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15 juillet 2023 6 15 /07 /juillet /2023 07:06
Le projet de loi « plein-emploi », ciblant les bénéficiaires du RSA, décrié par la gauche et les syndicats (L'Humanité, Mercredi 12 juillet 2023, Hayet Kechit)
Le projet de loi « plein-emploi », ciblant les bénéficiaires du RSA, décrié par la gauche et les syndicats

Le Sénat a largement voté, le 12 juillet, le projet de loi « plein-emploi », imposant notamment une inscription automatique des bénéficiaires du RSA sur la liste des demandeurs d’emploi ainsi qu’une obligation de travail et un régime de suspension des aides perçues. Des mesures jugées « scandaleuses » par Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT.  

Publié le
Mercredi 12 juillet 2023

Les bénéficiaires du RSA (Revenu de solidarité active) pourraient bientôt être inscrits d’office sur la liste des demandeurs d’emploi, contraints de signer un « contrat d’engagement » leur imposant, sauf situations particulières, de travailler quinze heures par semaine, et soumis à une nouvelle mesure dite de « suspension-remobilisation » leur coupant leur allocation en cas de non respect de leurs obligations. Le Sénat a voté, le 12 juillet, le projet de loi pour le « plein-emploi », actant notamment ces bouleversements  redoutés par les élus de gauche, les syndicats et de nombreuses associations d’aide aux plus précaires.

Ces mesures, dont certaines ne figuraient pas dans le texte initial du projet de loi, avaient fait leur retour dans la version du texte amendée en commission des Affaires sociales, en juin dernier, et cristallisent, depuis, de nombreuses critiques, longuement détaillées dans un avis, publié le 6 juillet, par la défenseure des droits. Cette dernière estime ainsi que « ce renforcement des obligations d’insertion socioprofessionnelle porte des atteintes disproportionnées ou discriminatoires aux droits et libertés des bénéficiaires du RSA ».

Un dispositif infantilisant

Jugeant ce  dispositif dit « de remobilisation » des publics précaires infantilisant à leur égard, Claire Hédon rappelle que « l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 reconnaît un droit à l’aide sociale, impliquant une obligation pour l’État de garantir des moyens convenables d’existence à ceux qui sont dans l’incapacité d’en bénéficier grâce à leur travail 

Un principe fondamental que les élus de gauche, mobilisés pour tenter de supprimer ces deux articles - « en rupture avec les principes fondamentaux de notre protection sociale », selon l’écologiste Raymonde Poncet Monge -, ont tenté, en vain, de défendre dans un hémicycle majoritairement à droite. Les sénateurs sont allés jusqu’à infléchir certaines dispositions du texte, dans le sens d’un durcissement, en imposant un contrat fixe de quinze à vingt heures d’activités hebdomadaires, là où le texte laissait place à une certaine souplesse.

« On en parle peu, mais le projet de loi plein-emploi est une nouvelle attaque  contre les personnes en situation de précarité. Un PJL libéral et infantilisant  » , a dénoncé le sénateur socialiste Hervé Gillé, sur son compte Twitter, traduisant la levée de boucliers face à ces mesures qui, selon la CGT, « derrière l’objectif du plein-emploi, s’attaquent aux précaires plutôt qu’à la précarité ».

Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, jugeant cette réforme « scandaleuse », a plus spécifiquement souligné les difficultés que poserait  cette obligation de travail,  en particulier pour les mères bénéficiaires du RSA, « assignées au foyer à devoir prendre en charge les enfants», alors que « 50% des enfants de moins de trois ans n'ont pas de mode de garde », faute de place en crèche ou d'assistante maternelle.  

Les sénateurs du groupe CRCE (Communiste, républicain, citoyen et écologiste) ont également réagi. Pointant le décalage de ce texte avec la volonté d’apaisement prônée par Emmanuel Macron, ils dénoncent, par la voix de leur présidente et sénatrice de Seine-Saint-Denis, Éliane Assassi, des mesures consistant à  « renforcer le contrôle des chômeurs et les sanctions des bénéficiaires du RSA ».

Le texte, porté par le ministre du Travail Olivier Dussopt, prévoit par ailleurs d’autres bouleversements, dont la refonte à partir de 2024 de Pôle emploi, qui  deviendrait ainsi France Travail et s’inscrirait dans un réseau du même nom, combinant plusieurs acteurs (collectivités territoriales, l’État, les missions locales, Cap Emploi...).

Avant d’être définitivement soumis à l’adoption du parlement, le projet de loi devra être examiné à l’automne par l’Assemblée nationale.

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15 juillet 2023 6 15 /07 /juillet /2023 07:01
14 Juillet : Marche militaire et flonflons pour Narendra Modi - L'Humanité, Lina Sankari, 12 juillet 2023
14 Juillet : Marche militaire et flonflons pour Narendra Modi

Invité d’honneur d’Emmanuel Macron ce 14 Juillet, le premier ministre indien met au pas la démocratie. Suprémaciste patenté, il est une pièce maîtresse de la stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique.

Publié le
Mercredi 12 juillet 2023

Quoi de mieux, un 14 Juillet, que de recevoir « l’empereur des cœurs hindous » et de l’inviter à dîner dans un lieu – le Louvre – marqué de l’empreinte de la monarchie française ?

En cette Fête nationale, le président Emmanuel Macron s’inscrira dans une tradition qui court depuis Nicolas Sarkozy et consiste à dérouler le tapis rouge sang aux dictateurs et autres zélotes du nationalisme.

Après le Syrien Bachar Al Assad, le Tunisien Zine El Abidine Ben Ali, l’Égyptien Hosni Moubarak, place à un autre partenaire stratégique en la personne du premier ministre indien, Narendra Modi, un suprémaciste patenté. Le temps où Nelson Mandela était l’invité d’honneur, le 14 juillet 1996, paraît loin.

La contemplation par Emmanuel Macron et Narendra Modi de la Liberté guidant le peuple suffira-t-elle à redonner son lustre républicain à la réception ? Convié pour la cinquième fois en France, à l’occasion du 25e anniversaire du partenariat stratégique qui lie New Delhi à Paris, le chef du gouvernement indien ne sera sans doute pas tenu comptable des violations des droits de l’homme perpétuées en toute impunité dans son pays.

