union des droites » commencent leur travail de sape à l’UMP et au RN pour se retrouver un jour. Le caractère matriciel des « années Sarko » se niche aussi dans les détails. Après sa victoire, le candidat pas encore investi était allé se reposer sur un yacht prêter par son ami… Vincent Bolloré. Des plaisirs bien éloignés de la plupart des Français qui se divertissent, en ce temps-là, en regardant le samedi soir l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché » dans laquelle officiait un certain Éric Zemmour.
En 2010, « Newsweek » titre sur la montée de l’extrême droite… avec Nicolas Sarkozy en Une
Pendant que Sarkozy porte les idées du FN au pouvoir, ce dernier prépare sa mue. Les doubles échecs de 2002 et 2007 ont fait comprendre aux cadres frontistes qu’il fallait désormais changer de braquet pour atteindre le pouvoir. On change d’abord la vitrine. Marine Le Pen devient présidente en 2011 et, peu à peu, Jean-Marie Le Pen et la vielle garde sont remisés dans l’arrière-boutique. Trop sulfureux, pas assez rassembleurs.
En 2012, les idées sont blanchies et les électeurs rentrent au bercail. À l’élection présidentielle, Marine Le Pen frôle les 18 %. Record historique pour le FN. Le double du score paternel de 2007. Ce soir-là, le vice-président du FN, Louis Alliot, affiche sa satisfaction : « Marine Le Pen est une promesse d’avenir », se réjouit-il. Entre deux tours, quelques jours avant de quitter l’Élysée Le président encore en exercice lâche devant un parterre de journaliste : « Marine le Pen est compatible avec la République. » Celle qui avait entamé l’année précédente sa campagne de dédiabolisation n’en attendait pas tant.
Partie 3 : L’héritière et le fossoyeur
Heureusement, François Hollande arrive au pouvoir en promettant de rompre avec ces années nauséabondes tout en s’attaquant (sans promesses exagérées) à la question sociale. « Mon ennemi c’est la finance », prononcé en début de campagne pour contrer l’ascension d’un Jean-Luc Mélenchon allié au PCF, sonne aux oreilles des électeurs comme le retour d’une gauche déterminée à reprendre le contrôle sur un capitalisme débridé. Il promet aussi de renégocier le pacte budgétaire européen qui enserre les politiques sociales.
Après son élection, le président obtient une majorité absolue lors des élections législatives. Dans le Pas-de-Calais, l’ensemble de la gauche réalise 52 % des voix et le PS rafle 9 des 10 circonscriptions. Les classes populaires votent à 40 % pour une gauche (Hollande ou Mélenchon) qui leur inspirent encore quelques espoirs. Ils ne seront plus que 30 % cinq ans plus tard, soit une perte d’un quart de cet électorat. Marine le Pen passe devant avec 34 % (13 points de plus).
Entre-temps, le slogan « le changement c’est maintenant », cher au candidat Hollande, s’est fracassé encore plus vite que les précédentes expériences de gauche au pouvoir. Le pacte budgétaire européen est voté sans réelle renégociation. Après quelques mesures sociales, comme la retraite à 60 ans pour les carrières longues ou une augmentation ponctuelle du Smic en tout début de quinquennat, une « révolution copernicienne » est annoncée par Pierre Moscovici, ministre d’économie : la mise en œuvre d’une politique de l’offre, destinée à aider les entreprises plutôt qu’à soutenir le pouvoir d’achat des salariés.
La déception est immense et la sanction électorale ne se fait pas attendre : pour la première fois aux élections européennes de 2014, c’est le FN qui s’affiche en premier sur les téléviseurs le soir des résultats. L’extrême droite réalise 24 % quand la majorité présidentielle est réduite à 13 %. Dans le Pas-de-Calais, le score de la gauche est divisé par deux quand celui du FN double par rapport aux législatives, deux ans plus tôt.
Matraquage du droit du travail contre faux nez social
Hollande n’entend rien. En cinq ans, aucune mesure sociale significative ne sera mise en place. Pire, c’est un gouvernement de gauche qui promulgue la loi travail en 2016, assouplissant le Code du travail et les protections des salariés. Le RN joue le contre-pied et, sous l’impulsion de son vice-président Florian Phillipot, fait entendre une musique nouvelle sur le pouvoir d’achat ou les retraites pour apparaître comme un parti social et partir à la conquête des classes populaires.
