Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 décembre 2019 3 18 /12 /décembre /2019 12:12
Le même, le boucher de Hama, qui avait collé un procès en diffamation à Ian Brossat.
Habillé pour l'hiver le frère d'Hafez et l'oncle de Bachar!!! Dans une démocratie, la justice peut rattraper les chefs de guerre corrompus...
C'est heureux.
Justice De la prison requise contre Rifaat Al Assad pour "biens mal acquis"
Mercredi, 18 Décembre, 2019

Quatre ans d’emprisonnement et 10 millions d’euros d’amende. C’est la peine requise, le 16 décembre à Paris, par le Parquet national financier (PNF) contre Rifaat Al Assad, oncle du dictateur syrien Bachar Al Assad.

Quatre ans d’emprisonnement et 10 millions d’euros d’amende. C’est la peine requise, le 16 décembre à Paris, par le Parquet national financier (PNF) contre Rifaat Al Assad, oncle du dictateur syrien Bachar Al Assad. À la tête d’un empire immobilier en Europe, l’homme est un ancien ponte du régime syrien, persona non grata à Damas depuis 1984 et un coup d’État manqué contre son propre frère (le père de l’actuel dictateur). En France, le PNF l’accuse d’avoir frauduleusement bâti une fortune immobilière, à hauteur de 90 millions d’euros. Un joli trésor qui compte deux hôtels particuliers, une quarantaine d’appartements des beaux quartiers parisiens, un château et plusieurs haras dans le Val-d’Oise. Le PNF a réclamé la confiscation de l’intégralité de ces biens. Le magot proviendrait, selon les magistrats, de fonds syriens détournés et détenus par des sociétés luxembourgeoises gérées par les proches du prévenu. Cy. C.

Justice De la prison requise contre Rifaat Al Assad pour biens mal acquis  - Articles L'Humanité et Médiapart
Rifaat al-Assad, l’ex-protégé de Paris, comparaît, mais pas pour ses crimes de guerre
14 décembre 2019 Par Jean-pierre Perrin - MEDIAPART

Longtemps chouchouté par les services français et François Mitterrand, l’oncle de Bachar al-Assad comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour des faits de blanchiment aggravé. Dans l’ombre du procès, les grands massacres qui lui sont imputés en Syrie et ses relations avec la classe politique qui lui ont permis de devenir l’un des plus grands propriétaires fonciers de Paris.

est un jeu de Monopoly à l’échelle de l’Europe, avec un terrain de jeu qui s’étend de Paris à Londres, via Marbella, Gibraltar et Luxembourg. Sauf que les titres de propriété sont bien réels et que le joueur figure parmi les pires criminels de guerre de la planète. Mais la partie semble bel et bien finie : depuis ce lundi 9 décembre, Rifaat al-Assad, frère de Hafez al-Assad, oncle de Bachar et ancien vice-président de la Syrie, comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour blanchiment en bande organisée, dans le cadre du dossier des « biens mal acquis », mais aussi pour travail dissimulé. Un dossier qui demeure néanmoins symbolique puisque les crimes de guerre qui lui sont imputés ne figurent pas à l’ordre du jour.

Le procès de Rifaat al-Assad, qui s’est déclaré « résident britannique », doit durer deux semaines. Il se déroulera en l’absence du prévenu, âgé de 82 ans, qui a invoqué des « raisons de santé ».

La plainte initiale, avec constitution de partie civile, a été déposée le 31 janvier 2014 par deux associations anticorruption, Sherpa et Transparency International France. Elles ont amené le parquet de Paris à ouvrir une enquête préliminaire sur les conditions d’acquisition de ce patrimoine, puis, après une instruction conduite par le juge Renaud Van Ruymbeke, à une inculpation pour corruption passive, sollicitation ou acceptation d’avantages par un agent public d’un État étranger ou d’une organisation internationale publique et blanchiment du produit d’un crime ou d’un délit, fait commis en bande organisée.

En principe, tout l’empire immobilier de Rifaat al-Assad sur le territoire français a été saisi par la justice depuis un arrêt du 27 mars 2017 de la cour d’appel – les justices espagnole et britannique ont fait de même. Mais à Bessancourt, dans le Val-d’Oise, les écuries du haras Saint-Jacques, que le Syrien possède depuis 1984 et qui fut longtemps son quartier général, sont encore habitées par ses proches. « Vous pouvez y aller. On ne vous tirera pas dessus. Ce n’est plus comme avant ! Faites attention quand même aux pitbulls », avait conseillé le propriétaire d’un centre équestre voisin lors d’une précédente visite. 

Le domaine lui-même s’étend sur 45 hectares. Il comprend un grand château, caché derrière de hautes futaies, des dépendances, des pâturages, un héliport et une immense piscine couverte en marbre, construite en dépit de l’opposition de la municipalité, qui n’en voulait pas en raison du sol schisteux. Depuis cette propriété, on a une vue plongeante sur la base de Taverny, qui fut longtemps le centre de commandement des forces aériennes stratégiques françaises, ce qui indique que le puissant seigneur des lieux avait toute la confiance de l’état-major.

Aujourd’hui la piscine est vide, il n’y a plus de chevaux et les anciennes écuries, en piteux état, ont été transformées en maisonnettes pour le personnel syrien, soit une petite vingtaine de familles, que Rifaat nourrit, loge et paye en liquide dans la plus totale opacité, sans qu’aucune administration ni aucune banque ne s’en soit jamais étonnée.

Dans un coin du parc rouillent trois Cadillac. Mais le château demeure en parfait état, avec un ameublement somptueux – dans un mauvais goût très affirmé –, et la grille en fer forgé s’ouvre encore de temps à autre pour laisser passer une voiture. Mais ce ne sont plus les Ferrari et Porsche d’antan, quand le domaine était flamboyant et que les gardes armés terrorisaient les promeneurs sur le chemin communal longeant le château et lâchaient leurs chiens sur eux à l’occasion.

Fin novembre 1984, bien que banni de Syrie, Rifaat va profiter de la visite de François Mitterrand dans ce pays pour regagner brièvement Damas, sachant que ses relations avec les services français lui valent protection. Dans son pays, il compte toujours des partisans, notamment à Lattaquié et dans la montagne alaouite, où on lui sait gré d’avoir maté les islamistes. Fort de cet appui, il exploitera chaque occasion pour essayer de prendre le pouvoir, prétendant succéder à son frère lors du décès de ce dernier en 2000, au détriment de Bachar al-Assad, et en 2013, se présentant comme un recours dans le conflit syrien, il aura des entretiens sans lendemain à Genève avec des officiels russes.

En même temps, pendant toutes ses années d’exil, Rifaat al-Assad se comporte en France comme en terrain conquis. « Quoi qu’il fasse en voiture, il ne payait aucune amende. Les services se chargeaient de régler les problèmes. D’ailleurs, chez lui, il y avait toujours table ouverte pour eux, confie un journaliste libanais à Paris qui avait un bon copain dans son entourage. Un matin, alors qu’il rentrait d’une folle soirée, vers huit heures et demie du matin, dans son hôtel particulier, il est tombé sur un homme de ménage. Se croyant menacé, il a sorti son flingue et a failli le descendre. »

Au milieu des années 1990, l’un de ses fils, âgé de 16 ans, sort éméché du VIP Room, une boîte des Champs-Élysées et, au volant d’une des Ferrari de son père, percute un jeune en scooter. La victime demeurera handicapée. L’affaire sera soigneusement étouffée. Aucune plainte déposée. Une explication possible à tant de complaisance est que, grâce à ses relations étroites avec les dirigeants saoudiens, il a pu servi d’agent d’influence dans les ventes d’armes au royaume.

Et puis Rifaat ratisse large. Il n’a rien d’un idéologue et ne rêve pas, comme son frère Assad, de restaurer la grandeur arabe. Il a des amitiés avec la dynastie marocaine. Et il n’a pas exclu, s’il prenait le pouvoir, que la Syrie noue des relations diplomatiques avec Israël. Pendant un temps, son chef de la sécurité a été un juif hongrois et, pour la petite histoire, le mari d’une animatrice vedette de la télévision française.