Qui se souvient que Narendra Modi était interdit d’entrée sur le territoire états-unien, au début des années 2000, pour avoir couvert, alors qu’il était gouverneur du Gujarat, les pogroms antimusulmans qui avaient fait plus de 2 000 morts ? C’est à ce titre qu’il accède à l’époque au statut de Hindu Hriday Samrat, « empereur des cœurs hindous ».

Le principal allié des Occidentaux contre la Chine en Asie

Les frontières se sont depuis ouvertes au mépris de la déchéance de nationalité pour 1,9 million de musulmans dans l’Assam, de la révocation de l’autonomie du Cachemire, des attaques de la milice du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Association des volontaires nationaux, au sein de laquelle Narendra Modi a fait ses armes) contre les syndicalistes, les progressistes, les communistes, les journalistes… La liste a beau s’étendre jusqu’à l’écœurement, la stratégie indo-pacifique mise sur pied par les États-Unis afin d’endiguer l’influence chinoise vaut bien le sacrifice de la Fête nationale.

Avec un bémol, comme le souligne Olivier Da Lage, chercheur à l’Iris : « Ni la France ni l’Inde n’envisagent ce concept d’Indo-Pacifique autrement que comme une coopération ad hoc au sein d’un ensemble au cadre général, mais pas trop contraignant. »

Emmanuel Macron, qui a récemment fait connaître son souhait de voir la France assister au sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en août, a également le souci de ne pas voir les pays du « Sud global » s’émanciper trop fortement dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et les tensions avec la Chine.

Héritières d’une tradition de non-alignement quelque peu écornée, les autorités indiennes entendent mettre à profit ce déplacement pour approfondir le partenariat stratégique et « s’affranchir progressivement de la dépendance à l’égard des armements russes sans se retrouver dans un tête-à-tête trop exclusif avec les États-Unis », souligne Olivier Da Lage.

Aux yeux de l’Inde, la France, qui dispose de territoires dans les océans Indien et Pacifique et partage déjà des bases militaires avec son alliée, a ainsi un rôle clé à jouer. Cliente de l’industrie de l’armement française, New Delhi serait en passe de commander 26 Rafale Marine et trois sous-marins.

Dans ce contexte, le silence radio s’impose à l’Élysée. En 2018, Emmanuel Macron avait servi la propagande suprémaciste en se rendant à Varanasi, ville sacrée et vitrine nationaliste de Narendra Modi, lui-même reçu avec tous les honneurs un an plus tard au château de Chantilly (Oise).

Jeudi soir, il s’adressera à la diaspora indienne acquise à sa cause. Si les réseaux nationalistes sont puissants à l’étranger et contribuent largement au financement des campagnes électorales du premier ministre indien, un rassemblement, ce 13 juillet à la place d’Iéna, à Paris, se chargera de rappeler que « la plus grande démocratie du monde est en danger avec un gouvernement de plus en plus autoritaire ».

 

Voir aussi, le communiqué du PCF:

Le symbole du 14 Juillet ne peut être défiguré par la présence de M. Modi - Communiqué du PCF, 12 juillet 2023

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15 juillet 2023 6 15 /07 /juillet /2023 06:47
Juillet 1953, un portrait de Maurice Lurot est posé rue du Ruisseau à Paris, là où il vendait l’Humanité Dimanche. Mémoire d’Humanité/Archives dép. de la Seine-Saint-Denis

Juillet 1953, un portrait de Maurice Lurot est posé rue du Ruisseau à Paris, là où il vendait l’Humanité Dimanche. Mémoire d’Humanité/Archives dép. de la Seine-Saint-Denis

Fabien Roussel à Emmanuel Macron : « Reconnaissez la responsabilité de l’État dans la tuerie du 14 juillet 1953 »

Le secrétaire national du PCF s’est adressé au président de la république pour rappeler les tragiques événements qui se sont déroulés il y a 70 ans. La police a tiré sur une manifestation durant la Fête nationale, faisant sept morts, des travailleurs algériens et un métallurgiste français membre du PCF et de la CGT.

Publié le
Jeudi 13 juillet 2023
 
À la veille de la Fête nationale, le secrétaire national du Parti communiste français (PCF) et député du Nord, Fabien Roussel a écrit au président de la république pour lui rappeler un moment tragique de l’histoire de la France. C’était il y a 70 ans très exactement, le 14 juillet 1953. Ce jour-là, « un crime d’État est commis à Paris », explique le dirigeant communiste.
Comme chaque année depuis 1936, la CGT et le PCF commémorent - sans véhicules militaires ni soldats - la Révolution française et la chute de la Bastille. Un message de paix et de justice sociale, loin du défilé militaire des Champs Élysée. Cette année-là, les militants algériens du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), se joignent au cortège pour exiger l’arrêt de la répression et du racisme dont ils sont l’objet. Ils sont très vite harcelés par des petits commandos d’extrême-droite, à chaque fois repoussés par le Service d’ordre. Jusqu’à l’arrivée sur la place de la Nation où certains policiers font usage de leurs armes. Sept manifestants sont tués (six travailleurs algériens et un ouvrier métallurgistes membre de la CGT et du PCF), 40 seront blessés par balles.

es livres d’histoire n’en font pas état. Pourtant cette violence va s’exacerber avec la montée du mouvement pour l’indépendance de l’Algérie. Les responsables de la police parisienne font d’ailleurs se servir de ce 14 juillet 1953 pour créer de nouvelles unités répressives, les « compagnies d’intervention ». Celles-ci von s’illustrer dans la capitale française d’abord avec le massacre des Algériens en octobre 1961 puis la répression sanglante de la manifestation de Charonne, le 8 février 1962.

Jusqu’à présent, l’État n’a rien fait. Seule la municipalité de Paris, à l’initiative du groupe communiste, a fait apposer une plaque rappelant la mémoire des sept victimes.