L’histoire d’un RN dédiabolisé plaît aux médias. Alors que les dirigeants du FN étaient considérés comme des dangers et peu invités dans les médias, le vent tourne. Entre 2011 et 2015, Marine le Pen est la personnalité la plus invitée (5 fois) sur les plateaux de « des paroles et des actes », la grande émission politique du service public.
À la tribune du Congrès, le président Hollande annonce vouloir inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité pour les terroristes, même nés français. Une mesure symbolique qui induit une citoyenneté à deux vitesses. Marine Le Pen se réjouit. La gauche est vent debout. « C’était une funeste erreur », dira plus tard le ministre de l’Intérieur d’alors, Bernard Cazeneuve.
Une longue partie d’échecs
La perpétuelle candidate frontiste fait son miel du contexte dramatique. La vague migratoire consécutive à la guerre en Syrie qui met l’Europe sous pression, constitue une toile de fond idéale pour l’extrême droite. « Sans nulle action de la part du peuple français, l’invasion migratoire que nous subissons n’aura rien à envier à celle du IVème siècle et aura peut-être les mêmes conséquences », ose la présidente du FN.
La gauche sort essorée du quinquennat Hollande. L’échec et les renoncements de la présidence socialiste entraînent toutes ces composantes dans le discrédit. Jean-Luc Mélenchon, qui réalise 19,5 % à la présidentielle de 2017, n’utilise plus de référence à la gauche pour ne pas être assimilé à l’échec. Marine Le Pen se retrouve pour la première fois au second tour. En face, un jeune libéral, ministre démissionnaire du gouvernement Valls, profite à plein de la stratégie du barrage républicain. Élu avec les voix de gauche, Emmanuel Macron fait son entrée à l’Élysée avec la promesse de faire reculer le RN…
Il est des phrases qui marquent un quinquennat. Hollande parlait en privé des pauvres comme de « sans dents ». Emmanuel Macron, dès le début de son mandat, lâche, lors d’une inauguration, le 29 juin 2017 : « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Cette morgue marque ses sept années au pouvoir. Le président des riches a multiplié les réformes au service de sa classe sociale.
Dès juillet, le montant des aides personnalisées au logement est revu à la baisse. Et à la rentrée, le 22 septembre, le gouvernement d’Édouard Philippe fait adopter par ordonnance une attaque en règle contre le Code du travail. Alain Griset, président de l’Union des entreprises de proximité exulte : il salue « un message plein d’espoir » adressé aux chefs d’entreprise. Les syndicats sont furibonds et organisent des manifestations.
Bras d’honneur au peuple
Dans la foulée, sans même attendre la fin de l’année 2017, Macron supprime l’impôt de solidarité sur la fortune.« Nous avons fait notre boulot de députés, il n’y a plus d’ISF », se félicite Amélie de Monchalin, transfuge juppéiste en Macronie. Quelques mois plus tard, le gouvernement choisit de mettre la main dans le portefeuille des travailleurs en augmentant les taxes sur le carburant. Un sujet dont les macronistes sans ancrage local n’avaient pas perçu le caractère inflammable. Le 21 avril 2002, le litre de gazole était à 0,76 euro, il est à 1,40 euro en cet automne 2018 (1,80 euro aujourd’hui). Les Gilets jaunes s’emparent des ronds-points. C’est la plus grande crise sociale du septennat.
À Paris, les manifestants sont réprimés. Certains y laissent un œil ou une main. La mesure finit par être retirée. Les communes mettent à disposition des cahiers de doléances. L’affaire se finit sur un Grand débat national début 2019, qui ne débouche sur rien. L’humiliation est totale. L’épisode laissera des traces, notamment dans ce qui finit par être appelé la « France périphérique », là où le RN réalise ses meilleurs scores. Emmanuel Macron piétine également la démocratie lors de la crise du Covid, prenant les décisions seul depuis son bunker, et heurtant toujours plus de citoyens.
