Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Le groupe automobile Renault vient d’annoncer la suppression de 4 600 emplois dans notre pays. Bien au-delà des effets de la pandémie en cours, nous payons là le choix des délocalisations massives vers les pays à bas coûts pratiquées ces deux dernières décennies. Les menaces pesant sur l’avenir de certains sites suscitent, on l’a constaté, d’énormes inquiétudes dans les territoires concernés : Maubeuge, malgré les annonces récentes, mais sans réelle garantie au-delà de 2023, Choisy-le-Roi, Flins, Caudan ou encore Dieppe.
Le chiffre d’affaires de Renault fut de 55 milliards d’euros en 2019. L’État actionnaire a annoncé l’octroi d’une garantie publique de 5 milliards d’euros. M. Jean-Dominique Senard, président de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, a déclaré sur France Info, lundi soir, que cette garantie ne s’accompagnait pas de « contraintes difficiles ».
Madame la secrétaire d’État, quelles contraintes allez-vous imposer au groupe Renault ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Bocquet, je sais votre attachement à Renault : vous êtes un élu du Nord, et ce département compte deux sites extrêmement importants, Maubeuge et Douai. Le premier, qui produit notamment la Kangoo, est aujourd’hui l’un des sites français les plus productifs.
Bruno Le Maire a réuni hier l’ensemble des organisations syndicales et des élus pour faire prendre des engagements à Renault. Je vous rappelle que le prêt garanti par l’État n’était pas encore signé hier. Ce sont ces engagements-là que nous prenons en donnant cette garantie.
Jean-Dominique Senard a été très clair.
Premièrement, Renault est en grande difficulté, je crois que nous pouvons tous nous accorder sur ce point. L’entreprise aborde la crise en difficulté. Nous avions appris au moment de l’annonce des résultats pour 2019 qu’elle perdait beaucoup d’argent ; elle continue à en perdre dans le cadre de la crise du Covid-19.
Deuxièmement, Renault lance un plan mondial de réduction des coûts. Ce plan concerne certes la France, mais aussi d’autres pays. La question est non pas de délocaliser des productions, mais de faire face à une diminution du nombre d’achats de voitures. Renault peut produire 5 millions de voitures ; malheureusement, elle n’en vendra peut-être que 3 millions, 3,2 millions ou 3,4 millions cette année. On voit bien là l’écart de production par rapport aux capacités industrielles.
Troisièmement, Jean-Dominique Senard s’y est engagé, les suppressions d’emplois en France ne s’accompagneront pas de licenciements secs. C’est son engagement, et nous le suivrons de très près, car c’est notre travail. S’agissant du site de Maubeuge, il a pris là encore des engagements fermes visant à donner en 2023 un avenir à ce site et à continuer d’y maintenir des activités.
Dernier point, Renault s’est engagé à relocaliser des productions en France, notamment en ce qui concerne la traction électrique, et à investir dans la batterie électrique, ce projet européen qui est si important pour notre industrie automobile. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d’État, les sites de production des modèles Twingo, Clio et Dacia sont implantés en Turquie, en Roumanie et en Slovénie. Ces usines tournent sept jours sur sept et sont surchargées.
Il faut décider de relocaliser la production de 300 000 de ces véhicules, afin d’apporter de la commande aux sites de production de notre pays. Il convient dans le même temps de réorienter la production vers des modèles hybrides, électriques et thermiques à prix modique, afin d’accélérer la transition énergétique. Cela pose aussi en creux la question du pouvoir d’achat.
Personne ne comprendrait que l’argent public ne serve qu’à accompagner les suppressions d’emplois. Notre industrie automobile mérite un autre développement, un autre avenir et un engagement fort et déterminé de l’État actionnaire !
Renaultannonce 15000 suppressions d’emplois (dont 4600 en France), autrement dit, la désindustrialisation va reprendre à plein régime.
Le bilan social et économique sera bien pire puisque pour une usine supprimée, ce sont des productions qui disparaissent et il y a toute une filière de sous-traitants qui disparaît avec. Des savoirs faire, des outillages spécifiques, des capacités de production vont être détruits.
Il faut noter que cela n’a rien à voir avec la crise sanitaire puisque les patrons de la métallurgie anticipaient il y a un an 100 000 pertes d’emplois dans l’automobile dans les prochaines années. Tout juste le coronavirus a-t’il précipité la restructuration capitaliste de la branche.
Cette refonte aura lieu dans tous les secteurs. Les capitalistes préparent « l’économie 4.0 » c’est à dire celle de l’automatisation avancée où tout est « autonome » ou « communiquant » grâce à l’intelligence artificielle, à la 5G et d’autres innovations technologiques ; Et avec une teinte de « vert » pour que ça passe mieux. En tant que tel, ce n’est pas forcément un souci (même si on doit interroger le sens et les objectifs de ce progrès). Mais dans le système capitaliste tel qu’il fonctionne, ça le devient : comme à chaque saut de modernisation dans nos économies développées, les innovations créeront peut-être autant d’emplois qu’elles en détruiront MAIS elles déclassent les technologies précédentes. Les industries qui en dépendent voient leur valeur ajoutée réduite et les productions sont transférées dans les pays à bas coût de main d’œuvre. C’est cela qui nous coûte très cher en emplois.
Nous verrons donc bientôt des cérémonies d’inauguration d’usines de production à la pointe de la technologie permettant de nous rassurer, mais dans le même temps nous subirons de plus en plus les pénuries des sacs en papier emballant notre farine, de notre aspirine, ou des petites pièces détachées de nos voitures...