« Le PCF n’entend pas oublier. Il s’incline devant les tués et les blessés », souligne Fabien Roussel qui « demande solennellement au président de la république de reconnaître officiellement la responsabilité de l’État dans cette tuerie. » Une nouvelle bataille commence.

   les balles du 14 juillet 1953: 
Un drame s'est déroulé en plein Paris: à la fin d'une manifestation célébrant la révolution Française, sept manifestants sont tués par balles une centaine de blessés et plus de 40 blessés par balles. Daniel Kupferstein, auteur réalisateur, a sorti un documentaire sur cette page sombre de notre histoire:

                https://www.youtube.com/watch?v=EaFPW4YbQQk&feature=youtu.be  

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15 juillet 2023 6 15 /07 /juillet /2023 05:27
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14 juillet 2023 5 14 /07 /juillet /2023 08:49

Le statut de la fonction publique française est le fruit de conquis sociaux obtenus au fil des décennies. On le doit essentiellement à l'action de deux ministres communistes, Maurice Thorez d'une part, qui créa le statut général des fonctionnaires par la loi du 19 octobre 1946, et Anicet le Pors, qui unifia les trois fonctions publiques et dont nous fêtons le 40e anniversaire de la loi. 

Le statut de la fonction publique, étendu et renforcé par la loi du 13 juillet 1983, a permis de garantir aux usager·es la neutralité, l’égalité de traitement, le respect du cadre légal et des missions du service public, contre les influences de la finance et des pouvoirs en place. Il a donné aux fonctionnaires les moyens d’exercer leur citoyenneté et leur indépendance. 

Ce statut fut le résultat de quatre choix essentiels : la notion de fonctionnaire citoyen, héritée de la loi de 1946 ; le système de la carrière couvrant l’ensemble de la vie professionnelle de l’agent ; le respect d’un juste équilibre entre le principe d’unité de la République et celui de libre administration des collectivités territoriales ; la référence à trois principes essentiels ancrés dans notre histoire : l’égalité, l’indépendance, la responsabilité.

Le statut de la fonction publique est constitutif de notre nation et de nos services publics en leur permettant de se dégager des lois du marché.

C’est pourquoi le statut général des fonctionnaires, tout au long des 40 dernières années, n’a cessé d’être attaqué, soit sous forme d’offensives frontales soit par le moyen de transformations souterraines. 

C’est la cas de la réforme engagée par la loi de 2019 contribuant à aligner le public sur le privé, au recrutement massif de contractuel·les et au renforcement du pouvoir discrétionnaire des exécutifs ; ou encore le scandale de l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques, comme l’a révélé le rapport d’Éliane Assassi dans le cadre de la récente commission d’enquête du Sénat.

Le PCF porte le projet de renforcer le statut de la fonction publique pour construire des services publics à la hauteur des défis du XXIe siècle. 

La crise financière de 2008, ou plus récemment la crise du Covid, ont montré à quel point nos services publics sont essentiels pour répondre aux besoins de la population. Et c’est par le service public que nous relèverons les défis du XXIe siècle que sont la réponse aux besoins sociaux et la lutte contre le réchauffement climatique, des défis qui permettraient de créer des millions de postes susceptibles d’entraîner des vocations parmi les jeunes. 

Cette ambition implique d’ouvrir en grand le chantier d’une transformation progressisste de la fonction publique ! C’est ainsi que nous pourrons approfondir la notion d’intérêt général, étendre le secteur public, développer l’efficacité sociale, faciliter la mobilité professionnelle, renforcer les droits et les pouvoirs d’intervention des agents et des usager·es.

Nous sommes à un moment de l’histoire où la promotion des biens communs, la solidarité et la coopération sont une exigence pour un développement pacifique de l’humanité. Dans notre pays, ces différents concepts se condensent en une idée : le service public. 

Ensemble, agissons pour un nouvel âge d’or des services publics !


Parti communiste français,

Paris, le 13 juillet 2023

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13 juillet 2023 4 13 /07 /juillet /2023 17:02
Le symbole du 14 Juillet ne peut être défiguré par la présence de M. Modi - Communiqué du PCF, 12 juillet 2023
Le symbole du 14 Juillet ne peut être défiguré par la présence de M. Modi

Le Premier ministre indien Narendra Modi sera reçu par Emmanuel Macron comme invité d’honneur du 14 Juillet, accompagné d’un détachement militaire et de Rafale indiens.

Cette présence ne saurait se justifier par les relations diplomatiques que la France entend avoir avec l’Inde, pays à l’importance croissante dans l’ordre actuel du monde.

On apprend en effet que cette visite va voir la probable officialisation d’une commande 26 Rafale Marine et, plus largement d’un accord avec l’industrie de défense indienne, via des transferts de technologie. Il n’est pas acceptable que les initiatives diplomatiques de la France soient ainsi soumises aux intérêts capitalistes de l’industrie de l’armement.

Monsieur Modi mène dans son pays une politique de répression violente, sur des bases racistes et ethnicistes, et il entend faire de son gouvernement un laboratoire de l’autoritarisme sur le plan international. Associer un tel personnage aux cérémonies du 14 Juillet, c’est par conséquent faire insulte à la commémoration des valeurs d’émancipation et de respect des droits humains portées par la Révolution française.

Le Parti communiste français émet donc une protestation solennelle contre le choix d’associer Narendra Modi aux cérémonies de notre fête nationale.

Parti communiste français
Paris, le 12 juillet 2023

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12 juillet 2023 3 12 /07 /juillet /2023 15:28

 

 

Malgré un refus argumenté par le Parlement l’année dernière, le Gouvernement décide, à nouveau, de nous soumettre le projet de loi de règlement de l’année 2021.

Le même texte par définition car vous ne pouvez pas modifier le résultat en exécution du budget de notre pays. Faisant fi des 235 votes contre du Sénat et les 68 abstentions exprimées contre l’année dernière. Faisant également fi des 173 voix contre le texte exprimés en lecture définitive engendrant son rejet par l’Assemblée nationale. Bien que la démocratie parlementaire s’y soit montrer défavorable, vous persistez. Il n’est donc pas surprenant que cette proposition ait été rejeté une nouvelle fois à l’Assemblée Nationale en première lecture.

Monsieur le Ministre, comment expliquez-vous le dépôt de votre projet de loi de règlement hors délai, alors même que c’est vous qui aviez décidé d’avancer ce même délai, lors de la révision de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF ? Sur ce point, le projet de loi de règlement pour 2022, seul légitime à nous être soumis, a été déposé dans les temps. Et puisqu’il ne faut pas que le négatif l’emporte toujours sur le positif, j’applaudirais l’effort d’avoir respecté, pour cette fois, notre Constitution.