Tout au long de son mandat, le refus de reconnaître le rôle des organisations intermédiaires devient une marque de fabrique du libéral Macron. En 2023, un nouveau projet de réforme des retraites est adopté en invoquant l’article 49.3 de la Constitution, malgré l’opposition de l’ensemble des syndicats, et de huit Français sur dix. L’affaire produit un profond ressentiment. La gauche et le mouvement syndical sortent défaits. En revanche, le gouvernement crédite le RN de s’opposer à la mesure…
En réalité, le RN lui rend un grand service. En janvier, la gauche dépose une motion référendaire contre la réforme des retraites. Dans la foulée, le RN fait de même. C’est la motion de la gauche qui aurait dû être examinée. Mais les macronistes violent le règlement de l’Assemblée et manœuvrent pour imposer l’examen de la motion du RN… qui ne sera pas adoptée.
Dangereux invertébré politique
Le septennat macroniste est celui de la légitimation du RN. En 2022, après un nouveau duel Le Pen-Macron remporté sans grand écart par ce dernier, la macronie inaugure sa nouvelle mandature en accordant deux vice-présidences de l’Assemblée au RN. Ensuite, elle accepte que certains textes soient adoptés grâce aux voix du RN, notamment la loi sur l’immigration, en décembre 2023. Loin de mettre en difficulté l’extrême droite, ce type de texte, qui emprunte à l’idée de préférence nationale, le renforce. « C’est une victoire idéologique », fanfaronne Marine Le Pen.
La normalisation de l’extrême droite passe également dans le langage employé par la Macronie. En 2018, Emmanuel Macron juge « légitime » de rendre hommage au militaire que fut Philippe Pétain… En 2021, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, reproche ironiquement à Marine Le Pen d’être « un peu molle ». Emmanuel Macron emploie le terme de « décivilisation » tel que détourné par l’inventeur du « grand remplacement », Renaud Camus.
Au terme de sept ans de macronisme, le RN, dédiabolisé, notabilisé grâce à la « stratégie de la cravate », est la force qui a le plus progressé, passant de 13 % aux législatives de 2017 à 30 % le 30 juin 2024. Pendant ce temps-là, la gauche reste plombée par les années Hollande. Elle passe péniblement de 28 % en 2022 à 30 % cette année. Elle peine à incarner la colère et l’alternative, alors que la situation se dégrade.
L’inflation a connu un pic en 2022 et 2023. Plus de dix millions de Français vivent dans la précarité et ne bénéficient pas du « ruissellement » tant vanté que devaient apporter les cadeaux fiscaux aux plus riches. Le système de santé et d’éducation part en lambeaux et impacte directement le quotidien et les perspectives d’avenir de millions de Français.
L’animateur de CNews est prévenu de la dissolution avant même le premier ministre
Les années Macron sont aussi celles de mutations dans l’espace médiatique. Depuis 2015, sous François Hollande, on assiste à une prise de contrôle de médias par l’extrême droite, par le truchement du milliardaire Vincent Bolloré. Sous Macron, CNews se radicalise peu à peu tandis qu’Europe 1, hier première radio de France, et le Journal du dimanche, grande parution dominicale, tombent dans l’escarcelle du milliardaire qui ne trompe plus personne sur ses objectifs politiques. Il lance même la candidature Zemmour pour 2022. Un candidat qui transgresse tous les tabous et permet au RN d’apparaître plus modéré.
En bon libéral, le président Macron ne fait rien contre ce phénomène. Au contraire, il accorde un entretien à Valeurs actuelles en 2019. Et le 9 juin dernier, le présentateur-vedette de CNews Pascal Praud est prévenu de la dissolution avant-même Gabriel Attal, pourtant premier ministre. Comme un symbole des complicités politiques directes ou indirectes dont bénéficie l’extrême droite depuis 40 ans.
Pour le politologue Tristan Haute, le recul de l’extrême droite n’adviendra pas sans la reconstruction des organisations syndicales alors que le vote en faveur du parti lepéniste perce dans de nouvelles catégories du salariat.
À l’issue du premier tour des législatives, les scores du Rassemblement national (RN) dans le salariat ont de quoi effrayer. Selon l’Ifop, 47 % des catégories populaires, 44 % des employés et 51 % des ouvriers ont choisi de glisser un bulletin pour le parti de Jordan Bardella.
Pour le maître de conférences en science politique Tristan Haute, qui conduit des recherches sur les déterminants sociaux du vote et sur la participation des salariés au travail syndical, le RN parvient à rassembler un vote de salariés en poste fixe.