La restructuration capitaliste de l’économie est une impasse.
Cela questionne d’autant plus les fameux « plans de relance »... vont-ils relocaliser des production de base, sachant que ce ne sera pas viable dans le cadre de l’économie libérale ? Probablement pas. Ou alors vont-ils financer cette restructuration de l’économie ? C’est plus crédible. Rappelons-nous qu’à plus petite échelle, le CIR (puis une partie du CICE) a servi à financer l’automatisation dans les banques et la grande distribution, au détriment de l’emploi...
Est-il impossible de relancer l’industrie ? Oui si l’on attend que le capital le fasse. En revanche, les États peuvent aussi développer de nouvelles formes d’industries nationalisées pour répondre aux besoins. Cela suppose de changer les règles de marché et de mettre la concurrence entre parenthèse dans certains secteurs pour que les standards de gestion ne fassent pas immédiatement couler ce qui est relancé (et aussi pour que cette relance ne soit pas le prétexte à une dégradation des conditions de travail des salariés de ces industries sous prétexte de compétitivité). Les États ont parfaitement été capables de développer des industries dans tous les domaines (aérospatiale, énergie, transports, pétrochimie... la plupart des fleurons français de l’industrie ont été boostés par leur caractère public puis privatisés). Il manque en revanche une grosse volonté politique qui soit à total contre-courant des dogmes actuels. Mais ça me paraît être la seule solution si on veut vraiment re-développer l’emploi industriel et être moins dépendants des pays sous-traitants.
Par ailleurs, un outil doit être regardé avec soin... les grandes surfaces n’ont pas correctement protégé leurs salariés pendant la crise, elles ont spéculé sur les denrées, elles exploitent leurs salariés, certaines ont osé réserver les masques aux détenteurs de leurs cartes clients, etc... la question de ces profiteurs de « guerre » doit donc être posée. Et je le fais dans ce sujet car je pense que c’est un outil insuffisamment pris en compte. La grande distribution est aujourd’hui un outil de pression sur les prix, et uniquement cela, ce qui aggrave toutes les dérives capitalistes (délocalisations, productions polluantes, abus de transport, mauvaise qualité...). Elle pourrait devenir un point d’appui dans les politiques publiques, une aide à la consommation responsable des citoyens. Elle dispose en effet de leviers énormes pour reporter les transports sur des modes doux ou renforcer le pavillon routier français, pour favoriser le développement d’agriculture de proximité (notamment primeur), et pour favoriser le développement de l’industrie française (notamment celle nationalisée). Avec les industries nationalisées, je pense donc que la création d’un nouveau grand service public de la distribution serait absolument nécessaire.
Je ne reviens pas sur le sujet des services publics : aujourd’hui le gouvernement va multiplier les gesticulations et les « Ségur » de manière à ce que « tout change pour que rien ne change ». Comme après le début des gilets jaunes on nous annoncera des milliards qu’on aura piqué dans d’autres lignes budgétaires. Et les vrais moyens (humains et matériels) seront à nouveau ratiboisés.
Il y a 3 ans, la CGT lançait une campagne « industrie et services publics ». Une nouvelle fois, la CGT a pointé les véritables sujets qui devraient occuper le débat public. Et sa crédibilité vient justement du fait qu’elle l’a fait AVANT la crise, parce que malgré ses difficultés et son affaiblissement, elle est en lien direct avec les besoins des travailleurs.
L’urgence absolue c’est de renforcer la CGT, pour développer notre outil de débat sur les solutions, et d’action pour les imposer (car les camps d’en face ne nous feront aucun cadeau).
Du côté du Gouvernement, il n’y a pas beaucoup de réaction aux annonces de Renault. C’est conforme à leur idéologie fanatique : l’Etat régule mais ne s’ingère pas dans l’économie, c’est le marché qui fait les arbitrages.
Il y a bien quelques vagues incantations sur la nécessité de rapatrier des productions, mais c’est juste un appel au civisme des patrons, donc le Gouvernement sait très bien que ça n’ira nulle part. Il n’utilise ni l’arme du contrôle des aides publiques, ni l’arme de la commande publique (encore moins de la nationalisation) pour arracher des relocalisations de productions aux patrons.
Pour noyer le poisson, le Gouvernement qui ne maîtrise qu’une chose (la com) multiplie les interventions médiatiques : il faut faire payer les riches (Attal), il faut que les entreprises fassent des efforts sur l’environnement (Borne), il faut planifier (Bayrou), il faut un plan inégalé pour l’hôpital (Macron), etc... ils savent que ce seront nos angles d’attaque donc ils vident les concepts par avance pour stériliser le débat en multipliant l’emploi de NOS mots à tort et à travers. D’où la nécessité d’être précis et de développer nos argumentations si nous voulons arriver à convaincre la masse observatrice de la population.
Puisque le déconfinement avance, organisons à nouveau nos réunions de syndiqués, et prenons bien les 3 temps nécessaires : discutons sur l’action syndicale immédiate (protection sanitaire, conditions de travail, emploi, salaires...), discutons sur les grandes mesures nécessaires pour changer de modèle économique, et discutons des actions à mettre en œuvre pour faire partager nos idées et mettre la pression aux patrons !
Réaction de Laurent Brun concernant le plan de relance franco-allemand
C’est une gigantesque arnaque de présenter l’Union européenne comme la solution à la crise alors qu’elle en est une des causes.