À Bessancourt, il s’est longtemps comporté comme un seigneur, l’ancien maire, un socialiste, lui cédant sur tout, tant il était fasciné par « le bourreau de Hama ». Il faut dire que celui-ci « arrosait » beaucoup la commune. Tout va changer en 2001 avec l’élection d’un nouveau magistrat, Jean-Christophe Poulet, un écologiste qui a aussitôt mis fin en 2001 à des pratiques qui avaient notamment permis la construction du gymnase, « financé par une valise d’argent liquide en 1996 et validé par la préfecture », le financement du centre social – pour compenser le fait que les petits Syriens du domaine sont accueillis dans les écoles de la commune – et d’aider diverses associations locales.

Puis il a engagé la lutte avec l’hôte du haras Saint-Jacques, transformant la sente communale qui sépare les logements délabrés du personnel en voie départementale pour mieux interdire aux gardes d’y circuler armés et de tirer le sanglier à l’arme automatique. Des batailles certes picrocholines, que le maire a largement remportées, bien que le Syrien les ait livrées avec l’appui des « services » français. « À trois reprises, j’ai eu en mairie la visite d’un officier, pas commode, qui me demandait : “Comment se fait-il que cela se passe mal avec les Syriens ? Il y a un intérêt d’État, il faut donc que cela se passe bien” », a-t-il raconté, lors d’une précédente visite à Bessancourt (il n’a pas souhaité nous reparler), précisant que l’officier ne voulait pas que son nom apparaisse sur l’agenda municipal.

Reste le problème du personnel, la vingtaine de familles qui semblent livrées à elles-mêmes dans le haras, où elles habitent sans droit ni titre, travaillent sans fiches de paie, avec des rémunérations sans doute aléatoires, et vivent dans des conditions déplorables, « avec des problèmes de sécurité sanitaire pour les enfants asthmatiques ». Cette situation, qui ne date pas d’hier, n’empêchait pas, il y a encore deux ans, le propriétaire des lieux de demander une extension du château.

Mais le haras Saint-Jacques n’est qu’une infirme portion de l’empire immobilier de l’ancien vice-président syrien. À Paris, il possède un hôtel particulier de sept étages, au 38 avenue Foch, un autre au 13 avenue de Lamballe, un appartement dans cette même artère, une dizaine d’appartements, certains panoramiques, au 100 avenue Kennedy à Paris, une dizaine d’autres au 79 quai André-Citroën et un terrain de 788 m2 non bâti, rue Jasmin. Il faut y ajouter des maisons et appartements à Taverny et près de 7 500 m2 de bureaux à la cité internationale de Lyon.

La plupart de ces biens sont détenus au nom de sociétés anonymes étrangères domiciliées à Luxembourg, plus une société française (SCI du 25 rue Jasmin) pour « gérer » la friche du XVIe arrondissement, dont la valeur est estimée à près de 3,6 millions euros, ou au nom de certaines de ses femmes et de plusieurs de ses 16 enfants. Ce qui permet à Rifaat al-Assad, souligne une source proche du dossier, « de n’apparaître dans aucun fichier administratif, de ne jamais remplir de déclarations fiscales (il est cependant assujetti à l’ISF), de n’avoir pas de compte bancaire à son nom ». Même son domicile véritable reste hypothétique : est-ce à Paris, à Marbella ou à Londres – où il bénéficie d’un splendide appartement au 50 South Street Mayfair ? Quant à sa nationalité, elle est double : il est syrien et citoyen de la République de… Grenade.

Si l’on regarde les comptes certifiés de ses sociétés basées au Luxembourg, on est abasourdi. Pour la Manitouling Holding SA, l’exercice 2010 – il n’y en a pas de plus récent – s’est traduit par un bénéfice net de plus de 165 millions d’euros !

Mais le patrimoine immobilier en France de Rifaat al-Assad n’est rien à côté de celui qu’il a acquis en Espagne à partir de 1988. Car la justice française a convaincu les juges espagnols d’enquêter aussi sur le Syrien et ses proches, dont l’origine des biens dans ce pays remonte là encore aux 300 millions de dollars fournis par Hafez al-Assad en 1984. Renaud Van Ruymbeke s’est donc rendu à Madrid pour fournir des informations à ses collègues espagnols, lesquels ont à leur tour lancé une vaste enquête et saisi, en avril 2017, 503 propriétés, dont l’une, la Marquina, s’étale sur plus de 3 300 hectares et est estimée à 60 millions d’euros. Toutes sont situées dans un périmètre relativement limité, entre Marbella et Puerto Banus, un port de luxe où la plupart des millionnaires espagnols ont leur yacht. Ils ont bloqué aussi de nombreux comptes.

De nouvelles enquêtes devraient suivre dans d’autres pays, ce qui place le Syrien en situation d’homme traqué. Reste le volet des innombrables crimes de guerre qu’il a commis dans son pays. Il y a bien depuis 2013 une procédure en ce sens en Suisse, en vertu du principe de compétence universelle, à l’initiative de Trial International, qui a fourni aux juges helvétiques un dossier volumineux. Mais la procédure est aujourd’hui enlisée. Aussi, les avocats de l’ONG et des plaignants dénoncent-ils « de graves manquements dans la procédure tels que l’annulation d’audiences, le refus d’interpeller et d’entendre le prévenu […], voire une volonté d’enterrer l’affaire »

 
C’est Abdallah ben Abdelaziz ben Saoud, l’un des 53 fils d’Ibn Séoud et lui-même futur roi d’Arabie saoudite, qui a cédé il y a bien longtemps le haras Saint-Jacques à Rifaat al-Assad. Des relations se sont nouées entre les deux familles : l’une des quatre femmes de l’ancien dirigeant syrien est la sœur d’une des épouses du souverain wahhabite.

À cette époque, la fortune de Rifaat est déjà phénoménale. Surtout si l’on songe qu’il est issu d’une famille alaouite pauvre et nombreuse de Qardaha, au cœur du pays alaouite. Au début de sa carrière, il n’était d’ailleurs, selon une autre source, que sous-lieutenant ou simple caporal des services de sécurité syriens au poste-frontière (avec la Turquie) de Bab al-Hawa. Car, à la différence de son frère Hafez, il n’a pas fait de véritables études militaires. Pour améliorer l’ordinaire, la solde étant médiocre, il profite de quelques prébendes, pratique fréquente chez les fonctionnaires syriens. Un haut responsable des douanes a raconté comment il empochait des petits billets de cinq livres pour faciliter le passage des véhicules.

Mais le coup de force perpétré le 22 février 1970 par Hafez al-Assad propulse le sous-lieutenant – ou le caporal – dans les plus hautes sphères. Le voilà promu colonel. À partir de 1971, il dirige les Saraya Al-Difaa an al-Thawara, les Brigades de défense de la révolution (l’Unité 569, de son vrai nom). Elles devaient être la garde prétorienne du régime. Elles deviennent vite une armée privée qui obéit au seul Rifaat. Elles sont surnommées les « panthères roses », à cause des treillis couleur pourpre que portent les miliciens. Selon Michel Kilo, un opposant « historique » au régime syrien, aujourd’hui réfugié à Paris, l’Arabie saoudite les finance et elles comptent 50 000 hommes, avec des blindés et de l’artillerie. Hafez al-Assad laisse faire. Il voit alors en son petit frère l’exécuteur de ses basses œuvres. Et il le sait prêt à tout.

En juin 1980, il préside les représailles contre les islamistes après que son frère a failli être tué par un membre de la garde présidentielle, probablement un islamiste. Le 26 juin 1980, une tuerie à la prison de Tadmor (Palmyre) fait entre 600 et 1 000 morts, selon les chiffres de l’ONG Human Rights Watch. Tous des Frères musulmans ou apparentés. Il y aura dix survivants, des détenus communistes qui ont été épargnés, dont huit sont aujourd’hui encore en vie – c’est grâce à leurs témoignages que l’on saura l’ampleur du carnage. Cette tuerie de masse va faire connaître le colonel Rifaat al-Assad à travers toute la Syrie. C’est par elle, il y a déjà plus de 30 ans, que la guerre civile, celle qui continue de disloquer la Syrie, a commencé.

