rappel des faits Depuis presque un an, le monde, confronté à l’épidémie de Covid-19, doit relever de nombreux défis, notamment démocratiques, humains et sociaux.
tous les coups sont permis
Dominique NoguèresVice-présidente de la Ligue des droits de l’homme
Au printemps, pendant le premier confinement, nous avions déjà vu se dessiner un avenir bien sombre avec des reculs importants de nos droits. L’état d’urgence sanitaire, qui en suivait un autre, a continué de mettre la population sous le boisseau de décisions gouvernementales plus autoritaires les unes que les autres. Sans revenir sur la nécessité de nous protéger, force est de constater que la machine s’est emballée au point de nous mettre en cette fin d’année dans une situation inédite de recul de nos libertés. Les exemples ne manquent pas, hélas. Outre le fait que la vie associative, militante, syndicale est malmenée par les contraintes imposées par la circulation du virus, les imprécisions, les hésitations, les discours guerriers du gouvernement contribuent à générer au mieux un état de sidération, au pire une inquiétude entraînant un repli sur soi, la peur de l’autre, malgré des élans de solidarité inédits. Le travail de sape de certains médias, les discours haineux et provocateurs diffusés à longueur de journée par de soi-disant experts sur des chaînes d’information continue contribuent à alimenter une ambiance malsaine. Les difficultés rencontrées pendant cette période de pandémie ne doivent pas permettre que soient sacrifiés les principes fondamentaux d’un État de droit. On nous ressort l’immigration, cause de tous les maux, une antienne qui revient comme à chaque fois que la situation est tendue. Les affirmations les plus fantaisistes et nullement étayées se répandent, qui contribuent à maintenir une population sous la menace d’une invasion et pire encore sous celle de migrants qui viendraient prendre leurs droits.
Et c’est aussi la loi sur la sécurité globale qui, bien loin de protéger, mettra toute la population sous surveillance. Des journalistes ou tout simplement des citoyens qui veulent témoigner sur des violences policières sont menacés de fortes amendes ou de peines de prison. Les risques d’autocensure sont énormes. Une réforme profonde des missions des polices municipales et des entreprises de sécurité privées et le recours aux drones et aux caméras couronnent le tout. Plus récemment, c’est une ordonnance pénale du 18 novembre 2020 qui ne permettra pas à la justice d’être rendue sereinement et équitablement par le non-respect du contradictoire, par le recours au juge unique, par la visioconférence imposée. Alors que dans ces périodes si troublées c’est plutôt l’apaisement qui devrait être la priorité du gouvernement, c’est en fait une fuite en avant sécuritaire et autoritaire qui se met en place, dont on se demande où elle s’arrêtera. L’inquiétude est grande de voir un jour tomber toutes ces mesures liberticides en de mauvaises mains. Elles nous sont présentées comme des mesures de sécurité sanitaire, mais nous n’avons aucune certitude sur leur utilisation future. Pour exemple, après l’état d’urgence lié aux attentats terroristes, la plupart des mesures spéciales ont été intégrées dans le corpus législatif. En sera-t-il de même après la fin de l’état d’urgence sanitaire ? Si nous sommes tous demandeurs de sécurité, cela ne peut être au détriment de notre sûreté et de nos droits. L’État de droit et nos libertés sont trop importants pour qu’ils soient ainsi malmenés. Alors, pandémie ou pas, pour continuer à vivre au mieux malgré les difficultés quotidiennes, ne perdons ni nos valeurs ni nos convictions, faisons-les vivre par tous les moyens en notre possession, tous les jours sans répit.