Le soi disant plan de relance franco allemand pose en lui même un certain nombre de questions (nouveau recul de souveraineté en matière de politique économique, conditions de remboursement qui pourraient amener une étape supplémentaire vers le fédéralisme, critères de sélection des projets...).
Mais c’est surtout une gigantesque arnaque idéologique qui vise à présenter l’Union européenne comme la solution à la crise alors qu’elle en est une des causes.
Pour les services publics, par exemple, les règlements de l’Union européenne consacrent l’obligation de mise en concurrence, le principe du « bénéfice raisonnable » (donc de la profitabilité du service public), et surtout les instruments « indépendants » de contrôle bureaucratique et financier qui ont fait grossir les « têtes » administratives et réduire les effectifs de production, un des problèmes révélé au grand jour dans cette crise.
Je ne développe pas sur le rôle de la banque centrale qui n’aide plus au financement des grands projets mais uniquement à la protection de la bourse et des grands patrimoines, sur les critères de convergence ou les contraintes budgétaires qui imposent aux états la réduction des budgets sociaux, sur la libre circulation des capitaux qui a organisé les délocalisations, etc.
Je ne reviens pas sur le fait que l’UE a été immédiatement au chevet des bourses mais n’a pas organisé une seule seconde la lutte contre l’épidémie (démarches de coopération des labos publics de recherche, mobilisation des forces productives pour fournir masques et matériel... nous n’avons rien vu de tout ça, ils n’ont même pas idée que ça aurait pu être leur rôle tellement ils sont éloignés de la coopération... tout juste parlent ils de raté sur la coordination des mesures prises par les États membres alors que justement cela n’a aucun intérêt car les états ont décidé les mesures en fonction de leurs capacités hospitalières, et des caractéristiques de leur pays).
Tous les maux ne viennent pas de l’Union Européenne mais l’Union Européenne est la caisse de résonance de tous les pires dogmes de l’ultralibéralisme.
Donc je ne soutiens pas le plan de relance européen. Et je regrette profondément la déclaration unitaire des organisations syndicales qui le soutiennent.
Il y a trois siècles, Diderot demandait : « Croyez-vous sincèrement que la ruade d'un cheval dans la province française dérange le vol d'un papillon dans les îles de la Sonde ? »
Eh bien, à présent nous savons : oui, le vol d'une chauve-souris dans une ville d'Asie peut semer la crise, la maladie et la mort très loin de là, en France et partout dans le monde. Faut-il pour autant accuser des superstitions archaïques ou l'arriération de cultures « exotiques » ? Pas du tout, car si le virus en lui-même n'a pas de passeport et ne « fait pas de politique », sa rencontre avec les humains et sa diffusion pandémique doivent tout à la globalisation du capitalisme, à la mondialisation de ses modes de production et de vie. Les anthropologues connaissent bien la logique de constitution des chaînes épidémiques. Voici la ville de Wuhan, une population qui explose, une périphérie livrée aux entreprises et à l'agrobusiness, des paysans pauvres chassés des centres-villes, une déforestation massive, des animaux sauvages à l'espace bouleversé et réduit, des animaux domestiques à proximité, des humains qui consomment les animaux, le commerce devenu mondial, l'essor de l'aviation et du tourisme de masse, le changement climatique... et vous comprenez ce qui nous arrive.
Quels sont les personnages à l'origine du drame ? Nous les connaissons bien puisqu'ils existent partout et bien sûr chez nous : les promoteurs immobiliers, les financiers, les adeptes de l’agrobusiness, les grands groupes industriels, les actionnaires qui en veulent toujours plus, les profits colossaux et les inégalités béantes, les travailleurs surexploités, les pauvres qui survivent aux lisières de l'abandon, le marché qui «est sans conscience, ni miséricorde »(Octavio Paz) et surtout sans discernement. En un mot, un capitalisme qui n'est pas gêné de semer la mort, puisqu'il sait que, si lui est mondial, les dégâts qu'il produit, eux, sont pris en charge par les États-nations (les soins, la santé, l'éducation, la recherche, etc.) Pour lui, les profits sont les siens et les dépenses celles des autres (elles sont publiques) ! Il y a même des laboratoires pharmaceutiques privés qui peuvent y trouver un vrai jackpot.
Et voyez les États-nations de leur côté, qui se font concurrence jusque sur le tarmac des aéroports pour se procurer des masques, qui ont instauré la « gouvernance par les nombres » (celle du capitalisme privé) dans les administrations et les services publics, et vous obtenez la dictature du chiffre, la fermeture de lits inoccupés, la compression de personnel, les bas salaires, la non-reconnaissance sociale... Et nous voilà au cœur de ce que nous vivons. On voit commencer des catastrophes : le chômage explose alors que 4 milliards de personnes dans le monde ne bénéficient d'aucune forme de protection sociale ; on voit ici en France se creuser de féroces inégalités quand on n'arrive pas à se nourrir parce que son bullshit job a disparu ou qu'on est ubérisé.
On le voit donc :la lutte contre la pandémie et il y en aura d'autres après celle-ci) et la bataille écologique supposent toutes deux une action majeure contre le capitalisme, la primauté d'un autre logique : celle de l'émancipation humaine et du maintien des formes de vie sur notre planète. Et voilà que ces idées-là grandissent dans l'existence à l'envers imposée par le confinement : les budgets militaires gonflés servent-ils bien à combattre les virus ? Notre monde ne marche-t-il pas sur la tête quand il paie un trader cent fois plus qu'un soignant ou un enseignant ? La santé n'est pas une marchandise à brader, mais un droit à assurer à tous et gratuitement ! Il y a des productions utiles et d'autres qui le sont moins ou qui ne le sont pas : et si on privilégiait les premières ? Et s'il fallait retrouver une souveraineté publique sur notre économie et ne pas laisser faire le libre-échange, qui est ni une liberté ni un échange !
