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7 avril 2020 2 07 /04 /avril /2020 07:13
Le préfet Didier Lallement, récidiviste de l'indécence (L'Humanité, 3 et 6 avril 2020)
Vendredi, 3 Avril, 2020
Après l'insulte aux morts, aux malades et aux soignants, la démission du préfet Lallement est une évidence

Le préfet de police Didier Lallement a établi le vendredi 3 avril « une corrélation » entre les malades en réanimation et ceux qui n’ont pas respecté le confinement. Un raccourci provocateur et indigne qui a suscité une levée de boucliers chez les soignants et bien au-delà. D'autant que l'homme, nommé il y a un an à Paris après avoir géré de manière très répressive le mouvement des Gilets jaunes à Bordeaux, n'en est pas à ses premiers propos scandaleux...

 

Ce n’est pas son premier fait d’armes mais celui-ci a provoqué un véritable tollé. Ce vendredi 3 avril, lors d’une interview sur BFMTV, le préfet de police de Paris Didier Lallement a déclaré : « Ceux qui sont aujourd’hui hospitalisés, ceux qui sont en réanimation, désormais aujourd’hui, ce sont ceux qui au début du confinement ne l’ont pas respecté. C’est très simple. Il y a une corrélation très simple. »

Dans la foulée, responsables politiques mais aussi soignants n’ont pas manqué de réagir. « Je n’ai pas de mot, c’est proprement scandaleux. Insulter, traiter ceux qui sont en danger de mort de délinquants, c’est un véritable scandale. Il faudra dire à M. Le préfet qu’il y a des soignants en réanimation. Après de tels propos, il ne peut que démissionner », a notamment réagi le Pr Frédéric Adnet du Samu de Seine-Saint-Denis. « C’est inadmissible de dire des choses pareilles ne reposant sur aucun élément scientifique ou épidémiologique et stigmatisant pour des gens qui souffrent et sont victimes d’une maladie grave », ajoute Jean-Daniel Lelièvre, épidémiologiste à l’Institut Mondor de recherche biomédicale.

Après la répression du mouvement social...

Déjà remontée contre la répression du mouvement social exercée par le préfet Lallement, la gauche est aussi montée au créneau. « Pour lui, ceux qui sont malades ou qui sont morts l’ont bien cherché ! Écœurant. L’état d’urgence sanitaire ne doit pas avoir ce visage insultant. Les gens doivent être respectés ! », a lancé Jean-Luc Mélenchon tandis qu’une autre insoumise, Clémentine Autain, estimait qu’il « a bien cherché l’exigence de sa démission ». Même tonalité du côté des communistes : « Quelle honte ! Quel mépris pour toutes celles et ceux qui risquent leur vie au travail et attrapent le Covid19 ! Il était déjà responsable de la gestion désastreuse des manifs à Paris. Il fait encore une fois preuve d’inhumanité. Il doit démissionner ! », a tancé Fabien Roussel le secrétaire national du PCF. « Son rôle n’est pas d’attribuer des bons points. Ces propos sont absolument scandaleux, il y a aujourd’hui un policier qui est mort en Seine-et-Marne du coronavirus. C’est à ceux qui sont obligés d’aller travailler tous les jours, qui ne peuvent pas se confiner, qu’il faut penser », a abondé Olivier Faure, le premier secrétaire du PS.

Les propos du préfet ont fait réagir jusque dans les rangs de la majorité. « L’autorité n’est pas la brutalité et le maintien de l’ordre n’est pas le jugement moral de nos concitoyens. En plus de méthodes très contestables et contestées, le préfet Lallement sort régulièrement de son devoir de réserve. Combien de temps encore ? », a notamment tweeté le député LaREM, Aurélien Taché.

Contenir l’incendie

Dans l’après-midi, sur demande du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, la préfecture a tenté de contenir l’incendie par un communiqué : « Didier Lallement regrette les propos qu’il a tenus ce matin lors d’une opération de contrôle des mesures de confinement et tient à les rectifier ». Et de poursuivre : « Son intention n’était pas d’établir un lien direct entre le non-respect des consignes sanitaires et la présence de malades en réanimation ». À écouter et réécouter son intervention, c’est pourtant bien ce qu’on entend.

« Ce propos du préfet de police est inexact. Ce qui est vrai, c’est que le bon respect du confinement est un enjeu sanitaire majeur », temporise l’entourage de Castaner. Ça ne suffira sans doute pas à convaincre…

Lundi, 6 Avril, 2020
Apostrophe. Didier Lallement, récidiviste de l’indécence
 

Combien de fois faudra-t-il qu’il récidive pour qu’on le démissionne ? Pour vanter le renforcement du maintien de l’ordre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le préfet de police Didier Lallement a osé affirmer, le 3 avril sur BFM, que « ceux qui sont aujourd’hui hospitalisés, ceux qu’on trouve dans les réanimations, ce sont ceux qui au début du confinement ne l’ont pas respecté. Il y a une corrélation très simple ». Il signe là une double abjection. En suggérant que les malades méritent leur sort, d’une part. En oubliant, de l’autre, les milliers de Français exposés au quotidien car ils n’ont pas loisir de rester confinés : personnel hospitalier, livreurs, ouvriers, employés de grande surface… et même ses propres forces de police. Au-delà de la bêtise de cette sortie, qui témoigne de sa volonté forcenée de surveiller et punir les désobéissants, fût-ce par le biais d’un virus mortel, le préfet de Paris sort encore une fois de son devoir de réserve. En novembre 2019, il assénait à une gilet jaune : « Nous ne sommes pas dans le même camp. » La question demeure : qui, aujourd’hui, peut encore être dans le camp de Didier Lallement ?  Cyprien Caddeo

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7 avril 2020 2 07 /04 /avril /2020 07:02
Etat de droit - La Ligue des Droits de l'Homme et l'Humanité alertent sur l'effet liberticide de l'état d'urgence et des pleins pouvoirs pour l'exécutif
Lundi, 6 Avril, 2020 - L'Humanité
Éditorial. Le cri de la LDH

L'éditorial de Sébastien Crépel. L’inquiétude vaut bien au-delà du 30 juin et du retour présumé au « droit commun » : car ainsi se crée pour l’avenir « une jurisprudence qui ouvre la voie à toutes les exceptions et donc à tous les renoncements », prévient la LDH.

 

L’état d’urgence sanitaire a été promulgué, mais qu’en est-il de l’État de droit, qui n’admet aucune interruption pour garantir les libertés publiques ? Cette garantie passe en premier lieu par le respect de la Constitution, qui limite les pouvoirs et s’impose à tous, en dépit des critiques parfaitement fondées que l’on peut adresser à un texte consacrant un régime présidentialiste à l’extrême. Il vaut mieux en effet une Constitution imparfaite que pas de Constitution du tout pour s’opposer à l’absolutisme et à l’arbitraire.

Or, il n’est pas exagéré d’écrire que cet ordre constitutionnel est aujourd’hui remis en cause par l’acceptation, par l’organe même chargé en dernier ressort de le faire respecter, d’entorses à la légalité qui auraient été regardées comme tout à fait intolérables avant l’état d’urgence sanitaire. Ici aussi, pas de confusion : on peut ne pas déborder d’amour pour une instance comme le Conseil constitutionnel, dont les jugements sont souvent marqués d’un conservatisme pesant, et s’inquiéter de ce que signifie, sur le plan du droit, sa mise en sommeil forcée. Non seulement ses membres ont choisi de fermer les yeux sur la décision du gouvernement de s’asseoir sur le respect de la loi fondamentale à l’occasion de l’examen du paquet législatif instaurant l’état d’urgence sanitaire, mais ils se sont inclinés devant leur mise en congés d’office jusqu’au 30 juin prévue par ces mêmes textes.

