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28 septembre 2016 3 28 /09 /septembre /2016 05:40
Un carnet consignait en 2007 les millions libyens de Nicolas Sarkozy

27 SEPTEMBRE 2016 | PAR FABRICE ARFI ET KARL LASKE

L’ancien ministre du pétrole libyen Choukri Ghanem, retrouvé noyé dans le Danube en avril 2012, a laissé derrière lui un carnet de notes actuellement exploité par la justice. L’ancien dirigeant y a détaillé, le 29 avril 2007, une série de trois versements destinés à la campagne présidentielle de l’ancien chef de l’État.

C'est un petit carnet qui pourrait bien devenir le pire cauchemar de Nicolas Sarkozy. Le juge d’instruction parisien Serge Tournaire et les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption (OCLCIFF) ont obtenu la communication des notes manuscrites d’un ancien dignitaire du régime Kadhafi qui détaillent une série de versements occultes au profit de l’ancien chef de l’État français, pour au moins 6,5 millions d’euros, au moment de l’élection présidentielle de 2007.

La justice enquête depuis trois ans sur des soupçons d’un financement libyen massif de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, alors président de l’UMP et ministre de l’intérieur. Ce que plusieurs dirigeants libyens, Mouammar Kadhafi en tête, avaient publiquement affirmé peu avant l’offensive militaire occidentale de 2011. Cette affaire vaut déjà une mise en examen pour « blanchiment de fraude fiscale », « faux » et « usage de faux » à son plus proche collaborateur d’alors, Claude Guéant, mis en cause pour avoir reçu 500 000 euros d’un des gestionnaires des comptes offshore de l’État libyen.

Le carnet manuscrit appartenait à un dénommé Choukri Ghanem, ancien chef du gouvernement (2003-2006) et ministre du pétrole (2006-2011) de la Libye. Proche du fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam, qu’il a pris sous son aile dès ses études à l’université, Choukri Ghanem était un personnage clé du régime, en charge de sa principale ressource, le pétrole (et ses secrets). Il fera partie en 2011 des hauts responsables du pays qui ont fait défection au colonel Kadhafi pendant la guerredéclenchée par la France.

À la date du 29 avril 2007, soit une semaine pile après le premier tour de l’élection présidentielle française, Ghanem rédige en arabe dans son carnet le compte-rendu d’une réunion qu’il a tenue avec un autre cacique du régime Khadafi, Bachir Saleh, le très influent (et francophone) directeur de cabinet du “Guide” et patron de l’un des fonds souverains du pays, le Libyan Africa Portfolio (LAP). Est également présent Baghdadi Mahmoudi, premier ministre libyen alors en exercice. Au cours de cette réunion, Saleh dit avoir transféré 1,5 million d’euros à Nicolas Sarkozy, rapporte Ghanem.

D’autres noms de dignitaires du régime sont également évoqués, ainsi que des montants supplémentaires : 3 millions envoyés par Saïf al-Islam Kadhafi et 2 millions par Abdallah Senoussi, chef des services secrets intérieurs libyens et beau-frère de Kadhafi. Soit un total de 6,5 millions d’euros qui auraient été versés, selon les écrits de Choukri Ghanem, en pleine campagne électorale au clan Sarkozy. Le carnet mentionne en outre, selon les informations recueillies par Mediapart, une impatience des destinataires quant à la réception physique des fonds. Sollicitée par Mediapart, la porte-parole de Nicolas Sarkozy n'a pas donné suite.

Choukri Ghanem n’est plus là pour témoigner aujourd'hui devant les juges. Son corps a été retrouvé sans vie le 29 avril 2012, flottant dans le Danube, à Vienne (Autriche), la ville de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), où il avait trouvé refuge après sa fuite de Libye. La police autrichienne, qui n’avait pas exclu la piste de l’assassinat dans un premier temps, a finalement conclu à une noyade accidentelle au petit matin consécutive à une crise cardiaque. Toutefois, de nombreuses zones d’ombres et incohérences continuent d’entourer cette disparition et plusieurs proches de la victime n’hésitent pas à évoquer en privé des soupçons persistants de meurtre.

La veille de la mort de Ghanem, Mediapart avait rendu public un document officiel libyen, daté de décembre 2006, évoquant l’accord de principe des autorités pour financer, à hauteur de 50 millions d’euros, la campagne électorale du président de l’UMP. Plusieurs personnages clés de l’ancienne dictature libyenne cités dans cette note se retrouvent dans le carnet secret de Ghanem, désormais entre les mains de la justice française.

Judiciairement, l’histoire de ce carnet est celle d’un long périple au travers de l’Europe. Il a été découvert chez le gendre de Ghanem lors d’une perquisition aux Pays-Bas, menée en marge d’investigations liées à un vaste scandale de corruption impliquant le géant norvégien de la chimie Yara. Ce dossier a donné lieu en 2015 au plus important procès financier que la Norvège ait connu de son histoire. Choukri Ghanem y a été présenté comme l’un des acteurs de premier plan du système de pots-de-vin mis au jour.

Selon les traces qu’il a laissées derrière lui, l’ancien premier ministre libyen était également le gardien de quelques secrets enfouis sur les compromissions de la France à Tripoli. C’est pourquoi, après être resté à la disposition de la justice norvégienne, le petit carnet de Ghanem a été transmis par la procureure Marianne Djupesland à la justice française. Une aubaine.

« Des fonds ont été transférés en Suisse »

Ce document, parce qu’il est daté de 2007, vient briser le principal argument sarkozyste dans l’affaire des financements libyens, selon lequel ce soupçon n’aurait été qu’une construction a posteriori du régime Kadhafi pour décrédibiliser la France, pays leader dans la guerre en Libye. Quand Ghanem couche ces lignes, c’est-à-dire quatre ans avant l’opération militaire, la France de Sarkozy et la Libye de Kadhafi entretenaient en réalité des rapports d’une telle proximité qu’un ambassadeur américain les qualifiera un jour de« lune de miel ».

À l’époque, c’est le marchand d’armes Ziad Takieddine, déjà mis en cause dans les financements illégaux de l’affaire Karachi et très proche de deux intimes de Sarkozy (Claude Guéant et Brice Hortefeux), qui avait opéré dans le plus grand secret le rapprochement entre Sarkozy et le dictateur.

La note libyenne révélée par Mediapart en 2012 – taxée de « faux grossier » par l’ancien président, mais désormais authentifiée par les expertises techniquesordonnées par la justice – ne portait que sur un accord de financement de la campagne de 2007. Le carnet Ghanem, pour la première fois, montre que des versements ont bien eu lieu, conformément au témoignage de l’ancien chef de cabinet de Saïf al-Islam, un certain Mohamed Ismail, qui avait décrit des circuits bancaires ayant notamment transité par le Liban, l’Allemagne et la Suisse.

Que ce soit dans la note de 2006 ou dans le carnet Ghanem, il est par ailleurs intéressant de constater qu’un même personnage apparaît au cœur des tractations secrètes. Il s’agit de Bachir Saleh, l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi, qui s’est placé sous la protection du président Sarkozy pendant l’offensive militaire de 2011. Lors de la chute du régime, Bachir Saleh s’était en effet réfugié en France où il avait trouvé un soutien sans réserve du gouvernement malgré le mandat d’arrêt d’Interpol qui le visait.

Le 3 mai 2012, en pleine élection présidentielle et cinq jours après la publication par Mediapart de la note de 2006 (dont il était le destinataire), Saleh était exfiltré en catastrophe du pays avec le concours des services secrets français, du cabinet de Claude Guéant, alors ministre de l’intérieur, et d’un homme d’affaires introduit à l’Élysée, Alexandre Djouhri. Une scène à la John Le Carré, qui porte la marque des affaires d’État.

Récemment convoqué dans le cabinet du juge Tournaire, Bachir Saleh a fait faux bond au magistrat, comme l’a révélé Le Monde. Contacté par Mediapart en Afrique du Sud, où il s’est exilé depuis sa fuite de Paris, Bachir Saleh, manifestement gêné, a affirmé : « Je ne suis pas concerné par l’affaire des financements de Sarkozy, je n’ai rien à voir avec cela. » « Les gens écrivent ce qu’ils veulent », a-t-il ajouté, précisant au sujet de Choukri Ghanem qu’il s’agissait d’un proche à qui il ne connaissait pas de « problèmes de santé particuliers » au moment de sa mystérieuse disparition.