Et si on se devait de « détruire la misère», comme l'exigeait déjà en son temps Victor Hugo, quand on en a les moyens avec notre modernité et notre abondance ? On a vu qu'avant qu'une marchandise soit vendue et rapporte de l'argent, il faut qu'elle soit produite : et si les travailleurs avaient leur mot à dire sur l'avenir des entreprises alors que tant de faillites sont annoncées ? Et si toutes les démarches de solidarité inventées pendant le confinement duraient après son achèvement ? Ce serait un pas vers la maîtrise de la vie sociale et de son travail ! Et si on décidait que 15 élèves par classe, cette « impossible possibilité » réalisée en quinze jours, ça allait durer ? Et si une puissance pouvait naître de tous ces actes désintéressés qu'on a vu fleurir ? Et si on en finissait avec cette société où règne la boutade de Coluche : « Le monde appartient à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt» ?
Remettre sur ses pieds un monde qui marche sur la tête, Marx appelait ça le communisme, une société sans classes, une civilisation inédite, une humanité qui se saisit de son histoire et la transforme. Aux grands maux, les grands remèdes : un monde d'après le capitalisme, voilà ce qui est à l’ordre du jour. Laissons l'eau tiède à qui s'en satisfait. « Groupons-nous, et demain. » Avec les crises qui ne manqueront pas si on laisse faire, nos enfants nous reprocheront-ils, demain, d'avoir été aussi imprévoyants que l'ont été nos actuels gouvernants avec celle qui nous frappe ?
La crise sanitaire que nous venons de vivre prouve s’il en était besoin la nécessité d’un système de santé en bonne forme. Ce que les professionnels de santé disent depuis plusieurs années est brutalement validé. Pas assez de lits, pas assez d’emplois, pas assez de financement dans les hôpitaux. Et pourtant, rien ne semble pousser le gouvernement à un monde d’après.
Le « Ségur » de la santé est bien mal engagé. Nicole Notat, nommée comtesse de Ségur, nous explique que tout est ouvert et que nous partons d’une page blanche. Le Premier ministre, pour sa part, révèle le pot aux roses et articule la discussion sur la base du projet de loi « Ma santé 2022 » voté l’an dernier et qui prévoit la transformation de 300 hôpitaux de proximité en mouroir pour vieux en leur supprimant la chirurgie, la maternité et les urgences. Avec cette loi, c’est la poursuite de la destruction du maillage sanitaire de notre pays. Cette loi nous emmène dans le mur et Édouard Philippe nous demande d’accélérer.
Pourquoi poursuivent-ils cette politique catastrophique malgré l’évidence ? Parce que les enjeux sont énormes. Le capitalisme est en crise. Avec la politique de création monétaire massive des banques centrales depuis la crise de 2008, des suraccumulations de capitaux cherchent à se rentabiliser, à se créer de nouveaux marchés, à marchandiser toutes les activités humaines.
La France, avec son système de sécurité sociale, étonnant et anormal pour les libéraux, doit se plier à leur logique. Nous ne mesurons pas assez l’aberration que représente ce système pour l’idéologie néolibérale. La Sécu, c’est 500 milliards d’euros, pour un budget de l’État de 390 milliards d’euros.
Le budget de la Sécu est une cible alléchante, une bonne part de cet argent est aujourd’hui directement versée sous forme de service (retraite santé famille) et ne rentabilise pas de capital. Une hérésie pour les libéraux qui y voient sans doute un moyen de retarder la survenue de leur crise en permettant une meilleure rentabilité du capital accumulé.
Leurs choix sont donc naturels, d’une part diminuer la ponction initiale sur le capital avec les exonérations de cotisations sociales pré-affectées, la CSG, le CICE et, d’autre part, ponctionner eux-mêmes une part de ces cotisations qui devraient être réaffectées aux besoins de la population en instituant une médecine commerciale prépondérante.
Si l’hôpital public remplit ses missions et fournit des soins de qualité dans des délais raisonnables, pourquoi le patient irait-il payer de sa poche des soins dans le privé ?
Il faut donc abattre ce qui était le meilleur système de santé au monde, garder, certes, les structures hospitalo-universitaires coûteuses ou un grand hôpital de secteur dans le public, mais privatiser le reste et particulièrement le maillage de proximité.
Cette politique percute aujourd’hui de plein fouet les aspirations des professionnels de santé à bien faire leurs métiers. La souffrance au travail est partout à l’hôpital : les horaires, bousculés en permanence, l’intensification du travail par manque d’effectifs, les injonctions contradictoires à la qualité tout en rognant toujours plus sur les moyens alloués, la culpabilisation permanente avec l’appel au professionnalisme pour compenser les insuffisances de l’institution et au final le constat d’être maltraitant avec le patient quoiqu’on se démène pour faire l’inverse.
Le mouvement de l’hôpital est une œuvre d’intérêt général et nous devons tout faire (nous le faisons déjà dans de nombreux endroits) pour le soutenir, le faire grandir et le nourrir politiquement. Il faut donner de la perspective, sur les moyens financiers d’abord, avec par exemple la réaffectation du Cice, l’arrêt des exonérations de cotisations sociales, la lutte contre la fraude, aux cotisations pour 20 milliards, fiscale pour 100 milliards. Tout de suite, portons avec eux l’exigence de l’arrêt de la fermeture de lits ou de service et demandons des réouvertures.