Cette décision pourrait paraître à première vue n’intéresser que les férus de droit. Dans une déclaration produite vendredi, la Ligue des droits de l’homme (LDH) montre combien elle concerne en réalité chaque citoyen. « Par sa décision, écrit la LDH, le Conseil constitutionnel accepte que les libertés publiques soient drastiquement restreintes tout en en différant le contrôle. » ​​​​​​​Le gouvernement, qui dirige désormais par ordonnances, n’aura en effet plus aucun compte à rendre au Parlement, ni au Conseil constitutionnel. L’inquiétude vaut bien au-delà du 30 juin et du retour présumé au « droit commun » : car ainsi se crée pour l’avenir « une jurisprudence qui ouvre la voie à toutes les exceptions et donc à tous les renoncements », prévient la LDH.

Par Sébastien Crépel
Jeudi, 2 Avril, 2020 - L'Humanité
L’État de droit violemment contaminé

Par Patrick Le Hyaric Directeur de L'Humanité

 

La loi organique promulguée lundi dernier instituant l’état d’urgence sanitaire ouvre des brèches inédites dans l’État de droit. L’expérience des « états d’urgence » plaide pour une grande méfiance. Celui né des attentats qui ont frappé la France en 2015, s’il avait vocation à lutter contre le terrorisme dans un temps donné, s’est inscrit dans le droit commun et le pouvoir n’a pas hésité à s’en servir contre des mouvements sociaux. On peut donc très légitimement s’inquiéter des dispositions prises, dont certaines vont s’insérer dans les textes réglementaires et pourront donc être reprises ultérieurement. Pour autant, le Conseil constitutionnel n’avait pas, jusque-là, hésité à censurer certaines dispositions attentatoires aux libertés.

Or, les verrous viennent de sauter. De manière incompréhensible, le Conseil constitutionnel, pourtant garant de la Constitution, ne s’est pas opposé à un coup de canif inédit dans celle-ci. Il s’est, pour la première fois de son histoire, volontairement amputé de son rôle de gardien de la loi fondamentale, indiquant dans sa décision du 26 mars dernier que, « compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution ». Or cet article 46 stipule que « le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt ». Le voilà réduit à 24 heures, en violation des règles constitutionnelles ! Ce délai est pourtant celui, essentiel, de la discussion collective et du contrôle parlementaire. En quoi les « circonstances particulières de l’espèce » doivent-elles mettre en quarantaine le contrôle de constitutionnalité et l’exercice démocratique ?

Il n’y a aucune explication valable à cette mise en retrait des juges constitutionnels, surtout quand caissières, personnels soignants, agriculteurs ou fonctionnaires sont appelés à travailler manu militari. Les citoyens qui entreraient en contravention avec les dispositions de l’état d’urgence n’ont ainsi plus les moyens de contester les décisions dans les temps impartis puisque les juridictions de contrôle, dont la Cour de cassation et le Conseil d’État, sont mises en sommeil jusqu’au… 30 juin ! Les questions préalables de constitutionnalité sont donc déclarées nulles et non avenues jusqu’au début de l’été. Les pleins pouvoirs sont ainsi conférés au pouvoir exécutif sans qu’il se soit donné la peine d’activer le très polémique article 16 de la Constitution.

Cet empressement à se laver les mains des principes constitutionnels trahit l’incapacité de l’exécutif à prendre les mesures indispensables à la lutte contre l’épidémie en temps et en heure, notamment par des réquisitions et nationalisations, et son manque de réactivité criant pour injecter immédiatement les milliards qui manquent aux hôpitaux en matériel et en personnels soignants.

Pour contrebalancer ces pouvoirs exorbitants, il faudrait d’urgence qu’un Comité national pluraliste du suivi de l’état d’urgence sanitaire, avec les présidents de groupe des deux assemblées et les syndicats, accompagne et contrôle l’action publique. La lutte contre l’épidémie ne passera pas par moins de liberté. Au contraire !

Par Patrick Le Hyaric Directeur de l’Humanité
Vendredi, 3 Avril, 2020
Me Henri Leclerc : « Quand la toute-puissance de l’exécutif va-t-elle s’arrêter ? »

Entretien. Henri Leclerc, avocat au barreau de Paris et président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, craint que des mesures liberticides comme le traçage numérique des citoyens, imposées par le gouvernement pour assurer la sécurité sanitaire, n’intègrent la loi ordinaire à l’issue de la crise. Il appelle à la vigilance.
 

 
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Quel regard portez-vous sur la possibilité d’autoriser une surveillance numérique accrue des citoyens dans le cadre de l’actuelle crise sanitaire ?

Me Henri Leclerc. Dans la situation actuelle, je me pose la question de la nécessité et de la proportionnalité du pistage de la population. Pour juger de la pertinence de cette mesure, les citoyens, dont je suis, manquent d’informations. On ne peut se fier qu’aux déclarations du pouvoir. Or, personnellement, ma confiance dans ce gouvernement est limitée. Par ailleurs, si elles étaient mises en place à l’issue de la période de confinement, de telles mesures de traçage devraient être très encadrées et circonstanciées, et ne pourraient à mon sens qu’être limitées dans le temps. Or, l’histoire récente a montré que l’exécutif avait tendance à intégrer dans le droit commun des dispositions prises à titre exceptionnel. Il ne faudrait pas que l’on réitère l’expérience des lois dites antiterroristes de 2015 et que l’on se retrouve avec un système de surveillance généralisée à la chinoise ou à la coréenne. Il me semble que d’autres mesures seraient à prendre, de manière plus urgente, pour éviter une hécatombe : pourquoi ne pas gracier tous les prisonniers qui n’ont plus que quelques mois de peine à purger plutôt que de prolonger arbitrairement les détentions provisoires ?

Pensez-vous que les contre-pouvoirs jouent pleinement leur rôle ?

Me Henri Leclerc. Clairement non. La Cnil n’a qu’un avis consultatif et je suis particulièrement révolté par l’abdication du Conseil constitutionnel, qui, lorsqu’il a été saisi de la loi organique, a accepté la limitation de ses pouvoirs. En ce qui concerne les questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil ne se prononce plus… La carence des autorités de contrôle est très grave. De même, le fait que le Parlement ne se réunisse plus en séance plénière laisse les mains totalement libres au gouvernement. Ce ne serait pourtant pas compliqué d’avoir des discussions collectives en vidéoconférence. Les entreprises privées le font, les médias le font, alors pourquoi pas les parlementaires ? L’utilisation des outils numériques et de communication à distance est à géométrie variable, semble-t-il ! Je me demande avec inquiétude quand la toute-puissance de l’exécutif va s’arrêter. Par ailleurs, je ne suis pas contre les conseils scientifiques. Mais il ne faut pas qu’ils soient les seuls à étayer les décisions. Alors même que les plus grands spécialistes reconnaissent être encore tâtonnants face à ce nouveau virus, la légitimité scientifique ne doit pas remplacer la légitimité démocratique.

Vous semble-t-il néanmoins légitime de renoncer à certaines libertés, dans le cas présent ?

Me Henri Leclerc. Oui, tout à fait. Ce n’est pas mon habitude d’accepter sans broncher un état d’exception. En 2015, j’ai combattu les lois antiterroristes, estimant qu’il suffisait alors de renforcer les moyens de la police, dans le cadre législatif existant. Aujourd’hui, la situation n’est pas la même : nous sommes en face d’un mal qui répand la terreur et nous ne pouvons pas faire autrement que d’accepter de restreindre nos libertés, puisque chacun est un danger pour l’autre. Donc, je ne conteste pas le confinement, bien qu’il soit une atteinte considérable aux libertés individuelles. J’accepterai même volontiers que toute la population soit testée obligatoirement à l’issue de cette période de confinement. Mais c’est plus facile de pister que de dépister apparemment… Je voudrais enfin rappeler que le déconfinement devra s’accompagner d’un retour à la normale. Nous y veillerons.