Bachir Saleh se retrouve de fait dans une situation compliquée vis-à-vis de Nicolas Sarkozy, à qui il doit sa survie. Dans une note déclassifiée du 19 septembre 2011 de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), consacrée à son exfiltration de Libye avec l’aide des autorités françaises, l’ex-bras droit de Kadhafi semble entièrement dévoué à l’ancien président français. Son agent traitant de la DGSE écrit à son sujet :« L’œil humide, la voix un peu cassée, il confie son émotion en remerciant à de nombreuses reprises le président français […] et déclare avec un peu d’emphase qu’il n’oubliera jamais ce geste et qu’il restera fidèle à la France quoi qu’il advienne maintenant. »

L’autre interlocuteur libyen cité dans le carnet Ghanem en avril 2007, Baghdadi Mahmoudi, était le chef du gouvernement à l’époque des faits. Présenté dans une note du 26 mai 2011 de la DGSE comme « lucide et influent » et « très actif dans l’entourage de Choukri Ghanem », Baghdadi Mahmoudi a confirmé à plusieurs reprises le financement occulte de Nicolas Sarkozy par le régime Kadhafi.

« Oui, en tant que Premier ministre, j’ai moi-même supervisé le dossier du financement de la campagne de Sarkozy depuis Tripoli. Des fonds ont été transférés en Suisse et Nicolas Sarkozy était reconnaissant pour cette aide libyenne », avait notamment affirmé l’intéressé, le 25 octobre 2011, devant la cour d’appel de Tunis, en Tunisie, où il avait dans un premier temps trouvé refuge après la guerre.

« Baghdadi Mahmoudi a dit avoir remis à une délégation française envoyée par Sarkozy de l’argent, beaucoup d’argent, des millions d’euros en liasses de billets, a résumé l’un des avocats de l’ancien dirigeant, Me Slim Ben Othman. Il a des documents comptables. On ne remet pas des millions d’euros sans aucune signature. Il garde en mémoire les prénoms de la délégation française. »

Extradé depuis à Tripoli, Baghdadi Mahmoudi a été condamné à mort mais il n’en démord pas. À un journaliste de Libération qui avait pu le rencontrer en prison en août 2015, l’ancien premier ministre de la Libye maintenait que Nicolas Sarkozy avait profité de subsides du régime Kadhafi pour sa campagne de 2007. Le carnet du noyé, désormais, en témoigne.

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27 septembre 2016 2 27 /09 /septembre /2016 12:06

Il manque toujours un million de logements HLM

mardi 27 septembre 2016

A l’occasion de l’ouverture du Congrès HLM qui se tient à Nantes, la CGT Loire-Atlantique constate que, malgré les promesses, les bailleurs sociaux n’ont toujours pas construit les 200.000 logement nécessaires pour permettre à chacun, l’accès à un logement digne et adapté. 1,8 million de demandes ne sont pas satisfaites à ce jour. La CGT dénonce la baisse du financement du logement social.

Les aides à la pierre sont en diminution constante :

- 2014 : 450 millions d’euros

- 2015 : 400 millions d’euros

- 2016 : 100 millions d’euros.

750 millions d’euros sont ponctionnés au nom du « Pacte d’Objectifs et de Moyens » dans les trésoreries des organisme HLM pour la période 2015/2018.

« La loi « Egalité Citoyenneté » qui se prétend égalitaire, occulte le financement avec une vision très contestable et négative du logement social ».

Dès 1977, la CGT a dénoncé la suppression de l’aide à la pierre légalisée par les lois Barre, Molle (Boutin).

Sa substitution par l’APL a vite démontré le danger et les limites de ce système qui a profité aux bailleurs par l’augmentation des loyers et à l’Etat par la diminution de la part des crédits logements inscrits au Budget….

La suppression des allocations logement induites par le nouvelle loi de finances entraine une baisse des revenus de 60 600 allocataires et une suppression pour 17.000 autres. Cela confirme les griefs expriés par la CGT sur la dangerosité du dispositif d’accès au logement mis en place.

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27 septembre 2016 2 27 /09 /septembre /2016 12:01
Ma commune sans migrants: la charte de la honte

« Ma commune sans migrants » du Front National : la charte de la honte

mardi 27 septembre 2016

Le FN sur initiative de Steeve Briois de Hénin Beaumont propose aux maires de faire voter une charte « Ma commune sans migrants ».

Charte de la honte dans laquelle les communes sont invitées à « s’opposer par tous les moyens légaux à l’installation de centres d’accueils... » !

Cette charte représente ce qu’il y a de pire dans nos sociétés : le rejet de l’autre, l’absence de compassion et de solidarité, la division des êtres humains… On assiste à une surenchère démagogique et sécuritaire dans le refus de l’accueil des réfugiés.

En Occitanie, le maire FN de Beaucaire et conseiller régional, souhaite faire voter cette charte .... C’est une décision politique que nous condamnons avec détermination et fermeté.

Toutes les collectivités locales doivent s’engager, à la hauteur de leurs moyens, pour assurer à tous les réfugiés l’ensemble des droits sociaux nécessaires à une vie digne et stable.

Le gouvernement a décidé de « démanteler » le camp de Calais et de disséminer sur l’ensemble du territoire 12000 réfugiés.

Loin d’être une mesure humaniste, il s’agit d’une volonté de disperser et de tenter de rendre « invisible » la question des réfugiés. Face aux tragédies du monde, des femmes, des hommes des enfants se lancent, souvent au péril de leur vie, dans des périples dangereux pour venir trouver en France ou en Europe sécurité et secours, fuyant la guerre, la misère et les persécutions. Loin d’être accueillis les bras ouverts, ils se retrouvent entassés dans des camps de fortune qui sont de véritables bidonvilles. Il faut mettre en œuvre une politique d’accueil digne de ce nom en favorisant le droit d’asile, des hébergements dignes et un accompagnement social et sanitaire de l’ensemble des réfugiés.

Nous avons parfaitement la capacité d’accueillir de nouveaux habitants. Nous devons rester ce que nous avons toujours été : une terre d’accueil.

Communiqué des élus régionaux "Nouveau monde en commun" d'Occitanie

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27 septembre 2016 2 27 /09 /septembre /2016 11:58
Et le mouvement de la courbe rechuta...

Et le mouvement de la courbe rechuta...

50 200 Chômeurs de plus en un mois

mardi 27 septembre 2016

Après une baisse de 0,5% en juillet, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, c’est-à-dire sans aucune activité, a progressé de 1,4% sur un mois, à 3 556 800 en août, selon les chiffres dévoilés par la Dares et Pôle emploi ce lundi 26 septembre pour la France métropolitaine, soit 50 200 chômeurs de plus.

En France métropolitaine, toujours, le nombre d’inscrits de catégories A, B et C augmente par rapport à juillet (+1,4%), à 5 518 200 chômeurs fin août 2016 (5 739 800 Dom Inclus).

Toutes catégories confondues (A, B, C, D et E), le nombre de demandeurs d’emploi s’élève à 6 275 800 en France métropolitaine (6 611 300 pour la France entière), en hausse de 1,5% sur un mois (+93 500 inscrits) et de 2,7% sur un an (+167 200).

Fin août 2016, 757 600 personnes sont inscrites à Pôle emploi sans être tenues de rechercher un emploi, qu’elles soient sans emploi (catégorie D) ou en emploi (catégorie E).

Sur trois mois, le nombre d’inscrits en catégorie D augmente de 10,5 % (+5,3 % sur un mois) et le nombre d’inscrits en catégorie E augmente de 0,8 % (+0,3 % sur un mois).

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26 septembre 2016 1 26 /09 /septembre /2016 18:00

Lu sur le site des élus communistes et républicains, ELUNET:

Conseil départemental 06

La motion de la honte contre l’accueil des réfugiés

lundi 26 septembre 2016

51 des 54 conseillers départementaux des Alpes-Maritimes ont osé voter hier une motion contre le déploiement des migrants dans le département en réponse à la décision du gouvernement de créer d’ici la fin de l’année 9000 places dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO) répartis sur tout le territoire, afin de soulager le Calaisis dont plusieurs communes font face au quotidien à une situation insoutenable.

Le Conseil départemental exprime son « opposition totale et déterminée » au projet de répartition des migrants de Calais dans les régions. Le Président Ciotti estime que « ce projet est une honte pour la République et représente une menace pour le pays » et que « les Alpes-Maritimes ont déjà largement pris leur part dans cette problématique ». Selon lui « la gauche est d’une naïveté coupable » ! Selon lui « la fermeté est la seule garantie de l’humanité à l’heure où l’asile est devenu la voie légale de l’immigration illégale ». Les élus laissent ainsi entendre que le département peuplé de plus d’1 million d’habitants ne pourrait accueillir quelques centaines de réfugiés !

En septembre dernier, l’Union européenne avait décidé de réinstaller d’urgence 160 mille migrants à répartir dans les pays de membres d’ici septembre 2017. A ce jour seuls 2 mille d’entre eux, soit 1,42% ont été relocalisés. La France qui avait promis d’accueillir 30 mille réfugiés n’en a reçu que 735 soit 3,72%. Qui parle d’invasion ?
Dans la droite ligne des idées exprimées par le Front National, le maire de Saint-Laurent du Var Joseph Segura a même cru bon d’opposer les migrants aux laurentins concernant l’attribution de logements sociaux !

Quand à Colette Guidicelli plutôt que de s’attaquer aux passeurs elle a osé affirmer que les migrants feraient peu de cas de leurs enfants naufragés en Méditerranée !
Quelle honte !