Au-delà de la santé, c’est l’ensemble des services publics qui sont attaqués, toujours dans la même logique de marchandisation de toutes les activités humaines.
C’est un débat idéologique qui s’engage, s’élargissant à tout le service public. La manifestation du 16 juin doit être l’occasion d’établir un véritable rapport de force avec le gouvernement macroniste. À la suite de cette épidémie, de nombreux citoyens ont radicalement changé leur façon de voir l’hôpital et les services publics. Ils sont disponibles pour débattre et agir. À nous de les rencontrer partout où c’est possible. À nous de les inviter au débat et à la participation à la journée d’action du 16 juin.
Depuis le début de la crise sanitaire et économique, une petite musique politico-médiatique monte en crescendo. Il serait frappé de bon sens, dans la période actuelle, que les travailleurs acceptent de sacrifier de leur temps libre pour produire davantage et relancer la machine économique. Dans un esprit faussement teinté de patriotisme et de solidarité, les petits soldats du capitalisme expliquent à tour de bras combien il est vital pour l’économie, les entreprises, et donc en bout de chaîne pour le travail et les salaires, que les travailleurs renoncent à des congés payés et à la semaine de 35h pour rattraper les points de PIB perdus en France. Ces propos sont en fait totalement mensongers. Une mise au point de Tibor Sarcey.
Dans un récent article, le patron du Medef meuglait qu’il était nécessaire de “poser la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire”. Il grognait également que “l’important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020”. Avec ce formidable effet d’aubaine, l’ensemble des forces néolibérales s’engouffrent avec délectation dans cette brèche béante que leur offre la crise économique que nous traversons.
Ainsi le président du parti Les Républicains pointe du doigt le “carcan” des 35 heures et qu’on y “ gagnerait sur tous les fronts” avec la semaine de 40 heures.
Ainsi une journaliste de LCI porte la même expression du visage que Jacques Villeret dans Le Dîner de cons lorsque Philippe Martinez ne partage pas avec elle la nécessité d’augmenter le temps de travail afin de « rattraper » les deux mois de moindre vente de marchandises par les entreprises.
Ainsi les think tank ultralibéraux (Institut Montaigne, l’IFRAP, etc.) donnent la parole à des charlatans nostalgiques du tâcheronnage et maqués avec le pouvoir jugeant que la période actuelle est propice à la mise à mort de ce qu’il reste d’acquis sociaux pour les travailleurs. Véritable coterie, tout ce beau monde profite de la période sombre et trouble que nous traversons actuellement pour orner la litanie qu’il dégueule habituellement du sceau de l’évidence. « Mais enfin ma p’tite dame… ». Les travailleurs, bloqués entre le marteau et l’enclume, devraient accepter que le forgeron redouble son ouvrage car…cela va de soi !
Regagner de la croissance en augmentant le temps de travail individuel… ah bon ?
Mais pourquoi diable augmenter le temps de travail ? « Pour regagner les points de PIB perdu » on vous dit ! « Pour créer une croissance supplémentaire ! » nous dit-on encore. Pour comprendre la supercherie, faisons un (tout) petit détour économique. Le PIB d’un pays est égal à la somme des valeurs ajoutées des entreprises. La valeur ajoutée d’une entreprise représente les richesses créées dans l’entreprise. Comptablement, la valeur ajoutée d’une entreprise s’obtient donc en soustrayant de son chiffre d’affaires les dépenses en matières premières et autres consommations externes (loyer, électricité, etc.). C’est la valeur que le travail, par sa puissance créatrice, a ajoutée aux matières premières et autres consommations externes consommées et assemblées lors du processus de production des marchandises ou services.
Par exemple Renault accroît sa valeur ajoutée (son PIB) lorsqu’en augmentant ses achats de plastique, d’acier, d’essence, d’électricité, ou que sais-je encore, l’entreprise produit et vend plus de voitures qu’avant. Si vous avez suivi jusqu’ici vous comprendrez l’entourloupe. Si le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, souhaite réellement « reproduire de la richesse en masse » et tenter «d’effacer les pertes de croissance de 2020 » nous avons une astuce simple à lui donner : que lui et ses congénères embauchent massivement dans leurs entreprises ! Cela augmentera le temps de travail collectif en France en augmentant le nombre de travailleurs. Et à coups sûrs, cela permettra d’accroître la production (plus de force de travail pour transformer et assembler les consommations externes de Renault afin d’en faire des voitures). La baisse du chômage permettra à la consommation de suivre et solvabilisera la vente de cette production. Le PIB progressera. De Bézieux sera content…
Non : ça c’était une feinte, pour voir si vous suiviez. Le Medef ne sera évidemment pas content, car ce qu’il cherche en réalité ce n’est pas de protéger la croissance et le PIB français, mais plutôt le profit des grandes entreprises. Et le profit n’a rien à voir le PIB, qui je vous le rappelle est la somme des valeurs ajoutées. Entre la valeur ajoutée et le profit, il y a autant de différence qu’entre le salaire que vous touchez sur votre compte courant en début de mois et les éventuelles économies que vous réussissez à mettre sur un livret A à la fin du mois. Entre les deux, vous avez payé vos courses, votre loyer, votre essence, la crèche de vos gosses, etc… Pareil pour les entreprises : entre la valeur ajoutée et le profit, elles ont payé les salaires, les cotisations sociales, les impôts et taxes, les intérêts de leurs emprunts financiers et d’autres choses encore.