Le 4 septembre 1981, en pleine guerre du Liban, survient l’assassinat de l’ambassadeur de France à Beyrouth Louis Delamare, à quelques centaines de mètres d’un barrage syrien. Dès le lendemain, l’ambassade sait que les tueurs venaient de Damas et un informateur a même donné leurs noms au premier secrétaire. « Impossible, eu égard à sa position au sein du régime, qu’il n’ait pas eu connaissance de l’assassinat », souligne un diplomate français ayant servi en Syrie. Cela n’empêche pas Rifaat al-Assad de se promener en France où, toujours sur la foi d’une dépêche diplomatique, en date du 17 août 1981, qui annonce l’octroi d’un nouveau visa diplomatique, il devait se trouver peu avant ou au moment même de l’attentat.

En février 1982, ce sont encore les Brigades de défense, avec d’autres forces d’élite, qui répriment un soulèvement islamiste dans la grande ville de Hama. Les affrontements qui s’ensuivront et la répression dureront plus d’un mois. Ce ne sont pas les islamistes qui en pâtiront – beaucoup ont pu s’enfuir – mais la population – environ 400 000 habitants –, tenue pour responsable de l’insurrection. Même s’il le nie aujourd’hui, Rifaat al-Assad dirige la répression. Le bilan sera terrifiant : entre 20 000 et 25 000 morts. Cette mise à mort d’une ville va littéralement imprimer la conscience de la Syrie jusqu’à aujourd’hui.  

300 millions de dollars pour développer son empire immobilier

Est-ce le bruit des grenades lancées à Tadmor ? Son audition est altérée et une note confidentielle du Quai d’Orsay en date du 25 juillet 1980, soit un mois après le massacre de Tadmor, nous apprend qu’il va se rendre à Bordeaux pour consulter un spécialiste de l’ouïe. « Il s’est fait accompagner par une trentaine de gardes armés », écrit le diplomate dans sa dépêche, à ce point stupéfait qu’il a souligné la phrase. Le document ajoute qu’un accord a été trouvé avec la douane française pour que son escorte puisse « entrer avec ses “matériels”, désignés sous l’étiquette “équipements sportifs” », mais que « la présence de ses gardes armés faisait l’objet d’une protestation de l’Union syndicale de la police nationale ».

La même note indique que Rifaat al-Assad possède déjà à Paris « un appartement avenue Foch et une villa en banlieue ». Si l’on ajoute les propriétés acquises à Damas et Lattaquié, l’ancien sous-fifre des services syriens sur la frontière syro-turque a déjà acquis un joli patrimoine immobilier depuis que son frère a pris le pouvoir. Dans d’autres notes confidentielles, on peut lire qu’il ne se déplace jamais en France sans être accompagné d’au moins 25 personnes, des membres de sa famille et leurs gardes du corps, toutes bénéficiant de passeports diplomatiques.

Mais, à partir de 1983, les relations entre les deux frères Assad se détériorent. Ayant rallié à sa cause une partie de l’establishment militaire alaouite, Rifaat cherche à se saisir du pouvoir en profitant de l’hospitalisation de son frère. La lutte fratricide menace de dégénérer en guerre ouverte. Les Saraya al-Difaa encerclent Damas, commencent à prendre des bâtiments publics et à désarmer l’armée régulière. Mais la plupart des hauts gradés alaouites qui sont à la tête des services de sécurité craignent l’arrivée au pouvoir du putschiste et s’y opposent. Hafez al-Assad ayant quitté l’hôpital, l’affrontement n’aura pas lieu. Rifaat capitule. Une explication aura lieu à Moscou, à l’invitation des dirigeants soviétiques. Rifaat est obligé de demeurer plusieurs mois dans la capitale russe, où son protecteur, Gaïdar Aliev, un des chefs du KGB, membre depuis 1982 du Politburo, ne pourra empêcher sa disgrâce à Damas. Il ne sera pas jugé mais ne peut plus y revenir.

Commence un long exil. Hafez al-Assad, pour sauver les apparences et calmer les partisans de son frère, le nomme… vice-président (il le sera du 11 mars 1984 au 8 février 1988) et lui donne une fortune. Selon l’ancien ministre syrien des affaires étrangères Abdel-Halim Khaddam, aujourd’hui en exil en France, le dictateur va puiser dans les caisses de l’État quelque 200 millions de dollars, à quoi s’ajoutent 100 autres millions provenant d’un emprunt à la Libye. Les 200 premiers millions proviennent des frais alloués par le budget national à la présidence de la République. Ce que confirmeront plus tard les enquêteurs français qui, en vérifiant les statistiques syriennes, ont constaté que les frais présidentiels, habituellement de l’ordre de 50 millions de dollars annuels, ont plus que quadruplé pour atteindre 214 millions en 1984, l’année où Rifaat a quitté le pays.

C’est avec ces 300 millions de dollars qu’il va développer son empire immobilier, d’abord en France, où il obtient de s’établir avec plusieurs dizaines de ses partisans après un séjour à Genève, Marbella, Londres… Il possède déjà de nombreux comptes dans divers paradis fiscaux car, en sa qualité de chef des Brigades de défense, il a racketté tant et plus, touché d’innombrables prébendes, organisé la contrebande en provenance du Liban, en particulier de voitures et de matériaux de construction, et le trafic des antiquités. En Syrie, il a mis la main sur le secteur des travaux publics. Khaddam estime qu’il a empoché ainsi 300 autres millions de dollars.

C’est en France qu’il installe sa famille de quatre femmes et seize enfants. Il établit son quartier général au 38 avenue Foch, à Paris, un immeuble de 4 000 m2, qui aura plus tard une discothèque sur le toit et une piscine en sous-sol, et depuis lequel il se livre à des activités politiques très anecdotiques visant, en théorie, à renverser son frère.

Bientôt, le président François Mitterrand va décerner à celui que l’on surnomme en Syrie « le boucher de Tadmor » ou « le bourreau de Hama » le titre de grand officier de la Légion d’honneur pour « services rendus à la Nation ». Nous sommes le 28 février 1986, soit moins de deux années après son départ en exil. Il bénéficie aussi de la protection permanente de la DST, avec, à ses côtés, une femme officier. Un diplomate, qui fut en poste en Syrie, raconte avoir croisé cette femme officier traitant à l’aéroport de Damas, peu avant Noël, où elle lui confiera être venue « remettre aux petits enfants de Rifaat des nounours et autres jouets de sa part ». Un simple factotum ? Sans doute pas puisqu’elle occupera ensuite des postes sensibles : la sécurité de l’ambassadeur d’Israël, celle de Jean-Pierre Raffarin quand il sera premier ministre… Rifaat n’est pas seulement protégé, il est chouchouté par Paris.

Un juge du Luxembourg, interrogé sur les agissements pour le moins troubles du Syrien dans le Grand-Duché, aura cette réponse d’une confondante franchise : « Comment nous serions-nous méfiés ? Il était en permanence accompagné d’un officier des services français. »

C’est François de Grossouvre, l’éminence grise de François Mitterrand, qui est venu voir Rifaat al-Assad dans sa résidence genevoise pour l’inviter à s’installer en France. Le même lui permettra d’y prospérer et d’y bâtir tout un réseau de connivences. Il a même décoré en personne Rifaat de la Légion d’honneur lors d’une cérémonie au château de Rambouillet. Il l’invitera aussi régulièrement aux chasses présidentielles. Il semble convaincu que Rifaat a un destin présidentiel et qu’il faut le garder bien au chaud en attendant qu’il remplace son frère. Erreur catastrophique qui correspond au goût de Mitterrand et de son « duc de Guise » pour les officines douteuses, les « cabinets noirs ».