Entretien réalisé par Eugénie Barbezat
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7 avril 2020 2 07 /04 /avril /2020 06:55
COVID-19 : le PCF appelle à ne pas mettre en danger les millions de salariés du BTP (Bat.info.com)
Le PCF appelle à ne "pas mettre en danger la santé de millions de salariés" du BTP
 
Bat.info.com avec AFP - 06/04/2020

Le Parti communiste a critiqué dimanche la publication de règles sanitaires à respecter dans le BTP face au coronavirus, qui encouragent selon lui la reprise des chantiers au "mépris de la santé des 2 millions de salariés" du secteur.

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7 avril 2020 2 07 /04 /avril /2020 06:37
Evelyne Ternant (direction du PCF) décortique la note de la Caisse des dépôts et consignations encourageant Macron à continuer à détruire et le système de santé et l'hôpital public

Lu sur le blog Front de Gauche Pierre Bénite: http://fdgpierrebe.over-blog.com/

Très forte réaction d'Evelyne Ternant membre de la direction du PCF à la note de la CDC commandée par Emmanuel Macron sur le devenir de notre système de santé après l'épidémie du Covid - 19

Cette réaction est à lire avec l'article qu'elle a rédigé : "Arlete ! Quand la finance s'occupe du système de soins" pour le blog : "En avant le Manifeste" dont le lien est :

https://enavantlemanifeste.fr/2020/04/04/alerte-quand-la-finance-soccupe-du-systeme-de-soins/

Il est possible d'avoir accès également à la réaction de Denis Durand à l'interview de Patrick Artus donné au Figaro où celui-ci livre son analyse sur la riposte économique face à la pandémie et sur ses effets que les moyens de l’État vont être mis encore plus fortement au service de la rentabilisation du capital privé.

Voir le lien : http://chef économiste de Natixis, au Figaro ou ce dernier livre son analyse sur la riposte économique face à la pandémie et sur ses effets que les moyens de l’État vont être mis encore plus fortement au service de la rentabilisation du capital privé.

 

Alerte ! Quand la finance s’occupe du système de soins !

Alors que les discours du président de la République sur la « santé gratuite » partie prenante de ces « biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », ses promesses à l’hôpital de Mulhouse au sujet d’« un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières […] construit pour notre hôpital » se veulent rassurantes sur un changement de cap, dans le même temps, les cercles étroits de la technocratie financière préparent une entrée massive des financements privés dans tous les secteurs du système de soins, avec en suite logique l’abandon des critères du service public.

 

Alors que les discours du président de la République sur la « santé gratuite » partie prenante de ces « biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », ses promesses à l’hôpital de Mulhouse au sujet d’« un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières […] construit pour notre hôpital » se veulent rassurantes sur un changement de cap, dans le même temps, les cercles étroits de la technocratie financière préparent une entrée massive des financements privés dans tous les secteurs du système de soins, avec en suite logique l’abandon des critères du service public.

            C’est la note de la CDC (Caisse des dépôts et consignations) rédigée à la demande d’Emmanuel Macron, publiée par Mediapart (en p. j.), qui révèle les lignes directrices de ce projet destructeur : une évolution du système de santé qui, sous couvert de la crise sanitaire et du besoin de financement massif, en accélère la privatisation et la marchandisation. Fait par un organisme financier dont les critères sont depuis longtemps ceux des marchés financiers, et qui, de plus, est devenu un acteur majeur de l’hospitalisation privée lucrative, son fil directeur, sous la technicité des montages proposés, est d’effacer par une série de dispositifs la ligne de démarcation entre le secteur privé et le secteur public pour anéantir définitivement ce dernier.

            Parmi les mesures les plus significatives, citons :

1— une restructurationet non une annulation — des deux tiers de la dette des hôpitaux publics (l’État n’en a repris qu’un tiers à sa charge), accompagnée de la création d’un « fonds de dette » commun au secteur privé, prêtant à long terme « en hybride soit aux hôpitaux, soit préférablement aux mutuelles et aux fondations qui les détiennent avec une obligation de fléchage des ressources ». En clair, un fonds de financement commun public/privé, qui privilégie le secteur privé et pilote la destination des financements.

2— Le recours massif aux partenariats publics privés (PPP) en dépit de la succession des expériences négatives et des rapports accablants venant d’institutions nationales (cour des comptes, rapport d’enquête sénatoriale) et européennes (cour des comptes européenne). Cette dernière, qui n’est certainement pas à la pointe du combat antilibéral, constate néanmoins « le manque considérable d’efficience, qui s’est traduit par des retards de construction et par une forte augmentation des couts », une opacité comptable qui compromet « la transparence et l’optimisation des ressources », une inadaptation de ces contrats de long terme à suivre « l’évolution rapide des technologies ».

3-le basculement vers « la santé numérique », une solution miracle permettant de faire coup double : décharger l’activité hospitalière, et valoriser les investissements des nombreuses « start up » (au nombre de 700, marché qualifié de peu mature, de modèle fragile, etc.) et des compagnies d’assurances et des mutuelles qui se sont lancées dans le financement de la téléconsultation. Elles viennent d’ailleurs de créer un consortium « Alliance digitale pour le Covid-19 » dans lequel on retrouve les principales d’entre elles : Allianz, AG2R la mondiale, Malakoff, associées à la Banque Postale Assurances….Il s’agit en fait de faire face à la saturation du 15 non pas en lui allouant les financements publics nécessaires, mais en proposant des solutions privées pour en réduire l’accès.

4- Dans le sillage de Donald Trump, une proposition de conversion de navires en navires-hôpitaux, dont les aspects techniques, médicaux et humains sont jugés hasardeux par nombre de professionnels, mais que l’on comprend mieux quand on sait que la CDC a des engagements financiers importants dans des commandes de paquebots aux Chantiers navals que les compagnies de croisières, mises à l’arrêt par la pandémie, risquent de ne pouvoir honorer.

5- Enfin, le meilleur pour la fin, faire sponsoriser par les grands organismes de recherche (Institut Pasteur, institut Curie, Unicancer, etc..) « un fonds de partage » auquel souscriraient investisseurs privés et institutionnels, avec reversement de revenus aux « sponsors » pour leur opération promotion. Avec la rapacité et le cynisme bien connus de la finance, quand elle flaire de bonnes affaires, il est dit sans ambages que « les conditions de lancement […] seraient assez favorables compte tenu de l’impact sur les valorisations corporatives de la crise actuelle » et que « ce type d’opérations pourrait […] être lancé très rapidement dans des conditions compétitives et avec le soutien de la place ».

Ce fameux fonds de financement prêterait aux hôpitaux au taux du livret A + 0,75 point, soit 1,25 %, quand L’État français emprunte à 0 % sur dix ans et à 0,84 % sur 30 ans… et que la BCE prête aux banques à -0,75 %.

En langage clair, la pandémie du covid-19 va favoriser l’attraction boursière des placements financiers vers les secteurs de la santé. La finance n’hésite jamais à battre monnaie sur le malheur humain ».

            Pour imposer d’autres choix et faire obstacle à l’achèvement du système public de soins sur l’autel du capital qui se prépare, il est impératif de rassembler toutes les forces qui se sont opposées à son démantèlement, des personnels aux usagers en passant par les élus, pour un combat politique de haut niveau. Ces luttes ne peuvent plus s’en tenir à la seule expression des besoins, mais doivent impérativement porter des exigences sur les modes de financement, qu’il s’agit d’arracher au plus vite aux griffes des marchés financiers. 

C’est dès aujourd’hui que le combat pour une alternative à cette tentative des classes dirigeantes est à l’ordre du jour. Il sera déterminant que le PCF soit à la hauteur de sa responsabilité historique dans ces circonstances extraordinaires.