Ce qui intéresse le citoyen, c’est la valeur ajoutée. Ce qui intéresse le patron et l’actionnaire, c’est le profit.
Le profit c’est ce qu’il reste à une entreprise à la toute fin, une fois qu’elle a payé l’ensemble de ses dépenses. C’est ce qui est massivement versé aux actionnaires, surtout en France avec 172 milliards d’euros de versés en dividendes en 2018, et qui ne profite pas à l’économie réelle. Ce qui intéresse le travailleur, et le citoyen d’une manière plus générale, c’est la valeur ajoutée (et la part consacrée à l’emploi, aux salaires, aux services publics). Ce qui intéresse le patron et l’actionnaire, c’est le profit. Rien à voir donc. En insistant pour que ce soit le temps de travail individuel qui augmente (en augmentant la durée du travail hebdomadaire, ou en supprimant des jours de congés), à rémunération constante évidemment, le Medef et ses petits chefaillons souhaitent accroître la valeur ajoutée des entreprises, mais, mais, mais,…sans hausse parallèle de dépenses en salaires afin de libérer du profit pour les actionnaires.
Finalement, ils nous expliquent tranquillement que leur projet de société post-Covid est d’accroître d’un cran le taux d’exploitation du travail, d’extirper davantage de plus-value sur chaque salarié. Nous entendons d’ici Karl Marx nous crier « rien d’étonnant ! », lui qui avait déjà pointé du doigt les contradictions fondamentales du capitalisme et les stratégies d’entreprises pour limiter la baisse de leurs taux de profit. Souvenons-nous qu’il appelait également le prolétariat – la classe de travailleurs – à s’unir dans la lutte… Y’a plus qu’à.
Le PCF rend public un « plan d’urgence pour l’éducation » et veut bâtir un front commun pour faire barrage au projet d’une école de plus en plus inégalitaire. Entretien.
Marine Roussillon Membre de la direction du PCF, chargée de l’éducation
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) vient de rendre un avis très sévère sur « l’éducation au temps du Covid-19 ». Partagez-vous ce constat ?
Marine Roussillon L’interruption scolaire a eu des conséquences très graves sur les enfants et les familles. Et les conditions de reprise n’arrangent rien puisque, comme le souligne la CNCDH, elles sont très inégalitaires. Ce n’est pas le résultat d’une mauvaise gestion, ni de la précipitation : cela correspond au projet du gouvernement. Il est en train de prendre le prétexte de cette crise sanitaire pour installer, de manière brutale et accélérée, une école à plusieurs vitesses qui correspond à son projet libéral pour l’éducation.
Ce qui se passe depuis le 13 mars ne dit-il pas aussi quelque chose sur l’état de l’école en France ?
Marine Roussillon L’épidémie a révélé ce sur quoi nous alertons depuis longtemps : notre école est en crise structurelle, fragilisée par les années de casse du service public et les politiques d’austérité. Le compromis entre démocratisation et sélection des élites arrive à son terme. La logique de sélection prend le pas. L’éducation nationale ne se contente plus de reproduire les inégalités : elle les aggrave. L’école à la maison a rendu cela très visible : plus on délègue aux familles, plus on accentue l’écart entre celles qui sont culturellement proches de l’école et celles qui en sont éloignées.
La réponse du gouvernement, avec le numérique ou l’individualisation des parcours, est-elle la bonne ?
Marine Roussillon Ce que montre la recherche, c’est qu’on apprend mieux ensemble. Pour faire réussir tous les élèves, il ne faut pas les trier, les isoler. L’individualisation scolaire, qui peut paraître séduisante, aboutit à enfermer les enfants dans un parcours social prédéterminé : ce sont toujours les mêmes qui préfèrent le dessin aux maths, et toujours les mêmes qui aiment les maths et le latin… Pour la même raison, nous demandons l’abrogation de la réforme du bac et de Parcoursup. Aujourd’hui, il y a, d’un côté, les familles pour qui la crainte du virus l’emporte sur le besoin de remettre leurs enfants à l’école, parce qu’elles la ressentent comme un lieu de difficulté, de violence sociale. De l’autre côté, il y a les familles de cadres en télétravail qui peuvent recourir à d’autres solutions : cours à distance, préceptorat… Entre les deux, ceux qui n’ont pas le choix remettent leurs enfants à l’école. On s’habitue ainsi à un service public d’éducation qui est un pis-aller. Et aussi à ce que les classes populaires soient déscolarisées, sans que cela choque. C’est ce qu’ils ont fait avec l’hôpital : un service public pour ceux qui n’ont pas le choix et, à côté, un grand marché du soin. L’éducation résistait et résiste encore, mais on voit bien que ça s’accélère…
Peut-on encore rendre l’école moins inégalitaire ?
Marine Roussillon Déjà, il faut faire échouer le scénario dangereux qui se prépare pour septembre, et faire émerger un autre projet. La crise sanitaire a permis à de nombreuses familles de faire l’expérience qu’enseigner est un métier, que les enfants apprennent mieux à l’école. Il faut en tirer les leçons pour changer radicalement la politique d’éducation. C’est l’objet de notre plan d’urgence.
Que proposez-vous concrètement ?