Le projet de loi sécurité globale est un danger
Céline VerzelettiSecrétaire confédérale de la CGT
Les mesures prises durant la crise sanitaire ont eu un impact considérable sur l’organisation et les conditions de travail, sur les droits des travailleur·ses, leurs libertés individuelles et collectives, ainsi que sur leur situation sanitaire et sociale. Pendant les confinements, des salarié·es du secteur privé ou public ont travaillé dans des conditions extrêmement dégradées. Cela a parfois eu des conséquences sur leur santé : certains ont été contaminés, sont tombés malades, et parfois même en sont malheureusement décédés. D’autres ont perdu par la suite leur travail, ce qui a engendré une paupérisation intense des personnes et des familles. Ces situations ont eu un impact négatif direct ou indirect sur la santé mentale des salariés, des précaires, des intérimaires, des privés d’emploi, des autoentrepreneurs, des indépendants, des commerçants et des artisans. Certains d’entre eux n’ont pas pu bénéficier du chômage partiel. De nombreux étudiants salariés ont perdu leur travail et se sont retrouvés piégés dans un abîme social effrayant. La non-gestion de la crise sanitaire, les privations de libertés n’ont pas suffi au gouvernement. Ce dernier a adopté, par voie d’ordonnances et de décrets, une série de mesures dérogatoires au droit du travail pour une durée parfois indéterminée, via l’état d’urgence sanitaire. Les employeurs ont ainsi pu imposer ou modifier la prise de jours de congé ou de repos, déroger au repos hebdomadaire et dominical, allonger unilatéralement la durée du travail, différer le versement de certaines rémunérations, suspendre l’élection des représentants du personnel dans les entreprises, ou encore s’exonérer de certaines obligations de suivi médical.
Le coup porté par le gouvernement et le patronat est un double coup de massue : une estocade ! Pourtant, l’état d’urgence dit sanitaire ne s’imposait pas, les mesures sanitaires pouvaient être prises par les dispositions du Code de la santé publique. Au lieu de déroger au Code du travail, il fallait, à l’inverse et dans l’urgence, renforcer les droits des travailleur·ses et de toute la population, accorder immédiatement des aides massives à toutes les personnes en grande précarité et revaloriser tous les métiers d’utilité sociale. Cette option ne fut pas celle du gouvernement. Au lieu de continuer à supprimer des lits d’hôpitaux, le gouvernement devait investir dans le service public de la santé, les services publics en général pour lutter contre toutes les paupérisations. L’ensemble des inégalités ont augmenté durant la crise. C’est inacceptable. Au lieu de profiter de la crise sociale et sanitaire pour nous évincer, toutes et tous, de nos droits les plus fondamentaux, le gouvernement a le devoir de nous assurer une qualité de vie sociale et démocratique. En portant atteinte aux libertés, dont celle de la presse, il assombrit la démocratie. Le projet de loi sécurité globale est un vrai danger et ne doit plus être, tout comme celui portant sur le séparatisme. Oui, le gouvernement assombrit les fondements mêmes de notre République, il divise et tente de nous réduire à l’état d’objet. Ne cédons rien, ne lâchons rien ! Nous sommes sujets, et c’est bien en tant que sujets libres et citoyens que nous pourrons vivre avec cette pandémie. C’est parce que nous resterons libres et solidaires que nous resterons vivants et dignes !
