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30 décembre 2016 5 30 /12 /décembre /2016 07:34

L’HUMANITE

Mercredi 28 décembre 2016

AURÉLIEN SOUCHEYRE

 

«NOUS AVONS SOUTENU, AMENDÉ, TENTÉ D'AMÉLIORER ET VOTÉ LES LOIS QUI ALLAIENT DANS LE BON SENS.»ANDRÉ CHASSAIGNE PRÉSIDENT DES DÉPUTÉS DU FRONT DE GAUCHE

 

Dans un rapport sur leur action au Palais Bourbon, les parlementaires du groupe GDR reviennent sur la longue série de lois régressives proposées par l'exécutif, qu'ils ont combattues dans l'Hémicycle, et sur les propositions de loi qu'ils ont défendues, qui auraient dessiné un tout autre quinquennat.

L'heure est au bilan. Loin de toute autosatisfaction, les députés élus sous l'étiquette Front de gauche en 2012 ont présenté leur rapport d'activité. « Avoir l'honneur de représenter le peuple souverain, c'est aussi l'obligation de rendre compte de son action », estime leur chef de file, André Chassaigne. La XIVe législature et la position des élus du groupe GDR, hors députés ultramarins, a ainsi été décortiquée et étayée jusqu'à octobre 2016. Sidération, combativité et sentiment de grand gâchis se lisent au long des 37 pages du document. La fin est déjà connue: « le peuple de gauche a assisté avec consternation à l'adoption d'une série de lois régressives sur le plan des libertés comme sur le plan économique et social (...). Face à (ces) dévoiements et à (la) dérive idéologique, nous sommes restés fidèles à nos engagements, ceux d'une gauche mue par des valeurs de justice sociale, le développement durable et la solidarité internationale », écrivent les parlementaires.

LE GROUPE VOTE CONTRE LA DEUXIÈME LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

Tout n'avait pourtant pas si mal commencé. En juillet 2012, les députés Front de gauche votent pour la première loi de finances rectificative. Sitôt élu, François Hollande s'attaque alors à une partie de l'héritage des années Sarkozy (TVA « sociale », heures supplémentaires défiscalisées, affaiblissement de l'ISF...). Ce positionnement sera de très courte durée. « Il s'agira du seul budget du quinquennat en faveur duquel nous nous prononcerons », précisent les députés. Dès l'automne, ils s'abstiennent au sujet du projet de loi de finances pour 2013, à la suite de leur vote contre la ratification du TSCG européen qui lançait la France sur le chemin de l'austérité et de la réduction de la dette publique. En décembre de la même année, enfin, ils votent contre la deuxième loi de finances rectificative, qui porte déjà en elle le Cice à venir. D'un coût de 20 milliards d'euros par an, financé en partie par une hausse de 10 milliards d'euros de la TVA dès 2014 (« impôt le plus injuste qui occupe une place de plus en plus importante dans le budget d'un ménage »), ce dispositif sera « inefficace, en plus d'être injuste », tout en étant gracieusement accordé sans ciblage ni contrepartie, pour le plus grand bonheur du Medef. En 2013, les collectivités locales seront mises à contribution, avec une perte de 10 milliards sur trois ans.

En cinq ans, il y a eu des votes pour. « Quand cela allait dans le sens de l'intérêt général, de l'égalité et du progrès, nous avons tout naturellement soutenu, amendé, tenté d'améliorer au maximum et voté les lois », développe André Chassaigne. Des exemples : loi Alur, loi relative à l'économie sociale et solidaire, loi pour une République numérique, pour la COP21, pour les emplois d'avenir, pour le statut des stagiaires, contre le harcèlement sexuel, pour le mariage pour tous, pour la transparence de la vie publique, contre le cumul des mandats, pour la refondation de l'école, pour l'égalité et la citoyenneté, contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, ou encore la loi de modernisation de la justice, celle de reconnaissance par le Parlement de l'État palestinien, et même la première loi sur l'état d'urgence.

« Dans des circonstances exceptionnelles pour la sécurité de chacun, argumente André Chassaigne. Nous nous sommes fermement opposés à toutes les prorogations suivantes, inefficaces, contraires à l'État de droit et aux libertés fondamentales. » Même son de cloche pour la liberticide loi sur le renseignement, qui place « un dispositif de surveillance massive dans les mains de l'exécutif », rompant, en outre, avec la nécessaire séparation des pouvoirs.

UNE MOTION DE CENSURE DE GAUCHE APRÈS LE 49-3 SUR LA LOI EL KHOMRI

Au-delà du projet de déchéance de nationalité, finalement abandonné, les votes contre l'emportent ainsi très largement, à travers des oppositions frontales sur des textes fondamentaux, comme la réforme ferroviaire ou territoriale par exemple, qui rompent avec l'exigence d'égalité entre les citoyens et les territoires, notamment assurée par les services publics. La loi Macron, évidemment, qui a banalisé via 49-3 le travail du dimanche et de nuit sans compensation salariale, amené à une « libéralisation antiécologique du transport » en plus d'une privatisation des aéroports. Idem pour la loi sur l'ANI, celle sur le dialogue social et l'emploi, et bien sûr la loi El Khomri, qui ont entériné une « précarisation des salariés pour sécuriser le patronat ». Sur la loi travail, passée en force à coup de 49-3, les députés Front de gauche iront jusqu'à signer les deux tentatives de dépôt d'une motion de censure de gauche contre le gouvernement, après avoir proposé de nombreux amendements de suppression des mesures les plus iniques, et de réorientation du texte : réduction du temps de travail, sécurité sociale et professionnelle, encadrement des rémunérations des dirigeants, protection contre l'ubérisation.

QUELQUES PROPOSITIONS DE LOI ONT FINALEMENT ÉTÉ ADOPTÉES

Les députés du Front de gauche ont également voté contre tous les projets de loi de financement de la Sécurité sociale, dénonçant la conservation des « mesures instaurées par la droite », « l'allongement de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein », et la prolongation durable de « la casse de notre système de santé », dont « les hôpitaux publics sont les premières victimes », jusqu'à se voir imposer un plan d'économie de 10 milliards d'euros sur trois ans.

La plupart des amendements du groupe GDR ont été repoussés, tout comme leurs propositions de loi, de l'amnistie syndicale à l'interdiction des licenciements boursiers, en passant par la tenue d'une conférence européenne pour la restructuration de la dette, la garantie du revenu des agriculteurs, la réhabilitation des fusillés pour l'exemple et le projet de droit de préemption des salariés. Quelques-unes ont été adoptées, comme la loi portant sur l'autonomie des femmes étrangères, celle de la suppression du mot « race » dans la législation, ou encore l'encadrement des rémunérations en entreprise, bien que vidé d'une grande partie de sa substance par un exécutif qui portera « une lourde responsabilité historique devant le peuple de gauche ».

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30 décembre 2016 5 30 /12 /décembre /2016 07:02
Plusieurs personnalités politiques, associatives et intellectuelles interpellent la ministre de la santé au sujet du sort des employé-e-s, en très grande majorité des femmes, de la Polyclinique tarbaise, en grève depuis 50 jours face à «la direction de l’établissement et du groupe MEDIPÔLE-PARTENAIRES qui joue le pourrissement du conflit»
 

Ils ont face à eux la direction de l’établissement et du groupe MEDIPÔLE-PARTENAIRES qui joue la montre, le pourrissement du conflit, et a préféré perdre plus de 3 millions d’Euros que répondre à leurs attentes. Ils sont aussi confrontés à l’inaction pesante de l’Agence Régionale de la Santé et au silence tout aussi pesant de votre Ministère !!!

Ceux là sont d’autant difficiles à vivre que les personnels sont  acculés au mépris, à la provocation et aux intimidations journalières de leur direction. Jusqu’à assigner 17 d’entre eux au tribunal il y a quelques jours. La clinique a été déboutée par la justice mais cela n’a pas pour autant permis au dialogue social de s’instaurer.

Les salariés poursuivent donc leur mobilisation. Déterminés et dignes, avec  un sens de l’intérêt général hors du commun. Ils sont soutenus par la population tarbaise et haut pyrénéenne, largement acquise à leurs revendications et tout autant qu’eux préoccupée du devenir des soins et de l’hospitalisation.

Alors que certains parlent de privatiser davantage les services de santé, les hôpitaux ou même la sécurité Sociale, nous pouvons observer les ravages de ce genre de gestion basée sur le profit et non sur les besoins de la population. Sans oublier que les Hôpitaux, contraints à une rentabilité économique, accumulent les difficultés pour assurer leurs missions de santé publique.