Marine Roussillon Que ce soit pour se préserver du virus ou pour rattraper les enfants déscolarisés pendant plusieurs mois, on a besoin de travailler en petits groupes. On a donc besoin de plus d’enseignants. Il faut ouvrir dès maintenant beaucoup plus de postes aux concours, et construire un plan de recrutement pluriannuel. La crise a révélé l’importance de l’éducation sanitaire : il faut également reconstruire la médecine scolaire, quasiment détruite. Il va falloir aménager les programmes : d’abord pour récupérer, en lissant sur deux ou trois ans, ce qui n’a pu être fait pendant l’interruption ; puis les repenser sur le long terme, en donnant aux enseignants le temps de réfléchir à leurs pratiques et de les faire évoluer. Autre point important : la nécessité de reconstruire des équipes pluriprofessionnelles de lutte contre l’échec scolaire, avec des enseignants spécialisés, des psychologues… un peu sur le modèle des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), qui ont été saccagés. Il y a urgence. C’est pourquoi le PCF a entamé une série de rencontres avec l’ensemble des acteurs de l’éducation : parents d’élèves, syndicats, mouvements pédagogiques… Nous devons construire un front commun pour faire dérailler le plan du gouvernement.
À l’initiative du groupe GDR, vingt-cinq parlementaires invitent à instituer la « taxe Jean Valjean », proposée par le comédien Vincent Lindon. Entretien avec Sébastien Jumel, député PCF de Seine-Maritime.
La création d’une « taxe Jean Valjean » a été ignorée par Emmanuel Macron. Pourquoi avoir décidé de la faire entrer au Parlement ?
Sébastien Jumel Le 6 mai, quand j’ai vu la vidéo de Vincent Lindon sur Mediapart, j’ai été bouleversé parce que j’ai considéré qu’elle était juste, sincère et pleine d’humanité. Comme les députés PCF n’ont cessé de le faire, cet appel éclaire de manière salutaire la compréhension des liens qui existent entre l’affaiblissement de nos services publics, la montée des inégalités et les décisions politiques qui frappent les plus faibles. Vincent Lindon résume ainsi l’action de l’exécutif : « Des offrandes pour ceux qui n’ont besoin de rien, des sacrifices pour ceux qui ont besoin de tout », et propose d’y remédier. Ses mots m’ont causé.
Que contient la proposition de résolution ?
Sébastien Jumel Dans notre pays, les 10 % les plus fortunés possèdent 50 % de la richesse nationale. Près de 12,4 millions des Français sont exposés aux risques économiques et sociaux en pleine crise du coronavirus, et 21,4 millions sont exonérés d’impôts sur le revenu, faute de moyens. Dans cette situation, la taxe dite Jean Valjean propose de prendre aux riches pour donner aux pauvres. Il s’agit de mettre à contribution les plus hauts patrimoines du pays sous la forme d’une taxation de 1 à 5 % pour ceux évalués à plus de 10 millions d’euros. Ces riches ne connaîtront pas de fins de mois difficiles, et cela amènerait 34 milliards d’euros de recettes. La première année, 2 000 euros seraient versés aux 21,4 millions de Français cités plus haut. L’année suivante, cette somme viendrait renforcer nos services publics, avec en priorité l’hôpital. Enfin, des sanctions sont proposées contre l’évasion fiscale, qui nous coûte 7 % du PIB chaque année, et le RIP serait possible dès 1 million de signatures.
Elle porte le nom du personnage du roman les Misérables, de Victor Hugo. Que vous inspire-t-il ?
Sébastien Jumel Victor Hugo a dit : « Rien n’est solitaire, tout est solidaire. » Dans un discours à l’Assemblée, il s’est écrié : « Détruire la misère ! Oui, cela est possible. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli. » En relayant l’appel de Vincent Lindon, j’exerce, avec 24 de mes collègues, mon devoir de parlementaire. La crise du coronavirus agit comme un accélérateur de particules : les inégalités territoriales, sociales et fiscales ont d’autant plus éclaté au visage de la France. La taxe Valjean propose que le monde d’après ne ressemble pas à celui d’avant.
Esther Duflo, prix Nobel d’économie, vient de prendre fait et cause pour l’ISF…
Sébastien Jumel Je pense que les macronistes ne pourront pas tenir longtemps sur l’injustice fiscale que représente sa suppression. Tous les soirs, les Français ont applaudi les soignants en mesurant à quel point les services publics sont précieux. Mais pour les financer, il faut prendre l’argent là où il est. Actuellement, des députés de 4 groupes ont signé pour la taxe Jean Valjean : des communistes évidemment, mais aussi des insoumis, des socialistes et trois élus Libertés et Territoires. Cela montre qu’il est possible de créer des convergences sur cette exigence de justice fiscale. Chaque mot est pesé dans le texte, et son ADN est de gauche. Donc, je ne l’ai pas proposé aux marcheurs. Mais, si, demain, pris par une forme de révélation, ils découvraient l’urgente nécessité de mettre en place cette taxe, on ne ferait pas la fine bouche.
La France compte 843 000 demandeurs d’emploi supplémentaires en avril, hors chômage partiel, en raison de la crise économique.
