
Le 11 octobre 2017, le président Macron promettait aux paysans de faire dépendre l’évolution des prix agricoles de celle des coûts de production en France. Le 2 octobre 2018, sa majorité parlementaire votait la loi EGALIM dans le but affiché d’atteindre cet objectif. Près de deux ans plus tard, rien n’a fonctionné comme annoncé par le pouvoir politique. Les coûts production sont en hausse sensible et les prix agricoles sont en baisse. Du coup, la « Convention citoyenne » pour le climat veut « rendre les négociations tripartites plus justes pour les agriculteurs». Il reste à voir ce qu’en feront le gouvernement dirigé par Jean Castex avec Julien Denormandie, le quatrième ministre de l’Agriculture en seulement trois ans.
La « Convention citoyenne » a fait 14 propositions dans le but de parvenir à ce qu’elle nomme une « alimentation plus durable » en France. Le groupe CRCE au Sénat (1) approuve la plupart de ces propositions, comme, par exemple « étendre toutes les dispositions de la loi EGALIM à la restauration collective privée à partir de 2025 ». Le groupe parlementaire indique aussi qu’il porte depuis des années ce qui est défini dans le second objectif de la « Convention citoyenne» et que cette dernière a rédigé comme suit : « Rendre les négociations tripartites plus justes pour les agriculteurs. Assurer la présence de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans les négociations, rendre la méthode obligatoire pour toutes les filières et organiser des rendez-vous réguliers à l’échelle des interprofessions, obliger à la transparence, les entreprises agroalimentaires et les centrales d’achats ».
Les effets pervers de certains services rendus en écologie
Dans la liste des sept propositions de l’objectif numéro 5 de la Convention citoyenne, la cinquième est ainsi rédigée : « Aider au maintien, des prairies permanentes (éviter au maximum les terres nues en mettant en place un couvert obligatoire, rémunérer les services rendus par les agriculteurs pour le stockage du carbone par leurs activités) ». Le groupe CRCE indique qu’il n’est pas favorable à la rémunération des « services rendus » tels que formulés dans cette rédaction. On ne peut que lui donner raison. Car on assiste à de nombreux effets pervers avec la mise en place de ce type de rémunération. En Allemagne, la méthanisation des effluents d’élevage permet de transformer le gaz méthane en électricité. Elle est bien rémunérée dans un pays qui doit fermer ses dernières centrales nucléaires en 2022. Du coup, pour favoriser la production de méthane, les éleveurs allemands déversent de plus en plus de verdure dans les fosses à lisier, en l’occurrence du maïs cultivé à cet effet et récolté encore vert au maximum de volume et de son poids. Outre Rhin, cela a conduit à doubler les surfaces agricoles consacrées au maïs en quelques années, avec beaucoup d’épandages d’engrais azotés s’ajoutant aux labours. De ce fait, le bilan carbone de la méthanisation des effluents d’élevage n’est pas bon du tout, tandis que le prix des terres agricoles a doublé en dix ans. Car on s’est lancé dans une course aux hectares pour la culture du maïs dont la plus grande partie ne sert plus à nourrir les vaches.
Les conditionnels irréalistes du président Macron
Mais revenons au président Macron. Concernant la loi EGALIM qui fut votée en octobre 2018 par sa majorité parlementaire, il disait un an plus tôt dans son discours de Rungis: « nous modifierons la loi pour inverser la construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production ». Toute l’ambiguïté du propos étant dans ces sept mots : « qui doit pouvoir partir des coûts de production ». Car le président de la République ajoutait aussitôt : « Mais cette nouvelle approche ne saurait suffire parce qu’elle ne sera efficace qui si les agriculteurs se regroupent véritablement en organisations de producteurs pour peser plus dans les négociations en tirant profit des possibilités du droit de la concurrence ».
Dit autrement, il fallait se regrouper pour exiger un prix en deçà duquel on refuserait de livrer des produits périssables comme les fruits et légumes arrivés à maturité, ou le lait des vaches que l’on vient de traire. Au risque de tout perdre s’ils ne sont pas vendus aux prix proposés par les acheteurs. En ce mois de juillet 2020, marqué par la sécheresse et le manque d’herbe dans les prés, cela voudrait dire aussi ne pas céder les vaches de réforme en deçà de tel prix, quitte à acheter des fourrages afin de le nourrir plus longtemps, pour, finalement, les vendre moins cher un mois plus tard puisque les acheteurs auront importé entre temps la viande bovine dont ils avaient besoin.
Les prix de 2019 et de 2020 plus bas qu’en 2018
Le 29 juin 2020, le jeune bovin charollais cotait 2,66€ le kilo vif sur le marché de Châteaumeillant contre 2,80€ un an plus tôt et 3€ en juin 2018. Comme la sécheresse de cet été 2020 succède à celle de l’été 2019, les achats accrus de fourrage pour pallier au manque d’herbe font encore augmenter les coûts de production par rapport à 2019 et 2018. Les prix de vente des animaux étant plus bas, force est de constater que la loi EGALIM entrée en vigueur depuis janvier 2019 a été totalement inefficace. Le blé, lui cotait 163€ la tonne le 30 juin dernier contre 170€ un an plus tôt.
Les membres de la « Convention citoyenne » ont donc raison de vouloir « rendre les négociations triparties plus jutes pour les agriculteurs ». Car la loi EGALIM, telle que voulue par Emmanuel Macron et votée par sa majorité parlementaire, n’a été qu’une tromperie dans la mesure où elle impliquait que le paysans gagnent en permanence le « bras de fer » que leurs imposent leurs partenaires de l’aval. Mais il suffit que ces derniers importent plus que de besoin pour faire chuter le pris du lait, de la viande ou des fruits et légumes au départ de chaque ferme en France.
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