Tous les services français ont eu Rifaat à la bonne. Au début des années 1980, la DGSE est dirigée par un polytechnicien, Pierre Marion, peu familier du monde du renseignement. Le terroriste d’alors s’appelle Abou Nidal, un Palestinien qui travaille pour le plus offrant. À cette époque, c’est Damas son employeur. Marion est convaincu que Rifaat peut sinon l’éliminer, du moins le « désactiver » du théâtre français, où son groupe, le Fatah-Conseil révolutionnaire, a perpétré l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic (4 morts, 30 blessés), le 3 octobre 1980, puis celui de la rue des Rosiers (6 morts, 22 blessés), le 9 août 1982. Par l’entremise de Grossouvre, le chef de la DGSE va rencontrer peu après le Syrien.

L’entretien se déroule au haras Saint-Jacques. Plus tard, le patron de la DGSE racontera sa rencontre avec « le bourreau de Tadmor » dans une interview au Nouvel Observateur : « Rifaat el-Assad venait à cette époque souvent en France pour se faire soigner, à Bordeaux. Il m’a demandé de venir sans gardes du corps et sans armes. Je suis donc arrivé -bas seul avec mon chauffeur. Après avoir traversé une haie de gardes du corps armés de mitraillettes, je me suis retrouvé face à face avec celui qu’on croyait être un chef d’orchestre du terrorisme proche-oriental. Après cinq heures de conversation, nous avons sympathisé. Il voulait même m’offrir des chevaux arabes. Après une seconde rencontre, une semaine plus tard, il m’a donné sa parole qu’Abou Nidal n’agirait plus sur le territoire français. Il a tenu parole. »

Sauf qu’Abou Nidal va bientôt changer d’employeur, délaisser Damas pour Tripoli, puis Bagdad, servir Mouammar Kadhafi et Saddam Hussein. Et s’il épargne en France le dirigeant palestinien Issam Sartaoui, qui milite pour la paix avec Israël et qu’il a condamné à mort, c’est pour mieux le faire tuer moins de deux ans plus tard au Portugal.

« Les services se chargeaient de régler les problèmes »

Visiblement, Rifaat al-Assad n’a pas respecté ses engagements. À l’été 1983, c’est au tour de deux autres chefs de la DGSE, l’amiral Lacoste – qui a remplacé Pierre Marion – et Alain Chouet, le chef du bureau des opérations antiterroristes dans le monde arabe, de retourner voir Rifaat al-Assad avec une mission analogue, cette fois à Genève, dans sa résidence de vacances. « Nous lui avons fait savoir que, malgré des déclarations fantaisistes, nous savions qu’il était le donneur d’ordre des attentats frappant la France sur son sol et au Liban », écrit Chouet dans son livre Au cœur des services spéciaux (éditions La Découverte).

Il y raconte la rencontre avec celui qu’il appelle « le grand Mamamouchi des services spéciaux syriens » : « Nous nous sommes compris. On a installé une sorte de téléphone rouge entre les services qui a parfaitement fonctionné. […] En tout cas, les attentats syriens contre nos intérêts se sont immédiatement arrêtés en France, ainsi qu’au Liban et le dialogue a été rétabli. » À lire entre les lignes Marion et Chouet, on découvre que le titre de grand officier de la Légion d’honneur a été décerné à un patron du terrorisme. Mais il a rendu tellement de services ! Dans leurs perquisitions, les enquêteurs ont d’ailleurs trouvé des lettres de la DGSE, de Charles Pasqua, de Jacques Chirac…

Justice De la prison requise contre Rifaat Al Assad pour biens mal acquis  - Articles L'Humanité et Médiapart
Partager cet article
Repost0
18 décembre 2019 3 18 /12 /décembre /2019 06:02

 

La mobilisation de ce 17 décembre contre le projet de réforme Macron a dépassé celle du 5 décembre dernier et atteint un niveau historique, exceptionnel. Les salariés qui ont fait le choix de manifester, malgré les entreprises de division conduites par le Premier ministre et son gouvernement, sont toujours plus nombreux: personnels de la santé, de l'éducation nationale, pompiers, salariés des transports, des ports, énergéticiens, de la chimie, du commerce, de la fonction publique, étudiants.... la liste est longue et dépasse largement celle des régimes spéciaux !!

 

 

A l'évidence, après sa présentation par le Premier ministre, les Français-e-s ont parfaitement compris les conséquences d'un tel projet de retraites à points : moins de pensions, un nouveau recul de l'âge de départ à la retraite,... et toujours plus de sacrifices pour le monde du travail dans son ensemble. Ils et elles ont perçu que la retraite selon E. Macron et E. Philippe, c'était d'abord un formidable marché pour le monde de la finance et de l'assurance (320 milliards d'euros), si cher à l'ex Haut-Commissaire aux retraites.

Le Premier ministre n'a pas d'autre choix que de retirer son projet et d'ouvrir des véritables négociations avec les organisations syndicales et un débat politique dans tout le pays, sous peine d'aggraver la crise qui traverse notre pays juste avant les fêtes de fin d'années.


Le PCF, pour sa part, entend poursuivre et amplifier la mobilisation partout dans le pays, pour continuer à mettre à jour les effets néfastes de la réforme Macron et pour montrer qu'une bonne réforme de notre système de retraites solidaire est possible et nécessaire, sans allonger le temps de travail des salariés.


C'est le sens de la proposition des communistes adressés au Premier Ministre et aux forces syndicales ( accessible sur le site Pcf.fr ):

Faire cotiser les revenus financiers des entreprises au même niveaux que les salariés (31 Mds), assurer une stricte égalité salariales Femmes-hommes (Près de 9 Mds), augmenter le SMIC de 20 % (3 Mds) permettrait de corriger les insuffisances du système actuel et d'offrir de nouveaux droits à tous les salariés : partir à 60 ans avec une pension calculée sur les 10 meilleures années (et les 6 derniers mois pour les enseignants), garantir à chacun qu'aucune pension ne soit inférieure à un SMIC,...

Partout dans le pays, les communistes vont amplifier leurs efforts pour mettre ces propositions dans le débat public avec nos concitoyen-ne-s. Ils seront également aux côtés de tous les salariés en lutte, dans les formes qu'ils décident démocratiquement.


Ils prendront aussi toutes les initiatives pour travailler avec les autres forces de gauche et écologiste sur des propositions communes, en lien avec les organisations syndicales, pour montrer que d'autres choix, porteurs de progrès, sont possible.

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2019 2 17 /12 /décembre /2019 15:18
Commune de Saint Thégonnec - Le Télégramme a titré dimanche « La dentiste ne s’installera pas en début d’année » - Il faut s'engager dans une autre voie pour mettre en place des services publics de santé (Roger HERE)

Le Télégramme a titré dimanche « La dentiste ne s’installera pas en début d’année »

 

Une fois les travaux faits par la commune pour l’installation d’un cabinet dentaire, la dentiste décide finalement de ne pas venir car elle en veut davantage (six mois de loyer gratuits et la prise en charge par la collectivité de frais d’acquisition de matériels).

 

Hélas ! Ce n’est pas la première fois qu’une municipalité se retrouve « gros Jean comme devant » après avoir fait des travaux pour accueillir un praticien, lequel se montre finalement un peu plus gourmand que prévu ; le-dit praticien misant sans doute sur l’absence de solutions de repli à court terme de la part de la commune pour tenter de  l’obliger à satisfaire ses exigences financières.

 

Nous voyons là l’un des aspects de la logique libérale dans laquelle se trouve placé notre système de santé. Car, depuis plus d’un siècle, notre médecine de ville s’exerce quasi exclusivement de façon libérale.

 

Force est de constater que ce modèle est aujourd’hui insuffisant, et qu’il faut désormais explorer d’autres solutions et ressources qui permettront d’enrichir et d’optimiser l’organisation des soins de ville.

 

Parallèlement, constatons que des changements notables se sont opérés chez les jeunes praticiens. En effet beaucoup d’entre eux ne voient plus leurs fonctions comme celles de leurs aînés, notamment le caractère sacerdotal de la fonction de médecin de famille aux horaires interminables. Ils souhaitent une autre façon de travailler.