Le vote RN est-il un vote de classe ?
Tristan Haute
Maître de conférences en science politique à l’université de Lille
En réalité, il l’est de moins en moins. Malgré le recul de l’abstention aux législatives, les inégalités de participation n’ont pas disparu. Les cadres actifs sont dans la moyenne nationale, là où les employés et ouvriers sont largement en deçà. Ces derniers se sont d’abord abstenus. Parmi ceux qui se sont déplacés aux urnes, en effet, le RN obtient la moitié des suffrages.
Certes, le parti a une audience plus importante chez les ouvriers et employés que chez les cadres. Mais ce vote d’extrême droite ne se réduit plus à un vote populaire. Il s’étend chez les indépendants mais aussi les retraités, qui boostent la participation par rapport aux actifs et que l’on a longtemps considérés comme une population légitimiste.
Chez les seniors, le vote pour les LR et, dans une moindre mesure, pour les socialistes a été remplacé par un vote massif pour le camp macroniste et le RN. Ce dernier a su capter une partie importante des électeurs traditionnellement à droite. Jordan Bardella et Marine Le Pen récupèrent une partie des bases sociales du sarkozysme.
Comment progresse le RN dans le monde du travail ?
Le vote RN concerne l’ensemble du salariat et progresse le plus dans les catégories supérieures. Il se développe dans de nouveaux segments du salariat, notamment chez les enseignants ou les travailleurs sociaux, tout en restant minoritaire. Les études menées par l’économiste Thomas Coutrot démontrent aussi que les conditions de travail difficiles, le manque de reconnaissance et l’impossibilité collective de s’exprimer sur son travail peuvent amener à un vote RN. Ces difficultés ne concernent plus seulement les classes populaires, mais une part croissante du salariat. Cela résulte du recul du compromis salarial.
Le RN est de loin majoritaire chez les 35-60 ans : ceux qui travaillent, paient des impôts, ont des crédits à charge, des enfants à éduquer. Quelle place le recul des services publics dans les territoires occupe-t-il dans ce vote ?
Ce recul des services publics peut conduire à un vote RN. Mais l’hostilité à l’égard de l’immigration reste l’élément moteur. Sans cette hostilité, ces votes se dirigent vers la gauche. La gauche doit davantage parler du travail et des services publics.
Elle l’a d’ailleurs fait dans cette campagne du Nouveau Front populaire (NFP). En réalité, le RN est beaucoup plus un vote de salariés sécurisés que de travailleurs précaires. L’idée que le RN représenterait les intérimaires face aux personnes en postes stables est fausse.
Comment expliquer le basculement de gros bastions ouvriers, comme dans le Nord ou les Bouches-du-Rhône ?
Ils étaient prévisibles. Les changements de comportement électoral ont d’abord été marqués par l’abstention et, parfois, par un vote Sarkozy dans ces territoires. De plus, les renouvellements générationnels correspondent à des réalités du travail différentes : les établissements industriels sont de taille plus réduite et la présence syndicale est moindre. Avec les ordonnances Macron, les délégués ont moins de temps pour effectuer un vrai travail syndical de terrain.
Hors du travail, la présence des formations politiques et associatives est aussi de plus en plus difficile à entretenir. La participation n’est plus la même entre 2022 et 2024. Dans ces territoires, ceux qui se déplacent aux urnes, qu’importe le contexte, votent encore pour la gauche. Par contre, les populations qui se mobilisent de manière plus conjoncturelle ont, dans ces anciens bastions ouvriers, voté, pour ces législatives, en faveur du RN.
Quelles conséquences a eues le passage en force de l’exécutif contre les syndicats lors du conflit sur les retraites ?
Le RN a en partie profité de ce passage en force. Le mouvement social n’a pas trouvé de débouché politique. La gauche s’est démobilisée et est arrivée divisée au scrutin européen. Schématiquement, deux groupes étaient opposés à cette réforme : des citoyens attachés à la protection sociale et à l’égalité, ancrés à gauche, mais aussi un second groupe, tout aussi attaché à la protection sociale mais défavorable à des mesures d’égalité et favorable, par exemple, à la réforme de l’assurance-chômage. Ce groupe était en soutien des mobilisations syndicales mais très peu présent dans les cortèges ou chez les grévistes. C’est celui qui choisit très majoritairement le RN aujourd’hui.