Ceci dit, nous retrouvons les mêmes caractéristiques qui nous obligent, par constance politique, à réitérer nos qualificatifs : c’est un budget exécuté, appliqué, de façon insincère.

Cette motion de rejet, mes chers collègues, vise à envoyer un signal puissant, nous ne pouvons plus simplement rejeter depuis 4 ans, 5 à l’issue de ce débat les projets de loi de règlements les uns après les autres et faire comme si de rien n’était. Il nous faut un geste fort. Bien que nous fussions opposés à ces projets de loi, nous n’avons jamais déposé de telle motion, même après la crise sanitaire, malgré des dérives budgétaires inédites. Pourtant, alors que la situation sanitaire est revenue à la normale, l’irresponsabilité budgétaire n’a pas cessé pour autant. C’est une question préalable d’anticipation du prochain budget, une question préalable qui exprime un « plus jamais ça » en matière de piétinement de l’autorisation budgétaire, une question préalable d’intérêt général placé sous le sceau de la sincérité et de la transparence. Ce parking politique ne peut plus durer et l’art de l’anti catastase doit cesser.

En effet, les projets de lois de finances pour 2021 et pour 2022 tout comme les projets de loi de finances intervenus en cours d’année agrègent des prévisions manifestement hors de propos avec la réalité en exécution, laissant ouverte la voie de l’insincérité budgétaire doublée d’une insincérité politique. Je le dis et le répète, les finances publiques sont gérées « à la petite semaine » lorsqu’elles réclament une gestion tournée vers l’avenir. Je vais m’attacher à vous le démontrer.

Vous atteignez un déficit public à 151,4 milliards d’euros, 4,7 %, ce niveau est inférieur au 6,5% de l’année précédente soit 19,3 milliards d’euros de moins. Ce montant est quasiment celui déterminé en loi de finances initiale à 8 milliards d’euros près. Des « broutilles » même si c’est le niveau des recettes annuelles que vous prélever sur les seuls travailleuses et travailleurs, par votre contre-réforme des retraites. Et oui, nous n’aurons jamais fini d’en parler.

Le respect apparent de loi de finances initiales cache pourtant une sous-estimation massive des recettes fiscales !

- + 27,5 milliards d’euros par rapport à 2021 ;

- + 35,7 milliards d’euros par rapport au projet de loi de finances initial ;

- + 7,5 milliards d’euros par rapport au dernier collectif budgétaire adopté en décembre, quelques jours avant la fin de l’exercice comptable.

Les rentrées fiscales sont donc extrêmement dynamiques, bien supérieures à ce que vous escomptiez ; Erreur ou tour de passe-passe ? Une forme d’aveuglement face aux profits et autres dividendes ! Voyez par vous-même...

L’exposé des motifs du projet de loi de règlement est extrêmement clair sur les raisons de l’envolée des rentrées fiscales :

- Je cite : « les recettes d’impôt sur le revenu net sont en ressaut de + 6,6 Md€ par rapport à la loi de finances initiale, essentiellement en lien avec le dynamisme de la masse salariale et des dividendes. »

- l’explosion de l’impôt sur les sociétés en augmentation de 45% par rapport à 2019 expliquant que « les recettes d’impôt sur les sociétés net sont supérieures de + 22,1 Md€ par rapport à la prévision initiale, principalement en raison d’une situation des entreprises plus favorable que prévue, notamment en 2021, avec des bénéfices fiscaux meilleurs qu’escomptés ».

Voici la première insincérité politique : la négation de l’augmentation des profits des entreprises pour feindre de ne pas savoir ce qu’est un profit ou un superprofit. C’est un mensonge coupable dont les prévisions budgétaires n’ont été qu’un support. Le Fonds monétaire international a récemment publié des éléments en ce sens qui témoignent que, je cite, « la hausse des bénéfices des entreprises a été le principal moteur de l’inflation en Europe au cours des deux dernières années, les entreprises ayant augmenté leurs prix au-delà de la flambée des coûts de l’énergie importée ».

Je m’adresse à cet instant au Gouvernement et à mes collègues de la droite sénatoriales. Il faut cesser, nous vous le disons depuis le retour de l’inflation sur le sol européen, d’ériger la terrible guerre en Ukraine et la seule folie des marchés de l’énergie fondée sur des règles politiques absurdes, en seuls responsables de l’envolée des prix. Non, nommez les véritables responsabilités, la cupidité de trop d’entreprises qui s’enrichissent sur la guerre, se servent de prétextes relayés ici ou là pour enrayer l’ardente ambition redistributive seule à même de soulager nos finances publiques et de concevoir une politique d’avenir.

Non seulement il a été refusé de mettre les entreprises à contribution mais il nous a fallu les aidés massivement face au prix de l’énergie tout en préservant les marges de celles qui se sont gavées. Le bouclier tarifaire sur l’électricité a représenté une dépense supplémentaire de 18,3 milliards d’euros soit le surplus phénoménal des dépenses budgétaires. La compensation indue aux fournisseurs d’électricité des pertes liées à cette baisse de prix atteste de cette folie dépensière au service du capital. Les aides aux ménages supplémentaires par rapport à 2021 font pâles figurent par rapport à l’arrosage tous azimut d’argent public pour pallier à la folie des marchés, obnubilés par l’accroissement de leur rentabilité.

L’État-providence s’est transformé en 2022 en un État-ambulance des victimes de la marchandisation de la société et un État-complice de la hausse des profits.

Au total, toutes recettes supplémentaires, 43 milliards d’euros, et toutes dépenses supplémentaires, 47,5 milliards d’euros, représentent in fine 59,8% du déficit constaté pour l’année 2022. C’est peu dire que l’argent existe, que des choix politiques alternatifs, à défaut de maitrise budgétaire, auraient pu advenir.

Comme nous vous le disions, nous sommes passés du « quoi qu’il en coûte » au « quoi qu’il advienne » ! Les dépenses publiques ont augmenté de 109,6 milliards d’euros par rapport à l’avant-pandémie, pour quelles utilités sociales ? Pour quels progrès sociaux ? Si ce n’est des rabots ici et là au détriment de l’intérêts des classes moyennes et populaires qui en 2022 on eut le droit à un chèque, « l’aide exceptionnelle de solidarité » pour les plus précaires créant 1,3 millions d’ « oubliés » qui n’ont pu la percevoir. C’est insuffisant et révoltant !