Aujourd’hui après des milliers de pétitions signées, des motions de soutien adoptées dans l’ensemble des assemblées communales et locales, après  la nomination d’un médiateur qui comme les grévistes reste sans réponse, il s’agit de trouver une issue  à ce conflit, et vite !

Les grévistes sont prêts à discuter, à négocier. Mais face à eux, il  leur faut trouver autre chose qu’un mur d’intransigeance et d’égoïsme.

La grève va rentrer dans sa 8ème semaine et il est maintenant de la responsabilité des pouvoirs publics de faire entendre raison à MEDIPÔLE-PARTENAIRES! On ne peut laisser ce groupe imposer sa stratégie de développement financier, sa fusion avec Elsan numéro 2 de l’hospitalisation privée en France, sa recomposition de la cartographie sanitaire au mépris des besoins de tout un bassin d’emplois et de vie.

Que nous soyons de Tarbes ou pas, cette lutte et ses revendications sont les nôtres .

L’État via la Banque Publique d’Investissement finance le groupe MEDIPÔLE-PARTENAIRE. L’Etat peut faire entendre sa voix : il le doit même, sinon cela signifierait qu’en matière de santé publique il n’a aucune autorité  !!! Nous refusons de le croire.

Madame la Ministère de la santé, Monsieur le Premier Ministre vous devez agir.

Premiers signataires :

Eliane ASSASSI (sénatrice FDG), Clémentine AUTAIN (Porte parole Ensemble), Guillaume BALAS ( député européen PS), Etienne BALIBAR ( philosophe), Julien BAYOU (Porte-parole EELV), Docteur Gérard BERTHIOT (pneumologue), Olivier Besancenot (NPA), Hervé BUFFAT ( Secrétaire départemental PCF 65) Marie-Georges BUFFET (Député PCF/FdG), Eric COQUEREL ( Conseiller régionale Ile de France, coordinateur PG) Jean-Claude CHAILLEY ( Résistance sociale), Hervé CHARLES ( PCF Tarbes), André CHASSAIGNE ( député, Président du groupe Gauche Démocrate et républicaine), Annick COUPÉ (syndicaliste), Pierre COURS-SALIES (sociologue), Viviane DEBARGES ( syndicaliste), Janine DUBIE (députée, Présidente de la fédération du PRG 65), Philippe DUSSERT ( secrétaire départemental PS 65) Michel ETIEVENT (écrivain, historien de « la sociale »), Patrick FARBIAZ (Ecologie Sociale), Gérard FILOCHE ( Responsable national PS), Sylvie FUCHS (Conseillère Régionale Île de France), Jean-Luc GIBELIN (Vice-Président Région Occitanie), Jean GLAVANY ( député 65, PS), Yolande GUINLES ( Conseillère régionale Occitanie, PCF) Liem HOANG NGOC (Conseiller régional Occitanie), Gilles HOUDOUIN, (Conseiller régional de Normandie, Ensemble !), Pierre KHALFA (Co-président Fondation Copernic), Jean-Yves LALANNE (Maire de Billère, PS), Pierre LAURENT (Sénateur secrétaire national PCF), Alain LESCOULES ( Conseiller municipal et ancien maire de Luz St Sauveur), Docteur Isabelle LORAND, Elise LOWY (responsable national EELV), Noël MAMERE ( Député), Claude MARTIN ( Syndicaliste),  Myriam MARTIN (Conseillère régionale Occitanie, Porte Parole Ensemble), Jean Luc MELENCHON ( Député européen, France Insoumise), Jean-Philippe MILESY (Rencontre Sociales, militant ESS), Dominique MONTAMAT ( élu Tarbes PCF/FdG), Pierre MONTOYA (Elu Tarbes et Grand Tarbes PG/FDG), Marc NOGUEZ (mutualiste), Ricardo MONTSERRAT (auteur), Pierre NOEL (syndicaliste)  Philippe PATERNOLLI (écrivain), Willy PELLETIER (Sociologue, coordinateur Fondation Copernic), Jean- Claude PETIT (compositeur), Dominique PLIHON ( Co porte parole ATTAC), Michèle PHAM BARANNE (Conseillère Municipale Tarbes et VP Grand Tarbes, PS), Roger PHAM ( Trésorier PS 65), Christine POUPIN (NPA), Serge REGOURD (universitaire), Vincent RICARRERE ( Ensemble 65), Sandrine ROUSSEAU (Porte-parole EELV), François RUFFIN ( Rédacteur en chef de Fakir, réalisateur), Denis SIEFFERT (journaliste, directeur de la rédaction de Politis), Danielle SIMONNET ( Coordinatrice du PG),  Eric THOUZEAU (Conseiller régional Pays de Loire, PS), Marie-Claude TREILHOU (cinéaste), Guy TRESSALET (syndicaliste), Aurélie TROUVE ( Co porte parole ATTAC) Raymond VACHERON (syndicaliste), Docteur Anne Marie VAUGELADE, Gabriel VAUGELADE ( Formateur collectif national à la formation du PS), Marie-Christine VERGIAT (Député Européen - FdG), , Marie-Pierre VIEU (Elue Tarbes et Grand Tarbes, Responsable nationale PCF), Christian ZUERAS ( NPA 65)

 
 
Les salariés ont occupé aujourd'hui l’ARS Montpellier mais côté Ministère on ne voit rien venir. D’où cet appel pour populariser leur lutte et une vidéo « punchy » qui circule bien sur les réseaux sociaux...
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29 décembre 2016 4 29 /12 /décembre /2016 08:16
Renault Carlos Ghosn s’offre 6,4 millions d’euros pour Noël
MARDI, 27 DÉCEMBRE, 2016
L'HUMANITÉ

Le patron de Renault s’est fait un petit plaisir en Bourse. Le 16 décembre dernier, Carlos Ghosn a usé de son droit à acheter des actions de son entreprise à prix fixe. Une bagatelle, il en a pris 132 720, achetées 37,43 euros pièce. Sauf que le cours en Bourse de l’action Renault, dopé par l’annonce d’un accord de flexibilité pour les trois prochaines années, vaut 85,30 euros. La plus-value réalisée en revendant directement ces actions est de 6,4 millions d’euros. C’est l’économiste Benoît Boussemart, spécialiste des grandes fortunes, qui a déniché la magouille et l’a relatée sur son blog. Une coquette somme qui permettra au patron le mieux payé de France de tenir jusqu’à son troisième salaire, celui qu’il touchera comme patron de Mitsubishi. Car Carlos Ghosn a déjà perçu 16 millions d’euros en tant que dirigeant de Renault et de Nissan, malgré les réprimandes du comité d’éthique du Medef… Pi. M.

Journaliste, spécialiste des nouvelles technologies
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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 19:09
Le fondateur du modèle social que Fillon entend bouleverser s’appelait Ambroise Croizat: Damien Augias analyse le film de Gilles Perret sur le site Slate.fr (28 décembre 2016)

Tandis que le programme de François Fillon promet une remise à plat de la Sécurité sociale, le film «La Sociale» de Gilles Perret entend rendre justice au père fondateur du plan de création de cette institution sur laquelle repose tout notre modèle social.

Certains films vivent grâce au bouche-à-oreille plus que par un «plan médias» et un matraquage publicitaire. Pour les documentaires engagés, genre qui peut peiner à trouver son public, ce constat est sans doute encore plus vrai et les différents films de Gilles Perret l’illustrent particulièrement. 

Après deux premiers documentaires couronnés d'un succès relatif (Ma mondialisation en 2006, De mémoires d’ouvriers en 2012), Gilles Perret s'est surtout fait connaître avec desJours heureux (2013), qui exhumait la mémoire du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) et en retraçait son héritage. Avec La Sociale, qui approfondit ce travail de mémoire sur le nouveau contrat social établi à l'issue de la guerre, le réalisateur a décidé, contre les tendances de la production audiovisuelle (et avec le soutien indéfectible de son producteur Jean Bigot), de rendre hommage à l’histoire et à l’actualité de la Sécurité sociale, soixante-dix ans après sa naissance au lendemain de la Libération, sous l’impulsion du monde ouvrier et avec l’assentiment du gouvernement provisoire de la République française.

À vrai dire, La Sociale, dans un registre passionné et militant, veut davantage rendre justice que rendre hommage au père fondateur –aujourd’hui volontiers oublié– du plan de création de la Sécurité sociale, le ministre communiste du Travail (en 1945-1947) Ambroise Croizat, lui-même ancien ouvrier et syndicaliste de la métallurgie, originaire de la vallée industrielle de la Maurienne en Savoie,  qui prononça cette phrase limpide rappelée par le film: «Dans une France libérée, nous libérerons les Français des angoisses du lendemain.» 