À lire également : Patrick Artus et rapport de la CdC montrent la violence des antagonismes qui minent le capitalisme financiarisé et mondialisé

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6 avril 2020 1 06 /04 /avril /2020 15:27
Hôpital - Les charognards à l’affût ! Par Patrick Le Hyaric (L'Humanité, 5 avril 2020)
Dimanche, 5 Avril, 2020 - L'Humanité
Les charognards à l’affût ! Par Patrick Le Hyaric

« En même temps » qu’ils multiplient les éloges sur les personnels de santé des hôpitaux publics, nos gouvernants commandent en douce des rapports qui visent à poursuivre l’asphyxie de notre système de santé public !

 

(Découvrez la note de la Caisse des Dépôts et Consignations en fin d'article)

 
Cette haute trahison, cette forfaiture, intervient alors que médecins, infirmiers ou réanimateurs se saignent aux quatre veines pour soigner et sauver des vies en mettant la leur en danger, du fait même des pénuries et négligences gouvernementales. Ce sale coup se prépare dans les arrière-cuisines peu ragoutantes des industries chimiques, des assurances privées, des banques et des cabinets ministériels. Les voici qui affûtent en bande organisée des projets pour tirer parti du drame planétaire et relancer le business capitaliste.
Par devant, le président de la République proclame d’une voix apeurée que la santé appartient « aux biens et service qui doivent être placés en dehors des lois du marché». Par derrière, il commande à la Caisse des dépôts et consignations, bras financier de l’Etat dont l’indépendance a encore été réduite avec la récente loi « Pacte », un rapport dont l’objectif est d’accélérer le processus de marchandisation de la santé. Ce même processus qui nous conduit aux actuelles hécatombes. 
Dans une copie destinée au cabinet élyséen, le service de prospection stratégique de la Caisse des dépôts prône le désarmement total de l’État social et de la protection des citoyens, la mise en concurrence plus grande des secteurs publics et privés pour abaisser encore les rémunérations des personnels de santé (lire ici la pièce jointe). Il propose d’accélérer les privatisations de l’hôpital public avec les fameux partenariats « public-privé » qui ont tous conduit à des fiascos sanitaires et économiques. Seules les banques s’en frottent les mains. 
Et rien n’est prévu pour augmenter les dépenses publiques de santé puisque nos ronds-de-cuir insistent pour maintenir le corset avec le fameux « objectif national des dépenses d’assurances maladie », tandis que seule la dette des cliniques privées serait restructurée au-delà des engagements gouvernementaux.
La stratégie des commanditaires de ce rapport est de pousser les feux d’un capitalisme sanitaire, appuyé sur un capitalisme numérique et financier. Des catégories de personnels seraient remplacées par une cohorte de start-up alliées aux grandes compagnies d’assurances comme AG2R ou Malakoff Humanis, des firmes chimiques comme Astra-Zeneca, des filiales du crédit agricole et de la banque postale. Et, grande innovation des technophiles du capital, puisque les banques et la Caisse des dépôts ont garanti ces dernières années des milliards d’euros aux grands croisiéristes dont l’activité a spectaculairement chutée, on transformera ces grands bateaux en « navire-hôpital en contrepartie d’une rémunération ». Inouï !
Ainsi au cœur de la pandémie, au centre d’un malheur planétaire, les milieux d’affaires en lien avec des secteurs décideurs de l’État réfléchissent aux moyens non pas de protéger les êtres humains, mais à la meilleure façon de profiter de la situation. Ceci, en mettant l’épargne populaire à disposition de la relance d’un capitalisme dont de plus en plus de personnes mesurent les impasses mortifères.
La riposte s’impose. Les débats et les prises de positions ne doivent pas rester confinés, il faut une entière transparence sur les dettes des hôpitaux et réclamer leur annulation totale, obtenir une augmentation substantielle des rémunérations des travailleurs de la santé, le retour sur tous les conquis détruits des agents du service public, un plan audacieux d’embauches, la réouverture des hôpitaux fermés, la relance de la recherche fondamentale. On trouve bien des centaines de milliards pour le secteur privé. On doit bien en trouver pour l’hôpital public. Au-delà, une grande politique de la santé publique dans le cadre d’une sécurité sociale de la vie doit être inventée, non pas avec les technophile de la Caisse des dépôts mais avec le concours de tous les intéressés, salariés et usagers. 
 
Document à télécharger: 
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6 avril 2020 1 06 /04 /avril /2020 14:58
Marie-George Buffet : Le sport n'est pas quelque chose de secondaire (Interview de France Info, 5 avril 2020)
Marie-George Buffet est directement touchée par le coronavirus.

 

Placée en confinement depuis début mars, la ministre des Sports du gouvernement Jospin (mai 1997 – mai 2002) ne s’est pas sentie très en forme ces derniers jours et s’en sort progressivement. Au téléphone, rien ne transparaît. Celle qui a été le fer de lance de la lutte contre le dopage est toujours aussi dynamique dès qu’il s’agit d’évoquer la chose sportive, en particulier dans cette période difficile.

Voir l’article de France Info 

Marie-George Buffet : "Le sport n'est pas quelque chose de secondaire"

Marie-George Buffet est directement touchée par le coronavirus. Placée en confinement depuis début mars, la ministre des Sports du gouvernement Jospin (mai 1997 - mai 2002) ne s’est pas sentie très en forme ces derniers jours et s’en sort progressivement. Au téléphone, rien ne transparaît. Celle qui a été le fer de lance de la lutte contre le dopage est toujours aussi dynamique dès qu’il s’agit d’évoquer la chose sportive, en particulier dans cette période difficile.

 

Au vu de la situation actuelle, quel regard portez-vous sur le sport ?

M-GB : "Tout d’abord, un constat. Le mouvement sportif a pris de sages decisions : celle de préserver la santé des sportifs et de leurs supporters, de préserver l’équité par rapport à des pays qui sont moins touchés aujourd’hui par le coronavirus. Je me rejouis enfin que le CIO ait pris la décision de reporter d’un an les Jeux Olympiques et Paralympiques. Ca va permettre à ces Jeux d’avoir tout leur rayonnement et d’être la grande fête du sport. Je pense que si ça c’était déroulé en septembre ou en octobre, il y aurait eu des injustices.

Après, concernant la privation du sport, je pense d’abord à tous ces jeunes qui ne peuvent pas aller au gymnase ou sur un stade et qui se retrouvent confinés chez eux. Il va falloir réorganiser toute une pratique au sein des clubs quand ça sera terminé pour leur permettre de retrouver leur activité sportive."

Ce sera peut-être le moyen de réfléchir sur cette course à la marchandisation qui a atteint ses limites

Quelles conséquences sur ces sportifs, sur leurs clubs, qu’ils soient amateurs ou professionnels ?

M-GB : "Peut-être que ça va faire réfléchir le monde du sport de haut niveau et notamment le monde professionnel sur la question des calendriers. Il faudra peut-être revisiter des calendriers qui restent trop chargés. Ensuite, il va peut-être falloir réfléchir sur le modèle économique de certains clubs professionnels, tout ce qui concerne le contrôle des budgets, créer des salaires maximums. Ce sera peut-être le moyen de réfléchir sur cette course à la marchandisation qui a atteint ses limites. Le monde sportif doit se poser, discuter et s’interroger sur l’après. Au plan économique, au plan social, on ne pourra pas recommencer comme avant, du moins je l’espère. Et bien je pense que sur le plan sportif, c’est pareil. Il va falloir se repositionner par rapport à certains modèles."

Comment s’y prendre ?