Depuis le 1er janvier plus de 3000 migrants ont trouvé la mort en Méditerranée, un chiffre en hausse de 15% par rapport à l’an dernier. La mare nostrum est devenu un véritable cimetière marin.

La solidarité est devenue oh combien nécessaire puisqu’en 2015 ce sont plus de 65 millions de personnes qui ont été forcées de se déplacer dans le monde, fuyant les guerres, les catastrophes climatiques ou encore la famine.

50 millions d’enfants ne vivent pas dans le pays où ils sont nés. 28 millions en ont été chassés par des conflits. En 2015, 100 mille enfants n’étaient pas accompagnés. Un récent rapport de l’UNICEF intitulé « Déracinés, une crise de plus en plus grave pour les enfants réfugiés et migrants » dénonce les violences qu’ils subissent dans leur pays, durant leur voyage mais aussi à leur arrivée dans les pays de destination, et pour ceux qui sont scolarisés dans les écoles. On sait que les migrants se retrouvent dans des camps de fortune, où leurs droits fondamentaux, comme le droit d’asile ne sont pas appliqués. Là encore les états ne remplissent pas leurs obligations.

A la mi août, 260 mille migrants sont entrés sur le sol européen malgré la fermeture des frontières et l’accord honteux passé entre l’Union européenne et la Turquie.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime que l’Europe peut répondre à la crise des migrants, qu’aucun état ne peut répondre individuellement, que ce doit-être une réponse collective et pourtant on le voit avec les chiffres, excepté l’Allemagne, les autres pays dont la France ne respectent pas leurs engagements. Tout récemment le secrétaire général de l’ONU Ban-Ki-moon, avait proposé que chaque pays membre s’engage à accueillir chaque année 10% des réfugiés. Une proposition rejetée du fait de l’opposition de nombre d’états.
Face à cette tragédie inacceptable que les gouvernements, tout préoccupés qu’ils sont à créer un corps de garde-frontières européen, observent sans s’ émouvoir et sans prendre les décisions humanitaires qui seraient l’honneur de l’Europe, ce sont des associations humanitaires qui prennent le relais des états défaillants. Comme le préconise le groupe Gauche Unie Européenne au Parlement et notamment l’eurodéputée Front de Gauche du Sud-est Marie Christine Vergiat l’Union Européenne doit changer de paradigme en matière de migrations, la migration doit être un choix et non une nécessité.

Les 51 élus ayant voté la motion de la honte feraient bien de relire la déclaration de l’Association des maires de France portée par François Baroin qui n’est pas un homme de gauche : « L’AMF réaffirme le principe de solidarité avec les réfugiés fuyant les zones de guerre et de violences ; réitère sa position de privilégier le volontariat des communes pour accueillir des migrants sur leur territoire pour que le schéma national, mis en oeuvre par les préfets, se fasse dans une démarche de dialogue et de concertation préalable et tienne compte de la capacité d’accueil mais aussi des conditions économiques, sociales et financières des communes. L’AMF insiste sur l’importance d’une répartition géographique équilibrée, tenant compte des données économiques, sociales et démographiques des territoires, faite en concertation avec les élus, et ce afin de faciliter l’acceptabilité de cet accueil pour les populations ».

Depuis des mois plusieurs centaines de réfugiés arrivent régulièrement à Vintimille et cherchent à passer la frontière française. Des dizaines passent par la Roya et la Bévéra et arrivent en France malgré la fermeture des frontières. Certains meurent sur les voies de chemin de fer. Dans la nuit du 5 au 6 septembre dernier, un jeune réfugié est décédé sous le viaduc de l’autoroute A8, à la hauteur de Sainte-Agnès. Des humanistes solidaires qui les aident sont interpellés.

La secrétaire départementale du Parti communiste Français a rencontré le 13 septembre le préfet des Alpes-Maritimes au sujet de ces réfugiés. Selon Le Patriote de ce jeudi, il n’y aurait selon lui que très peu de demandes d’asile, la plupart ne voudraient pas rester en France. Selon l’hebdomadaire il aurait indiqué « qu’il n’appartient pas au préfet des Alpes-Maritimes d’organiser la solidarité » et il aimerait que les « passeurs solidaires » soient déférés devant le tribunal. Il aurait encore précisé que les Alpes-Maritimes ne devraient pas être candidates à la répartition des hébergements !

Les élus communistes et républicains leur apportent leur solidarité aux passeurs solidaires.

Ils exigent du préfet qu’il ouvre des négociations avec les maires du département pour lister les possibilités d’accueil et comme le propose la Fédération des Alpes-Maritimes du Parti Communiste Français, qu’il ouvre des centres d’accueil temporaires dans lesquels les migrants pourraient faire valloir leur statut de réfugiés en attendant leur choix du pays de destination. Cela pourrait-être dans l’ancienne base militaire de Roquebrune Cap Martin, dans des bâtiments de l’ancien hôpital Saint-Roch à Nice ou dans l’ancienne douane de Breil-sur-Roya.

De plus, depuis près d’un an, environ 40 mineurs étrangers sont hébergés à l’internat du CIV (Centre International de Valbonne), sans être scolarisés. Il est urgent que le Conseil Départemental mette en place des mesures pour que ces jeunes soient scolarisés comme le prévoient les textes internationaux.

Nice le 23 septembre 2016

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25 septembre 2016 7 25 /09 /septembre /2016 19:17
Le ciel de l’histoire lui tombe sur la tête

Ils se prétendent... « Les républicains »

AURÉLIEN SOUCHEYRE

JEUDI, 22 SEPTEMBRE, 2016

L'HUMANITÉ

Le candidat à la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy, utilise depuis des années une vision déformée de l’histoire à des fins politiques.

Question : qui a dit « Comment comprendre l’Histoire des autres si l’on ne connaît pas sa propre histoire ? » Réponse : Nicolas Sarkozy, le 6 septembre. Voilà qui pourrait être un bel exemple d’autodisqualification pour quelqu’un qui se prend régulièrement les pieds dans le tapis d’une histoire fantasmée. Sauf que l’ancien président de la République, candidat à une réélection, ne fait pas de recherches historiques. Il fait de la politique et utilise tout ce qui lui passe par la main pour servir ses desseins. Qu’importe la cohérence, quand il déclare en 2007, en visite au Vatican, que « les racines de la France sont essentiellement chrétiennes », avant de lancer ce mardi que « dès que l’on devient français, nos ancêtres sont gaulois (et donc païens – NDLR) ». Le but est le même : défendre l’idée d’une identité française immuable, intemporelle, fermée. Comme s’il n’y avait qu’un moule unique. Comme si ceux qui pourraient refuser de se couler dedans étaient des anti-France. Comme si les identités devaient se substituer l’une à l’autre alors qu’elles peuvent s’additionner.

En ouvrant un manuel d’histoire, on pourrait apprendre que la vision historique de Nicolas Sarkozy est non pas gauloise, mais très « romaine », puisque « la Gaule est une fiction géographique créée par les Romains, les Gaulois une fiction de peuple elle aussi créée par les Romains », comme l’a rappelé sur Twitter l’historienne Mathilde Larrère. On pourrait aussi retourner l’argument de Nicolas Sarkozy contre son étroitesse même, les « Gaulois » étant partout en Europe, et même en Anatolie, où les Galates, des Celtes, avaient fondé un royaume. Mais sans doute que Nicolas Sarkozy ne voulait pas dire ici que les Français sont des turcs, et inversement.

Derrière le roman national, le mépris colonial

Sur Internet, on pourrait retrouver cette vidéo de l’INA dans laquelle François Mitterrand, alors président de la République, en 1987, lançait dans un sourire : « Nos ancêtres les Gaulois, un peu romains, un peu germains, un peu juifs, un peu italiens, un peu espagnols, de plus en plus portugais. Peut-être, qui sait, polonais. Et je me demande si déjà nous ne sommes pas un peu arabes », invitant à « refuser tous les appels de l’inconscient, de je ne sais quel subconscient mal réglé ou mal dirigé » afin de « choisir l’unité de la France ».

Tout au long de l’Histoire, on pourrait parler des Grecs, des Francs, des Normands, des expansions en Savoie, à Nice, en Corse, et en dehors de l’Europe : Afrique, Antilles, Asie… Mais d’où vient que, dans les anciennes colonies, il ait pu être appris « Nos ancêtres les Gaulois » ? Alors que le peuple de France est issu de brassages constants, l’utilisation et l’ethnicisation de l’histoire à des fins politiques ne datent pas d’hier. Lors de la Révolution française, où naît véritablement l’idée de nation en opposition aux monarchies, traîne déjà chez certains l’idée que le peuple descendrait des « Gaulois », face à une aristocratie issue des « Francs » (eux-mêmes d’origine « germanique »). Plus tard Napoléon III s’identifie à César à Alésia. Lors de la fondation de la IIIe République, après la chute du second Empire, Vercingétorix devient par opposition « héros français », à travers une continuité inventée de toutes pièces, et les manuels scolaires d’Ernest Lavisse démarrent ainsi : « Autrefois, notre pays s’appelait la Gaule et ses habitants, les Gaulois. » L’idée de roman national s’étend dans les colonies, jusqu’à nier et disqualifier la pluralité des identités pour imposer une pseudo-unicité – sans égalité de droits ni justice sociale. Il est aussi significatif de rappeler que, des années 1900 à nos jours, les Celtes ont sans cesse été loués par l’extrême droite française comme origine d’une « pureté » à défendre.