Une figure mise de côté

Alors même qu’Ambroise Croizat fut loué de son vivant et que sa mort prématurée en 1951 donnera lieu à des funérailles populaires de grande ampleur, c’est aujourd’hui bien davantage le nom du haut fonctionnaire Pierre Laroque, directeur général de la Sécurité sociale de 1944 à 1951, qui est resté dans les mémoires concernant l’élaboration du premier projet de Sécurité sociale  (ordonnances des 4 et 19 octobre 1945). Pierre Laroque incarne d’ailleurs une des figures historiques du haut fonctionnaire du XXe siècle en France, typique de la période de croissance des Trente Glorieuses, avec ses collègues François Bloch-Lainé ou Claude Gruson.

Le relatif oubli d’une personnalité militante telle que Croizat s’explique sans doute par les faveurs dont bénéficient les dimensions institutionnelle et administrative dans l'écriture de l’histoire politique française. Le film attire cependant l'attention sur l'explication politique de cet oubli de Croizat: Laroque étant considéré comme un gaulliste, plus consensuel qu’un ministre communiste, il était mieux en mesure d'incarner un acquis social bénéficiant de l'assentiment général, alors que l’on sent, dès 1946, poindre les premiers soubresauts de la Guerre froide.

Pour illustrer le contexte de l’après-guerre, La Sociale s’appuie sur des archives filmées minutieusement sélectionnées, montrant notamment comment les syndicats ouvriers –communistes ou non– sont devenus progressivement les acteurs-clés de la gestion locale des caisses de sécurité sociale, sur tout le territoire français, avec le soutien volontariste de l’Etat qui, en appliquant notamment le programme du CNR, cherchait par ce biais à pacifier une société française meurtrie par la guerre et l’occupation, et particulièrement divisée lors de la Libération. Ce «compromis historique» entre de Gaulle et les communistes –qui, auréolés de leur gloire résistante et alors au faîte de leur puissance électorale, participent au gouvernement provisoire jusqu’en 1946– dans le contexte de l’après-guerre et de la constitution d’une société plus juste, a été à l’origine de la création de l’Etat-providence en France, ce qui est parfois oublié aujourd’hui et qu’il n’est jamais anodin de rappeler.

La force des témoignages

À travers des témoignages souvent chaleureux voire émouvants, Gilles Perret donne la parole à des personnalités très diverses, ce qui rend le documentaire à la fois émouvant et instructif. Michel Etiévent, historien du social et biographe d’Ambroise Croizat – et comme lui originaire de la Savoie ouvrière – évoque la mémoire du ministre, en compagnie de sa fille, sur les lieux de son usine, de sa maison familiale et de son ministère, rue de Grenelle. Le passage (improvisé) durant lequel François Rebsamen, alors locataire du bureau du ministre du Travail où Croizat avait conçu le plan de Sécurité sociale avec Pierre Laroque, est particulièrement cruel pour l’actuel maire de Dijon: si on pouvait s'attendre à ce qu'il semble ignorer l’existence de son prédécesseur, le plus cocasse est qu'il paraît considérer que le ministère du Travail est totalement étranger à la Sécurité sociale, et que celle-ci doit bien davantage au général de Gaulle qu’au parti communiste. 

Parmi les autres experts, il faut mentionner également les analyses pertinentes de la sociologue Colette Bec (auteur du brillant essai La Sécurité sociale. Une institution de la démocratie), du politiste Frédéric Pierru et de l'économiste Bernard Friot, tous spécialistes de la Sécurité sociale. Si chacun d'entre eux s'attache à en défendre les valeurs et l'héritage, ils se montrent aussi plus critiques, sans doute, que le réalisateur et le producteur: ainsi Colette Bec rappelle que le manque de projection et d’adaptation du modèle social porté par la Séurité sociale, progressivement devenu par trop gestionnaire, a pu prêter le flanc à une critique de plus en plus répandue de l’Etat-providence.

Ce que l'on retient surtout du propos de ces experts, c'est le sens même et la portée globale de la Sécurité sociale au sein de notre système démocratique, c'est-à-dire moins un débat technique et comptable (sur le «trou de la Sécu»... peut-être plus mémoriel que financier en définitive), auquel nous sommes trop habitués, qu'une institution qui fait société: «La Sécu, c'est le droit de vivre», nous dit Michel Etiévent, Colette Bec rappelant quant à elle l'extraordinaire division par trois en dix ans de la mortalité infantile suite à la création de la Sécurité sociale.

Un héritage à revendiquer

Les entretiens avec les leaders syndicaux, Philippe Martinez (CGT), Jean-Claude Mailly (FO) et Laurent Berger (CFDT) à propos de l’héritage de la Sécurité sociale sont de ce point de vue plus convenus et moins instructifs, même s’il est sans doute utile de rappeler, comme l’un d’eux le fait, que la notion de «charges sociales» a significativement pris le pas sur celle de «cotisations sociales», à la base du système de solidarité sociale français: un modèle en définitive inspiré à la fois par les modèles universaliste de type «beveridgien» et assuranciel de type «bismarckien», dans lequel chacun doit recevoir selon ses besoins, et cotiser selon ses moyens.

Mais le témoignage le plus poignant et le plus tranchant du film est à n’en pas douter celui d’un ancien ouvrier métallurgiste de 96 ans, syndicaliste CGT qui participa en 1946 à la caisse de sécurité sociale dans son département de Haute-Savoie. Ce «grand témoin», Jolfred Fregonara –car tel est son nom… qui ne s’invente pas–, malheureusement disparu depuis la sortie du film, crève littéralement l’écran par son humour communicatif et son caractère bon vivant malgré son grand âge. On retiendra en particulier ses souvenirs de militant, toujours méfiant à l’égard des «gestionnaires» –le premier système de la Sécurité sociale laissait une grande place aux syndicats, remplacé dans les années 1960 par une gestion au sein de laquelle le patronat et l’administration pesaient davantage.

Lorsqu'ils met ainsi en garde la promotion d’élèves fonctionnaires de l’École nationale supérieure de la Sécurité sociale (EN3S) de Saint-Etienne auxquels il s'adresse, c'est pour les enjoindre à défendre l’État-providence et à en revendiquer l'héritage. S’étonnant auprès de l’administration de l’École, de manière faussement naïve, du choix de baptiser l’amphithéâtre du nom de Pierre Laroque plutôt que de celui d’Ambroise Croizat –dont son interlocuteur ignore, sans surprise, son existence–, il risque malicieusement une explication: «peut-être parce qu’il était communiste ?»

Sonette d'alarme

La dernière partie du film, largement déséquilibrée par rapport à la (longue) première partie historique, ouvre logiquement sur l’actualité du sujet et pose la question de la pérennité de la Sécurité sociale face aux menaces de privatisation qui se font de plus en plus entendre. Si le tournage du film s'est achevé avant la primaire de la droite et du centre, cette question entre encore davantage en résonnance aujourd'hui avec le projet du candidat François Fillon –qui a cependant du revenir ces derniers jours sur l'hypothèse du déremboursement des risques «mineurs». 

C’est lors de cette dernière séquence que Gilles Perret laisse volontiers la parole à un dernier témoin, Anne Gervais, hépatologue et porte-parole du Mouvement de défense de l’hôpital public, qui fait part de son inquiétude, mais aussi de son indignation, au sujet de la remise en cause de la Sécurité sociale et de son remplacement par des couvertures sociales privées –soit le passage de plus en plus pressenti, en particulier concernant la branche retraite, d’une logique (solidaire) de répartition à une logique (individuelle) de capitalisation.

En forçant un peu le trait, Gilles Perret choisit alors d’éclairer cette menace par la diffusion d’une déclaration caricaturale, lors d’une Université d’été du Medef, de Denis Kessler, dans laquelle le PDG du Groupe Scor (société de réassurance) critique le monopole public de la Sécurité sociale française. Gilles Perret en remet ensuite une couche en reproduisant le témoignage non moins exagéré d’un ayatollah de l’ultralibéralisme soutenant que l’existence et la «persistance» du modèle social est la preuve que la France est un pays «soviétique» –ce que le réalisateur parvient à tourner en dérision en filmant le siège montreuillois de la CGT sur le fond sonore de l’Internationale.

En valorisant à l’envi les excès de ces prises de position, bien réelles dans un pan de la société et des élites économiques, Gilles Perret cherche à tirer la sonnette d’alarme au sujet des menaces aujourd’hui portées au système de sécurité sociale vieux de soixante-dix ans. Malgré l'actualité du sujet et de la question de la pérennité du modèle social porté par la Sécurité sociale, il faut pourtant reconnaître que la première partie historique du film, beaucoup plus riche et percutante, se laisse regarder avec plus de plaisir et nous apprend bien davantage que la deuxième séquence, tout aussi engagée mais moins originale. Pour celles et ceux qui veulent mieux connaître la genèse et les fondements de notre État social, il faut dans tous les cas recommander ce beau documentaire encore en salles.