M-GB : "Il faut encadrer les salaires, peut-être faire en sorte que les budgets des clubs soient également limités. Il faut assainir la profession des agents sportifs, régler aussi les problèmes liés aux transferts. Il faut faire marche arrière par rapport à cette course au financement, d’ailleurs on voit que cela fait perdre de l’intérêt au spectacle sportif. Quand vous avez des clubs qui se détachent tellement grâce à leur manne financière, l’intérêt du championnat devient moindre. Dans l’intérêt même du sport, il faut qu’il y ait une réflexion, qu’on calme le jeu et qu’on reparte sur des budgets plus équitables."

Le ministère des Sports, il y a encore du personnel mais il n'y a plus de moyens

Et pour le sport amateur ?

M-GB : "Il faut redonner au ministère des Sports toute sa place et tous ses moyens. Il doit prendre en charge la sortie de cette crise sanitaire en redonnant des moyens aux clubs, je parle là de toutes les subventions d’Etat mais également donner la possibilité aux collectivités territoriales d’aider - comme elles le font déjà - les clubs sportifs. Il faut aussi trouver le moyen de valoriser le travail des bénévoles. On a longtemps parlé pendant des décennies d’un statut des bénévoles, il faut aller plus loin pour encourager le bénévolat, aller vers ce statut du bénévole qui permettrait d’ailleurs qu’ils aient des droits et donc aussi des devoirs. Cela nous permettrait aussi, en lien avec les événements que l’on a connu ces dernières mois (NDLR : de nombreuses affaires de violences sexuelles dans le sport ont été révélées ces dernières semaines) de pouvoir avoir un certain contrôle de l’encadrement des clubs. Et puis, je pense qu’il faut développer l’éducation physique et sportive, l’Education Nationale n’a pas été valorisée ces dernières années, elle n’est plus reconnue dans un certain nombre de diplômes, elle est peu pratiquée au niveau de l’université, il y a un effort considérable à faire pour la revaloriser l’EPS."

Avec quels moyens financiers ?

M-GB : "J’ai entendu les propos de ceux qui nous gouvernent. Ils disent que rien ne pourra plus être comme avant et ont balayé l’idée qu’il faut restreindre les dépenses publiques, notamment dans les hopitaux. Nous sommes obligés de penser à la sortie de cette crise. Pour tout le mouvement culturel, il va falloir aider des dizaines de salles à repartir, aider les intermittants du spectacle, on va être obligés de débloquer des financements partout. Là on est dans l’urgence économique, dans l’urgence sociale, dans l’urgence humaine.

Le sport est un des vecteurs de bien-être, un lieu de convivialité, un terreau social, c’est bon pour la santé, on y apprend des des règles, il va donc falloir mettre donner des moyens au ministère des Sports et à l’Agence Nationale du Sport pour contribuer au développement de la pratique. Ca doit passer par des équipements. Tout ce que je dis, on le disait déjà il y a quelques mois, et les budgets n’ont pas suivi ! L’ANF ce n’est que 300 millions d’euros, 50 personnes. Le ministère des Sports, il y a encore du personnel mais il n'y a plus de moyens. Les missions sont difficilement discernables entre le Ministère et l’ANF, il va falloir clarifier tout cela et faire en sorte que les budgets puissent avoir un niveau qui permette de développer la pratique sportive."

Et pour Paris 2024 ?

M-GB : "Il y a déjà des impacts immédiats, par exemple l’arrêt des travaux du Paris Express. Cela aura certainement des conséquences aussi sur les infrastructures après, il ne faut pas renoncer. On peut toujours rêver de Jeux moins onéreux, plus axés sur le développement durable, et il faut travailler là-dessus. Mais il faut que cela reste la grande fête du sport car elle donne à voir quand même de la beauté du spectacle sportif et donne des envies à des millions de gamins et de gamines de faire du sport. On devra sans doute travailler plus pour combler le retard que l’on est en train de prendre, mais on ne va pas fermer l’Opéra ou la Comédie Française parce qu’il va falloir des économies. Le sport ce n'est pas quelque chose de secondaire, c’est comme la culture, donc il va falloir que ce soit parmi les priorités humaines dont on aura besoin à la sortie de cette période dramatique."

 

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6 avril 2020 1 06 /04 /avril /2020 14:54
Covid- 19 - Un risque de pénurie de médicaments (Laurence Cohen CRCE)

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur l’alerte lancée le 31 mars 2020 par neuf directeurs des plus grands hôpitaux d’Europe sur le risque de pénurie de médicaments essentiels pour traiter les patients atteints du Covid-19.

Ces établissements, dont l’assistance publique-hôpitaux de Paris (APHP), attirent l’attention des gouvernements européens sur les stocks largement insuffisants pour fournir des soins intensifs adéquats. Ces ruptures d’approvisionnement s’expliquent en grande partie par la délocalisation de la production de médicaments à l’étranger et interrogent notre modèle sanitaire et notre indépendance pharmaceutique et économique.

Sans approvisionnement rapide, les réserves de curare, midazolam ou propofol seront épuisées d’ici à deux semaines, voire d’ici à quelques jours dans les hôpitaux les plus sévèrement touchés. Or, ces anesthésiques et hypnotiques sont indispensables pour les patients en réanimation.

Aussi, elle lui demande ce que le Gouvernement entend faire en urgence pour répondre à cette demande, pour exiger des groupes pharmaceutiques d’augmenter leurs capacités de production afin de faire face aux besoins, pour organiser une meilleure coopération aux niveaux européen et international afin de ne pas mettre les soignants face à une incapacité d’exercer leurs missions et par conséquent de limiter le nombre de décès. Elle lui demande également s’il entend mettre en place un groupe de travail composé de scientifiques, de syndicalistes, d’élus de toutes sensibilités politiques pour étudier les conditions de mise en place d’un pôle public du médicament et de la recherche afin d’éviter, notamment, que de nouvelles ruptures de stock ne se reproduisent.

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4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 13:48
Crise de l'hôpital, nouveau plan de réorganisation néo-libéral: Pierre Laurent, sénateur communiste de Paris, président du Conseil National du PCF, écrit au Président Macron

Lettre de Pierre Laurent à Emmanuel Macron

Monsieur le Président, Emmanuel Macron

En contact quotidien comme sénateur de Paris avec des médecins et des personnels soignants de l'AP-HP, je tiens à vous alerter sur la grave rupture démocratique ressentie sur le terrain et dans toute la population. Tout le monde fait face. Les acteurs de la santé publique sont exemplaires. Ils se donnent corps et âme pour sauver des vies, mais ils attendent clairement que la suite ne ressemble en rien à ce qu'ils vivent en réalité depuis des années, et encore plus durement ces dernières semaines. Demain, les mots ne pourront pas rester lettre morte, sinon la colère sera immense.Le 12 mars dernier, lors de votre première intervention télévisée sur la lutte contre le coronavirus, vous déclariez notamment: « ce que révèle déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe [...]. Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ».

Inutile de vous dire combien je partage cette pétition de principe, qui fonde depuis la création de la Sécurité sociale, la ligne de conduite des communistes en matière d'accès à la santé et à la protection sociale.

La pandémie met aujourd'hui à nu les choix politiques contraires faits depuis des années, choix que notre pays et sa population paient en ce moment très cher. Durant les premières années de votre quinquennat, je n'ai cessé d'alerter avec les parlementaires de mon groupe, sans jamais être entendu. J'ai rencontré les personnels et médecins, notamment de l'AP-HP, à de multiples reprises à l’occasion des débats parlementaires comme du tour de France des hôpitaux que nous avons initié de 2018 à 2019. Afin de relayer l'ampleur des exigences exprimées, qui disaient déjà tout des risques encourus face à une grave crise sanitaire, nous avons élaboré une proposition de loi d'urgence pour l'hôpital et la santé, dont le fil conducteur est précisément de placer la santé au dessus des lois du marché.