L’insincérité budgétaire et politique se manifeste également par des pratiques d’affichage dont le plan de relance est un des révélateurs. Le plan de relance est supplanté par un plan de communication. La diminution de 7,3 milliards d’euros des crédits est imputable en grande majorité par les aides exceptionnelles à France compétence ou Pôle emploi qui n’avaient rien à voir avec la relance. 3,7 milliards d’euros de cette économie « fictive » a consisté a basculé les aides à l’alternance visant à créer une main d’œuvre gratuite pour les entreprises vers un autre programme budgétaire, tout en faisant coexister les dispositifs d’activités partielles sur plusieurs programmes. Le plan de relance a financé des dépenses qui n’avaient rien à avoir avec la relance, ces faits le confirment.

Mais le plan de relance est aussi le symbole des annonces non suivis d’effets. En 2021, 24,9% et en 2022, 34,1%, des crédits n’ont pas été consommés, je cite la Cour, « en raison de dispositifs au financement plus complexes que prévu ou qui ne trouvent pas leur public » générant 6 Md€ pour chacune de ces deux années des reports de crédits sur les années suivantes. Des dépenses annoncées, qui ne bénéficieront pas aux collectivités territoriales qui ne s’y retrouvent pas dans ce « maquis budgétaire ».

Plus largement, ce sont cette année encore 14,3 milliards d’euros qui ont été reportés, laissant perdurer une « politique de la cagnotte » que nous avons dénoncé à maintes reprises.

Les contre-vérités budgétaires, les manœuvres dilatoires et autres négations de la réalité comptable justifient que notre groupe rejette en bloc, la façon dont le Gouvernement bafoue les droits du Parlement, aggravent la situation des finances publiques et refuse de s’inscrire dans une stratégie de long terme pour les dépenses d’avenir.

Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, cette motion de rejet est un outil que nous mettons à votre disposition pour envoyer un message clair. Le Gouvernement est défaillant dans ses prévisions, sa conception et ses réalisations budgétaires. Cette défaillance s’appuie sur une volonté politique insincère. Votons cette question préalable pour que le prochain projet de loi de finances soit différent. Votons cette question préalable parce que les erreurs d’hier font les déficits de demain, l’endettement d’après demain et l’impossibilité d’investir pour la transition écologique et les services publics maintenant.

 

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8 juillet 2023 6 08 /07 /juillet /2023 15:35

 

 

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8 juillet 2023 6 08 /07 /juillet /2023 08:16

 

Quatre membres du « Conseil de l’Agriculture Française » (CAF) ont tenu hier une conférence de presse commune au siège de la FNSEA. Ils entendaient faire connaître leurs attentes au chef de l’Etat, lequel devait présider aujourd’hui le « Conseil de planification écologique » dans le but de déboucher sur une économie moins émettrice de CO2. Mais on a appris entre temps qu’il n’aurait pas lieu ce mercredi 5 juillet.

Emmanuel Macron devait présider ce mercredi 5 juillet un « Conseil de planification écologique ». Il devait être consacré, en partie, au financement de la transition écologique afin de mettre en place, de manière progressive, une économie moins émettrice de gaz à effet de serre. Mais le chef de l’État aurait décidé, dès lundi, de le reporter à une date ultérieure. En prévision des annonces que le chef de l’État devait faire aujourd’hui, une conférence de presse consacrée au même sujet s’est tenue hier au siège de la FNSEA. Outre Arnaud Rousseau, le nouveau président de FNSEA, ce « Conseil de l’Agriculture Française » (CAF) était aussi représenté par Arnaud Gaillot, président des Jeunes Agriculteurs; Sébastien Windsor, président des Chambres d’Agriculture de France; François Schmitt, éleveur de bovins en Lorraine et vice président de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du Crédit agricole (CNMCCA).

Quand les ventes de produits bios chutent en France

Selon Arnaud Rousseau cette évolution de l’économie agricole « doit être choisie et non subie » par la profession. Dans le but de se faire comprendre, il a cité la conversion à l’agriculture biologique. Dans différentes filières, dont le lait de vache et les fruits et légumes, beaucoup producteurs ont été poussés à passer en bio par les pouvoirs publics ces dernières années, afin de produire de manière plus écologique. Mais la demande en produits bios a reculé depuis deux ans et les prix de marché ont fortement baissé mettant beaucoup de producteurs bios en difficulté.

François Schmitt a indiqué que les assureurs ont versé 75 milliards d’euros d’indemnisation aux filières agricoles entre 1990 et 2020 quand les producteurs étaient assurés contre les aléas climatiques. Mais selon lui, les coûts doubleront dans les 30 prochaines années du fait de la croissance des catastrophes climatiques dont les mois de mai et juin nous ont récemment donné des images inquiétantes avec des orages de grêle, des inondations, mais aussi des sécheresses qui font chuter les rendements agricoles.

Alors que plus de la moitié des paysans ont dépassé les 50 ans, Arnaud Gaillot a souhaité que le dispositif que proposera le chef de l’Etat soit orienté pour favoriser l’installation des jeunes,

lesquels doivent savoir à quelles portes frapper pour connaître les mesures d’accompagnement pour une agriculture moins émettrice de CO2. Sébastien Windsor a souhaité que le chef de l’Etat et le gouvernement ne « tombent pas dans le piège des annonces politiques irréalistes » et a demandé «de la cohérence et de la réciprocité sur le plan normatif» au niveau européen et au-delà.

Le libre-échange ennemi du verdissement

Le Conseil de planification écologique annoncé ce 5 juillet devait dérouler dans une France dont le ministre de l’Agriculture est, depuis un an, officiellement chargé de la «Souveraineté Alimentaire». Mais dernièrement, Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, était en tournée en Amérique du sud pour voir, avec les pays du Mercosur, comment parvenir faire ratifier par les 27 pays membres de l‘Union européenne l’accord de libre-échange signé en juin 2019 entre la Commission et le Mercosur. Ratifier cet accord reviendrait à importer en Europe de nouveaux contingents de viandes bovines et de volailles en plus des 33 millions de tonnes annuelles d’importations de graines et de tourteaux de soja destinées à l’alimentation du bétail dans les pays membres de l’Union européenne. Il devine facilement que le chef de l’Etat ne souhaitait pas abordera un tel sujet aujourd’hui !