 

 

 

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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 10:56
sur un an, toutes catégories confondues, la hausse est plus nette, de 1,5/%, le nombre de chômeurs passant de 6	143	400 à 6	238	400.

sur un an, toutes catégories confondues, la hausse est plus nette, de 1,5/%, le nombre de chômeurs passant de 6 143 400 à 6 238 400.

Précarité et chômage de masse, le seul bilan de François Hollande
CLOTILDE MATHIEU
MERCREDI, 28 DÉCEMBRE, 2016
L'HUMANITÉ

Si le gouvernement se félicite de voir diminuer le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A, une première depuis 2008, les syndicats alertent sur l’explosion de la précarité et dénoncent l’échec de la politique du gouvernement.

«C’est la satisfaction du travail engagé », a lancé lundi François Hollande en réaction à la publication des chiffres du chômage du mois de novembre, l’œil rivé comme toujours sur la seule catégorie A (celle regroupant les personnes n’ayant eu aucune activité durant le mois). Celle-ci a connu un nouveau recul pour le troisième mois d’affilée. Une première depuis 2008. Une bonne nouvelle que Manuel Valls n’a pas manqué de souligner, vingt minutes seulement après la publication des chiffres. « Depuis janvier 2016, il y a 135 000 demandeurs d’emploi en moins. Le chômage baisse durablement dans notre pays. Continuons ! » Or, si le nombre des personnes inscrites dans cette catégorie s’est établi à 3,45 millions en novembre, en recul de 31 800 par rapport à octobre, en revanche, toutes catégories confondues, les demandeurs d’emploi ont augmenté de 23 500 (+ 0,4 %). Sur un an, la hausse est plus nette, de 1,5 %, le nombre de chômeurs passant de 6 143 400 à 6 238 400. « Un chômage qui reste à des niveaux très élevés », souligne l’économiste du groupe de protection sociale Humanis, Stéphanie Villers. D’autant que l’amélioration vantée par le président de la République n’est due qu’à un accroissement de la précarité.

Faire passer cette baisse en trompe-l’œil

Ainsi, les catégories B et C, qui regroupent les personnes sous contrats précaires, ont bondi de 8 %, passant de 1 878 100 à 2 028 800, relève la CGT dans son communiqué. « Si nous conjuguons ces chiffres avec la diminution de l’indemnisation, nous ne pouvons pas voir là une embellie mais bel et bien une explosion de la précarité », a également affirmé la CGT. Un constat partagé par Force ouvrière qui de son côté voit dans ces chiffres « un enracinement de la précarisation des demandeurs d’emploi » qui « fait la démonstration, s’il le fallait, de la nécessité de la mise en place d’un système de bonus/malus sur les contrats de travail de courte durée ». Le syndicat de Jean-Claude Mailly a également alerté sur la situation « catastrophique » des plus de 50 ans qui ne « sont pas concernés par les reprises d’emploi, même précaires ».

Mais peu importe pour le gouvernement, même si le prix à payer est d’avoir plus de travailleurs pauvres, de précaires et un accroissement des inégalités, l’essentiel étant de faire passer cette baisse en trompe-l’œil comme le fruit de sa politique. En commençant par mettre en avant les formations dont bénéficient les demandeurs d’emploi dans le cadre du plan 500 000 formations supplémentaires. En novembre, 14 100 demandeurs d’emploi supplémentaires ont ainsi basculé en catégorie D (+ 4,3 % en un mois, mais aussi + 4 % sur les trois derniers et, surtout, + 21,9 % sur un an). Une bonne chose, estime Stéphanie Villers, « car on sait que ceux qui subissent le plus le chômage sont les jeunes sans formation », mais encore « faut-il que ces formations soient en phase avec le besoin des entreprises », ajoute-t-elle. Qui, selon de nombreux analystes, sont plutôt utiles pour « maquiller les chiffres ».

Une tendance qui pourrait bien s’inverser

Idem pour le crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), les 40 milliards d’euros par an octroyés aux entreprises sans condition. Soit l’équivalent de 300 000 euros par emploi créé en 2016… « C’est quelque chose de considérable et qui, à ce stade, est arrivé à un maximum qui n’a pas de raison d’être poursuivi (à cette) ampleur importante », a affirmé la socialiste Karine Berger, soutien du candidat à la primaire socialiste Vincent Peillon. D’autant que la tendance pourrait bien s’inverser, comme l’a d’ailleurs reconnu le président de la République : « Il faut faire attention parce que, le mois prochain, il y aura peut-être une augmentation. (…) Rien n’est joué. » Jusqu’ici François Hollande a bénéficié d’une croissance plus forte en emplois. Puisque, « avec 1,2 % de croissance ; on crée 1 % d’emplois en plus, expliquait, lors du dernier point de conjoncture, le chef de la division synthèse conjoncturelle de l’Insee, Dorian Roucher. Dans les années 2000, il fallait 3 % de croissance pour augmenter l’emploi de 1,5 % », avait-il ajouté. Or, les prévisions de croissance ne cessent d’être révisées à la baisse. En attendant, le taux de chômage devrait se stabiliser, les créations étant tout juste suffisantes pour absorber l’accroissement de la population active, et passer sous la barre des 10 %, en atteignant 9,8 % mi-2017. Sans toutefois retrouver, d’ici à la fin du quinquennat de François Hollande, son niveau du début de mandat.

Journaliste à la rubrique social-économie
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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 09:25
Chômage: pour les précaires, pas de cadeaux de Noël (communiqué de la CGT, 26 décembre 2016)
Chômage : pour les précaires, pas de cadeaux de Noël
CGT
LUNDI, 26 DÉCEMBRE, 2016
L'HUMANITE
Selon les chiffres rendus publics pour le mois de novembre, seule la catégorie A voit ses chiffres baisser de 3,1 % sur 3 mois consécutifs et de 3,4 % sur 1 an. Pour les autres, la potion est amère ! Y a-t-il un « modèle » européen qui vise à augmenter la précarité à défaut de lutter contre le chômage ?
Sur 1 an, les demandeurs d’emploi, toutes catégories confondues, sont passés de 6 143 400 à 6 238 400. Ce qui fait encore une augmentation de 1,5 %.
Par ailleurs, les catégories B et C qui regroupent les personnes sous contrats précaires sont passées de 1 878 100 à 2 028 800, soit 8% d’augmentation.
Si nous conjuguons ces chiffres avec la diminution de l’indemnisation, nous ne pouvons pas voir là une embellie mais bel et bien une explosion de la précarité. Y a-t-il un « modèle » européen qui vise à augmenter la précarité à défaut de lutter contre le chômage ?
La CGT continuera à lutter contre le développement des contrats sans lendemain et pour les 32 heures sans diminution de salaire. Le travail et les richesses doivent être partagés.
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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 08:20
Stop au management inhumain, boycottons Auchan ! - le Calvaire d'une caissière de Auchan Tourcoing victime d'une fausse couche pour cause de maltraitance au travail

Auchan. Une entreprise domiciliée en Belgique pour échapper à l’impôt, 88 millions de #CICE, hausse du salaire des dirigeants : 12,5%. Pour quels résultats ? 

En 2016, licenciement d'une caissière pour une erreur de caisse de 83 centimes, aujourd'hui sanction d'une salariée victime d'une fausse couche ..

Voici l'histoire de Fadila : 

C’est une jeune salariée âgée de 23 ans embauchée début novembre dans le cadre  d’un contrat de professionnalisation de six mois. Après quelques jours de travail, la jeune femme commence à souffrir de nausées et de maux de tête. Verdict de son médecin : « vous êtes enceinte ! ». Une nouvelle magnifique qui va tourner au cauchemar !

Immédiatement elle sollicite sa hiérarchie afin d’alléger son planning et de lui permettre  de se rendre aux toilettes. La réponse de la direction est sans appel, c’est non. Le quotidien de Fadila est le suivant : travailler huit heures d’affilée en caisse avec vingt minutes de pause. Intenable pour la jeune femme qui multiplie les malaises. S’en suivra un arrêt maladie.

Le 21 novembre, elle reprend son poste. Le 22 novembre la souffrance devient insupportable. Elle demande alors un doliprane. Réponse de la direction : non. 17 heures, Fadila se lève, et découvre son fauteuil plein de sang. Alertés, les pompiers arrivent rapidement sur place et invitent Fadila à se rendre aux toilettes.