sortir le capitalisme et saisir l’alternative
Alain BihrSociologue, professeur honoraire de sociologie à l’université de Bourgogne-Franche-Comté
Comment notre société peut-elle vivre avec cette pandémie ? La réponse est en partie comprise dans la question, à condition d’inverser l’adjectif qui qualifie « notre » société. C’est précisément parce qu’elle est inhumaine qu’elle peut continuer à survivre (mais non pas vivre) avec cette pandémie. En contraignant bon nombre de ceux qui ont un emploi à continuer à se rendre sur leurs lieux de travail, au risque d’une contamination ; en en contraignant d’autres à transformer une partie de leur logement en annexe de « leur » entreprise. En précipitant des centaines de milliers de titulaires d’emplois précaires dans le chômage, source d’angoisse et menace d’appauvrissement. En interdisant aux uns et aux autres toute sortie qui ne soit pas strictement fonctionnelle. En nous privant tous et toutes de la joie de retrouver nos proches, parents et amis, d’échanger avec eux poignées de main et embrassades, repas et conversations. En nous tenant à l’écart des restaurants, cinémas, salles de concert, musées, terrains de sport, etc. En transformant l’espace public en cette scène où ne figurent plus que des visages masqués, anonymes, sans expression, fantomatiques. Mais, dans une société capitaliste, pour la dénommer proprement, l’essentiel n’est pas là. Il s’agit moins de sauver des vies humaines et encore moins ce qui rend la vie humaine que les conditions qui rendent possible la poursuite de la valorisation et de l’accumulation du capital, fût-ce à moindre échelle et à un rythme ralenti. Ce que « nos » gouvernants et les médias nomment « l’économie ». Et, sous ce rapport, la pandémie n’est pas une si mauvaise affaire : par la brusque montée du chômage, elle dégrade encore un peu plus le rapport de forces entre travail et capital en accroissant, demain plus encore qu’aujourd’hui, la concurrence entre celles et ceux qui ont un emploi et celles et ceux qui n’en ont pas. Quant au surcroît d’endettement public rendu nécessaire par le « sauvetage de l’économie », « nos » gouvernants comptent bien sur les contribuables pour en supporter la charge finale. Et, chacun·e ainsi confronté·e plus que jamais à la hantise du lendemain, les voix seront encore plus faibles pour rappeler que c’est cette même « économie » qui, par ses débordements inconsidérés sur des milieux naturels, engendre depuis quatre décennies ces zoonoses à répétition, dont la pandémie actuelle n’est que la dernière en date… en attendant les prochaines.
Le tableau précédent serait cependant désespérant s’il n’était unilatéral. Car, au cœur de la pandémie, quelques indices forts ont fait signe en direction d’un autre monde possible. Des solidarités locales ont permis, dans les banlieues urbaines aussi bien qu’au fin fond des campagnes, que les plus démuni·es et les plus isolé·es puissent ne pas succomber, matériellement ou psychiquement. La réduction de « l’économie » à la production des biens et services de première nécessité a mis en évidence l’inutilité, voire la nocivité d’une bonne partie de tout le reste, partant la possibilité mais aussi la nécessité d’une réduction substantielle du temps de travail, que l’emploi de tous et de toutes pourrait comprimer davantage encore. La pandémie a de même mis en évidence la priorité absolue d’assurer à chacun·e ces équipements collectifs et services publics que sont le logement, l’éducation, la santé, la culture, tous malmenés par des décennies d’austérité néolibérale. Sans compter l’accablant spectacle de l’incurie et du cynisme de la gestion de la pandémie et de ses suites par « nos » gouvernants. Alors, qu’attendons-nous pour les congédier et prendre nos affaires en main ?