Le 25 mars, vous avez enfin affirmé à l'hôpital de Mulhouse, un établissement au premier rang du désastre, qu' "à l'issue de cette crise, un plan massif d'investissement et de revalorisation de l'ensemble des carrières sera conduit pour notre hôpital".

De telles paroles en pareilles circonstances ne peuvent être prononcées à la légère. Or, le premier avril, un article de Mediapart révèle qu'à la demande de l’Élysée une note de travail rédigée par deux hauts fonctionnaires de la Caisse des Dépôts esquisserait un plan pour l'hôpital prenant la direction exactement contraire à tout ce qu'exige la population et la très grande majorité des médecins et soignants de France, et en l'occurrence au principe même que vous évoquiez le 12 mars. Ce plan consisterait en une accélération massive des processus de privatisation rampante et de marchandisation des hôpitaux qui prévalent depuis des années et nous ont conduit à la dramatique situation actuelle. Pour le moins, des éclaircissements rapides sont nécessaires.Monsieur le Président, êtes-vous en mesure de démentir sans ambiguïté cette direction de travail et existe-t-il d'autres notes de travail du même type déjà en circulation auprès de vos services ? Au-delà, pouvez-vous garantir que le plan pour l'avenir de l'hôpital que tout le pays attend ne sera pas élaboré dans le secret de notes confidentielles sans y associer avant publication les médecins et les personnels, sans y associer la représentation nationale? Un processus transparent, national, doté de moyens publics, à l'image du grand débat national, ne serait-il pas plus approprié à construire le plan pour l'hôpital et le système de santé publique dont notre pays a besoin demain?

C'est en tout cas la proposition que je vous fais. Avec mes collègues parlementaires, nous sommes disposés à nous investir pleinement dans unetelle élaboration citoyenne. Nous misons résolument sur l'intelligence collective de toutes les composantes de la Nation pour construire un plan d'avenir pour nos hôpitaux, nos Ehpad et notre système de santé. Seule la démocratie peut reconstruire la confiance.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.

Pierre Laurent

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4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 13:27
Jeudi, 2 Avril, 2020
Romain Gizolme : « Il faut concilier impératifs éthiques et sanitaires »

Depuis le début de la crise, la situation dans les Ehpad ne cesse de se tendre. L’isolement des résidents dans les chambres inquiète. Entretien.
 

Romain Gizolme est Directeur de l’AD-PA, association des directeurs au service des personnes âgées

Le gouvernement demande l’isolement individuel des résidents dans leur chambre pour limiter la contagion. Est-ce LA solution ?

Romain Gizolme Il faut avoir conscience que le confinement a des conséquences sur l’état psychologique des personnes âgées. Il s’agit aussi d’une restriction de liberté. C’est pourquoi nous avons saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui doit rendre son avis bientôt. Ce n’est pas parce que nous sommes dans l’urgence qu’il faut lâcher sur les questions d’éthique. Nous voulons des mesures proportionnées et différenciées. Celle visant à isoler complètement doit être prise avec parcimonie. Et ça implique que les personnels puissent disposer de masques.

Qu’en est-il des masques et des tests de dépistage ?

Romain Gizolme Ça commence à s’améliorer dans les établissements, mais c’est toujours compliqué pour les services à domicile. Il faut absolument que les services de l’État s’organisent pour leur livrer des masques. Il faut aussi pratiquer des tests, aussi bien sur les personnels que sur les personnes âgées. Cela nous permettrait de savoir que les salariés vont bien. Et cela justifierait les mesures d’isolement en logement individuel pour les pensionnaires malades. C’est ce qu’on met en place en période de grippe saisonnière. Le coronavirus ne touche pas 100 % des résidents d’un même établissement. Cibler les personnes positives permettrait d’éviter d’imposer à tout le monde de rester seul en chambre, pendant de nombreuses semaines, voire mois. Les autres pourraient être libres de circuler un peu. On concilierait ainsi impératif éthique et sanitaire.

Après trois semaines de confinement, les personnes âgées doivent commencer à ressentir certains effets…

Romain Gizolme Oui. On voit des gens qui se nourrissent moins. D’autres qui développent des troubles du comportement. On peut supporter des mesures contraignantes, mais si celles-ci durent trop longtemps, elles ne seront plus acceptées, et au final, plus applicables.

Sans compter le manque de moyens humains...

Romain Gizolme On sent clairement le manque de personnels, d’autant que toutes les relations sociales sont réduites a minima. Il est certain que la question du bilan et de l’état du secteur va revenir sur le devant de la scène politique après la crise. Ce n’est pas encore le moment. Notre préoccupation, là, c’est de tout mettre en œuvre pour limiter l’impact du coronavirus sur les personnes âgées qui sont les plus vulnérables.

Entretien réalisé par Alexandra Chaignon
 
Situation critique dans les EHPAD à l'heure du Covid-19 - Interview de Romain Rizolme, directeur de l'AD-PA, et reportage à Paris - L'Humanité, 2 avril 2020
Jeudi, 2 Avril, 2020
Dépendance. Dans les Ehpad de la Ville de Paris, la tempête arrive

Déjà une vingtaine de décès liés au coronavirus parmi les 2 000 pensionnaires des maisons de retraite publiques de la capitale. Familles et salariés s’inquiètent du manque d’informations, de matériel et de personnel qualifié.

 

« D ans mon établissement, il a déjà au moins huit cas, et quand j’y retournerai demain, il y en aura un autre. Cela va très vite », explique Jean-Paul (1), soignant dans un des 15 Ehpad gérés par le centre d’action sociale de la Ville de Paris (CASVP). On comptait mercredi une vingtaine de décès parmi les 2 000 résidents de ces établissements publics. « La vague est arrivée. Nous avons des cas dans tous nos établissements. Reste à savoir comment on va arriver à en limiter l’impact », résume Hervé Spaenlé, sous-directeur des services aux personnes âgées. Depuis le 8 mars, les familles n’ont plus le droit d’aller voir leurs proches. Le 27, certaines avaient reçu des courriers les informant de la présence de cas suspects. Depuis, elles n’ont plus aucune information et l’angoisse monte. « Je téléphone deux fois par semaine. J’arrive à parler à une aide-soignante. Elle me dit que tout va bien, mais j’ai peur. Le virus est entré dans la résidence et ma mère a 84 ans », explique Jeanine, dont la mère est en Ehpad depuis douze ans.

Combinaison partagée

Les pensionnaires sont depuis ce week-end tous confinés dans leurs chambres. Dans un premier temps, la semaine dernière, seuls les cas suspects étaient concernés par cette mesure. Les déplacements entre les étages étaient, eux, interdits. Recommandé par le ministère, le confinement total ne va pas sans difficultés. « La consigne est dure à comprendre pour ceux qui n’ont plus toute leur tête. Chaque fois que vous avez le dos tourné, il y en a un qui sort de sa chambre. On passe nos journées à essayer de les raisonner », explique Michel, un aide-soignant. « On aurait dû regrouper les cas suspects sur un seul étage et leur allouer un personnel dédié pour permettre une vraie isolation », s’agace Maryse Gautier Leghlid, présidente d’une association des familles de résidents des Ehpad du CASVP.

Les équipements sont, comme partout, insuffisants. Même pour se rendre dans les chambres des cas avérés, il n’y a pas masques FFP2, et pas toujours de charlotte ou de lunettes. « On a une seule combinaison de protection, alors elle reste dans la chambre. On la met tous à tour de rôle, au risque d’être contaminés et de répandre le virus », raconte Jean-Claude. Les soignants disposent depuis seulement le 23 mars de trois masques par jour. C’est plus que les recommandations de l’ARS, souligne la direction, mais insuffisant pour pouvoir en changer à chaque résident et limiter les risques de contamination. « Ces masques sont arrivés beaucoup trop tard. On en réclamait depuis des semaines. Pendant tout ce temps, forcément, on a fait entrer le virus », tempête Jean-Claude.