C’est trop tard, le drame vient d’avoir lieu. Dans la cuvette les pompiers découvrent le fœtus. Terrible.

Pas au bout de ses souffrances, la jeune femme est priée par l’entreprise d’amener un justificatif concernant son absence et son départ précipité de la veille. Incroyable.

Comble de l’insupportable, la direction d’Auchan lui verse un salaire de  350 euros en novembre, refusant ainsi de lui rémunérer  la «période d’arrêt consécutive à ce drame personnel».

Demain c'est quoi ? La mort sur le lieu de travail peut-être ! 

Il serait temps de mettre fin à ce régime féodal !

En solidarité avec toutes celles et ceux, qui au quotidien sont victimes de ce management inhumain, prenons une décision radicale, boycottons les magasins Auchan ! 

Frappons les là ou ça fait mal, au portefeuille ! 

Lire la lettre de pétition

 

Pour ce mois de calvaire, Fadila n’a touché que 350,64/euros net.

Pour ce mois de calvaire, Fadila n’a touché que 350,64/euros net.

Lire aussi dans Ouest-France: 

Fausse-couche chez Auchan. « J’ai été empêchée » d'aller aux toilettes
http://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/auchan/une-salariee-accuse-auchan-de-negligence-apres-sa-fausse-couche-4706736
 

Auchan : Le Calvaire d'une employée victime d’une fausse couche à sa caisse
PIERRIC MARISSAL
MERCREDI, 28 DÉCEMBRE, 2016
L'HUMANITÉ

Victime d’une fausse couche à sa caisse, une employée du Auchan City de Tourcoing se bat pour la reconnaissance du drame qu’elle a vécu.

Le 22 novembre à 14 heures, Fadila (prénom modifié – NDLR), jeune femme de 23 ans, s’installe à la caisse 1 du Auchan City de Tourcoing. De fortes douleurs lui vrillent le ventre. Elle est enceinte de trois mois et souffre de complications. Mais ni son poste ni sa charge de travail n’ont été aménagés, malgré ses demandes répétées auprès de la direction. Appelée à l’aide vers 15 heures, sa responsable répond qu’elle est occupée. La salariée, en contrat d’apprentissage, se tourne alors vers la sécurité et demande, en vain, du paracétamol pour soulager la douleur. Avec la fin d’après-midi, le magasin se remplit. Les spasmes deviennent insupportables, la caissière est très pâle et les clients commencent à s’inquiéter pour elle. Fadila se lève de sa chaise, la voit couverte de sang. Son pantalon aussi est maculé. Elle demande aux clients de se diriger vers d’autres caisses. Un responsable, qui réagit enfin, l’engueule : « Ce n’est pas l’heure de fermer ta caisse ! » et l’enjoint de rester assise. Fadila fond en larmes. Un agent de sécurité appelle les pompiers, qui arrivent prestement.

« Il faudra amener un justificatif », lui dit sa responsable

« Ils m’ont demandé si j’avais pu aller aux toilettes, raconte-t-elle. Je leur ai répondu que j’en avais été empêchée. » Elle y va alors. « Mon sang ne cessait de s’écouler, c’était interminable. Quand je suis sortie, un pompier, muni de gants, est allé chercher un fœtus dans la cuvette et m’annonça la perte de mon bébé. » Fadila est ensuite hospitalisée, extrêmement choquée. « Il faudra amener un justificatif », lui dit en tout et pour tout sa responsable à la sortie de l’hôpital.

C’est peu après que Fadila a poussé la porte de la CGT de Tourcoing. « Nos locaux sont à 200 mètres à peine d’Auchan City, raconte Samuel Meegens, le secrétaire général de l’union locale du syndicat. On a immédiatement compris qu’elle avait un besoin énorme que soit reconnu le drame qui lui était arrivé. C’est une jeune femme pleine de principes et elle ressent bien que ce qu’elle a subi est indigne. Elle a vécu tout cela avec un sentiment de culpabilité énorme. »

Aujourd’hui Fadila va mieux. « Je sens que je ne suis plus toute seule, assure-t-elle. Je peux parler et faire connaître mon histoire. Mais je suis encore en colère et j’attends des excuses d’Auchan. Jamais plus je ne porterai sur ces magasins le même regard qu’avant. Tout a changé. Cela va être très difficile de pardonner. C’était mon bébé… Et ma santé qui était en péril. On est bientôt en 2017, c’est incroyable qu’on puisse perdre son bébé comme ça sur son lieu de travail. »

Et le combat ne fait que commencer. Une enquête du comité d’hygiène et de sécurité de l’entreprise est lancée, avec le soutien de la CGT. La direction du Auchan City de Tourcoing n’a en revanche renvoyé la déclaration d’accident du travail que le 23 décembre. Deux jours avant, Fadila recevait de cette même direction une lettre de rappel à l’ordre, car elle n’avait pas envoyé de justificatif médical dans les 48 heures… « Et la cerise sur le gâteau, s’énerve Ioannis Kappopoulos, son avocat, c’est qu’elle a subi une semaine de retenue de salaire parce que son badge ne marchait pas. » Pour ce mois de calvaire, Fadila n’a touché que 350,64 euros net. La plainte pénale va être multiforme, annonce l’avocat, citant le « non-respect d’une obligation de prévention » et la « non-assistance à personne en danger ». « Et puis on lancera une procédure prud’homale s’ils ne régularisent pas les heures, précise-t-il. Dans ce magasin, c’est la chasse aux délégués syndicaux. Cet été, ils ont viré une caissière pour une erreur de caisse de 0,85 euro (voir l’Humanité du 4 août 2016 – NDLR) et aujourd’hui ils laissent sur sa chaise une salariée qui fait une fausse couche en souffrant le martyre pendant six heures. »

Jusqu’ici, Auchan n’a réagi que par un bref communiqué émanant du siège. « La direction d’Auchan City est extrêmement attristée par l’épreuve rencontrée par l’hôtesse de caisse », assure le bref texte. Selon Auchan, « dès que sa hiérarchie a été informée du problème rencontré par l’hôtesse, elle a alerté les secours et l’hôtesse a été prise en charge rapidement ». En revanche, joint au téléphone, un porte-parole du groupe prétend que la direction du magasin « n’a jamais reçu de demande d’aménagement de poste ».

Auchan City Tourcoing appartient à AMV Distribution, qui est lui-même présidé par Auchan France, donc la famille Mulliez, l’une des plus grandes fortunes de France. « Auchan City est une filiale mais aussi une expérimentation managériale, explique Samuel Meegens, où les salariés ont moins de droits et sont moins nombreux que dans les magasins habituels. » Et il y a une vraie souffrance chez les travailleurs de ce magasin. « À l’union locale, on a reçu des dizaines de salariés d’Auchan City Tourcoing. Même le premier directeur du magasin est venu lorsqu’il s’est fait licencier. » Et cela, dans un contexte où le maire de droite de Tourcoing, Gérald Darmanin, veut priver la CGT de ses locaux. « S’il arrive à ses fins, des histoires comme celles de Fadila resteront sous silence », met en garde le syndicaliste. Car, dans cette ville où un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, la CGT s’occupe aussi beaucoup des détresses individuelles. « Et la famille Mulliez est l’un des premiers employeurs de la ville, leurs salariés représentent près de la moitié des gens que l’on syndique. »

Journaliste, spécialiste des nouvelles technologies

 

 

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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 06:48

L’HUMANITE

Mardi 27 décembre 2016

PIERRIC MARISSAL

 

 

Les start-up et entrepreneurs sont chouchoutés par nombre de candidats à la présidentielle, ils seraient innovants et créateurs d'emplois.
10% des Start-up survivent après 3 ans d’existence, tandis que 65% des scops dépassent les 5 ans.

 

Plongée au cœur de la réalité économique de ces jeunes pousses trop à la mode.

 

À 16 ans, Philippine a bien intégré tous les codes. Vêtue de son sweat-shirt à capuche floqué du logo de son entreprise, New School, l'uniforme popularisé par Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, la lycéenne des Yvelines écume les concours de start-up où elle présente son idée devant des investisseurs. Après avoir récupéré plus de 60 000 euros en financement participatif et avant même sa première levée de fonds, elle fut la coqueluche de plusieurs médias, a reçu le soutien du candidat à la primaire de la droite Alain Juppé et de l'ex-présidente du Medef Laurence Parisot et est devenue le symbole français d'un « esprit start-up ».