Sarkozy, lui, s’inscrit depuis longtemps dans le sillon du roman national, doublé d’un mépris colonial. Il ne s’en cache pas. Le discours de Dakar de 2007 en témoigne, de « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » à « Le problème avec l’Afrique, c’est qu’elle vit dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance ». Jacques Chirac lui avait répondu que : « L’homme africain est entré dans l’Histoire. Il y est même entré le premier. »

Quand à l’idée d’écrire et d’enseigner un roman national fantasmé soi-disant pour assurer la cohésion du peuple, François Fillon a déjà dit être pour. Nicolas Sarkozy aussi. Il l’a confirmé, mardi, lors d’une soirée organisée par Valeurs actuelles : « Ce roman national, ce n’est pas forcément la vérité historique dans son détail, mais c’est un roman peuplé de héros qui ont fait la France, et quand on est fils d’un Hongrois ou d’un Algérien et que vous arrivez en France, on ne vous apprend pas l’histoire de la Hongrie ou de l’Algérie, on vous apprend l’histoire de France ! » Le candidat a ensuite prôné « l’assimilation » plutôt que « l’intégration », tout en ajoutant que « le nivellement de la pensée unique sur le droit à la différence ça suffit ». En somme, une France à la Zemmour : mythifiée en dragon napoléonien au galop, le sabre glorieux au clair d’un côté, et suspicieuse en permanence envers les mamelouks de l’autre.

Si la mémoire est un champ de bataille permanent, l’histoire doit rester une affaire scientifique. Enfin, quand il s’agit de se réclamer du passé, plutôt que de parler des « Gaulois » un 19 septembre, Nicolas Sarkozy, fondateur du parti « Les Républicains », aurait tout aussi bien pu attendre le 20 septembre, date de la victoire de Valmy, qui ouvre la porte à la proclamation de la première République le 21 septembre 1792… Mais pour cela, il faudrait garder à cœur l’idée que la République est un projet politique et non racial.

  • Lire aussi. Devenir gaulois, le billet de Maurice Ulrich. En proie à un étrange excès de zèle auprès de Nicolas Sarkozy et ses délires, notre confrère Guillaume Tabard, dans le Figaro, s’est trompé de potion magique.
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25 septembre 2016 7 25 /09 /septembre /2016 19:11

L’autosatisfaction mensongère du gouvernement à propos du "sauvetage" de la Sécurité sociale

Une potion qui tue le malade -

Alors que la ministre de la Santé mène une campagne médiatique d’autosatisfaction sur la baisse du déficit de la Sécurité sociale prévue en 2017, nous tenons à rappeler la dégradation de la prise en charge des soins.

Après avoir repoussé l’âge de départ à la retraite en 2014, supprimé l’universalité des prestations sociales en 2015, imposé une cure d’austérité sans précédent de 11 milliards d’euros pour les hôpitaux, le gouvernement se félicite donc d’avoir « sauvé la Sécurité sociale ».

Nous dénonçons avec force ce mensonge de la part d’un gouvernement qui n’a eu de cesse de poursuivre la politique libérale en réduisant les moyens des hôpitaux, en exonérant les entreprises et en mettant à mal les principes fondateurs de la Sécurité sociale.

La baisse du reste à charge des ménages en matière de santé cache mal les renoncements aux soins grandissants des plus précaires. Selon une enquête du Secours Populaire Français, 68 % des Françaises et des Français estiment que les inégalités en matière d’accès à la santé se sont creusées au cours des dernières années.

Les sénatrices et sénateurs du groupe Communiste républicain et citoyen s’opposeront au projet de financement de la sécurité sociale pour 2017 et défendront des mesures alternatives en supprimant les exonérations de cotisations des entreprises, en mettant à contribution les revenus du capital et en imposant l’égalité salariale entre les femmes et les hommes afin de créer de nouvelles recettes capables de financer une prise en charge des soins à 100 % par la Sécurité sociale.

Laurence Cohen, sénatrice communiste

Laurence Cohen, sénatrice communiste

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25 septembre 2016 7 25 /09 /septembre /2016 17:20

Valérie Pécresse : le choix de l'inhumanité

Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, vient de décider de mettre un terme aux parrainages d'enfants sans papiers scolarisés dans les lycées.

Cette décision est injuste et inhumaine et illustre les dérives sécuritaires et xénophobes d'une droite dont la seule boussole, à quelques semaines de sa primaire interne, est de rivaliser sur ce terrain avec le Front National.

Cette décision qui concerne des élèves scolarisés, à qui la République doit continuer d'offrir un accès à la scolarité et au savoir, vise à exclure ces jeunes de la place à laquelle ils ont droit dans notre société, à organiser une ségrégation insupportable et inhumaine, sans aucune efficacité. Elle est contraire à toutes les conventions internationales et aux lois protégeant les mineurs.

J'appelle les associations, les citoyens, à se mobiliser pour s'opposer à cette décision contraire aux valeurs de notre république.

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, sénateur de Paris

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25 septembre 2016 7 25 /09 /septembre /2016 17:08

Les mauvaises manières des maisons de retraite

24 SEPTEMBRE 2016 | PAR MATHILDE GOANEC

Plusieurs salariés dénoncent leurs conditions de travail dans les maisons de retraite médicalisées, publiques ou privées, un manque de moyens chronique et une vraie désinvolture des directions vis-à-vis des alertes lancées tant par le personnel que par les résidents. Mediapart a enquêté sur plusieurs établissements, qui donnent à voir un tableau éprouvant de la fin de vie en France.

Début juillet, les familles des résidents de la maison de retraite médicalisée du Val de Brion à Langon ont reçu une lettre très étonnante. Dans un courrier d’une quinzaine de lignes (voir ci-dessous), le directeur de l’établissement les informe qu’« étant donné le déficit budgétaire » dont souffrirait l’établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), certains soins aux personnes âgées seront réduits. « Certains jours où le personnel sera moins nombreux, les résidents les plus dépendants ne seront pas levés systématiquement et certains, levés au fauteuil, seront laissés en tenue de nuit. » Plus loin, le directeur prend soin de préciser qu’« en cas de difficulté, les temps de toilette seront écourtés ».

Ne pas lever de leur lit des personnes âgées, ne pas les habiller, réduire la toilette, voire sacrifier l’entretien des locaux faute de personnel… Comment un EHPAD public, sous la tutelle du centre hospitalier Sud-Gironde, en arrive-t-il à admettre qu’il ne tiendra pas son service minimum, faute de moyens ? « Ce courrier avait été pensé comme préventif, début juillet, pour certains week-ends de l'été en cas d'absentéisme imprévu, et il a sans doute été mal compris », temporise Raphaël Bouchard, directeur de l’hôpital. L’EHPAD du Val de Brion aurait été, en quelque sorte, victime de ses velléités de transparence. « Il est utilisé maintenant par certains comme un moyen de communication, c’est le jeu, c’est normal. Mais pour moi, c’est une simple maladresse de communication et on s’est rendu compte que c’était idiot. » Le directeur de l’hôpital Sud-Gironde assure également qu’un CDD supplémentaire a été recruté en juillet, et trois en août, pour faire face « aux fortes chaleurs », et que, budgétairement, l’établissement « pouvait faire face ». « Nous avons un ratio d’effectif à 0,6, 0,8 équivalent temps plein par lit. On est un peu au-dessus de la moyenne, donc ça se passe plutôt très bien pour nous. »

L’Agence régionale de santé (ARS), qui finance l’enveloppe « santé » des EHPAD, semble avoir pourtant fort peu goûté d’avoir été ainsi associée à une annonce de réduction potentielle des soins minimaux dus aux personnes âgées dépendantes. D’après nos informations, fin juillet, elle a même rappelé à l’ordre par courrier la direction de l’hôpital, arguant qu’en aucun cas le déficit budgétaire d’un établissement ne pouvait justifier une moins bonne prise en charge des résidents. Interrogée sur ces échanges, l’ARS confirme qu’elle a enjoint à l’établissement « de mettre fin sans délai à ces mesures réductrices, inégalitaires et sans respect de la dignité des personnes et d’engager les mesures correctives nécessaires ». Sur l’état même des soins au sein de l’EHPAD, l’ARS rappelle qu’aucun signalement n’a été constaté entre 2013 et 2015. Au titre de 2016, une « plainte a été déposée en juin faisant état de négligence ».