Des bénévoles en renfort

Le manque de personnel complique aussi la réponse. « Il y a eu beaucoup d’arrêts. Les gens pensent qu’ils ont le Covid. Ils ne veulent pas prendre le risque d’infecter les résidents et ils ont peur. Certains aussi doivent garder leurs enfants ou habitent trop loin », explique Christian Giovannangeli, délégué FO au CASVP. Selon la direction, entre 25 % et 30 % des soignants manquent à l’appel. Déjà chronique en temps normal dans les Ehpad, le sous-effectif explose, alors même que les missions se multiplient et se complexifient. « Avec le confinement, on doit aller de chambre en chambre pour les repas et on est deux pour 28 personnes. On doit courir partout, apporter les plats, les réchauffer, aider certains à manger. En fin de journée, on est exténués », raconte Laura, une aide-soignante.

« On essaye de leur simplifier le quotidien. Ils peuvent utiliser des taxis entre 19 heures et 7 heures du matin et on propose des logements meublés sur Paris, que des agences privées nous ont mis à disposition », explique Hervé Spaenlé. Une prime de 35 euros par jour de présence a aussi été allouée par la mairie. Mais le personnel se plaint de la pression des chefs et du manque de considération. « J’imaginais qu’on allait tous se serrer les coudes. Mais non. Il faudrait qu’on se sente soutenus et encadrés, mais on a l’impression de se débrouiller tous seuls », souligne Laura.

La direction fait aussi appel aux intérimaires et, pour la première fois, aux bénévoles, venus pour l’essentiel d’autres services du CASVP ou de la mairie. Trente soignants du secteur de la petite enfance se sont déjà portés volontaires. « Ces personnels de remplacement et titulaires surchargés vont-ils être en mesure d’appliquer strictement les consignes ? » s’inquiète Maryse Gautier Leghlid. « Dans une situation comme celle-là, tout est un risque, reconnaît Hervé Spaenlé. Mais nous n’avons pas le choix. »

(1) Les prénoms ont été changés.
Camille Bauer
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4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 13:14
Fin de vie, contention: les Ehpad en pleine crise éthique (Médiapart, 3 avril 2020)
Fin de vie, contention: les Ehpad en pleine crise éthique
Par


L’administration des soins en Ehpad ainsi que les règles régissant la contention sont revues dans l’urgence, provoquant l’indignation de certains soignants. Selon les chiffres encore partiels du gouvernement, 884 décès « rattachés au Covid » sont à déplorer depuis le 1er mars dans ces établissements.

 

«C’est violent », lâche Carine*. Cette infirmière décrivait la semaine passée, dans Mediapart, l’organisation mise en place pour accueillir les résidents Covid-19 de son Ehpad des Hauts-de-Seine. Une semaine plus tard, elle se retrouve en première ligne face à l’épidémie.

Déjà trois décès dans l’établissement, et encore onze autres patients testés positifs au virus. « Il se propage à une vitesse incroyable, témoigne Carine. J’étais de repos le week-end dernier et, lundi, j’avais l’impression qu’ils avaient tous perdu 10 kilos, à voir leur visage meurtris. Quand je pars, je crains de ne pas les retrouver vivants. » Aucun transfert possible dans les hôpitaux du secteur, « tous surbookés ».

L’infirmière décrit aussi ces décès brutaux, en quelques heures seulement : « Nous n’étions pas du tout préparés à cela. Une résidente avait quelques symptômes, des maux de ventre, une petite toux. Elle est morte en deux heures. Ça va vite, très vite. »

Alors que le gouvernement commence seulement à réagir, à recenser et à dérouter une partie des moyens vers les quelque 11 000 établissements collectifs d’accueil des personnes âgées, la réalité du terrain semble quasiment inchangée. Carine, par exemple, était seule hier pour la surveillance infirmière de 37 résidents, dont 11 Covid-19, malgré la mobilisation de la réserve sanitaire dans son établissement.

Impossible dans ces conditions d’être au plus près des patients. « Hier, nous n’avions plus de blouses en papier pour rentrer dans les chambres. On a réussi à trouver des blouses de bloc auprès d’un hôpital. Ça ira pour une semaine, et après ?, s’interroge Carine. Même les cartons spéciaux pour jeter nos déchets médicaux contaminés commencent à manquer. Pour les médicaments, ça va, pour le moment, on gère. »

Stéphanie Lévêque, médecin coordonnatrice dans trois Ehpad de Haute-Garonne, ne peut pas en dire autant, elle qui craignait déjà la semaine dernière de ne pas avoir de quoi assurer des soins palliatifs décents. « Dans un de mes Ehpad, il n’y aura bientôt plus de Valium ni de scopolamine, le médicament indiqué pour les encombrements de type bronchite. Nous allons manquer aussi de sédatifs. Je suis en train de constituer un stock à partager entre mes trois établissements pour parer au plus pressé. »

Ce médecin s’inquiète aussi de la lenteur des procédures administratives et réclame depuis trois semaines que soit appliquée la possibilité pour les professionnels en ville de se fournir en midazolam auprès des pharmacies hospitalières. Cette injection, utilisée dans le cadre de la loi Leonetti-Claeys, permet une sédation profonde pour deux indications particulières, les hémorragies massives et la détresse respiratoire aiguë.

L’obstacle est double : si les autorités de santé ont conscience qu’il faut en laisser l’accès aux praticiens des Ehpad, pour leurs patients qui ne seront pas transférés à l’hôpital faute de places, les arbitrages se font attendre au ministère de la santé afin d’éditer l’arrêté officiel. « J’espère que le temps administratif ne causera pas de mort douloureuse par des asphyxies non soulagées », souligne Stéphanie Lévêque. Par ailleurs, le midazolam faisant partie des médicaments prioritaires pour les patients ayant contracté le Covid-19 et hospitalisés en réanimation, sa « rétrocession » en ville est limitée (voir cet article sur les pénuries naissantes à l’hôpital).

Selon un rapport d’une agence régionale de santé (ARS) que Mediapart a pu consulter, une « tension sur le midazolam » est effectivement relevée. Il est également indiqué qu’une « prise en charge médicale alternative afin de permettre des soins palliatif en Ehpad » est en cours de rédaction.

Des médecins et directeurs d’établissements commencent effectivement à recevoir des consignes, en provenance des ARS ou de services de soins palliatifs hospitaliers, parfois relayées par les ordres locaux et les sociétés savantes, ce que confirme le ministère de la santé interrogé par Mediapart. Il s’agit d’adapter les procédures classiques de prise en charge médicale, en cas de détresse respiratoire aiguë sans possibilité de transfert vers l’hôpital, déjà saturé ou sur le point de l’être.

Dans l’un de ces documents, que Mediapart a pu consulter, en date du 20 mars 2020, il est écrit que ces « propositions diffèrent des récentes recommandations en ce qui concerne les doses et modalités de surveillance », avant qu’il ne soit précisé que ces conseils ont été rédigés avant tout pour soulager les patients dans une « période exceptionnelle ».

« L’intention des démarches thérapeutiques proposées est d’assurer le confort de patients confrontés à un état asphyxique dont on sait que l’évolution sera rapidement défavorable, poursuit le document, et dans un contexte où « les réévaluations régulières habituellement pratiquées par les équipes soignantes ne pourront pas être assurées. » Avant de préciser : « Il ne s’agit pas de démarches visant à précipiter le décès des patients mais bien de leur assurer un apaisement. »

Ces mises en garde ne rassurent guère Nathalie*, infirmière dans une maison d’accueil spécialisée (MAS) d’un hôpital psychiatrique de l’est de la France. Les MAS sont des unités où des patients de longue date, atteints de maladie mentale et le plus souvent très dépendants, finissent en général leur vie. Dans son unité, où la moyenne d’âge avoisine les 75 ans, il y a déjà dix résidents suspectés Covid-19.