 

LE PREMIER TOUR DE FINANCEMENT D'UNE START-UP, C'EST 500 000 EUROS

Son idée est simple : faciliter l'appel des élèves en début de cours. Chacun d'entre eux est équipé d'un badge électronique. Le professeur envoie juste un signal via son smartphone et peut commencer la classe. Si au bout de dix minutes un élève manque à l'appel, une notification est envoyée à l'enseignant et un SMS transmis aux parents. Du simple flicage par la technologie, en somme. Mais l'enrobage « innovant » et la promesse de faire gagner 28 heures de cours par an en automatisant le temps de l'appel séduit. L'éducation nationale étudie la question. Un programme test est même en cours dans les Yvelines et Apple a pris la jeune start-uppeuse sous son aile. L'anecdote montre combien l'engouement autour de ces jeunes entrepreneurs technologiques est aujourd'hui puissant. Toulouse est « So Start-up! », la « Loire Valley » espère rapprocher la Touraine de la Californie, mais c'est Paris qui s'affirme comme la « Silicon Valley à la française ». En dix ans, ce nouveau modèle de réussite s'est imposé et offre une cure de jouvence au capitalisme. Devenir milliardaire en étant son propre patron devient la consécration accessible à tous, du moment qu'on trouve la bonne idée au moment juste, pour rencontrer les consommateurs.

Et l'argent coule à flots. « Le montant moyen investi en amorçage, c'est-à-dire le premier tour de financement d'une start-up, c'est 500 000 euros. En échange, elle lâche 25 à 30 % de son capital. Cela veut dire que la start-up est valorisée au moins 1,5 million d'euros », explique Charles Degand, startupper et grand connaisseur du milieu. La valeur de ces entreprises est uniquement basée sur les normes du marché, détachées du chiffre d'affaires. Les start-up se placent en marge du reste de l'économie. « Les investisseurs payent tout de suite le prix qu'ils espèrent que la start-up vaudra dans deux ou trois ans, explique le fondateur de FundMe et d'AngelSquare. Un plombier, par exemple, n'a pas ce potentiel de croissance. Mais une place de marché qui recense tous les plombiers du territoire et qui permet à n'importe quel Français de trouver son artisan en quelques minutes, là il y a de l'innovation et du potentiel. »

 

 

« EN FRANCE ON N'A NI LA MASSE, NI CETTE CULTURE DU CAPITAL RISQUE »

Les « business angels » les plus connus sont de grands entrepreneurs du Web, comme Xavier Niel, fondateur de Free, Jacques-Antoine Granjon (Vente-privée.com) ou Henri Seydoux, fils du patron de Pathé et PDG de l'entreprise Parrot, spécialiste des drones... On trouve aussi d'autres fondateurs de start-up, des avocats ou des cadres de grandes entreprises.

Certains investisseurs sont tellement influents que la Banque publique d'investissement (BPI) fournit des aides automatiques aux entreprises qu'ils financent... Les start-up sont aussi très soutenues par l'argent public. Par exemple, 81 % d'entre elles bénéficient du crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice), 71 % du crédit d'impôt recherche (CIR). La BPI offre de nombreuses subventions et les collectivités des aides à l'installation.

Les business angels sont particulièrement chouchoutés dans le programme de François Fillon. Le candidat de droite veut multiplier leur nombre par dix car ils ne seraient « que 8 000 » en France. Pour cela, il promet de nouvelles réductions d'impôts pour ceux qui investissent dans les start-up. Et, en cas de perte de capital, il suggère de demander au fisc de rembourser 50 % des montants investis. Une mesure plus qu'inquiétante, 9 start-up sur 10 disparaissant dans les trois ans après leur création... « C'est la privatisation des profits et la mutualisation des pertes, reconnaît Charles Degand. Et puis, c'est la menace de créer une bulle spéculative autour des start-up qui seront valorisées des millions alors qu'elles ne gagneront pas un euro... »

Yann Le Pollotec, responsable du secteur révolution numérique au sein du PCF, explique que ce modèle très déséquilibré n’est pas adapté à la France. « Aux États-Unis, ils créent des milliers de start-up qui disparaissent et seule une poignée sort du lot. C’est une sélection par l’échec. Sauf qu’en France on n’a ni la masse, ni cette culture du capital risque. C’est surtout l’État qui va y mettre de sa poche. Et, plutôt que de mettre de l’argent dans les start-up, l’État ferait mieux d’investir dans la recherche publique, de l’innovation tournée réellement vers l’intérêt général. »

Comme l'essentiel du financement de ces entreprises tourne autour des levées de fonds auprès des investisseurs, le bagout commercial est devenu central. Dans le monde des start-up, on appelle ça le « pitch ». En cinq minutes, pas plus, il faut expliquer pourquoi on va séduire le consommateur en augmentant sa « puissance d'agir » (« empowerment », dans le jargon), exalter le produit, en montrer les challenges... Le tout en parsemant son discours des termes attendus : « Révolutionnaire », « innovant », « disruptif » et de moult anglicismes... « Il y a maintenant des ``coachs de pitch''. Les incubateurs donnent des cours et organisent des ``pitch days'' avec des investisseurs, raconte Charles Degand. Beaucoup de projets n'ont pas grand sens et participent à creuser le fossé qui s'est créé entre les start-up et l'économie normale. J'ai rencontré des boîtes qui vivent depuis cinq ou six ans uniquement par les subventions publiques, des bureaux gratuits, les prix des concours de pitch, sans modèle économique viable. Il ne faut pas caricaturer, mais il faut se rendre compte que les start-up qui vont vraiment marcher sont des exceptions. »

Cet engouement pro-start-up comble aussi un vide. « Comme les hommes politiques n'ont globalement rien de positif à annoncer sur le terrain de l'économie, ils ont pris le créneau des start-up pour avoir des bonnes nouvelles à annoncer, avance Arthur Muller, fondateur de la start-up Liegey Muller Pons (LMP). Un ministre de l'Économie préfère être associé avec le patron de Blablacar qui va recruter 40 développeurs que d'aller se confronter à l'industrie en crise à Florange. » Et les politiques, Arthur Muller les connaît bien. Ce sont ses principaux clients. La start-up propose d'aider les partis à optimiser leur porte-à-porte grâce au big data, en croisant les résultats électoraux et des données sociodémographiques. En marche !, le mouvement d'Emmanuel Macron, s'est offert ses services pour 2017.

 

94 % DES TRAVAILLEURS DE START-UP ONT BAC + 5 MINIMUM

L'ancien ministre est l'un des candidats à la présidentielle les plus enthousiastes. « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires », lançait-il début 2015. Macron écume les start-up françaises, vante leur force de progrès, d'innovation et, surtout, leurs capacités à créer de l'emploi. Mais, de cela, on peut en douter. « Cela fait débat, surtout aux États-Unis, tempère Arthur Muller. Est-ce que les start-up créent vraiment de l'emploi ou est-ce que leurs activités reposent tellement sur les technologies qu'elles n'ont plus besoin de salariés ? Beaucoup d'entrepreneurs de la Silicon Valley défendent le revenu universel, car, s'ils n'ont plus besoin de salariés, ils ont besoin de consommateurs... » LMP espère recruter dans les prochains mois une dizaine de profils ultra qualifiés. Une constante dans toutes ces start-up technologiques. Le baromètre 2015 réalisé par le cabinet Ernst & Young montre que 94 % des travailleurs de start-up ont bac + 5 minimum. Le mythe du jeune entrepreneur autodidacte en prend un coup. « Mes salariés sortent tous de grandes écoles, comme Polytechnique ou HEC, et ils peuvent tous retrouver du travail demain, reconnaît le patron de LMP. Les développeurs et les statisticiens qui sont capables de faire ce que je leur demande sont très peu nombreux et je dois aller les chercher dès l'école pour les piquer à la finance ou aux assurances. »

Autre information de ce baromètre, 91 % des salariés de ces jeunes pousses sont en CDI. Pourtant, la droite comme Emmanuel Macron promettent à ces entrepreneurs plus de flexibilité, lorsque ce n'est pas de casser complètement le CDI pour qu'ils n'aient plus peur d'embaucher... « Moi, je n'ai jamais entendu un start-upper qui se plaignait du CDI », s'étonne Charles Degand. Même son de cloche chez LMP : « Si je proposais des offres en CDD, les candidats rigoleraient. Mes développeurs demandent une double période d'essai, pour pouvoir partir du jour au lendemain s'ils trouvent mieux ailleurs. Il ne faut pas nous confondre avec les chauffeurs d'Uber, qui sont autoentrepreneurs et non pas salariés de start-up... » Le baromètre avance d'ailleurs que seuls 37 % des patrons de start-up se plaignent du coût du travail français.