On sait aussi que l’Europe à signé l’an dernier un nouvel accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, lequel donne à ce pays un nouveau contingent annuel d’exportation de viande ovine de 38.000 tonnes en plus de celui de 150.000 tonnes dont ce pays bénéficie déjà depuis quatre décennies. Mais la Commission négocie actuellement un autre accord de libre-échange avec l’Australie. Or ce pays demande un nouveau contingent annuel d’exportation de viande ovine de 120.000 tonnes en Europe.

Hier matin, nous avons interrogé les quatre conférenciers sur ces politiques de libre-échange et d’importations massives de viande en France au détriment de la production nationale, du revenu de nos éleveurs et de notre souveraineté alimentaire. Au nom des Jeunes Agriculteurs, Arnaud Gaillot a alors déclaré que son syndicat s’inscrivait contre ces accords. « On ne peut pas faire du vert dans des conditions qui nous font perdre notre souveraineté alimentaire tandis les pays qui exportent chez nous ne respectent pas les normes de production auxquelles nous sommes soumis», a-t-il précisé.

Arnaud Rousseau a indiqué que cette politique conduite par la Commission « n’est pas admissible quand un pays comme le notre importe déjà 50% de volailles qu’il consomme et 55% de la viande ovine ». Mais il a fallu que nous posions ces questions pour que les effets pervers des accords de libre-échange soient évoqués lors de cette conférence de presse alors qu’ils ont la double particularité de faire croître les émissions de CO2 et de réduire notre souveraineté alimentaire en même temps

 

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7 juillet 2023 5 07 /07 /juillet /2023 08:26

 

 

Un tableau complet de ce qu’est devenu Engie au fil des restructurations financières de ces dernières années, et un plaidoyer pour un autre rôle de l’État au sein de ce groupe industriel et financier.

La renationalisation totale d’Engie est une revendication populaire depuis sa privatisation partielle et sa mise en concurrence du début des années 2000. Elle fait partie du programme des communistes, comme du Plan progressiste de l’énergie de la CGT, premier syndicat du personnel des industries électriques et gazières.

Engie et EDF sont les deux héritières directes du service public de l’énergie fondé au sortir de la Seconde Guerre mondiale, et leur maîtrise sociale est un fondement non-négociable de la reconstruction de ce service. Dans un précédent numéro d’Économie et Politique, nous avons d’ailleurs mis en lumière les limites qu’il y aurait à se cantonner à ce modèle historique, lui-même fruit d’un certain nombre de compromis, pour construire notre vision planificatrice de l’énergie[1]. Nous voulons désormais démontrer qu’il nous faut aussi approfondir notre analyse et notre vision des entreprises historiques, et notamment Engie, dont les mutations internes ont été profondes depuis son passage du statut d’Établissement à caractère public et commercial (EPIC) à société anonyme en 2004. Cette réflexion est la condition de la crédibilité et de la popularité de nos propositions concernant une industrie des plus stratégique.

Vers une socialisation d’Engie

En 2008, les assemblées générales respectives actent la fusion de Gaz de France (GDF), entreprise publique historique, et Suez, acteur industriel de la scène franco-belge. De cette fusion naît l’entité que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’Engie, souvent qualifié d’ex-GDF. Cette dénomination, utile outil de communication, n’en cache pas moins une transformation profonde de l’entreprise. Gaz De France et ce qu’il en reste a profondément changé de nature. L’acquisition des activités de Suez, le triage de ces dernières, l’insertion dans de nouveaux marchés industriel ou géographique, et la libéralisation de l’énergie, n’en sont que les phénomènes les plus importants. Dans un projet de service public de l’énergie clair, il nous faut analyser l’entité Engie et comprendre ce qu’elle est devenue, pour comprendre ce que nous pouvons et devons en faire au sein du nouveau service public de l’énergie du XXIe siècle. Nous présenterons le poids actuel de l’activité historique de Gaz de France, la plus rentable de l’entreprise mais qui n’en constitue aujourd’hui qu’une partie. Comme les autres énergéticiens français, l’empreinte d’Engie est dorénavant mondiale, et la gestion d’actifs comme l’emploi industriel à l’étranger ne peut rester hors du débat de planification et de l’internationalisme nécessaire à la transition énergétique. L’entreprise se promeut aujourd’hui par une politique assumée du renouvelable pour devenir une grande entreprise du segment. Ceci étant, in fine, la condition de la transformation et de la survie de la multinationale. L’analyse de ces éléments doit nous permettre de répondre de manière autant économique que politique aux perspectives d’une renationalisation à caractère social de l’entité Engie.

Une entreprise de l’énergie intégrée

Engie s’est récemment restructurée autour de quatre Global Business Units (GBU) qui définissent les quatre segments de prédilection pour le développement du groupe. Les GBU sont les infrastructures, qui comportent les réseaux de transport et de distribution de gaz et d’électricité en France et dans le monde ; le renouvelable, qui recouvre la production électrique éolienne et solaire ; la production thermique qui englobe les centrales à flamme qui produisent de l’électricité à partir de la chaleur dégagé par combustion, et qui comprend donc les centrale au gaz, au fioul, et au charbon ; et les solutions énergétiques, qui regroupent les réseaux locaux de chaud et de froid et Tractebel, bijoux du conseil en ingénierie. Ces quatre unités sont complétées par la production nucléaire belge, héritage historique de la fusion GDF-Suez, ainsi que d’autres activités diffuses. Cette reconfiguration est apparue en même temps que la vente de Suez/Equans, comprenant les activités de service technique du groupe, activités intensives en main d’œuvre mais peu rentables. Engie opère donc au sein d’une grande partie du secteur de l’énergie, de la production, au transport, à la fourniture en passant par le service et l’ingénierie, ce qui en fait une entreprise intégrée.