 

Par ailleurs, nombreux sont les études et rapports qui alertent sur les difficultés d’accès à un professionnel de santé, qu’il soit médecin généraliste, spécialiste ou chirurgien-dentiste. Ces difficultés ne sont pas seulement géographiques, elles sont aussi économiques.

 

C’est précisément pour répondre à ces questions que les communistes pensent qu’il est nécessaire de s’engager dans une autre voie, pour mettre en place des services publics de médecine de ville sous la forme de centres de santé pluridisciplinaires, avec une organisation administrative commune, où les praticiens salariés, trouvent la réponse aux aspirations grandissantes de plus jeunes, en même temps que ces structures pérennes garantissent l’accès aux soins des populations y compris dans les territoires en difficulté.

 

Au-delà de la réponse aux besoins en termes de soins ces centres représentent pour ces territoires des éléments économiquement très structurants.

 

Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité dispensant des soins de premiers recours, en complémentarité avec l’hôpital public. Ils élaborent aussi des projets de santé et mettent en place des actions d’éducation thérapeutique du patient, ainsi que des actions  de prévention et de santé publique. Par ailleurs ils constituent aussi des lieux de stage pour les professionnels de santé.

 

D’autre part, en appliquant les tarifs conventionnés de l’assurance maladie et en pratiquant le tiers-payant, ils participent aussi à la réduction des inégalités dans le domaine sanitaire.

 

 Déjà de nombreux élus (communes, Communauté de communes ou d’agglomération) confrontés à ce scénario ont fait le choix d’être les chefs d’orchestre d’une politique de santé volontariste sur leur territoire. Ils se sont lancés dans la création de centres de santé, structures qui répondent en de multiples points à la nécessaire nouvelle organisation de l’offre de soins, offrant un ensemble de services publics de santé de premier recours, en complémentarité avec l’hôpital public.

 

La période des élections municipales qui s’est ouverte est l’occasion pour les militants communistes de poursuivre leur action dans cette direction.

 

Depuis un certain temps nous voyons fleurir des appels d’offre à praticiens, faits par les communes, sur les bords des voies de circulation, et lancées parfois comme autant de bouteilles à la mer. Au lieu d’actions au coup par coup et commune par commune, le temps est venu d’organiser collectivement et sérieusement le maillage de la médecine de ville, en secteur public, dans nos territoires.

 

En ce qui concerne le Pays de Morlaix les communistes pensent que cette question doit être posée en grand et constituer l’un des axes de direction des futures directions municipales et des communautés d’agglomération ou de communes.

 

Il faut s’engager dans la construction de réponses durables aux besoins des patients. C’est l’intérêt de la population dans son ensemble, mais aussi du territoire lui-même.

 

Roger HERE

 

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2019 7 15 /12 /décembre /2019 07:29
Commerce de la mort, une industrie florissante - La France au 4ème rang - L'Humanité, Gaël de Santis, 10 décembre 2019
Défense. Le commerce de mort, une industrie florissante
Mardi, 10 Décembre, 2019 - L'Humanité

Les 100 plus grosses entreprises d’armement ont vu leur chiffre d’affaires progresser de 4,6 % en 2018. La France s’accapare 5,5 % des parts de marché.

 

Cocorico ! C’est dans un bien triste classement que la France se hisse au quatrième rang des nations : celui des ventes d’armes. Le Sipri (Stockholm International Peace Research Institute) vient de rendre son rapport annuel sur les 100 premières entreprises productrices d’armement en 2018 (1). Il apparaît que la France détient 5,5 % des parts de marché (23,2 milliards de dollars, soit 21 milliards d’euros), un chiffre en hausse de 2,4 % par rapport à l’année précédente.

Sur les 100 principaux négociants d’armes dans le monde, on compte six firmes françaises : Thalès (pour 9,5 milliards de dollars) ; Safran (3,2 milliards) ; Naval Group (2,2 milliards) ; Dassault Aviation (2,9 milliards) ; CEA (2,3 milliards) et Nexter (1,1 milliard).

Sur ce terrain, la France se situe derrière le Royaume-Uni (8,4 %) et la Russie (8,6 %). Les États-Unis, eux, se placent en première position : ses entreprises voient leur chiffre d’affaires grimper de 7,2 % en 2018 grâce à la politique de l’administration Trump. Ils s’arrogent, eux, 59 % de ces parts de marché, soit 246 milliards d’euros. En 2015, l’ONU estimait que 267 milliards de dollars annuels suffiraient à éradiquer la faim dans le monde d’ici 2030.

Le rapport montre que le marché de l’armement est en pleine expansion : il a augmenté de 4,6 % en 2018, avec un chiffre d’affaires de 420 milliards de dollars pour les seules 100 plus grosses entreprises du secteur. Cela représente plus ou moins le PIB de l’Autriche en 2017, le 27e pays le plus riche au monde.

Les entreprises d’aviation tirent leur épingle du jeu. Lockheed Martin, qui produit les F-35 américains, voit son activité armement progresser de 5,2 % ; Boeing de 5,7 %. Bien qu’avionneur civil, 29 % des ressources de cette entreprise américaine proviennent de son activité militaire. Le groupe transeuropéen Airbus a un chiffre d’affaires en matière d’armes qui grimpe de 9 % et le français Dassault, fabriquant de Rafale, augmente ses ventes d’armes de 30 %.

Les entreprises russes profitent d’une hausse des dépenses militaires domestiques. Elles bénéficient également du succès des systèmes de défense antiaériens S-400, déployés ces dernières années en Syrie ou en Turquie.

On relève par ailleurs dans ce rapport que l’augmentation des dépenses militaires d’Ankara bénéficie à son complexe militaro-industriel. Deux entreprises turques qui intègrent le top 100 mondial ont vu leur chiffre d’affaires bondir de 22 % sur l’année dernière.

(1) L’étude exclut les entreprises chinoises.
Gaël De Santis
Partager cet article
Repost0
14 décembre 2019 6 14 /12 /décembre /2019 06:57

 

Dans la présentation de la réforme, le premier ministre a volontairement omis de citer le parti et le syndicat, mentionnés dans son discours à propos du CNR…

La formule est connue des journalistes, en particulier de ceux qui décryptent les annonces du pouvoir exécutif. « Seul le prononcé fait foi. » Dans la version écrite du discours d’Édouard Philippe, mercredi au Cese, transmise par les services de Matignon peu après la fin de son intervention, cette phrase figure en bonne place, pour rappeler que les éventuelles libertés prises avec le texte initial par le premier ministre sont celles que l’histoire devra retenir. Alors justement, comparons. Qu’a donc effacé Édouard Philippe de ses 24 pages de discours, à part la demi-douzaine de fautes d’orthographe que contient ce document ? Oh, trois fois rien. Ou plutôt deux fois trois lettres : « PCF » et « CGT ». Un hasard sans doute. Le résultat d’une langue qui fourche ou de lunettes mal ajustées…Si le chef du gouvernement a bien prononcé les mots « Conseil national de la Résistance », une fois, au début de son allocution (page 2), pour assurer que sa réforme était « fidèle à l’esprit » du pacte « imaginé et mis en œuvre, après guerre, pour créer le système de retraite actuel », il a laissé tomber du camion la deuxième occurrence faisant référence au CNR, et au rôle joué dans celui-ci par le Parti communiste et la CGT. Relevant seulement que « les ordonnances Parodi », du nom du ministre du Travail du premier gouvernement de Gaulle, prévoyaient déjà, en 1945, « l’universalité pour assurer la solidarité ». Alexandre Parodi, haut fonctionnaire et compagnon de la Libération, plutôt que son successeur Ambroise Croizat, ex-secrétaire de la fédération des métallurgistes CGT… D’une certaine façon, le premier ministre a fait son choix, quand les historiens, eux, ont depuis longtemps reconnu le rôle décisif de l’un et de l’autre dans la mise en place d’un État providence à la française. « Nous ne voulons pas confier le soin de nos anciens à l’argent roi », a aussi osé Édouard Philippe. Il aurait peut-être été judicieux, alors, de ne pas déverser des milliards d’euros de cadeaux fiscaux sur les plus riches dans l’espoir d’un hypothétique ruissellement…

Alexandre Fache

Partager cet article
Repost0
14 décembre 2019 6 14 /12 /décembre /2019 06:56

 

FSU.  En plein débat sur les retraites, la FSU tient un congrès. Mise en cause du cœur de métier enseignant, fin du paritarisme dans la fonction publique : les chantiers ne manquent pas pour Benoît Teste, nouveau secrétaire général du syndicat.