Arthur Muller attire ses salariés en leur proposant un projet et une autre organisation du travail, horizontale. « Beaucoup de jeunes aiment travailler dans ces structures, parce qu'il y a une culture de l'échange, de la collaboration. On n'est pas que le maillon d'une chaîne. Mais il faut aussi savoir faire preuve d'autonomie, parfois changer de rôle, c'est exigeant et cela ne plaît pas à tout le monde. » Et le start-upper de reconnaître: « Vous savez, l'écosystème français est très favorable pour les start-up. Mais c'est vrai que pour qui veut monter une entreprise de BTP ou une boulangerie, il n'y a pas toutes ces aides... » D'autres modèles existent pourtant. « C'est vrai que beaucoup de jeunes ne veulent plus de patron et recherchent les moyens d'être créatifs, explique Yann Le Pollotec. Mais, pour cela, les modèles coopératifs de l'économie sociale et solidaire, tout comme les lieux alternatifs comme les fab labs, sont bien plus adaptés que les start-up. »

 

EN QUELQUES CHIFFRES CLÉS

- La France compte un peu plus de 10 000 start-up, la très grande majorité à Paris.

- Le patron de start-up moyen est un homme de 40 ans, titulaire d'un master de grande école. 9 % seulement sont dirigées par des femmes.

- 44 start-up françaises ont levé des fonds en novembre dernier pour un total de 359 millions d'euros. La valorisation cumulée des start-up parisiennes atteint 11 milliards d'euros.

- En 2015, la Banque publique d'investissement a consacré 1,3 milliard d'euros d'aides et de financements aux start-up.

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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 06:45

LES GRANDS ENJEUX POUR NOTRE PLANÈTE, PAR GÉRARD LE PUILL

 

Si l'on veut inverser la tendance et pouvoir répondre aux objectifs de la COP21, boycotter les offres superflues devient un impératif.

Produire, chaque année, les quelque 5,6 millions de sapins de Noël implique d'y consacrer 4 500 hectares de terres agricoles en permanence.

Sans vouloir jouer les rabat-joies, ne faut-il pas s'interroger sur tous les travers induits par la politique de l'offre à l'approche de la fête chrétienne que constitue Noël, cette nuit du 24 au 25 décembre durant laquelle serait né un certain Jésus ? Le père Noël étant venu squatter cette date, les commerçants en ont fait un gros business et cette fête se prépare désormais dès la sortie de la Toussaint. On assiste à la mise en place des illuminations en novembre, tout comme le remplissage des rayons des magasins en jouets.

Puis se mettent en place les marchés de Noël. Ce qui était au départ une tradition partie de Strasbourg et de quelques autres villes de l'est de la France a gagné depuis longtemps la plupart des villes de province, l'esplanade de la Défense, quantité de villes de banlieues en Île-de-France, la capitale n'étant pas en reste dans une débauche d'illuminations bien plus énergivores que les économies réalisées dans ce domaine avec la fermeture des voies sur berges pour les voitures.

Arrivent aussi quelque 5,6 millions de sapins de Noël qui ont poussé pendant sept ans en moyenne sur 650 hectares de terres agricoles pour ce qui est la coupe de l'année alors que le renouvellement annuel de cette ressource implique de lui consacrer 4 500 hectares de terres agricoles en permanence. Tronçonné, transporté par camions sur les lieux de vente, décoré et allumé des semaines durant, le sapin aura été très énergivore dans les jours précédant le passage du père Noël. Puis il faudra le jeter et, si tout va bien, en recycler un maximum comme combustible dans les déchetteries.

Comme on n'arrête pas le progrès dans la mise en place d'une politique de l'offre de plus en plus énergivore, les plages horaires d'ouverture des magasins augmentent à l'approche des fêtes de fin d'année. Aux magasins ouverts sept jours sur sept durant cette période s'ajoutent désormais les commandes par Internet que l'on récupère au guichet du « drive » ou que des livreurs, travaillant comme des esclaves, viennent livrer à domicile. Sachant que le bilan carbone moyen de chaque Français est d'environ 7 tonnes de CO2 larguées chaque année dans l'atmosphère et qu'il convient de diviser nos rejets par trois ou quatre d'ici à 2050 pour tenter de contenir le réchauffement climatique à + 2 °C, il apparaît clairement que le boycott des offres superflues par les consommateurs que nous sommes devient impératif pour commencer à inverser la tendance.

Acheter moins de sapins, moins de décorations, consommer moins d'électricité, offrir moins de cadeaux à des proches dont certains les mettront en vente dès le lendemain sur Internet deviennent autant d'actes civiques pour lutter contre le réchauffement climatique. Mieux vaut inciter nos enfants et nos petits enfants à découvrir de nouvelles formes de sobriété en leur expliquant que celle-ci est désormais indispensable si nous voulons que la vie sur Terre soit encore supportable demain, quand ils auront 50 ans et plus.

 

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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 06:35

MERCREDI, 14 DÉCEMBRE, 2016

L'HUMANITÉ

 

Avec les contributions de Marie-Pierre Vieu, membre du comité national du PCF, en charge des relations unitaires, Jean-Jacques Cassar, militant mutualiste et un texte collectif.

 

Travailler aux conditions d’une alternative par Marie-Pierre Vieu, membre du comité national du PCF, en charge des relations unitaires

 

 

L’entrée en campagne de François Fillon a eu pour effet immédiat de repolitiser le clivage droite-gauche. Elle n’évacue pas le bilan du dernier quinquennat, même si la non-candidature du président Hollande tente d’effacer la responsabilité du PS dans celui-ci. On entrevoit désormais ce que la contre-révolution LR signifierait de ruptures idéologiques et de société sur les terrains du travail, des droits ou de l’égalité ; le risque, ici comme en Europe, d’une mainmise croissante du FN sur des populations dépourvues de repères. L’unité de la gauche redevient une exigence, car perçue comme le seul moyen d’éviter le pire. Ne pas en tenir cas serait faire abstraction dans la campagne qui s’ouvre de toute construction majoritaire. Face à la dangerosité de la situation, un tel parti pris est disqualifiant. Disant cela, je n’évacue rien du débat politique : ni le fait que l’offensivité droite-FN se nourrit de l’absence d’horizon progressiste, ni le préjudice d’années d’alternance et d’orientations libérales ouvertement assumées par une part prépondérante de la social-démocratie. De Terra Nova à la gauche populaire, de « la politique ne peut rien » au choc de compétitivité et à l’état d’urgence, de DSK à Valls et Macron, ces choix n’ont cessé de déstructurer les fondations du combat progressiste du XXe siècle : le Code du travail, la laïcité, les services publics, la redistribution sociale, les droits de l’homme et du citoyen, l’écologie…

Un appel à l’unité sur le mode du slogan « Au secours, la droite revient ! » restera une incantation. On ne peut faire abstraction des colères et des souffrances accumulées, de la crise politique et du déficit de crédibilité caractérisant le champ tout entier de la gauche. Les socialistes ont leur débat à instruire sur l’évolution de la social-démocratie française. Il sera le cœur de la primaire de janvier : c’est en cela qu’elle ne peut être la primaire de la gauche ! Mais il est aussi cette évidence que 2017 débute dans quinze jours, que l’avenir de notre pays comme des luttes ne peut être suspensible aux recompositions en cours. D’où l’urgence de pousser le débat de projet, d’acter les convergences pour un pacte majoritaire à gauche dès juin prochain.

Le PCF poursuit les initiatives pour travailler aux conditions de cette alternative. Sans réduire cet effort, les communistes ont décidé majoritairement de soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon, conscients que si elle n’est pas une condition suffisante au rassemblement, elle en est une condition nécessaire. La reconstitution du périmètre politique des forces du Front de gauche leur est apparue la meilleure entrée pour travailler à l’unité des forces anti-austéritaires. Tout autre hypothèse était aléatoire, paralysait notre activité militante et nous disqualifiait auprès d’une partie importante des forces que nous voulons mettre en mouvement.

Il ne s’agit pas de taire nos divergences avec Jean-Luc Mélenchon : de contenus, sur les urgences sociales, l’Europe, notre conception de la République, ou de stratégie politique quant à la primauté du mouvement populaire. Nous alimenterons le débat politique et d’idées avec nos propositions de communistes. Mais nous voulons inscrire sa candidature au service du rassemblement majoritaire du peuple de gauche, en faire le repère stable dans l’affirmation de l’alternative.

Je suis consciente du caractère exceptionnel de la situation pouvant conduire l’ensemble de la gauche et des écologistes à réexaminer leurs engagements pour 2017. Mais une chose est d’intégrer cette possibilité alors même que nous serons engagés pour faire bouger les lignes, une autre est que cette éventualité nous plonge dans un attentisme et une dépendance vis-à-vis d’autrui. Soyons acteurs et assumons le sens que nous donnons à notre action.