« Oui, il faut les soulager, mais à quel prix ? », s’inquiète Nathalie. Ici aussi, le personnel médical a reçu des fiches indiquant les différents protocoles à suivre en cas d’aggravation de la maladie et de non-hospitalisation, et que Mediapart a pu consulter. « On nous demande de mettre nos patients sous sédation, mais sans respirateur comme à l’hôpital, on va au décès !, s’alarme l’infirmière. On nous dit de gérer, de prendre soin d’eux, mais avec juste un peu d’oxygène et de morphine, comment fait-on ? »

La détresse de cette infirmière est immense : « J’espère que je n’aurai pas à faire le geste fatal. La question de la culpabilité va être énorme. Si on décide d’éteindre un patient en détresse respiratoire, si la famille le sait et porte plainte, est-ce que la direction nous soutiendra puisque rien n’est écrit noir sur blanc ? »

La crise sanitaire suscitée par le Covid-19 engendre d’autres impasses éthiques. Depuis l’apparition des premiers cas et décès dans les Ehpad, le confinement des résidents dans leur chambre s’est généralisé. Mais une partie des personnes âgées, et notamment celles, nombreuses, souffrant de troubles cognitifs de type Alzheimer, ont bien du mal à respecter cette règle. Elles peuvent, dans la minute, oublier ce que vient de dire l’aide-soignante, sortir de leur chambre pour déambuler dans les couloirs.

Conscientes du problème, certaines agences régionales de santé ont également commencé à proposer des protocoles pour accompagner l’usage de la « contention chimique ou physique », parfois utilisée, sur prescription médicale et avec une limite de durée, en cas d’agressivité passagère ou de mise en danger du personnel ou des résidents.

Dans l’un de ces documents, consulté par Mediapart, titré « Déambulation et nécessité de confinement : propositions de réflexe », il est rappelé que dans le contexte du Covid-19, où « l’intérêt collectif prime sur l’intérêt individuel, il pourra malheureusement être nécessaire de confiner le résident/patient dans sa chambre. […] En fonction de la tolérance de ce confinement, des moyens de contention chimique et/ou physique supplémentaire pourront être envisagés ».

La contention chimique, cela signifie l’administration d’anxiolytiques ou de tranquillisants, voire de neuroleptiques. En matière de contention physique, le document préconise la « contention ventrale », qui renvoie à une chaise équipée d’une sorte de tissu à scratch, utilisée dans le cas des chutes à répétition.

Louise*, psychologue dans un Ehpad d’Occitanie, confirme que la consigne est bien passée dans toutes les maisons de retraite de sa région. Elle s’en indigne : « Il y a un risque létal dans ces contentions ! Avec ces médicaments, la personne s’alimente moins et le danger de faire des fausses routes est majeur, ainsi que les pertes d’équilibre. Scotchée à un fauteuil, toute la journée, ce sont des escarres assurées. » La surveillance et la « réévaluation clinique régulière » de ce type de traitement, préconisées « toutes les 30 à 60 minutes », paraissent complètement illusoires, dans des établissements notoirement connus pour leur sous-effectif.

Un directeur d’Ehpad dans l’Aude, qui critique depuis le début de la crise l’approche « tout sanitaire » de l’épidémie, assure n’avoir reçu aucune consigne particulière en la matière pour ses résidents, mais il prévient : « La contention est tout sauf un soin. Donc comment on cherche des alternatives ? Nous avons le cas d’une personne souffrant d’Alzheimer, déambulant, présentant des signes évocateurs de Covid. On lui accorde une attention particulière pour éviter qu’elle ne se promène. Mais c’est compliqué et requérant en temps humain. »

Louise pointe la gestion de cette crise par la pénurie, sur ce sujet comme sur d’autres depuis le début de l’épidémie : « Le problème majeur, on le sait, c’est la protection des soignants, qui sont les seuls ou presque depuis des semaines à rentrer dans les Ehpad. Or, nous n’avons pas assez de masques dans mon établissement, et aucun masque FFP2. Est-ce que ce n’est pas ça, la priorité, plutôt que de préconiser des mesures délétères pour la santé, pour des personnes qui n’ont même pas le Covid ? »

Le sujet semble suffisamment grave pour avoir motivé une nouvelle note du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, rendue publique le 30 mars, entièrement dédiée aux Ehpad. Cette note a été remise trois jours plus tôt aux autorités nationales. « Les mesures envisagées à l’échelle des établissements doivent tenir compte d’exigences sanitaires pour les personnes résidentes et leur entourage, ainsi que d’exigences éthiques et humaines fortes, également essentielles », relève le comité, qui « renouvelle son alerte sur les structures collectives ».

Il rappelle à maintes reprises l’importance des tests, qui comme les masques manquent partout, ainsi que les différentes mesures possibles de confinement collectif, ou de « zones dédiées », en lieu et place du confinement individuel, qui présenterait des « risques psychologiques facteurs de surmortalité ou d’altération de l’état de santé ». Être maintenu dans sa chambre « soulève d’importantes questions non seulement sanitaires, mais aussi éthiques, légales et plus largement sociales. [Ce maintien] conduit à priver les résidents de ce qui fait souvent le sens de leur existence en fin de vie », conclut ce document. Beaucoup, en effet, n’ont plus reçu aucune visite de proche depuis le 6 mars.

« On pourra, à la fin de la crise, se gargariser de ne pas avoir eu de cas Covid ici ou là, ajoute en écho Louise, en Occitanie. Mais on ne parlera pas de tout ce qui découle de ces mesures de confinement par la contention, de ces personnes qui vont devenir grabataires en une semaine ! »

Nombre de soignants devraient d’ailleurs résister à de telles injonctions : « Les résidents sont confinés en chambre et oui, dans les unités Alzheimer, c’est difficile de le faire respecter, complète Tatiana Dubuc, aide-soignante au Havre et responsable CGT. Mais tant que le médecin ne donne pas de prescription médicale précise dans ce sens, on ne contentionnera pas, ce n’est pas du tout notre politique. »

« Donner des médicaments ou attacher sur une chaise ou dans un lit des patients, c’est ce qui se pratiquait dans les hospices d’autrefois, et c’est une philosophie inverse que tente de mener le secteur depuis 20 ans, avec production à foison de chartes de bientraitance, explique Louise. Donc, c’est non seulement un reniement mais aussi un immense bond en arrière. »

Le sentiment lancinant d’être, dans cette crise encore, « la cinquième roue du carrosse » est assez général. La fille d’une résidente d’un Ehpad à Viroflay, dans les Yvelines, alors qu’il y a déjà eu deux décès dans l’établissement et toujours dix personnes en surveillance renforcée, bataillait encore cette semaine pour obtenir des protections adéquates, l’Ehpad ayant lancé un appel aux familles pour trouver des masques, des sur-blouses, des sur-chaussures et du gel hydroalcoolique. L’établissement est fermé aux familles depuis le 6 mars mais, bien sûr, le virus circule. « Ma mère a 92 ans, c’est l’horreur », confie-t-elle, dans une telle colère qu’elle a écrit directement au président de la République.

Carine, depuis son Ehpad des Hauts-de-Seine, se dit tout simplement « écœurée » : « Il a fallu attendre une crise sanitaire cataclysmique pour qu’on réalise enfin la situation dans laquelle nous nous trouvons, depuis des années. » Jeudi 2 avril, le directeur général de la santé Jérôme Salomon a pour la première fois rendu publiques les données communiquées par les Ehpad depuis le début de la crise, des chiffres encore partiels : 14 638 cas « confirmés ou possibles » de Covid-19 y ont été recensés ainsi que 884 décès depuis le 1er mars.

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