 

Benoît Teste Secrétaire général de la FSU

Le congrès de la FSU (Fédération syndicale unitaire), premier syndicat de la fonction publique avec 160 000 adhérents, s’achève aujourd’hui à Clermont-Ferrand avec l’élection d’un nouveau secrétaire général.

Seul candidat annoncé, Benoît Teste, 41 ans, professeur d’histoire-géographie en Seine-Saint-Denis, devrait succéder à Bernadette Groison, qui occupait la fonction depuis 2010.

L’occasion de faire avec lui un tour d’horizon des enjeux à venir.

 

Faut-il s’attendre à une forte mobilisation mardi prochain contre la réforme des retraites ?

Benoît Teste Oui. Nous n’avons pas été entendus du tout. Il y a un problème de prise en compte de l’état réel de la profession. Nous avons besoin de signaux à court terme, sur nos rémunérations comme sur les retraites. De ce point de vue, les annonces de mercredi sont une catastrophe : on est encore plus dans le flou. Si cette réforme est bonne, pourquoi reculer l’âge de son entrée en vigueur, et au passage, en faire porter le poids sur les jeunes ? La seule certitude, c’est le recul de l’âge de départ en retraite et, très rapidement, une baisse des pensions.

Les syndicats semblent cette fois unanimes…

Benoît Teste C’est une très bonne nouvelle. Plus nous serons nombreux, mieux ce sera, même si tous les syndicats ne demandent pas le retrait de la réforme. Pour nous, l’âge pivot n’est pas une « ligne rouge » : il est consubstantiel à un système qui ne vous donnerait des droits qu’en fonction de ce que vous avez cotisé. Donc si, parce que vous vivez plus longtemps, vous êtes plus longtemps à la retraite, il faut réduire le niveau de pension. C’est le contraire d’un système solidaire, qui donne la garantie des droits acquis.

 

La loi sera au Parlement dès février mais pour les enseignants, Jean-Michel Blanquer annonce des discussions jusqu’à l’été 2020. Est-ce cohérent ?

Benoît Teste C’est cohérent avec l’intention du gouvernement, qui est de délayer ces questions sur le long terme. Il dit aux enseignants : acceptez la réforme, et on verra après pour vos salaires. Non, ça ne marche pas comme ça ! S’il doit y avoir des contreparties, cela doit être dit avant. Mais une réforme qui a besoin de contreparties pour être acceptable, déjà, ça ne va pas.

 

Le ministre a dit qu’une revalorisation passerait « surtout par des primes ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Benoît Teste C’est dans la continuité de la loi sur le statut de la fonction publique : il s’agirait de distinguer les « bons » et les « moins bons », pour mieux rémunérer les « bons ». Ce n’est pas du bon sens, c’est de la démagogie. C’est mettre les personnels en concurrence, ceux qui n’ont pas la prime jalousant ceux qui l’ont… ça ne peut pas fonctionner, ce n’est pas efficace. On détruit le cadre de la fonction publique qui concentre les salariés sur leur travail, leurs missions, et non sur le fait de s’agiter en tous sens pour plaire au manager qui distribue les primes. Cette logique met les personnels en difficulté. Notre collègue Christine Renon ne disait pas autre chose dans la lettre qu’elle a laissée avant de se suicider : les injonctions permanentes, la perte de sens d’un métier dans lequel on a mis toute sa vie… Son geste nous dit qu’il faut arrêter de mettre en danger les personnels sous prétexte qu’ils fassent leurs preuves – sous-entendu : sinon, ils ne font rien.

 

 

Le nouveau statut de la fonction publique met fin, dès le 1er janvier, aux instances paritaires. Avec quelles conséquences ?

Benoît Teste C’est une perte de droits et de garanties pour les salariés. L’action de la hiérarchie sur les carrières échappera au contrôle par les élus du personnel dans les commissions paritaires. Il sera beaucoup plus difficile de vérifier qu’il n’y ait pas de passe-droits, de clientélisme. Il nous faudra être plus forts sur le terrain, au plus près des collègues. D’ailleurs, contrairement aux espérances du gouvernement, ceux-ci sont plus nombreux à se tourner vers nous. Ils savent que nous avons l’expérience pour défendre leurs droits.

Entretien réalisé par Olivier Chartrain

 

Partager cet article
Repost0
14 décembre 2019 6 14 /12 /décembre /2019 06:48
[ASSEMBLÉE NATIONALE]

Résolution Maillard: Intervention de Jean-Paul LECOQ, député communiste

Jean-Paul LECOQ, député PCF de Seine-Maritime, est intervenu le 3 décembre dernier lors du vote sur la résolution Maillard: "Ce soir, la majorité a fait voter une résolution visant à créer l’amalgame entre l’antisionisme qui est une opinion politique, et l’antisémitisme, qui est un délit. J’ai fermement critiqué cette limitation de la liberté de pensée. Je suis contre toutes les formes de discriminations et de racisme, mais aussi contre la colonisation illégale de la Palestine, et pour boycotter les productions des entreprises implantées dans ces colonies."
Engagés pour l’amitié entre les peuples et la Paix, les députés communistes se sont donc logiquement opposés à cette résolution. [VIDEO]

Partager cet article
Repost0
13 décembre 2019 5 13 /12 /décembre /2019 08:08

 

Le décalage de la réforme aux générations à partir de 1975 et les quelques « garanties » accordées sur les droits familiaux, la valeur du point ou la pénibilité sont illusoires. Paradoxalement, Édouard Philippe et Emmanuel Macron apparaissent fragilisés après ces concessions, à la suite du lâchage de la CFDT et de l’Unsa.

Édouard Philippe a peaufiné la mise en scène et choisi soigneusement ses mots. Quand il a pris la parole, mercredi midi, devant le Conseil économique, social, et environnemental (Cese), peut-être a-t-il pensé à son ancien mentor, Alain Juppé, dont la morgue avait pesé lourdement dans sa défaite de 1995. Mais c’est à d’autres figures que le premier ministre a choisi de se référer en dévoilant les arbitrages pour sa réforme des retraites : Mendès France, Rocard, Pompidou, de Gaulle… Loin des mots de son prédécesseur, il a invoqué le Conseil national de la Résistance pour détailler une réforme en réalité fidèle au rapport de Jean-Paul Delevoye. Bien que fragilisé par les révélations de ses liens avec le monde de l’assurance, le haut-commissaire aux retraites a remporté les arbitrages essentiels : instauration d’un âge pivot, suppression de la référence à la durée de cotisation, refus de la « clause du grand-père »… Ceux qui prétendaient que les manifestants rejetaient une réforme sans connaître son contenu sont démentis par les faits. La généralisation du compte en points qui supprime les repères collectifs du salaire de référence et du taux de remplacement, le calcul de la retraite sur l’intégralité de la carrière à la place des 25 meilleures années, la suppression des régimes spéciaux, les mesures de « retour à l’équilibre » budgétaire… Tout cela fondait l’opposition, renouvelée mercredi, des syndicats CGT, FO, CFE-CGC, FSU. S’y ajoute désormais celle de la CFDT et de l’Unsa, favorables au principe d’un régime à points mais pour lesquels une « ligne rouge » a été franchie avec l’instauration de l’âge pivot et les modalités de l’équilibre comptable. Au final, Édouard Philippe et Emmanuel Macron apparaissent paradoxalement plus isolés après les concessions lâchées sur l’application progressive de la réforme – elle concernera les générations à partir de 1975 – et les quelques « garanties » nouvelles accordées – droits familiaux, valeur du point, pénibilité… –, dont beaucoup sont illusoires. Décryptage en dix points de ces prétendues « nouveautés ».