L’hécatombe se confirme. En avril, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A (sans aucune activité) enregistre une hausse sans précédent depuis 1996, avec 843 000 nouveaux entrants. La France compte donc 4 575 000 chômeurs (catégorie A) fin avril, selon les chiffres publiés ce jeudi par l’organisme. Sur trois mois, l’augmentation est fulgurante : + 30,3 %, avec plus d’un million de personnes supplémentaires ! Toutes les tranches d’âge sont concernées : + 149 800 chez les moins de 25 ans (+ 29,4 %), + 530 000 chez les 25-49 ans (+ 24 %) et + 163 200 chez les 50 ans et plus (+ 16,1 %). Les secteurs d’activité touchés par le confinement concentrent le gros des demandeurs : commerce, hôtellerie, tourisme, construction, BTP, etc. Cette hausse historique s’explique par le passage en catégorie A de chômeurs jusque-là comptabilisés en catégories B et C (temps partiel, intérim…) et par l’effondrement du nombre de sorties des listes (- 35 %), soit des gens qui quittent Pôle emploi pour diverses raisons : reprise d’emploi (rien d’étonnant au vu du plongeon de l’activité sur le territoire), entrées en stage ou en formation, radiations administratives.
La CGT réclame l’arrêt des radiations
Depuis mi-mars, ces dernières étaient en effet suspendues. Mais la CGT redoute que la machine à radiation reprenne du service : « Alors que le nombre d’inscrits ne cesse d’augmenter et que l’accueil sans rendez-vous n’a pas été remis en place, la direction générale de Pôle emploi a décidé de la reprise de la gestion liste, écrivent dans un communiqué CGT chômeurs et CGT Pôle emploi. En d’autres termes, les travailleurs privés d’emploi et précaires pourront de nouveau être radiés. » La CGT réclame l’arrêt des radiations et l’abandon de la réforme de l’assurance-chômage, dont le deuxième volet doit entrer en application en septembre. Cette réforme durcit à la fois les conditions d’accès au chômage et le montant de l’indemnisation. « La crise sanitaire se transforme, comme on le prévoyait, en une crise économique et sociale qui peut être profonde », a déclaré la ministre du Travail ce jeudi. C’est le moins que l’on puisse dire…
Le vacarme produit par une certaine sphère médiatique pour vanter un prétendu plan de 500 milliards décidé par M. Macron et Mme Merkel est une dangereuse opération de communication et d’enfumage. Elle pourrait coûter fort cher aux familles populaires.
D’abord, il s’agit d’une proposition destinée à la Commission européenne qui doit obtenir le consensus des vingt-sept États membres de l’Union. Cette dernière s’est empressée de trouver l’idée géniale, à condition évidemment que cette somme soit destinée à « financer certaines réformes structurelles pour améliorer la compétitivité ». Un vice-président de la Commission a immédiatement expliqué que ceci s’inscrit dans ce qui est baptisé « semestre européen ». Langue de bois bruxelloise désignant un dispositif européen de coordination des politiques économiques visant à obliger chaque pays à réduire les crédits publics et à détruire un à un les outils de solidarité et les conquis sociaux pour « améliorer la compétitivité ». « C’est essentiellement selon ce concept que nous financerons les réformes et les investissements des États membres », a insisté le vice-président de la Commission. Autrement dit, les conditionnalités d’octroi des aides à un pays ne cherchent ni le progrès social ni le progrès écologique mais visent, au nom de la sacro-sainte compétitivité, à détruire les États sociaux. Exactement ce qui a conduit à désarmer les pays face à l’actuelle pandémie. Ces mandataires des puissances d’argent présentent les bas salaires, les destructions des systèmes de retraite et de la Sécurité sociale, ou la saignée de l’hôpital public comme des « avantages compétitifs ».
Ajoutons que l’argent ainsi promis serait emprunté sur les marchés financiers. Il viendra alimenter l’infernale spirale de la dette des États que les taux d’intérêt ne cessent de faire grossir alors que les banques privées reçoivent de la monnaie gratuite de la Banque centrale européenne. Ces mêmes banques privées prêtent ensuite cet argent, additionné de taux d’intérêt, aux États dont les gouvernements brandissent l’impérieuse nécessité de réduire « la dépense publique » et, pour cela, d’imposer l’austérité à leurs populations.
Voilà comment on continue d’enchaîner les peuples avec ce fameux boulet de « la dette », qui sert à alimenter de menaçantes bulles spéculatives. Ainsi, la prétendue relance du couple franco-allemand n’est pas liée à des projets nouveaux de coopération pour des investissements productifs visant la transition environnementale et le progrès social, mais elle a vocation à nourrir les ogres de la finance.
Les explications et les combats doivent reprendre sur la nature de « la dette » comme rouage du capitalisme mondialisé. Il est possible de la renégocier et de l’annuler à condition de ne pas considérer l’argent comme une marchandise valorisable mais bien comme un instrument d’échange. Dans l’immédiat, un fonds de solidarité européen destiné au progrès humain et écologique pourrait être créé. Un tel fonds, relié à la Banque centrale européenne, pourrait décharger les États de leur dette en la prenant à son compte. Il mettrait en place les conditions pour que les milliards créés par la Banque centrale ne soient pas dirigés vers les banques privées mais vers les banques publiques nationales comme la Caisse des dépôts et la Banque publique d’investissement. Celles-ci pourraient financer les services publics, les collectivités locales et des entreprises dès lors qu’elles s’engagent sur le maintien de l’emploi, le développement de la formation, la réduction du temps de travail et un processus d’application des normes pour préserver le climat et la biodiversité.
Une telle réorientation ne peut s’obtenir que par une mobilisation populaire qui peut intéresser de larges secteurs de la société. Ce moment de débats peut y être propice. En fait le choix est simple : soit celui des intérêts de la finance vorace, soit ceux du travail et de la nature.
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Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.