La CGT santé locale n’en démord pas. Ce courrier de l’été signe un véritable « plan de maltraitance ». Et face aux rétractations de la direction, elle crie au « rétropédalage ».« D’une certaine manière, ce courrier est une aubaine pour nous car les faits qui sont décrits dans cette lettre sont très courants, que ce soit dans les établissements publics ou privés, estime Hélène Michault, infirmière et syndicaliste au sein de la CGT santé de Gironde. Seulement, il s’agit de consignes orales, jamais écrites. Là, on a la preuve de ce que l’on avance depuis des années, à savoir que les personnes âgées ne sont pas correctement traitées dans les maisons de retraite. » Mediapart a enquêté sur plusieurs établissements, publics comme privés, qui dysfonctionnent de la sorte, avec, en bout de chaîne, des résidents que l'on néglige. Souvent par manque de temps, de personnel, et parfois également par colère ou lassitude. De tels manquements peuvent avoir des conséquences relativement bénignes, comme des chambres mal nettoyées ou une robe de chambre jamais lavée. Ils peuvent conduire également à ce que des résidents soient hospitalisés, faute d'avoir été correctement soignés sur leur dernier lieu de vie.

De ce fait, le Val de Brion, l’un des deux EHPAD du centre hospitalier girondin, qui accueille 90 personnes âgées dont certaines en grande dépendance, est on ne peut plus classique. La description de la charge de travail à effectuer est très proche de celle de la plupart de nos interlocuteurs. Chaque matin, il faut vite nettoyer les chambres, apporter les petits déjeuners, distribuer les médicaments, faire les toilettes, donner à boire pour éviter les déshydratations, bêtes noires des maisons de retraite. Le soir, rebelote. Une seule animatrice officie pour l’ensemble des résidents. Les agents de services hospitaliers (ASH), qui ne sont officiellement qu’en charge du ménage, font parfois eux aussi des toilettes, donnent un coup de main aux aides-soignantes débordées. « S’il n’y a aucune embûche, aucune sonnette, pas trop d’absences, on peut faire notre travail, mais on court tout le temps », explique une aide-soignante du Val de Brion.

Malgré sa longue expérience, cette aide-soignante va au travail « la boule au ventre ».« Au début de ma carrière, on avait du temps pour faire un peu d’animation, des balades, discuter l’après-midi, écouter de la musique. C’est fini. Je sais, quand je suis dans les chambres, que les résidents voient que je fais de mon mieux, mais j’en suis à un stade où je ne veux plus cautionner ça. Je vais changer de voie. » À la question de savoir si les résidents sont bien traités malgré la rapidité des cadences, elle hésite : « On fait de notre mieux. Et ça ne se passe pas trop mal. Mais une personne âgée ne devrait pas finir ses jours comme ça. »

Selon Jean-Luc Huon, délégué syndical CGT à l’hôpital Sud-Gironde, « l’ARS ne donne pas assez de moyens, le directeur de l’hôpital est payé pour réduire le déficit, résultat tout le monde se défausse dans cette histoire et on tourne en rond. La réalité, ce sont des restrictions au quotidien et une prise en charge des personnes âgées dégradée ». D'ailleurs, l'aide-soignante de l’EHPAD du Val de Brion confirme que le courrier évoqué plus haut avait été pensé comme une alarme par le personnel. « On a fait ce courrier plutôt que d’affronter encore les familles, qui nous disent : “Mon père est une fois de plus resté au lit, pourquoi ?” On y a décrit ce qu’on vit face au manque de personnel, pour nous enlever ce poids. » Selon elle, jamais les salariés n’ont pensé que le directeur prendrait acte, signerait la lettre et l’enverrait aux familles.

Au-delà du cas du Val de Brion, plusieurs témoignages, recueillis par Mediapart ces derniers mois, confirment que tout ne tourne pas rond dans le monde des EHPAD, quels que soient leur statut ou même les tarifs pratiqués dans le privé, parfois faramineux. Certains facturent en effet le séjour jusqu’à 6 000 euros par mois, avec de fortes disparités régionales, l'Île-de-France et la région PACA étant bien sûr à la fois mieux pourvues mais aussi plus chères que les autres. « On reçoit une quantité industrielle de signalements sur les établissements par les familles, confirme une bénévole de l’association Almazur-Paca, qui a mis en place une ligne téléphonique dédiée. Mais c’est difficile de les traiter, car les familles ont toutes peur des représailles pour leurs proches si elles interviennent directement, comme à l’école maternelle. »

Mélissa (prénom d’emprunt, voir la Boîte noire de cet article) était cadre infirmier chez ORPEA, une entreprise franco-canadienne, l’un des plus gros opérateurs mondiaux de maisons de retraite et de cliniques privées. En France, ORPEA occupe la deuxième place du podium, derrière le groupe Korian, gère 354 établissements et s’est fait remarquer pour sa gestion sociale toute particulière (voir notre article, paru en 2015, sur l’espionnage de salariés du groupe, et la tentative de deal à quatre millions menée par la direction vis-à-vis des représentants syndicaux). Mélissa a travaillé plusieurs années comme infirmière dans un établissement ORPEA des Alpes-Maritimes, La Corniche fleurie, qui accueille une petite centaine de résidents. Formée à l’accompagnement de la fin de vie et aux soins palliatifs, elle pensait que « dans ces établissements luxueux, on avait la possibilité de développer une pratique éthique ». Elle déchante rapidement. « J’ai travaillé longtemps dans le public, mais c’est la première fois que je voyais un truc pareil où ne règne aucune humanité. »

Elle adresse d’abord plusieurs alertes, orales et écrites (que Mediapart a pu consulter) à la direction de l’établissement, signalant des manquements divers : économies sur les protections urinaires, sur les portions de repas, des résidents parfois non lavés, non changés, des cas de gale et des appels aux aides-soignantes qui restent trop souvent sans réponse. « On me disait que j’en faisais trop. Mais ne pas donner à boire à des gens qui risquent la déshydratation, rogner sur la nourriture, ne pas laver les gens, c’est de la négligence qui confine à la maltraitance. » Dans certains de ses courriers, elle décrit également des résidents qui restent sans manger jusque tard dans la journée, faute de personnel pour leur porter la cuillère à la bouche. Face au silence d’ORPEA, Mélissa envoie plusieurs courriers au service inspection-contrôle-réclamation de l’agence régionale de santé (ARS PACA), ainsi qu’au conseil départemental, les deux autorités qui financent l’établissement, en plus des pensions versées par les résidents. De guerre lasse, elle finit par quitter ORPEA et travaille désormais comme infirmière libérale. « Les infirmières qui ont des bonnes pratiques et qui travaillent dans ces établissements sont soit en burn out, soit en arrêt, soit parties. Moi, je ne veux pas qu’on me force à être maltraitante, je veux dormir la nuit. »

« Nous n’avons reçu aucune injonction de la part de l’agence régionale de santé et du conseil départemental », répond ORPEA, interrogé sur ces possibles manquements. Mais l’ARS PACA confirme pourtant avoir reçu de son côté, entre 2011 et 2015, six signalements des pensionnaires de La Corniche fleurie, venus des familles des résidents, de leurs proches ou de salariés, faisant état de dysfonctionnements liés aux conditions d’accueil et de prise en charge et « ayant pu avoir des conséquences sur le bien-être des pensionnaires mais sans atteinte grave à leur santé ». Depuis « ce rappel à l’ordre », l’ARS a encore reçu en 2016 une plainte d’une salariée licenciée. Mais d’après l’agence, l’examen des dossiers médicaux n’a pas révélé de défaillance dans la prise en charge médicale, son domaine d’action privilégié.

Les proches des résidents font eux aussi souvent office de lanceurs d'alerte, mais peinent à être entendus. Marie-Thérèse Marchal a vu sa mère placée en EHPAD en 2008, dans un autre établissement du groupe ORPEA, dans le Sud-Est, La Maison bleue. « Ma mère, j’estime qu’elle a été maltraitée, elle passait son temps derrière un mur à regarder la télé, sous prétexte qu’elle était très diminuée. Je l’ai trouvée une fois endormie, la robe sur la tête et les seins nus, car elle glissait sur son fauteuil. C’était indécent. » Marie-Thérèse Marchal s’en plaint à la direction, fait une fiche de signalement. Mais les soucis continuent, sa mère est hospitalisée trois fois pour déshydratation. Marie-Thérèse Marchal finit par écrire une lettre au siège d’ORPEA, sans obtenir de réponse.