 

1. « On ne change rien pour ceux qui sont à moins de 17 ans de leur retraite »

Le coup de décaler l’entrée en vigueur de la réforme à des générations plus jeunes part de loin : le principe était déjà à la base de l’idée de la « clause du grand-père » évoquée un temps par Emmanuel Macron, et qui consistait à appliquer la réforme aux seuls nouveaux entrants sur le marché du travail. Finalement, c’est une formule intermédiaire qui a été choisie, mais qui a l’avantage d’atomiser un peu plus les salariés, désormais divisés en trois catégories de générations : ceux nés avant 1975 continueront à cotiser dans le système actuel, ceux nés entre 1975 et 2003 passeront au régime universel en 2025, et ceux nés à compter de 2004 (les « nouveaux entrants ») cotiseront au régime universel dès sa création en 2022. Le but est le même : il s’agit de « briser la solidarité entre générations », selon Henri Sterdyniak, membre des Économistes atterrés, en faisant croire aux plus anciens qu’ils n’auraient pas de raison de s’inquiéter. Mais c’est un leurre. Car, en réalité, personne ne sera épargné. L’instauration d’un « âge d’équilibre » dès 2022 au-delà de l’âge légal de la retraite à 62 ans concerne tous les cotisants, dans ou hors du régime universel : à partir de cette date, les « partenaires sociaux » seront chargés de définir un « système de bonus-malus » sur les pensions, applicable autour d’un « âge d’équilibre » des comptes de retraite glissant progressivement vers l’objectif des 64 ans en 2027. C’était l’une des options du rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) du 21 novembre pour faire des économies. Concrètement, cela signifie que les assurés verront dès 2022 leur pension réduite s’ils partent à 62 ans, et que ce malus grossira avec le temps, à mesure que le nouvel « âge d’équilibre » s’éloignera des 62 ans.

 

2.  « La loi donnera des garanties incontestables sur la valeur du point »

C’est la grosse arnaque répétée sur toutes les ondes : mercredi, Édouard Philippe a promis le vote d’une « règle d’or » dans la loi « pour que la valeur des points acquis ne puisse pas baisser ». Sauf que cette promesse n’engage à rien sur le montant final des retraites, car celui-ci ne dépend pas de la « valeur des points acquis » durant la carrière, mais du taux de rendement du point, qui est une autre valeur. La différence est subtile, et c’est sur la confusion que joue le gouvernement. En effet, les points s’achètent avec des cotisations : par exemple, 10 euros pour un point. C’est la valeur d’achat. La « valeur des points acquis », ce n’est rien d’autre que la valeur des cotisations acquittées durant toute la carrière pour acheter des points. Le gouvernement promet qu’elle augmentera à terme au même rythme que les salaires, en même temps que la « valeur d’achat » du point.

Mais une fois à la retraite, ce n’est pas cette valeur qui permet de calculer la pension, mais une valeur différente, la « valeur de service » du point : par exemple, chaque point me permet de toucher 0,55 euro de pension annuelle. Si la « valeur d’achat » augmente plus vite que la « valeur de service » du point – comme c’est déjà le cas pour les retraites complémentaires Agirc-Arrco –, cela veut dire que je ne pourrai pas acheter plus de points – car ils coûtent plus cher – mais que proportionnellement chacun me rapportera moins de retraite : autrement dit, le rendement du point baisse. Or « aucune garantie n’a été donnée sur le taux de rendement (les 5,5 % à 64 ans, évoqué par le rapport Delevoye). Toutes les manipulations seront donc possibles, d’autant que les premières pensions versées selon ces règles ne le seront qu’en 2027 », avertit l’économiste Henri Sterdyniak.

 

3. 1 000 euros, « une révolution sociale qui restera comme une conquête »

Annonce qui n’en est pas vraiment une, le premier ministre a promis que « toute personne partant à la retraite au taux plein pourra toucher cette pension minimale » garantie à 1 000 euros et « 85 % du Smic dans la durée ». Il ne s’agit pas ici du minimum vieillesse, versé à toute personne âgée sans ressources, et sans condition de périodes cotisées, qui sera autour de 900 euros en janvier prochain, mais du « minimum contributif », c’est-à-dire de la retraite plancher acquise au bout d’une vie de cotisation complète – 42 ans dans un premier temps – qui serait mis en place dès 2021 . « Toutes les personnes n’atteignant pas l’âge pivot ou ayant une carrière incomplète auront beaucoup moins », rappelle aussi Attac.

« Faut-il rappeler que cette retraite plancher est déjà de 967 euros, et qu’elle devrait normalement être à 1 023 euros selon la loi de 2003 qui devrait être appliquée depuis 2008 ? Que c’est la majorité actuelle qui a refusé qu’elle s’applique dès 2019 aux agriculteurs ? Que la garantie de 85 % du Smic ne s’applique qu’au moment du départ et non tout au long de la retraite ? » questionne Henri Sterdyniak. Cette « révolution sociale », si elle est enfin tenue, ne ferait qu’appliquer une loi votée il y a près de vingt ans.

De plus, à mesure que le montant des pensions sera écrasé – notamment avec le calcul sur toute la durée de la carrière et pour tenir dans la limite fixée à 14 % du PIB –, le nombre de personnes qui toucheront cette retraite minimum ne fera qu’augmenter.

 

4. « Les femmes sont les grandes gagnantes du système universel »

Selon Édouard Philippe, son projet de réforme des retraites construit un « système plus juste pour les femmes ». Mais pour la chercheuse Christiane Marty, dont les travaux sur les retraites font référence, la réalité est bien différente. Globalement, « la logique d’un régime par points vise à ce que la pension reflète au plus près la somme des cotisations de la vie active », rappelle-t-elle. La carrière de nombreuses femmes étant incomplète et heurtée, elle n’est donc pas une base favorable à ce type de calcul. La chercheuse rappelle, en outre, que la réforme de 1993, qui avait fait passer, dans le secteur privé, la base de calcul des pensions des dix aux vingt-cinq meilleures années, « a eu comme conséquence de faire baisser les pensions à la liquidation, et plus fortement encore celles des femmes ». En matière de droits familiaux, le premier ministre fait valoir qu’il est désormais prévu une majoration de la pension de 5 % dès le premier enfant. Un système vendu comme plus favorable, alors que l’actuel ne prévoit une majoration de 10 % des pensions qu’à partir du troisième enfant. Sauf que le nouveau dispositif en balaie un autre, « totalement occulté » dans les discours gouvernementaux, celui des majorations de durée d’assurance. Attribuées pour chaque enfant, elles représentent dans le régime général jusqu’à huit trimestres pour les mères – et seulement deux trimestres dans la fonction publique. La majoration de 5 % envisagée par le gouvernement est une mesure moins favorable que le cumul des deux, qu’elle est censée remplacer.

 

5.  « Les plus riches paieront une cotisation de solidarité plus élevée »

C’est ce qu’a assuré Édouard Philippe, en présentant cela comme un progrès social, « un effort des plus riches ». « Jusqu’à 120 000 euros de revenus annuels, tout le monde cotisera au même taux, pour s’ouvrir des droits dans la limite de ce montant. » Au-delà, les salariés les plus aisés paieront une cotisation « qui financera, non pas des droits supplémentaires pour eux, mais des mesures de solidarité pour tout le monde ». Non seulement cette mesure est en réalité une régression, mais en plus elle promet d’ouvrir bien large la porte aux fonds de pension.

Aujourd’hui, jusqu’à 27 000 euros par mois, un salarié cotise à 28 % pour le régime de retraite, dont 2,8 % pour la solidarité. Avec la réforme, le salarié aisé ne cotisera plus au-dessus de 10 000 euros par mois, excepté ces 2,8 %. « Tous les salariés payent ces 2,8 % de solidarité, c’est un taux unique… Dire que c’est une contribution des plus hauts revenus est faux ! Surtout tant que cela ne s’applique pas aux revenus du capital », pointe Henri Sterdyniak.