De la démocratie sanitaire
Texte collectif
La santé est devenue un principe supérieur de nos sociétés, au point même que le président de la République, pourtant préoccupé par les enjeux économiques, a pu s’engager à la protéger, « quoi qu’il en coûte ». Mais de quelle santé parle-t-on ? Si l’on reprend en effet la définition de l’OMS, la santé « est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Elle s’inscrit donc dans un ensemble d’enjeux sociaux que la gestion de crise a réduit à la lutte contre l’épidémie sans autre considération. Et cette lutte contre l’épidémie s’est elle-même resserrée autour de la gestion des soins hospitaliers, et, plus encore, des lits de réanimation, au sein des services qui traitent les formes les plus sévères – mais minoritaires – de Covid-19. Tout est fait pour protéger les hôpitaux, présentés comme la dernière digue pour protéger le système de santé dans son ensemble, au risque d’oublier le rôle central de la prévention et de la promotion de la santé dans ses multiples dimensions. Mais, autant au printemps l’urgence et les incertitudes entourant la maladie pouvaient justifier une telle focale, autant celle-ci mérite d’être interrogée aujourd’hui dans la deuxième vague, alors que l’on en sait plus sur les effets délétères des mesures de gestion de crise, en particulier du confinement. Des associations de patients et des professionnels de santé alertent sur les conséquences sanitaires dramatiques des retards, voire des arrêts de dépistage et de prise en charge de certaines pathologies. Les hôpitaux connaissent des tensions internes beaucoup plus importantes, car les professionnels, dans un contexte de ressources contraintes, ne sont plus d’accord pour privilégier systématiquement les patients atteints du Covid au détriment des autres. Plus largement, les associations caritatives alertent sur l’augmentation de la pauvreté (dont on connaît les effets délétères sur la santé), la malnutrition ou encore l’augmentation des violences conjugales quand les psychologues et les psychiatres s’alarment de l’accroissement et de l’aggravation des troubles psychiques. Bref, si la pandémie de Covid-19 est à bien des égards une crise de la santé publique, mettant en lumière le poids considérable des inégalités sociales de santé, il est à craindre que les mesures prises aujourd’hui ne conduisent à d’autres crises de santé publique tout aussi graves. Pour faire ces choix politiques difficiles mettant en balance les malheurs d’aujourd’hui et ceux de demain, il est essentiel d’impliquer les forces démocratiques. Or, le gouvernement s’est enfermé dans une gestion élitaire et verticale de la crise, en donnant à un Conseil scientifique, créé ex nihilo, une place centrale dans la gestion de la première vague et aux délibérations secrètes du Conseil de défense le soin de gérer la deuxième vague. De nombreux parlementaires se sont émus récemment de l’absence de débat démocratique dans l’Hémicycle à propos des choix de société cruciaux que soulève cette pandémie. Nombreux sont également les acteurs de la santé communautaire, associations, professionnels de la santé publique et responsables de collectivités locales à se plaindre ne pas avoir été associés aux décisions malgré leur expertise et leurs réseaux d’acteurs de terrain. Ils jouent et pourraient jouer un rôle primordial dans la prévention, la promotion de la santé et la réduction des risques, autant de stratégies de santé publique plus efficaces que la communication archaïque fondée sur la peur et la stigmatisation qui nous est proposée aujourd’hui. Ce n’est pas d’une loi de « sécurité globale » que notre pays a besoin aujourd’hui, mais d’une politique de « santé globale ».
Signataires : Henri Bergeron, directeur de recherche au CNRS, Olivier Borraz, directeur de recherche au CNRS, Patrick Castel, chargé de recherche à la FNSP, coauteurs de Covid-19 : une crise organisationnelle (Presses de Sciences-Po), et Étienne Nouguez, chargé de recherche au CNRS. Tous travaillent au Centre de sociologie des organisations de Sciences-P
Sécurité globale / Marche des libertés : Le préfet Lallement doit lever l'interdiction partielle et garantir le droit à manifester (PCF)
La proposition de loi sur la "sécurité globale" suscite une opposition de plus en plus large, en France, en Europe et dans le monde.
Des dizaines de milliers de personnes ont déjà manifesté avec nous contre ce projet dans tout le pays ces derniers jours, en particulier mardi 17 et samedi 21 novembre. Avant-hier à l'Assemblée nationale, si le texte a été adopté en première lecture, cette adoption a vu l'opposition de 104 parlementaires qui ont voté contre, dont l'ensemble des députés communistes du groupe GDR.
La Défenseure des droits, autorité indépendante, a souligné dans son avis du 5 novembre que cette loi contient d'immenses risques d'atteintes au droit au respect de la vie privée, d'obstacles au contrôle des forces de sécurité, de non-respect du principe de légalité des délits et des peines et d'atteintes aux libertés d'information et de communication, d'atteintes aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi, de
nécessité des peines, de proportionnalité et d'individualisation des
peines.