« Les changes n’étaient pas bien faits non plus. Les matières fécales lui remontaient dans le dos. Elle avait un escarre énorme, plein de matières dedans, je me suis fâchée avec l’équipe. Les matières fécales ont creusé la plaie. » L’infection, couplée à la déshydratation, conduit une dernière fois la mère de Marie-Thérèse Marchal à l’hôpital, où elle décède, le 23 juin 2016. « Nous sommes retournés une seule fois à La Maison bleue pour libérer sa chambre, la direction n’était pas là, personne n’est venu nous demander ce qui s’était passé. Je ne savais même pas qu’on pouvait se plaindre ailleurs que dans le groupe. » Sur cet établissement, l’ARS ne relève effectivement aucun signalement et ORPEA assure qu'il ne pose aucun problème, au contraire : « Témoignage de leur confiance quant à la prise en charge proposée par nos équipes, nos autorités de tutelle nous ont à nouveau très récemment sollicités pour accueillir, notamment sur la Maison bleue, des résidents nécessitant un placement en urgence », nous écrit le service de presse d’ORPEA, qui brandit également des enquêtes de satisfaction internes positives « à 100 % ».

Autre cas d’école, sur les hauteurs de Cannes, à l’EHPAD de La Bastide du moulin. Cet établissement, propriété jusqu’en 2014 de Dolcea Création GDP Vendôme, a connu de vraies années noires, d’après le témoignage d’une petite dizaine de personnes ayant fréquenté ou travaillé dans la maison. Pourtant, toutes disent avoir eu toutes les peines du monde à faire bouger les choses, et la plupart ont préféré quitter l’établissement, faute de pouvoir enrayer la machine.

En 2014, une enquête de gendarmerie est ouverte sur cette maison de retraite médicalisée, après le dépôt d’une plainte pour mise en danger d’autrui. Le dossier a été classé sans suite l’an dernier. Néanmoins, le signalement du procureur a déclenché, en juillet 2014, une inspection conjointe du conseil départemental des Alpes-Maritimes et de l’ARS PACA à La Bastide du moulin. Elle a mis à jour « un certain nombre de dysfonctionnements d’ordre médical ayant amené l’ARS à demander au gestionnaire de sécuriser le circuit du médicament et de conforter la coordination médicale ». En clair, il y a bien eu des défaillances relatives à la santé des résidents. « Il y a des choses qui ne se passaient pas correctement, confirme Josiane Colombat, ancienne infirmière, aujourd’hui salariée d’un établissement niçois, qui se dit « vieille école, très exigeante avec les filles », comprendre les aides-soignantes. « Faute de personnel, ceux chargés du ménage étaient habilités à jouer le rôle d’aide-soignante dans cet établissement. Même si ça se fait malheureusement un peu partout, c’est important, car ça peut vite déraper. Et puis, il y a eu un souci, une faute médicale grave, qui a été étouffée. »

Anne-Laure Aubret, directrice pour la zone PACA-Est de DomusVi, le groupe ayant repris La Bastide du moulin en 2014, entend bien ne pas être comptable de la gestion passée, même si une partie de l’ancienne équipe est toujours en place. « La plainte, j’en ai été informée lors de la reprise du site. Certains salariés ont effectivement été entendus, y compris le directeur. Les gendarmes ont dit oralement qu’il n’y avait rien pour eux dans le dossier. Le classement sans suite ne m’étonne pas. Pour le reste, nous ne savons pas ce qui s’est passé avant nous et le personnel a été évalué au regard des standards DomusVi. »

Josiane Colombat estime que La Bastide disposait à l’époque d’une « belle équipe d’aides-soignants, mais manquait de personnel » : « On n’était pas du tout dans les clous. Mais il ne s’agissait pas de maltraitance, peut-être un peu de négligence. » Une salariée passée par La Bastide du moulin utilise cependant les mêmes mots que Mélissa, citée plus haut, pour caractériser alors l’établissement : « Manque de suivi médical, manque de soins, et manque d’humanité. Pour un petit rhume, on pouvait mourir à La Bastide du moulin, car le personnel ne faisait pas systématiquement les aspirations de glaires. » Elle poursuit son récit, en pleurant : « Je me souviens d’une résidente, à l’heure du goûter, elle avait mal et elle m’a montré sa poitrine. On m’a dit qu’elle faisait de la comédie. Elle a pris un verre d’eau, l’a jeté par terre et s’est fait glisser dedans, pour tomber et les forcer à l’emmener à l’hôpital. En fait, elle avait une embolie pulmonaire. Elle est rentrée dans le coma et au bout d’un mois, elle est morte. »

Pourquoi ces informations ont-elles été tues ? Cette salariée a pourtant multiplié les « fiches de signalement des éléments indésirables », outil à la disposition des équipes pour faire remonter les problèmes. Des familles ont envoyé moult courriers et attestations, que Mediapart a également pu consulter. Sans réussir à se faire entendre. Là encore, la liste paraît sans fin : des résidents qui ne sont pas correctement lavés, les habits tachés, les ongles laissés trop longs, les plateaux repas laissés tels quels faute de personnel pour les faire avaler. Un témoignage appuyé par celui d’autres salariés, ayant depuis quitté l’établissement. Ainsi d’Élodie Boulanger, animatrice à La Bastide du moulin de 2011 à 2014. « J’ai vu l’établissement se dégrader en termes de budget et personnel, du temps de Dolcea. Jamais de ma vie je ne mettrai quelqu’un de ma famille en maison de retraite. Au départ, je pensais être un rayon de soleil pour les résidents et c’était le cas. À la fin, quand je les regardais, j’avais envie de pleurer. J’étais tellement mal de travailler comme ça que j’ai dû être mise “inapte” par le médecin du travail. » La jeune femme est aujourd’hui auxiliaire de puériculture.

Alors que La Bastide du moulin facture les séjours des résidents à environ 3 000 euros mensuels, Élodie Boulanger raconte que son budget « animation » passe progressivement de 1 800 euros par mois à 460 euros, pour organiser les activités d’un EHPAD qui accueillait environ 75 personnes et abritait une unité Alzheimer. Fini les danses et le piano, qui ont longtemps fait le succès du lieu. Et toujours quantité de personnel qui fait « office de ». « C’était n’importe quoi. Pendant les sorties, on m’a demandé de donner de la nourriture aux résidents, ce qui est strictement interdit puisque je ne suis pas formée sur les éventuelles “fausses routes”, continue Élodie Boulanger. J’allais parfois en sortie sans soignant, seule avec 7 personnes, dont deux fauteuils roulants et une patiente atteinte de la maladie d’Alzheimer. On m’a même demandé de donner des médicaments ! J’ai refusé. » Élodie Boulanger assure aussi que« les équipes étaient à bout, elles en devenaient maltraitantes ».

Démissions, arrêts maladie, licenciements, la Bastide du moulin a eu bien du mal à garder ses équipes. Plusieurs directeurs se sont succédé et, selon nos sources, la chargée des relations sociales de la maison elle-même a été licenciée. D’après un jugement prud’homal que Mediapart a pu consulter, elle a obtenu réparation pour harcèlement moral et licenciement abusif, mais a refusé de commenter son passage dans la maison. Tous ces éléments auraient dû alerter le groupe Dolcea Création GDP Vendôme, d’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’il est épinglé. Un article de VSD, en juin 2010, relate l’histoire d’une aide-soignante, désignée « référente bientraitance » dans un établissement du Val-d’Oise qui appartient au groupe, ayant fini par démissionner après avoir multiplié vainement les signalements.

Des proches de résidents ont également tiré la sonnette d’alarme. Henri Cyvoct était membre du conseil de vie sociale de la Bastide du moulin, où sa cousine était logée avant qu’elle ne change d’établissement. L’homme connaît bien les établissements pour personnes âgées, car il a longtemps été membre d’une association gérant un établissement dans les Alpes-de-Hautes-Provence. Il s’intéresse au sujet et passe régulièrement rendre visite à sa cousine. « Elle était plutôt bien traitée, car j’étais très impliqué, ils faisaient bien attention. Pour les autres, ça n’allait pas : j’ai vu des résidentes, portes ouvertes, nues, dans des conditions dégradantes. Des personnes âgées laissées pendant des heures devant une télévision qui ne marche plus pour personne. Des sonnettes qui sonnent dans le vide mais ça, c’est un grand classique malheureusement. » Courriers, rappels à l'ordre, prises de bec sur des comptes-rendus de conseil de vie sociale qu'il estime tronqués, rien ne bouge.

Le groupe Dolcea GDP Vendôme, fondé par Jean-François Gobertier (consacré parL’Expansion en 2015 comme le « plus riche des gestionnaires privés de maisons de retraite en France », pour une fortune estimée alors à 500 millions d’euros), soutient aujourd'hui ne rien avoir à dire sur toute cette période. « Le dossier de gestion était dans l’établissement, et il a été transmis à DomusVi lors de la revente de la maison. » Le service de presse n’en démord pas : « Pour ce qui concerne les fiches de signalement, tout a été transmis, nous n’avons plus rien. Et les affaires prud’homales se règlent entre la société d’exploitation et les salariés, ce n’est pas de notre ressort. » Le responsable régional d’origine « n’est plus en place », et le groupe n’aurait donc aucune information. Quant à DomusVi, même si une partie du personnel est encore en place, cette affaire est du passé. « La Bastide du moulin a fait l’objet d’une inspection en septembre 2015 par l’ARS. Il y a eu un rapport positif de l’administration quant à cet établissement, précise Anne-Laure Aubret. Donc je suis très surprise. Vous savez, les maisons de retraite sont très encadrées. »

« Où va l'argent ? »

Cette affaire illustre cependant assez bien la somme des problèmes qui cernent le secteur de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et auxquels les nombreux plans, chartes et guides de la « bientraitance » du public et du privé ne peuvent pas grand-chose. Le manque criant de moyens, doublé d’une réelle pénurie de personnel formé, touche un secteur ultra-gourmand au regard du vieillissement de la population. Le cocktail est donc potentiellement dangereux. Selon le ministère, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a un budget prévisionnel de 23,1 milliards pour 2016, soit une augmentation de 63 % par rapport à 2006. La part de l’assurance maladie dédiée au médico-social a, elle, bondi de 61 % (1,7 milliard d’euros de plus), mais rien n’y fait. Tous, publics comme privés, se plaignent du manque de ressources.