L’engagement de cinq centrales syndicales (CFDT, CGT, Unsa, FSU, Solidaires) contre l’extrême droite a-t-il eu un impact dans ce scrutin ? L’adhésion ou la sympathie syndicales sont-elles encore un rempart contre le vote RN ?
En France, le taux de syndicalisation est faible (10,5 %). De plus, les études de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, NDLR) montrent que la moitié des syndiqués ne participe jamais ou rarement à l’activité de leur syndicat. Ces éléments relativisent l’impact que peut avoir une position syndicale.
Enfin, la campagne a été courte, réduisant la capacité de ces organisations à effectuer un travail auprès de leur base et sur les lieux de travail. Il serait injuste de tirer un bilan les concernant. En revanche, le sondage Harris pour le second tour des législatives démontre que le vote NFP est très majoritaire parmi les proches de la CGT (61 %), de la FSU (76 %) et de Solidaires (52 %).
C’est beaucoup moins vrai pour FO, la CFE-CGC et la CFTC. Mais le vote RN n’arrive jamais en tête dans ces structures. C’est un élément significatif. Les candidats RN ne récoltent que 19 % chez les sympathisants d’au moins une centrale. Difficile d’expliquer si cela est le fruit d’un travail syndical ou de sympathisants nécessairement plus à gauche. Une chose est certaine, contrairement à ce que les chaînes d’information ont affirmé, les directions syndicales ne sont pas déconnectées de leur base.
Trois syndicats (FO, CFE-CGC, CFTC) ont refusé de barrer la route de Matignon à Jordan Bardella. Le syndicalisme corporatiste est en bonne forme. Peut-on y voir un lien avec la progression du RN dans le salariat ?
La montée d’un syndicalisme catégoriel, qui politise à la marge la question du travail, s’oppose à un syndicalisme revendicatif, qui débouche sur un vote de gauche. Il faut cependant rester prudent. S’agissant des sympathisants de la CFE-CGC, le vote est plus marqué pour les macronistes ou les LR (53 % cumulés, NDLR) que pour l’extrême droite. La position de FO est différente.
Cette confédération continue de suivre une ligne apartisane qui conduit à incorporer des effectifs très hétérogènes. Ses rapports aux directions d’entreprise ou aux pouvoirs locaux sont variables. FO rassemble des trotskistes lambertistes tout en étant, jadis, le meilleur allié de l’ancien maire de droite de Marseille Jean-Claude Gaudin. La position de FO n’est guère surprenante quand on connaît la pénétration du vote RN dans la main droite de l’État, dont la police.
Quelles sont les perspectives de recomposition syndicale ?
Le RN progresse dans les déserts syndicaux. La reconstruction du syndicalisme est une tâche ardue mais indispensable. Dans de nombreux territoires, la gauche, sous toutes ses formes, est devenue inexistante. Rassembler le syndicalisme est donc une nécessité. La CGT et la FSU travaillent à un rapprochement.
Ces deux centrales sont complémentaires. Il faudra surveiller si cette démarche conduit à une meilleure syndicalisation. Toujours est-il que les ressources militantes seront utilisées, en direction des salariés isolés, et non plus comme parfois, pour de la concurrence syndicale.
Les porte-flingue du patronat et de tous ceux qui ont profité des années Macron multiplient les outrances et tirent à boulets rouges sur le programme de la gauche afin de l’empêcher de parvenir à Matignon.
Second tour des législatives et la première place du NFP, les intox pleuvent sur le programme économique de l’union de la gauche.
Il ne manque guère que les invasions de sauterelles. Des éditorialistes libéraux et économistes orthodoxes au patron des patrons jusqu’à Bercy et au plus haut sommet de l’État, tous récitent la même messe depuis dimanche soir dernier et promettent l’apocalypse en cas de nomination d’un premier ministre de gauche.
Dans l’Opinion, Nicolas Beytout exhorte les Français à « se réveiller », pour ne pas succomber à la « radicalité » du programme du Nouveau Front populaire (NFP). Le Figaro met en garde contre un « suicide économique », citant Bruno Le Maire en roue libre : « C’est un délire total, c’est 1981 puissance 10, c’est l’assurance du déclassement, du chômage de masse et de la sortie de l’UE. » Rien que ça !