 

Contre le recul de civilisation programmé par Jean-Jacques Cassar, militant mutualiste

Le succès de François Fillon à la primaire de la droite a dévoilé un programme marqué par une régression et une violence inédites : haro sur la Sécurité sociale ! Haro sur les fonctionnaires ! Haro sur les services publics ! Si les barons du Medef jubilent, l’ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, n’hésite pas, lui, à parler d’« une purge proposée comme jamais depuis la Seconde Guerre mondiale… Ce programme, je le combattrai avec toute mon énergie, jusqu’au bout » (Marianne du 28/11/2016). Les rillettes sont indigestes… Voilà où ont mené ce quinquennat et les reniements répétés de la « gauche de gouvernement » : une droite bien enracinée dans ses fondamentaux, championne revancharde des vaincus de 1945 qui n’ont jamais digéré la création de la Sécurité sociale ! « Ne parlez pas d’acquis sociaux mais de conquis sociaux, parce que le patronat ne désarme jamais », prévenait Ambroise Croizat.

À Nice, le candidat Fillon s’est « lâché » devant 250 patrons (cf. Nice-Matin du 31/10/2016). Le ton de ce monsieur au look impeccable, si bien élevé, est extrêmement révélateur : « Vous voulez qu’on arrête de vous emmerder, qu’on vous laisse travailler, qu’on vous fasse confiance et qu’on arrête avec la bureaucratie, les règlements et les contrôles incessants… » « (Il faut un programme) radical et appliqué par un gouvernement commando (sic !) de 15 ministres (…). Un ministre des Finances dont ce soit la spécialité, un ministre de la Santé reconnu par les praticiens… » Ce vocabulaire guerrier, un tantinet démagogique, signe l’apologie du « coup de main » pour garantir « la liberté du renard libre dans le poulailler libre »…

Le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), les Jours heureux, avait posé les bases d’une démocratie sanitaire et sociale éphémère. Ainsi, les représentants des assurés sociaux, et non le seul milieu médical, avaient leur mot à dire sur les questions de santé, car leur existence était en jeu. Les scandales sanitaires à répétition (Mediator, Distilbène, hormone de croissance, amiante…) et des milliers de victimes, voilà le fruit des noces barbares de la technoscience avec l’affairisme, d’où notre vigilance envers les « experts ». Chacun peut constater combien la revendication de liberté sans contrôle du commerce et du profit privé (« libérer les énergies ») va de pair avec une insupportable régression des libertés publiques (criminalisation de l’action syndicale ou de la solidarité envers les migrants), au nom de la « restauration de l’autorité » (des seuls propriétaires).

Le tandem Hollande-Valls a trahi ses électeurs et ouvert des brèches dans l’État social où la droite est prête à s’engouffrer. Responsable de la dureté de la vie pour des millions de personnes, il s’est totalement disqualifié. Il revient désormais aux forces rassemblées autour du programme la France insoumise, porté par Jean-Luc Mélenchon, d’empêcher qu’un commando d’ultras, en col blanc ou en treillis, ne fasse main basse sur notre pays, comme cela s’est déjà vu… Face à ce recul de civilisation programmé, c’est la mission de la gauche authentique, forte de ses valeurs, fière de ses combats et de son histoire, au service de l’émancipation humaine.

 

À gauche, toutes ! Texte collectif

Nous sommes de gauche, chacun dans son coin et ensemble, depuis des décennies. La lutte contre les inégalités, pour les libertés, la lutte contre les totalitarismes, anciens ou nouveaux, la défense de la République, l’espérance d’une écologie sociale. Ce sont nos valeurs, nos guides, nos repères. Tous d’une pleine actualité. Ceux d’une gauche profonde qui durera tant que les failles, les précipices et les manques de ce monde dureront, tant qu’il y aura quelque chose à faire contre l’injustice et l’irresponsabilité environnementale. Seulement, la « gauche politique » est malade, gravement, en ce moment, et c’est la gauche profonde qu’elle menace de contaminer.

Deux phénomènes se combinent pour expliquer ce moment de démoralisation et de confusion que nous traversons, à gauche. D’abord, l’intériorisation à gauche qu’une défaite serait d’ores et déjà inévitable en 2017. La droite a réussi à maquiller sa primaire en présidentielle anticipée. Elle vient de se doter d’un candidat. Les sondages photographient aujourd’hui cette situation : des certitudes à droite et à l’extrême droite, des candidats bien campés sur leurs jambes ; à gauche, des incertitudes, une multiplicité absurde de candidatures aussi montées en épingle que factices. Mais la vraie campagne, celle qui fera bouger des dizaines de millions de Français et s’affronter des candidats réels et non virtuels n’a pas même commencé ! Dans seulement deux mois, les analyses fondées sur une base sondagière volatile seront périmées.

N’acceptons pas le scénario d’une élection présidentielle déjà jouée : pour 2017, après le renoncement de François Hollande, rien n’est perdu. Ce poison de la défaite automatique, on comprend que la droite le répande : il est fait pour paralyser l’électorat de gauche, le neutraliser. Mais, du côté gauche aussi, on s’échine à relayer la neurasthénie du défaitisme. Premier exploit de ce catastrophisme ambiant : avoir laissé quelques centaines de milliers d’électeurs de gauche aller se mêler à la primaire de la droite, grossir les fonds de caisse de monsieur Fillon, signer « sur l’honneur » un engagement à défendre « les valeurs de la droite et du centre » et s’engager pour « l’alternance »…

Deuxième facteur aggravant des difficultés de la gauche : le climat de division outrancière régnant entre les différentes boutiques de gauche : invectives, hurlements à la « trahison » et à la « déchéance morale », transformation des désaccords en divisions, en haines inexpiables, refus d’un certain degré de rassemblement face à la droite et à l’extrême droite, multiplication jusqu’à l’absurde des candidatures concurrentes, alors qu’on sait, cette fois-ci bien à l’avance, que le danger est là : l’élimination de toutes les candidatures de gauche dès le premier tour !

Non, le but de l’élection présidentielle, ce ne sera pas de punir le PS et son candidat. Pas plus de traiter Jean-Luc Mélenchon, qui est un homme de gauche, de dictateur en puissance. L’enjeu qui domine tous les autres, ce sera d’éviter que la gauche ne soit éliminée du premier tour, puis d’empêcher que la droite ou l’extrême droite ne prenne le pouvoir d’État en France. Aucune gauche en France ne peut gagner sans une forme de conciliation entre une gauche modérée et une gauche plus téméraire. La prudence, la volonté d’agir avec mesure, la politique réformiste des petits pas ne sont pas des tares. La révolte, le souhait d’un changement radical et plus rapide non plus.

Cette conciliation entre toutes les gauches, beaucoup s’ingénient à la rendre impossible. En commençant par tuer l’idée d’une grande primaire citoyenne fédérant toutes les gauches. Ouvrons les yeux : ces gens-là, si on les laisse faire, nous mènent droit à l’abattoir en 2017. Pourtant, si la droite qui vient de montrer ses crocs dans sa primaire gagne, ce ne sera pas une alternance comme les autres. Demandez le programme Fillon, lisez-le : rien d’autre que l’entrée dans une société nouvelle dure aux petits, douce aux forts : une fonction publique réduite à l’os, le droit de l’État substitué à l’État de droit, l’écologie aux oubliettes, les droits des femmes remis en cause. Face à cette révolution à la fois conservatrice et hypermoderne, les petites querelles d’ego de gauche qui se battent en duel sont indécentes.

Alors, oui, il faut que chaque sensibilité s’exprime, mais à condition de ménager la possibilité de fronts communs, y compris sur le plan électoral. Les désaccords sont légitimes. Il n’est pas fatal qu’ils se transforment en divisions mortelles, sauf si on le veut, sauf si on a vraiment envie d’arracher son commun des entrailles de la gauche, de la sacrifier là, maintenant, sur l’autel de victoires très différées dans le temps et plus qu’aléatoires. Allons-nous, chacun au nom de sa gauche parfaite, excommunier l’autre gauche parce qu’elle est imparfaite, pour se retrouver tous avec une super-droite plus que parfaite ?

Amies, amis ! La gauche, ce ne sont pas que des appareils, grands et petits : c’est vous, c’est nous ! Ne vous laissez pas intimider par cette violence verbale, ces détestations réciproques qui en ce moment remplacent le débat et empêcheront demain le rassemblement. Intervenez par tous les moyens à votre disposition, mêlez-vous de ce qui vous regarde. Dites aux apprentis fossoyeurs : « Stop ! Arrêtez de semer la dévastation au sein de la gauche. »

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