Or le budget d’un EHPAD provient de trois sources : les agences régionales de santé, sous la tutelle du ministère de la santé et des affaires sociales, financent le personnel soignant en attribuant une enveloppe à chaque EHPAD conventionné. Cette enveloppe permet par exemple de payer les infirmiers et les aides-soignants. Les établissements reçoivent également une dotation des conseils départementaux chargés de la dépendance, ce qui permet de financer tout ce qui conserne l’autonomie des personnes. Le reste est assumé par les familles, via le « tarif hébergement journalier », et paye ce que l’on appelle l'hôtellerie, les locaux, le ménage, la nourriture, ainsi que les animations.

« La qualité des soins n’est donc pas déterminée par les tarifs pratiqués par l’établissement, mais par l’argent que verse l’ARS. Si on a tant de personnes, et tant de personnes avec tel niveau de dépendance, nous aurons telle somme à notre disposition pour le personnel soignant. Ce que peut faire le privé commercial, c’est de rajouter de la langouste au menu, réagit Romain Gizolme, directeur de l’AD-PA, association qui regroupe les directeurs de services à domicile, de coordinations et d'établissements pour personnes âgées. Le problème, c’est que celui qui fait le contrôle des pratiques de soin est aussi celui qui alloue, donc ça ne peut pas totalement bien fonctionner. Et 10 minutes pour faire une toilette, même avec un travailleur formé et bien intentionné, ça ne marche pas. »

En France, le marché reste dominé par les EHPAD publics, mais le privé gagne du terrain. Nombre de petites maisons de retraite indépendantes sont passées dans l’escarcelle des grands groupes. Certaines ont déjà changé deux ou trois fois de propriétaire, car le marché mute à toute vitesse, certains groupes se rachetant entre eux. Mais si le privé reste cher, voire hors de prix, c’est également que la demande est très forte. « En PACA, nous avons été les premiers à autoriser des ouvertures de lits dans le privé et depuis, ça n’a pas cessé, donc l’ARS est coincée car elle a besoin de ces places, rappelle la bénévole d’Almazur. Aujourd’hui, les tarifs sur la Côte d’Azur, c’est 100 euros par jour. Qui peut payer ça ? Bien sûr, c’est très beau, ces jolis salons, ces magnifiques salles à manger, ces spacieuses salles de bains. Mais ce n’est pas ça qui fait la qualité de la vie quotidienne. Alors où va l’argent ? »

Le groupe Korian, coté en bourse et première entreprise européenne dans le secteur, revendique sur son site internet une croissance moyenne annuelle de 20 % de son chiffre d’affaires entre 2005 et 2014. ORPEA a réalisé un bénéfice net de 153,3 millions d’euros en 2015. DomusVi (dont l’un des fondateurs est Jean-François Gobertier, également fondateur de Dolcea Création GDP Vendôme) rassure dans son rapport d’activité 2014 :« Les quatre dernières années ont permis à DomusVi de dégager une croissance forte et régulière malgré la crise des finances publiques. » Cependant, malgré des moyens financiers qui semblent considérables, aucun de ces gros groupes n’est épargné par les accusations de maltraitance, venues des personnels, des résidents ou de proches, à la lecture de l’importante revue de presse que réalise l’AFPAP.

« Oui, il y a des établissements qui dysfonctionnent. Et dans les cas les plus graves, ça peut finir à l’hôpital. Mais on a énormément progressé depuis vingt ans, assure Romain Gizolme. Ensuite, ce qui est systémique, c’est bien le manque de professionnels. Cela a un impact majeur sur l’accompagnement des personnes âgées. » Selon le ministère de la santé et des affaires sociales, ces dix dernières années, plus de 9 000 établissements hébergeant des personnes âgées et des personnes handicapées (enfants et adultes) ont fait l’objet de ces contrôles ciblés. « Pour Korian par exemple, j’ai reçu une alerte sur un cas de maltraitance, qui est remonté jusqu’à la direction régionale, raconte l’une des bénévoles Almazur en PACA. J’ai 17 ans d’expérience dans le domaine, je ne me laisse pas intimider par les discours, on a réussi à traiter le problème. Mais le plus souvent, le personnel aide-soignant ne veut pas perdre son job, les médecins leur réputation, et les directions la bonne note que leur attribuera l’échelon du dessus. Donc c’est très dur de faire bouger les lignes. »

Car au-delà des questions structurelles propres au secteur, une foule de détails négligés peuvent concourir à gâcher la vie des résidents, mais sont difficiles à observer, à moins de participer à la vie quotidienne de l’établissement. La fille d’une résidente d’un EHPAD privé de PACA, longtemps très active auprès de sa mère, décédée depuis, en fait l’inventaire. « Des gobelets en plastique pour boire le thé brûlant, un appareil auditif non nettoyé pendant des semaines, un arrachage de dent sans prévenir la famille, des vêtements constamment souillés, tout ça pour une facture au bout du mois qui s’élève à 3 000 euros… » Christelle (prénom d’emprunt) travaille toujours « dans la vallée » des Alpes-Maritimes, après être passée dans plusieurs établissements privés. Elle décrit des situations pareillement invraisemblables, pour cause d’économies : « Prenez le kit hygiène, qui est prévu dans le prix de la pension. C’est 15 euros par mois pour le gel douche, le shampoing, la mousse à raser… Mais il n’est pas mis dans les chambres, pour faire des économies. Donc les familles amènent ce qui manque et ceux qui n’ont personne font sans. Parfois, la brosse à dents a un an et demi. Elle tombe par terre, on ramasse. Quand il n’y a plus de gant de toilette, on fait avec ce qu’on a, un bout de drap, ou celui du voisin. »

Les familles ne sont pas toujours les plus bruyantes pour réclamer les soins adéquats et conformes au cahier des charges établi par les maisons pour leurs proches. Henri Cyvoct fait ce constat, après plusieurs années passées dans les conseils de vie sociale des établissements que sa cousine a fréquentés. « Je ne jette pas la pierre. Les directions jouent sur du velours parce que les familles sont épuisées. L’enfant, c’est le futur, donc les parents, ils vont vous faire chier, ils sont là tout le temps sur votre dos. Une personne âgée, c’est beaucoup plus difficile de se mobiliser, ce n’est pas gratifiant. Un tiers seulement des résidents reçoivent des visites dans les EHPAD et c’est vrai que l’ambiance y est souvent mortifère. »

Pour l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), la maltraitance s’entend comme une « situation de violence, d’abus, de privation ou de négligence survenant dans une configuration de dépendance d’une personne vulnérable à l’égard d’une personne en situation de pouvoir, d’autorité ou d’autonomie plus grande ». Comme le remarque Christelle, « les intérim, vendeurs de chaussures chez Décathlon la semaine d’avant, ils ne vont pas faire la toilette comme une aide-soignante qui connaît son métier ». Il y a effectivement un minimum de connaissances à acquérir sur la dépendance, la toilette, l’appréhension de la personne âgée. « L’été, chez nous, on travaille les deux mois avec des stagiaires de bac pro, mais elles font fonction d’aide-soignante et remplacent un poste à temps complet. Ce n’est pas de la maltraitance au sens propre du terme, mais ça peut s’y apparenter. »

Cédric, diplômé en tant qu’aide médico-psychologique (AMP), fait partie de la grande et acclamée famille des « soins à la personne », potion miracle des politiques de tout poil depuis vingt ans pour inverser cette maudite courbe du chômage. « Ils disent sans cesse que c’est un secteur qui embauche, mais faut voir ce que c’est que de travailler en EHPAD ! Je suis censé accompagner les personnes âgées dans leurs gestes quotidiens pour conserver au maximum leur autonomie. À la place, je fais 15 toilettes au lit de personnes grabataires, soulevées par des harnais, par matinée, seul. » L’homme a travaillé dix ans dans plusieurs EHPAD privés de la région niçoise, dont l'une propriété d’un grand groupe, mais a démissionné pour cause de « burn out ». Depuis, Cédric enchaîne les missions d’intérim. « Partout, des économies de bouts de ficelle. J’ai eu un directeur qui trouvait qu’on consommait trop d’eau pour les toilettes, donc il a réduit le débit au robinet, on mettait un temps fou à remplir la bassine pour les toilettes… Nous avons de beaux diplômes, mais qui sont complètement discrédités sur le terrain. »

L’équation est classique, le salarié maltraité peut devenir maltraitant. « Il y a un gros fossé entre ce qu’on apprend en formation sur la bientraitance, et ce qu’on fait au boulot, conclut l’aide-soignante en Gironde, décidée à changer de métier. Pour les déments, les malades d’Alzheimer, on nous demande de prendre du temps, de leur parler, mais ce n’est matériellement pas possible. On a peur, sinon, de ne pas arriver à la fin de la journée. Le problème aujourd’hui, c’est qu’on ne sait plus quoi laisser de côté pour finir. Tout ça fait qu’on est paumé. » Début 2012, la Direction des études statistiques estimait à 1,2 million le nombre de personnes âgées dépendantes en France et l’arrivée des générations du baby-boom à l’âge de 80 ans devrait s'effectuer autour de 2030. Logiquement, il va falloir gonfler de manière substantielle le nombre de places nécessaires et les moyens mis sur la table, pour que la fin de vie ne soit pas celle de la décence.