En particulier, si l'article 24 était en application, combien de cas de violences policières auraient été passés sous silence ? Le refus du gouvernement de se mobiliser contre les violences d'une minorité d'agents porte atteinte à l'ensemble des forces de l'ordre. Hier soir encore, un producteur de musique s'est fait littéralement tabasser par trois policiers. Pendant de longues minutes, il a subit coups et insultes racistes. Un tel acharnement est indigne d'une police républicaine.
Trois rapporteurs spéciaux de l'Onu ont clairement indiqué, dans leur rapport du 12 novembre, craindre que « l'adoption et l'application de cette proposition de loi puissent entraîner des atteintes importantes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ».
Aussi, de nombreux syndicats et associations ont appelé à manifester une nouvelle fois à Paris et partout en France, ce samedi.
Dans ce contexte, l'interdiction partielle de la Marche des Libertés prévue à Paris est scandaleuse.
Alors que les organisateurs ont appelé les participant.e.s à respecter les gestes barrières, la distanciation physique et le port obligatoire du masque, cette interdiction prend prétexte de la situation sanitaire
et du risque terroriste pour porter une nouvelle atteinte au droit constitutionnel de manifester, garanti par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.
Pour le PCF, cette décision du préfet de Police de Paris participe d'une surenchère autoritaire inacceptable. Le préfet Lallement doit lever l'interdiction partielle et garantir, comme sa fonction lui en fait
devoir, le droit de manifester.
La doctrine du maintien de l'ordre doit en outre être profondément révisée pour mettre un terme à des pratiques qui, loin de garantir l'ordre public, participent d'une stratégie de la tension qui encourage
les violences, met en danger la sécurité des manifestant.e.s, et creuse le fossé entre les citoyen.ne.s et la Police.
L’élu parisien dénonce les violences et l’autoritarisme du gouvernement, et propose des solutions d’hébergement pour les réfugiés en Île-de-France.
Ian BrossatPorte-parole du PCF, adjoint à la maire de Paris
Comment avez-vous vécu l’évacuation violente de la place de la République ?
Ian Brossat Il faut d’abord se replacer dans le contexte, et resituer les responsabilités des uns et des autres. Ces réfugiés sont les recalés de l’évacuation du 17 novembre à Saint-Denis. L’État ne les a pas pris en charge au moment de cette opération bâclée et particulièrement chaotique. Depuis, ils passaient leur temps à errer dans le Nord-Est parisien et dans les rues de la Seine-Saint-Denis, avec un harcèlement policier visant à les empêcher de poser leurs tentes, même pour se reposer quelques heures. Un certain nombre d’entre eux, avec des associations, ont donc organisé ce campement place de la République pour attirer l’attention sur leur situation. Au lieu de les prendre en charge, l’État a décidé de sonner la charge avec de très nombreuses violences : des réfugiés agressés, des journalistes molestés, les tentes confisquées, les élus, y compris ceux de Paris, nassés. Des violences manifestes, et totalement inacceptables. Ces réfugiés sont des demandeurs d’asile, et ils l’obtiendront pour une bonne part. En attendant, ils ont été doublement punis : la semaine dernière, lorsqu’ils n’ont pas été pris en charge, et lors de l’évacuation de la place de la République.
Que proposez-vous pour répondre à leur situation ?
Ian Brossat Dans l’urgence, il faut les héberger. Aujourd’hui, ils ne peuvent être ni dedans, puisqu’ils n’ont pas d’hébergement, ni dehors parce qu’on ne les laisse pas s’installer sur le bitume pour poser leurs tentes. C’est une situation invraisemblable. La Ville de Paris a fait des propositions à l’État, que j’ai transmises vendredi 20 novembre au préfet de la région Île-de-France. Je lui propose de mobiliser deux centres des congrès actuellement vides : le parc des expositions de la porte de Versailles et l’Espace Champerret dans le 17e arrondissement. Il s’agit de dizaines de milliers de mètres carrés qui nous permettraient d’éviter les campements. La maire de Paris a également exprimé au gouvernement son souhait de mobiliser ces deux sites.