Une présence internationale impulsée par l’État, confirmée par le marché

Engie, à l’instar des autres monopoles énergétiques nationaux de part et d’autre de l’Europe, n’a eu qu’une réaction possible après l’ouverture de leur propre marché, aller en conquérir d’autres.Pour illustrer l’évolution de l’empreinte géographique d’Engie, nous avons mis en perspective historique le chiffre d’affaires (CA) de l’entreprise depuis 1999 en utilisant Gaz de France pour la période pré-fusion. Cette approche expose deux tendances très intéressantes. D’une part, l’internationalisation des activités de Gaz de France s’est faite avant la fusion de 2008, la part du CA international augmentant à marche forcée jusqu’à atteindre plus de 40 % de la totalité. D’autre part, la fusion a permis un bond important et une stabilisation autour de 65 % pour l’international. Cette internationalisation n’était donc pas juste le fait d’une impulsion privée de la gestion d’entreprise mais une condition de la survie sous la libéralisation des marchés sous la propriété totale de l’État. Cela constitue une leçon à retenir quant aux enjeux de l’entreprise publique de demain, et du débat qui doit devenir central concernant la forme modernisée de l’EPIC, au-delà du secteur de l’énergie. Quoi qu’il en soit, cette histoire définit l’activité géographique d’Engie encore aujourd’hui.

 

 

Engie s’est récemment donné l’objectif de sortir d’un certain nombre de pays pour mener vers une concentration de son activité dans moins de 30 pays. Cette réduction de son empreinte géographique ne doit pas nous amener à penser qu’Engie poursuit un recentrage français. C’est plutôt une multipolarité autour d’un certain nombre de pays qui est en train de se constituer, avec une jambe franco-européenne et une jambe sud-américaine comme cela deviendra évident dans la suite de notre analyse.

Ce qui reste de Gaz de France, l’infrastructure et la plus-value

Nous nous penchons dans un premier temps sur ce qui peut être considéré comme les activités historiques de Gaz de France au sein de l’entreprise contemporaine. Cela correspond aux filiales françaises de transport (GRTgaz), de distribution (GRDF), de stockage (Storengy) et de regazéification (Elengy), qui recouvrent à peu près l’ensemble des activités d’infrastructures de l’entreprise en France. À elles seules, ces activités représentent plus d’un tiers de l’EBITDA (le bénéfice brut) total de l’entreprise, alors qu’elles représentent à peine 10 % de l’activité. Cela en fait de loin la plus grosse contribution au profit de l’entreprise, même en comparant à des GBU sans limite géographique. Cette plus-value peut seulement exister grâce aux plus de 17 000 salariés français de l’infrastructure gazière qui mènent pourtant des luttes très rudes pour obtenir des augmentations de salaires et l’amélioration de leurs conditions de travail.[2]

 

 

 

Une part importante de ce bénéfice est redistribuée en investissements de croissance sur d’autres unités, comme le renouvelable. Ces choix de croissance peuvent constituer une nécessité objective, mais ils doivent être motivés par les besoins sociaux définis collectivement et non soumis à la régulation du taux de profit. Notamment car ces transferts de segment à segment impliquent de facto des conséquences sur la planification globale de la transition énergétique, bien au-delà du gaz.

Les réseaux doivent être socialisés en tant qu’actif stratégique et garant de la souveraineté, ce n’est pas pour rien que même les directives européennes se sont abstenues de les soumettre à la concurrence. C’est d’autant plus le cas que le réseau français est géré par deux acteurs distincts, le développement de ce type d’infrastructure doit pourtant suivre une logique de développement industriel globale et prête à s’adapter aux nouveaux enjeux. Ainsi, le réseau du quart sud-ouest français est opéré de manière distincte du reste du pays pour des raisons historiques liées au gisement de gaz de Lacq. Il est aujourd’hui opéré par Teréga, une entreprise détenue par la gazière italienne, SNAM, et par le fonds souverain de Singapour, GIC. Cette fracture industrielle et de gestion doit être colmatée, la reprise en main d’Engie devra se faire avec celle de Teréga.

Les réseaux d’Engie en Amérique du Sud

Nous avons fait mention d’une jambe sud-américaine d’Engie. Celle-ci est notamment composée d’actifs de type infrastructures. L’entreprise française possède presque 3 000 kilomètres de lignes de transport d’électricité au Brésil. Cependant, c’est surtout dans le gaz qu’Engie s’impose, notamment avec l’acquisition en 2019 de TAG qui lui a donné le contrôle de presque 50 % de toutes les infrastructures de transport de gaz de ce pays de plus de 200 millions d’habitants. Ce type de contrôle stratégique du secteur énergétique s’étend au-delà de son bastion brésilien, avec la propriété d’un terminal de regazéification au Chili, des réseaux locaux de distributions de gaz en France et en Argentine, des lignes de transport d’électricité au Pérou, etc. Cette présence, articulée avec l’empreinte d’Engie dans les renouvelables et le thermique en Amérique du Sud, font de l’entreprise une actrice centrale du développement énergétique du continent. Notre proposition de maîtrise publique et sociale doit s’articuler avec une vision internationaliste de la planification énergétique, en coopération avec les peuples souverains d’Amérique du Sud. Au contraire d’un délaissement ou d’un rejet des actifs internationaux de l’entreprise, leur gestion et leur développement doit être le fruit d’une coopération de premier rang et effective, car articulée autour de moyens de productions concrets. La question du transfert de la propriété doit aussi rester ouverte.

Un développement fort des renouvelables

Le premier secteur de croissance potentielle d’Engie est celui des renouvelables. L’entreprise a 34 GW de production électrique renouvelable installée dans le monde dont une part importante en France. Pour comparaison, la France avait à ce moment-là un parc de production d’énergie renouvelable, toutes filières confondues, de moins de 60 GW. La stratégie actuelle de l’entreprise repose sur le développement à marche forcée de ce segment, avec 4 à 6 GW mis en service par an d’ici 2030, notamment dans les Amériques. La stratégie publique actuelle du développement des renouvelables est composée d’appels d’offres, de mise en concurrence, et de subventions généreuses au secteur censé aider les acteurs privés à se développer. Pour remplacer la course à la subvention publique la plus offrante, la question de la planification des renouvelables doit se poser. Celle-ci pourrait partir de l’entreprise, en réponse à une vraie coopération des peuples et l’évaluation des besoins prioritaires qui en découlerait. Il va de soi qu’Engie détient une certaine expertise dans le secteur des renouvelables, dont l’hydroélectricité et que celle-ci doit être mise au service des peuples et non du taux de profit.