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25 septembre 2016 7 25 /09 /septembre /2016 08:43
Les frères Alain (de face) et Éric Bocquet, veulent « donner des armes aux citoyens dans un combat difficile ».
Les frères Alain (de face) et Éric Bocquet, veulent « donner des armes aux citoyens dans un combat difficile ».

L'HUMANITE DIMANCHE

Jeudi 8 Septembre 2016

L'évasion et l'injustice fiscales sont au cœur de « Sans domicile fisc » que publient Alain et Éric Bocquet, député et sénateur communistes avec le journaliste Pierre Gaumeton. Tous deux rapporteurs d'enquêtes parlementaires sur l'évasion fiscale, ils en démontent les mécanismes et font des propositions pour lutter contre ce fléau. Salutaire, alors que le procès de Jérôme Cahuzac reprend et que celui de Serge Dassault est suspendu pour supplément d'enquête.

HD. L'Union européenne demande à Apple de rembourser à l'Irlande 13 milliards d'euros d'impôts non payés. Le signe que quelque chose change ?
ÉRIC BOCQUET.

Cela vient après les affaires LuxLeaks, Offshore Leaks, Cahuzac, UBS, HSBC... Le climat a changé, incontestablement, mais le système en place est solide, bien organisé, il a des appuis politiques, des connivences... Dans un article, l'« Irish Times » se demande ce qu'on pourrait faire avec ces 13 milliards d'euros. Avec cela, l'Irlande pourrait construire 20 hôpitaux ou supprimer la taxe foncière pour les propriétaires ou multiplier par trois les crédits du logement social. AlAin Bocquet. Après le « vieil argent » français planqué en Suisse, ce sont maintenant les grandes multinationales qui posent la question de la justice sociale et fiscale, mais aussi de la démocratie. Apple paie 0,005 % d'impôt. J'ai dit à mon coiffeur : « Toi, tu paies 33 %. » Le ras-le-bol est évident. Il faut maintenant prendre les affaires en main.

HD. Thierry Aulagnon, ex-Société générale, est depuis peu directeur de cabinet du ministre des Finances, Michel Sapin. Une preuve de plus de la porosité entre finance et politique ?
ÉRIC BOCQUET.

C'est une des explications aufait que les choses avancent aussi lentement vers des solutions radicales. Quand on est à Bercy, y compris en charge de la fiscalité des entreprises, j'imagine qu'on ne va pas taper trop fort sur des employeurs qui décupleront un jour votre salaire. En juillet, Barroso est parti chez Goldman Sachs, avec son carnet d'adresses, après avoir présidé la Commission européenne pendant 10 ans. Bruno Bézard (ancien directeur du Trésor ¬ NDLR) rejoint un fonds d'investissement franco-chinois, avec tout ce qu'il a de connaissance de l'économie française, y compris de ses secrets. C'est un vrai souci pour la République et la démocratie.

La porosité entre finance et politique explique la lenteur des avancées vers des remèdes radicaux. HD. Autre actualité récente : le Brexit. Quelles conséquences dans le domaine de l'évasion fiscale ?
ALAIN BOCQUET

La Grande-Bretagne et sur-tout la City de Londres, le centre européen ¬ si ce n'est mondial ¬ de la finance, vont se libérer de contraintes éventuelles. Lors d'un repas que nous avons eu, Nicolas Dupont-Aignan (le député a travaillé avec Alain Bocquet pour une mission d'information sur les paradis fiscaux ¬ NDLR) et moi, avec d'éminents représentants du gouvernement suisse, nous leur avons demandé : « Pourquoi, n'êtes-vous pas dans l'Union européenne ? » L'un d'eux a répondu : « Nous avons tous les avantages et aucun inconvénient... »

HD. Quand il est poussé à l'extrême, le paradis fiscal ne génère ni activité ni retombée économique pour l'État qui l'institue. À quoi cela rime-t-il ?
ALAIN BOCQUET

C'est de l'argent congelé, quine sert pas au développement de l'humanité. Le meilleur exemple, ce sont les ports francs. On nous a refusé, avec Dupont-Aignan, de visiter celui de Genève. On y trouve des milliers de tableaux et d'œuvres d'art ¬ des Delacroix, des Picasso... ¬ planqués là depuis des décennies, que parfois les propriétaires n'ont jamais vus, qu'on ne peut pas mettre dans son salon sinon on se fait rattraper par le fisc... Le libéral belge Charles Michel (premier ministre depuis octobre 2014 ¬ NDLR) le dit lui-même : « Les paradis fiscaux sont une nouvelle exploitation de l'homme par l'homme. » Un château d'argent qui ne sert à rien.

HD. Votre livre évoque le « verrou de Bercy ». De quoi s'agit-il ?
ERIC BOCQUET

C'est une originalité française,qui veut que le parquet ne peut pas s'autosaisir d'affaires de fraude fiscale. Si l'administration fiscale décèle une affaire, elle est transmise à la Commission des infractions fiscales qui étudie le dossier, le transmet éventuellement au ministre du Budget qui décide s'il y a lieu d'engager des poursuites. On est dans la logique de la transaction.

HD. L'affaire Cahuzac a-t-elle changé quelque chose ?
ERIC BOCQUET.

L'affaire Cahuzac a été un traumatisme pour l'opinion et un séisme pour la République. Je ne sais pas si on en a bien mesuré les conséquences sur le discrédit du politique en général. Après cela, a été créé le parquet national financier. Excellente initiative : une instance judiciaire spécifiquement dédiée à ces affaires de fraude fiscale. En mai, au Sénat, nous avons auditionné la procureure : depuis la création, en 2013, ils ont déjà perdu des postes de contrôleurs fiscaux... Combattre l'évasion fiscale passe aussi par des moyens humains et techniques.

HD. Vous proposez l'organisation d'une « COP » sur la finance. Comment voyez-vous les choses ?
ALAIN BOCQUET

Comme on l'a fait pour les questions climatiques, il faut, pour cette question de la finance, prendre les choses au niveau international. Il faut créer des rendez-vous tous les deux ans ¬ le premier, on propose de le faire à Bujumbura, au Burundi (pays le plus pauvre au monde, avec un PIB de 315 dollars par habitant ¬ NDLR) ¬, où tout le monde pourrait s'exprimer et où on prendrait des décisions. Un organisme planétaire, à fixer, gérerait la finance mondiale, au même titre qu'on gère le commerce, la santé, le travail, l'environnement... Thomas Piketty avait lancé l'idée d'un impôt mondial égal pour tous. On n'en est pas là, mais il faut aller vers une construction où les gens qui tiennent la finance mondiale à titre privé ne puissent pas faire ce qu'ils veulent.

HD. Quel discours tiennent les tenants de ce système que vous avez rencontrés ?
ERIC BOCQUET

Lors d'un déplacement de la Commission des finances du Sénat en Californie, en avril, j'ai demandé au directeur financier d'Uber : « Auriez-vous un rapport, de près ou de loin, avec les Bermudes ? » Petit sourire et il me répond : « Oui. Question suivante. » Tous ¬ Facebook, Google... ¬ nous disent construire un monde meilleur pour les humains et, la main sur le cœur : « Nous sommes fiers de respecter la réglementation fiscale des pays où nous opérons. »

HD. Dans votre livre, Eva Joly se dit « très pessimiste ». Et vous ?
AALAIN BOCQUET

Le combat est difficile mais il faut donner les armes aux citoyens pour le mener. Modestement, on y contribue un peu. La présidentielle doit faire exploser le débat et il faut que des décisions soient prises. Le climat le permet.

« Sans domicile fisc », d'Alain et Éric Bocquet, préface de Jean Ziegler,

Le Cherche Midi Éditions, 288 pages, 17,50 euros.

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