Si ces solutions lui sont proposées, pourquoi l’État a-t-il réagi violemment, selon vous ?
Ian Brossat Le gouvernement déploie une forme d’autoritarisme, alors même que ses moyens et son énergie devraient servir à héberger ces réfugiés. Les forces de l’État sont, elles, mobilisées pour les harceler. Il fait l’inverse de ce qu’il devrait faire. Nous sommes confrontés à un gouvernement qui s’aligne sur les positions de la droite et de l’extrême droite en matière migratoire.
Gérald Darmanin a jugé les images « choquantes » . Vous y étiez. Qu’en pensez-vous ?
Ian Brossat Ce ne sont pas les images qui sont choquantes. Elles reflètent la réalité, et c’est elle qui est choquante. Assez ironiquement d’ailleurs, cela apporte au ministre de l’Intérieur la démonstration de l’utilité de ces vidéos qu’il voudrait interdire. Si elles n’existaient pas, le ministre n’aurait pas réagi et demandé une enquête. Je ne sais pas ce que cela donnera mais je vois beaucoup de gens s’indigner depuis lundi soir. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Toutes les limites, toutes les bornes ont été franchies. Ce gouvernement représente un risque pour les libertés publiques.
Quand, en septembre 2015, François Hollande avait nommé François Villeroy de Galhau au poste de gouverneur de la Banque de France, la promotion avait suscité à l’époque une vive opposition. En particulier, un collectif très large de 150 économistes s’était indigné, à la faveur d’une tribune dans Le Monde, que le chef de l’État porte ainsi à la tête de l’institution publique une personnalité ayant si longtemps défendu les intérêts privés du lobby bancaire, puisqu’il avait été de très longues années l’un des cadres dirigeants de BNP Paribas.
« Celui qui a été, entre 2011 et 2015, le directeur général délégué du groupe BNP Paribas deviendrait donc le relais en France de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et le principal représentant de la France dans les instances internationales chargées de la régulation bancaire. L’expérience de François Villeroy de Galhau lui confère à n’en pas douter une excellente expertise du secteur bancaire, au moins autant qu’elle l’expose à un grave problème de conflit d’intérêts et met à mal son indépendance. Étant donné les enjeux de pouvoir et d’argent qu’il véhicule, le secteur bancaire est particulièrement propice aux conflits d’intérêts. Il est totalement illusoire d’affirmer qu’on peut avoir servi l’industrie bancaire puis, quelques mois plus tard, en assurer le contrôle avec impartialité et en toute indépendance », constatait en particulier le collectif d’économistes.
Cinq ans plus tard, la mise en garde est plus que jamais d’actualité. Car le gouverneur de la Banque de France n’a cessé depuis qu’il est en fonction de défendre systématiquement les intérêts du lobby bancaire au détriment de l’intérêt général. Et s’il est un dossier particulièrement symbolique qui en atteste, c’est celui de l’épargne dite réglementée, c’est-à-dire tous les comptes, livrets ou placements bancaires (Livret A, LDD, CEL, PEP, PEL…) dont l’État fixe les taux de rémunération ou les avantages fiscaux, pour des raisons liées à l’intérêt général (protection de l’épargne populaire, financement du logement social, etc.)
Car cette épargne réglementée, le lobby bancaire l’a en horreur et cherche à la déréguler depuis de longues années, pour faire glisser les épargnants sur des produits beaucoup plus rémunérateurs pour les banques. Or, depuis qu’il est en fonction, François Villeroy de Galhau n’a de cesse d’œuvrer à cette dérégulation. Il a donc d’abord joué un rôle majeur dans la quasi-privatisation du livret A qui est survenue depuis plus de dix ans et qui a généré une spoliation historique des épargnants les plus modestes. Et maintenant, il engage une nouvelle campagne pour démanteler l’un des derniers produits de l’épargne réglementée qui ait résisté, le plan d’épargne logement (PEL).