Leurs outrances sont proportionnelles aux changements que la gauche a portés dans les urnes. Le NFP à Matignon, c’est la mise au rebut du ruissellement, du tout pour les premiers de cordée, des niches fiscales et exonérations en faveur de ceux qui ont déjà trop. Vus sous ce prisme, les anathèmes lancés cette semaine prennent un tour nouveau.
« La hausse du Smic est une mesure qui augmenterait la pauvreté. » Gilbert Cette, économiste, le Point, 9 juillet
Le Nouveau Front populaire cherche à améliorer le sort des plus précaires en portant le Smic à 1 600 euros net, contre environ 1 400 euros ? Pour les libéraux, cette hausse plongerait les travailleurs dans le chômage et donc la misère en raison des suppressions d’emplois induites par un alourdissement du « coût » du travail. Ce scénario catastrophe ne s’est pourtant jamais observé dans les pays qui ont décidé d’instaurer et/ou d’augmenter leur salaire minimum, au cours des dernières années.
C’est le cas du Royaume-Uni, qui a créé son National Minimum Wage (NMW) en 1998, avant de l’augmenter de près de 40 % entre 2000 et 2017 (près de deux fois plus vite qu’en France). 30 % des salariés britanniques ont profité des hausses du NMW.
Dans une étude publiée en avril 2019, la Low Pay Commission (groupe d’experts auprès du gouvernement) dresse un bilan historique complet : « Au lieu de détruire des emplois, comme c’était prévu à l’origine (…), le salaire minimum a atteint ses objectifs d’augmenter les rémunérations des plus bas salaires sans mettre en danger leurs perspectives d’emplois. »
En France, les économistes du NFP ont conscience qu’une augmentation de 15 % du salaire minimum ne se fait pas d’un claquement de doigts. Pour aider les PME à absorber le choc, ils proposent plusieurs pistes : réorientation des 200 milliards d’euros d’aides aux entreprises en direction des plus petites, création d’un fonds d’aide aux PME ou encore, comme le préconise le PCF, système de prêts bancaires à taux d’intérêt très faibles, voire négatifs.
« L’annulation de la réforme des retraites nuirait à la pérennité de notre système par répartition. » Patrick Martin, président du Medef, 9 juillet
Usé jusqu’à la corde pendant la dernière réforme des retraites, l’argument est ressorti opportunément à la veille d’une possible arrivée au pouvoir de la gauche. Abroger la réforme de 2022 (recul de l’âge légal de 62 à 64 ans) conduirait à la ruine de notre régime universel de retraite. C’est supposer qu’il y avait urgence à réformer à l’époque, ce qui n’a jamais été démontré : le Conseil d’orientation des retraites (COR) estimait, fin 2022, que ses résultats « ne validaient pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’unedynamique non contrôlée des dépenses de retraite ».
Et d’ajouter qu’après avoir été excédentaire en 2021 et 2022, le régime resterait déficitaire jusqu’en 2032, mais dans des proportions parfaitement contrôlables – entre 0,5 point et 0,8 point de PIB (un point de PIB = 1 % du PIB). Pierre-Louis Bras, ancien président du COR, avait même enfoncé le clou, en février 2023, en affirmant, au grand dam de la Macronie, que « les dépenses de retraite ne dérapent pas ».
L’abrogation du recul de l’âge de départ à la retraite, qui a pénalisé de nombreux travailleurs, n’aurait donc rien du suicide économique décrit par certains. « En termes de faisabilité, revenir en arrière à 62 ans est tout à fait possible d’autant que la réforme a à peine commencé à s’appliquer, rappelle l’économiste Michaël Zemmour dans la Dépêche du Midi. Pour cela, il suffit de trouver des ressources, et pas dans des proportions démesurées. Ça pourrait passer par des réductions d’exonérations ou d’exemptions de cotisations dans les entreprises, ou alors un très léger relèvement des cotisations sociales étalé dans le temps. Il y a vraiment un choix politique à faire. »
« Les propositions économiques du NFP représentent un danger vital pour la France. » Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, 11 juillet
Il a beau reconnaître être sur le départ, Bruno Le Maire continue de donner des leçons à tout-va. « Le programme économique du NFP est irréaliste : les dépenses envisagées sont irresponsables et les augmentations d’impôts s’approchent du vol », assène-t-il, ce jeudi.