Un désinvestissement inquiétant dans le thermique

La troisième unité industrielle d’Engie concerne la production d’électricité thermique et la fourniture d’énergie, dans laquelle Engie reste implanté de manière significative avec 60 GW installés. En effet, Engie est en partie ou en totalité propriétaire de 66 centrales thermiques d’une capacité de plus de 400 MW dans plus de 20 pays dans le monde. Par exemple, l’entreprise détient une centrale au gaz naturel au Pakistan ou encore 3 centrales au gaz naturel ou au fioul au Pérou pour une capacité totale de plus de 2 GW. Nous pouvons développer les mêmes arguments que pour le renouvelable dans cette section, tout en appuyant sur le fait que les centrales à gaz sont une des clés pour compenser l’intermittence des énergies renouvelables. De plus, dans de nombreux pays du Sud, les centrales au gaz sont un premier pas efficace dans la nécessaire transition d’une dépendance au charbon ou au fioul, bien plus polluants. Malheureusement, Engie n’investit pas dans ce secteur qui lui sert de coussin financier et d’actif sûr qui permet « d’équilibrer l’exposition financière du groupe ». Le thermique n’est pas réellement considéré comme une option de développement, la preuve en étant que ses dépenses d’investissement (Capex) de croissance y étaient négatives en 2021. C’est encore une fois le critère financier qui vient effacer les besoins d’une transition énergétique, la planification sociale et énergétique se fait désirer.

Cette unité industrielle « thermique » est aussi responsable de la coordination des activités hydrogène du groupe. Les acteurs français font de premiers pas importants dans ce domaine, comme par exemple la coopération entre Engie et TotalEnergies pour le projet d’électrolyseur de la Mède[3]. Ces avancées sont cependant bien en-deçà des besoins. Il constitue donc une évidence que l’hydrogène, un type de gaz qui permet entre autres de stocker de l’électricité, soit autant sous maîtrise publique que ces énergies.

Les solutions énergétiques au service des collectivités et des entreprises

La dernière unité, les solutions énergétiques, regroupent les métiers concernés après la vente des services multi-techniques d’Equans. Son but est notamment d’accélérer l’implantation de l’entreprise dans les infrastructures d’énergies décentralisées et des services d’efficacité énergétique. Cela fait notamment référence aux réseaux de chaud et de froid, au solaire décentralisé (détenu par des particuliers ou entreprises), à la mobilité bas carbone, ou encore au pilotage d’installations. Ces activités ont d’abord comme clients les villes et les entreprises, Engie assurera par exemple la gestion et l’expansion notable du réseau de froid de la Ville de Paris pour les 20 prochaines années. Comme toute industrie de réseau, local ou global, ses nouveaux secteurs en développement (réseau de froid et de chaud, réseau de mobilité bas-carbone…) ne peuvent être efficacement développés que sous une impulsion de politique publique globale et ambitieuse. Une politique au sein de laquelle l’objectif social doit pouvoir autant contrôler la demande et que l’offre, opérer sans contraintes lié au coût du capital, et profiter des économies d’échelle et du partage technologique. Autant de facteurs qui expliquent le développement long et inégal de la transition énergétique. Sur ce dernier point, rappelons qu’Engie opère au sein de son unité des services énergétiques, les activités de Tractebel, une société d’ingénierie reconnue mondialement, dont l’importance dans la recherche et le développement ne doit pas être sous-estimée.

De l’État actionnaire à l’entreprise sociale de demain

Le premier actionnaire d’Engie, et cela depuis la fusion, reste l’État, et de loin, avec plus de 23 %. Vient après Capital Group Companies, une financière américaine, et la CDC, l’institution financière publique française, toutes deux avec 4 %. Elles sont suivies de Blackrock avec 3,5 %. Théoriquement, l’État garde donc la main sur les grandes décisions du groupe en assemblée générale ainsi que la nomination des administrateurs. Il est possible que cela ait des effets sur la gestion de la compagnie, avec comme exemple le choix de ne pas distribuer de dividendes en 2020 en guise de prudence vis-à-vis du Covid-19. Cependant, cette présence d’un État actionnaire et qui se comporte comme tel ne change pas fondamentalement les critères de gestion de l’entreprise, régie au final par le taux de profit. C’est pour cela qu’il faut envisager les critères précis d’une vraie nationalisation sociale de l’entreprise.

Une démarche qui protégerait les salariés en renforçant et en étendant le statut de salarié des industries électrique et gazières, tout en associant les salariés aux choix opérationnels à chaque niveau de l’entreprise comme il en fut d’antan pour Gaz de France. Au niveau central, c’est à l’État planificateur, informé et contrôlé par les représentants des salariés et des usagers, de décider de l’orientation stratégique de l’entreprise. Ce mouvement doit s’articuler en coordination avec les dizaines de milliers de travailleurs et les peuples concernés au-delà nos frontières. Une telle approche pourra démontrer que la planification, quand elle s’articule à partir des moyens de production, et sous l’impulsion des premiers concernés, c’est-à-dire la classe travailleuse dans son ensemble, qu’elle soit productrice ou usagère, peut avoir des effets directs et considérables sur la transition énergétique. Un chemin à rebours des grands discours et promesses creuses des conférences internationales.


[1] Voir A. Desbordes et K. Guillas-Cavan, « TotalEnergies, la pièce manquante de la planification énergétique », Économie et Politique, 2022, n° 816-817, dont cet article peut être considéré comme le second volet.

[2] Voir « GRDF. Fin d’une grève de 6 semaines, après un accord entre la direction et la CGT », Ouest France, 20/12/2022. https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/grdf/grdf-fin-d-une-greve-de-6-semaines-apres-un-accord-entre-la-direction-et-la-cgt-e7433abe-8099-11ed-9952-2b90a03a1be7

[3] Voir « Hydrogène vert : TotalEnergies et Engie voient les choses en grand pour le site de la Mède », BFM Business, 10/03/2023 https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/hydrogene-vert-total-energies-et-engie-voient-les-choses-en-grand-pour-le-site-de-la-mede_AD-202303100538.html

 

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