Et pour compenser la perte de ce droit à la retraite, ceux qui gagnent plus de 10 000 euros mensuels n’auront d’autres solutions que de souscrire à des fonds de pension privés… « Pourtant, les cadres eux-mêmes avaient demandé le relèvement du plafond de l’Agirc-Arrco pour cotiser plus pour leur régime de retraite », déplore l’Économiste atterré.

 

6. « Nous engagerons les revalorisations nécessaires pour maintenir le niveau des pensions des enseignants »

Le premier ministre ne s’est pas étendu sur les détails de ces « revalorisations ». Mais son ministre de l’Éducation nationale est plus explicite. Jean-Michel Blanquer l’a dit dès le 6 décembre : pour compenser l’effondrement des pensions, « il y aura une part d’augmentation de salaire et une part d’augmentation des primes ». Si le gouvernement veut passer par des primes pour ce rattrapage, c’est qu’il pourrait en faire un levier au service d’une transformation profonde du métier.

Ces primes sont essentiellement de trois types aujourd’hui. D’abord, une indemnité de suivi et d’orientation des élèves (Isoe), versée à tous et s’élevant environ à 1 200 euros par an. Puis les primes REP et REP+, versées aux enseignants qui exercent en zone d’éducation prioritaire. Enfin, des indemnités de missions particulières (IMP), plus faibles (de 600 à 1 200 euros/an) et attribuées aux professeurs qui acceptent un surplus de travail : tuteurs, coordinateurs de groupe de travail, « référents » pour la lutte contre le décrochage scolaire, les projets culturels… Et c’est là que le bât blesse : « Il s’agit de primes différenciées, explique Frédérique Rolet, du Snes-FSU, accordées au bon vouloir de la hiérarchie, et qui ne manqueraient pas de devenir un outil de pression » sur les enseignants, si elles prenaient une part plus importante dans le traitement. Un levier formidable pour contraindre les enseignants à accepter réformes, nouveaux programmes, nouvelles fonctions, et surtout à devenir très dociles face au « nouveau management public ».

Ces indemnités sont en outre très inégalitaires : les femmes, nombreuses dans l’enseignement, y ont beaucoup moins accès – tout comme aux heures supplémentaires. Une inégalité qui se répercuterait d’autant plus sur les retraites si la part des primes augmente.

 

7. « Le temps du système universel est venu, celui des régimes spéciaux s’achève »

« C’est inadmissible, j’ai signé un contrat où je partais à la retraite à 52 ans, je vais devoir partir à taux plein à 64 ans. Je viens, en un trait de plume, de me prendre dix ans ! », fulmine un conducteur de train. C’est certainement le point sur lequel le premier ministre s’est montré, hier, le plus inflexible. La disparition de tous les régimes spéciaux. Mais alors qu’Édouard Philippe n’avait nullement mentionné de génération concernée par la bascule d’un système à l’autre, une « précision de Matignon » a confirmé, en milieu d’après midi, que, « pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal de départ est de 52 ans », le nouveau système ne s’appliquera que pour les salariés nés à partir de 1985.

Exception notable, les « forces de sécurité intérieures conserveront le bénéfice des dérogations d’âge », a précisé le premier ministre. Christophe Castaner leur avait donné des gages pour qu’ils n’entrent pas dans la contestation, Matignon a confirmé que « ceux qui sont exposés à des fonctions dangereuses dans le cadre de missions régaliennes, comme les pompiers, les policiers, les gendarmes, les gardiens de prison et bien sûr les militaires » seraient exemptés d’allongement de cotisation.

Dans les métiers du rail notamment, dont l’accès au départ anticipé était inscrit dans le statut des salariés de la SNCF ou de la RATP en compensation de la pénibilité de la tâche, c’est la colère qui l’emporte. D’autant que, souligne Pierre Khalfa, codirecteur de la Fondation Copernic, « les régimes spéciaux avaient justement pour fonction de prendre en compte la pénibilité ».

 

8.  « Nous allons améliorer la prise en compte de la pénibilité selon des critères qui seront les mêmes pour tous »

Comment croire aux promesses faites hier par Édouard Philippe de meilleure prise en compte de la pénibilité des métiers, dans cette réforme des retraites, quand lui-même et son gouvernement ont biffé en 2017 quatre des dix critères contenus dans le compte pénibilité, ouvrant justement droit à un départ anticipé ? Et pas des moindres. Les ordonnances Macron affaiblissant le Code du travail ont, en effet, enlevé de cette liste les « manutentions manuelles de charges », « les postures pénibles », « l’exposition à des agents chimiques dangereux » et « les vibrations mécaniques », sur ordre du patronat. Sur ce sujet de la pénibilité, la cote de confiance dont jouissait le premier ministre avant hier est proche de zéro. Ce ne sont pas les vagues assurances d’extension de ce régime rétréci de la pénibilité « aux trois fonctions publiques et notamment aux aides-soignantes et aux infirmières » qui diminueront cette courbe de défiance.

 

9. « Ne comptez pas sur moi pour renvoyer la patate chaude aux partenaires sociaux »

En voilà un beau coup bas. Invoquant pêle-mêle Pompidou, Rocard, de Gaule et Mendès France, Édouard Philippe en a appelé, au risque d’être redondant, aux « gestionnaires responsables du paritarisme en France, qui ont démontré leur sens des responsabilités ». À eux de trouver un moyen d’inciter tous les Français à partir à la retraite à 64 ans d’ici à 2027. En fixant, par exemple, le montant des décotes entre 62 et 64 ans alors que tous les syndicats se sont expressément opposés aux mesures d’âge. Si ce n’est pas un beau renvoi de patate chaude, comme s’en défend le premier ministre… « Nous mettrons en place, dès l’année prochaine, une gouvernance qui confiera aux partenaires sociaux les principaux leviers. Il leur reviendra donc de fixer une trajectoire de retour à l’équilibre puis de maintenir celui-ci », insiste Édouard Philippe. La commande est rédigée. Reste aux syndicats de la signer ou bien… « Dès lors, ressurgissent les méthodes antidémocratiques avec la volonté de vouloir passer par ordonnances et décrets des arbitrages essentiels pour l’avenir de nos retraites », déplore la CGT. « Le gouvernement nous ressert exactement ce qu’il a fait pour l’assurance-chômage : il tiendra les rênes pour imposer ses vues et, en dernier recours, il passera en force », confirme Henri Sterdyniak.

 

10.  Le projet de loi « renverra à des ordonnances ou à des décrets les précisions sur les transitions »

Le choix du calendrier annoncé par Édouard Philippe risque de rappeler de bien mauvais souvenirs sur le plan démocratique. Le premier ministre a, en effet, annoncé un Conseil des ministres dès le 22 janvier, puis un démarrage de l’examen du projet de loi à la fin de février par les parlementaires. Il s’agit donc d’aller vite. Et le gouvernement ne lésinera pas sur les moyens de passer en force pour acter sa réforme : les « précisions sur les transitions » seront adoptées par ordonnances ou par décrets. Voilà qui rappelle les ordonnances Macron, qui s’attaquaient au Code du travail dès septembre 2017. Ou encore, un peu plus tôt, lors du précédent quinquennat, le 49.3 utilisé par Manuel Valls pour faire adopter sans débat la loi travail, en 2016… Face à la contestation sociale et au débat parlementaire, la méthode du gouvernement reste donc la même – le passage en force –, alors qu’une majorité de Français soutient toujours le mouvement social démarré le 5 décembre.

 

Partager cet article
Repost0
13 décembre 2019 5 13 /12 /décembre /2019 06:44

C'est le pire du pire, recul de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans... Le Premier Ministre est resté droit dans ses bottes. Tout ce qu'on pouvait redouter est dedans. Réaction de Fabien Roussel aux annonces du Premier Ministre sur la réforme des retraites

Partager cet article
Repost0
13 décembre 2019 5 13 /12 /décembre /2019 06:43
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011