En même temps, celui qui a passé un septennat à Bercy annonce 5 milliards d’euros de gel de crédits dans les budgets des ministères, car les 10 milliards déjà rabotés au premier semestre ne suffisent plus à limiter les déficits publics. « Il n’y a pas eu besoin d’attendre le Nouveau Front populaire pour être dans une situation de déficit. La France est déjà sous contrôle européen », ironise Jean-Marc Durand, rédacteur en chef de la revue Économie et politique. La dette publique a bondi de 1 000 milliards d’euros depuis sept ans. Une moitié suite à la crise du Covid, l’autre du fait des cadeaux fiscaux offerts aux entreprises et aux plus riches.
« Toutes les mesures de notre programme sont assorties d’une recette », soutient le député FI Gabriel Amard. La suppression des niches fiscales inefficaces doit rapporter 25 milliards d’euros ; l’impôt progressif sur l’héritage 14 milliards ; la taxation du capital au même niveau que le travail 2,7 milliards ; l’impôt sur les multinationales 26 milliards ; le renforcement de la taxe sur les transactions financières, 3 milliards. L’égalité salariale hommes-femmes entraînera des recettes estimées à 10 milliards d’euros.
« En matière de fiscalité, il faut toujours miser sur l’élargissement de l’assiette des prélèvements, qui génère des recettes », rappelle Jean-Marc Durand. Le programme du NFP « inverse le paradigme » et promeut une reprise de l’activité avec des mesures en faveur du pouvoir d’achat et de l’investissement des entreprises.
« Si on paie mieux les gens, qu’on en met à la retraite et qu’on embauche aussi, cela génère de la croissance », et des recettes fiscales, décrypte cet ancien de la Direction générale des finances publiques, qui affirme que «le NFP dispose de propositions qui relancent la machine économique, avec le pôle public bancaire, les mesures en faveur des TPE et PME pour faire face à la hausse du Smic ». De plus, le NFP défend un conditionnement des aides aux entreprises qui permettrait de réduire cette enveloppe, actuellement de 200 milliards d’euros.
« Le rétablissement de l’ISF ferait partir les riches. » Patrick Martin, 9 juillet
L’argument est éculé. On l’a déjà entendu en 1981, à la création de l’impôt sur les grandes fortunes ; en 1989 à sa transformation en ISF, etc. Pourtant, en plus de trente ans d’existence, cet impôt n’a pas fait fuir grand monde. Seuls 0,2 % des assujettis étaient des exilés fiscaux, avançait même un rapport de la Direction générale des finances publiques, datant du milieu des années 2010. En 2006, l’économiste Gabriel Zucman pointait déjà que, s’il y avait bien quelques départs, ceux-ci « ne représentent pas des pertes de recettes fiscales significatives : au grand maximum, 10 % de ce que l’ISF rapporte ».
Pourtant, « cet argument est le premier présenté par les libéraux dès qu’on évoque l’ISF », déplore Anne Guyot-Welke. « Une chose est sûre, la suppression de l’ISF n’a pas amené un retour significatif d’expatriés », remarque la secrétaire nationale de Solidaires finances publiques.
Le bouclier fiscal mis en place par Sarkozy en 2007 n’avait pas non plus freiné l’exil des fortunes. Vraiment, depuis quarante ans qu’il est rabâché et que sa nullité fut maintes fois démontrée, l’argument de la fuite des capitaux aurait dû faire long feu… En revanche, les réformes de l’ère Macron (fin de l’ISF et création de la flat tax) ont permis que les versements de dividendes battent de nouveaux records chaque année.
En outre, dans le programme du NFP, l’ISF reviendrait accompagné d’une exit tax cohérente. « Cette taxe concerne les personnes qui ont plus de 1,3 million d’euros de patrimoine, qui se sont expatriées dans des pays à la fiscalité avantageuse, et qui voudraient en profiter pour vendre leur patrimoine mobilier, comme leurs actions », explique Laurent Perin de la CGT finances. Juste au cas où.
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