Le premier produit d’épargne réglementée qui ait succombé aux assauts conjoints du lobby bancaire, de la Banque de France – et, soyons juste, également de Bercy –, c’est donc le Livret A, qui a longtemps eu une double mission d’intérêt général : il était l’instrument public pour assurer la protection de l’épargne populaire ; et il était aussi un instrument privilégié pour assurer le financement du logement social, puisque les sommes ainsi collectées étaient centralisées à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et étaient en grande partie allouées au financement du logement social. Le livret A a donc longtemps été l’un des symboles de l’économie sociale à la Française.
En fait, l’assaut s’est déroulé en deux temps. La première offensive s’est déroulée en 2008, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy : elle a consisté à remettre en cause le monopole de distribution du Livret A dont disposaient les Caisses d’épargne (contrôlées à 35 % par la CDC) et La Poste (au travers du Livret bleu) pour permettre à toutes les banques de distribuer ce produit phare de l’épargne populaire. Ce qui, à l’époque, a été présenté comme une « banalisation » s’est avéré être, en fait, une véritable privatisation du livret A, car, dans le même temps, la part des fonds collectés apportés à la CDC n’a cessé de baisser au profit des banques, et donc au détriment du financement du logement social.
Et puis il y a eu la deuxième offensive, qui a consisté à baisser de manière de plus en plus spectaculaire la rémunération du livret A, pour permettre aux banques privées, ayant enfin capté cette clientèle grâce à la « banalisation », de la faire évoluer vers des produits d’épargne beaucoup plus profitables pour les banques.
Or, c’est précisément lors de cette deuxième étape que François Villeroy de Galhau a joué un rôle majeur, puisqu’il a accéléré un mouvement spectaculaire de baisse du taux de rémunération, en faisant constamment pression en ce sens sur les ministres successifs des finances pour que la rémunération des livrets A soit la plus faible possible.
Le gouverneur de la Banque de France a donc apporté sa pierre à une spoliation historique des épargnants au cours de ces trois dernières années. Cette spoliation des épargnants les plus modestes ne s’est pas interrompue depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, alors que cette présidence a commencé par deux immenses cadeaux aux plus riches : la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l’instauration d’une flat tax à seulement 30 % sur les revenus de l’épargne.
Soit dit en passant, cette spoliation a pu avoir lieu parce que les règles d’indexation du livret A ont été modifiées sans cesse, le gouvernement et le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, reniant perpétuellement leurs engagements, en pleine continuité d’une politique qui remonte très loin dans le temps, depuis 2003, année d’introduction de la règle d’indexation du taux du livret A. Tant et si bien qu’à chaque fois que les épargnants auraient pu profiter d’un taux qui leur soit un peu favorable, la règle d’indexation a aussitôt été changée, de sorte que ceux-ci continuent d’y perdre. En somme, toutes ces dernières années, il n’y a eu qu’une seule véritable règle d’indexation : celle de la tricherie et du mensonge.
Ramener le taux des vieux PEL à 1 %
Dans le dernier rapport annuel de l’Observatoire de l’épargne réglementée, le gouverneur de la Banque de France revendique ce démantèlement du livret A et le cadeau qui a été fait aux banques avec cette « banalisation » : « Grâce à la libéralisation de la distribution du livret A – par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 –, plus de 20,4 millions de nos concitoyens ont pu librement souscrire à ce produit d’épargne dans la banque de leur choix, et les établissements de crédit qui ne pouvaient antérieurement pas distribuer ce livret détiennent, au 31 décembre 2019, une part de marché de 37 % », se réjouit-il.
La baisse historique que le taux de rémunération du livret A a enregistrée a eu d’autant plus d’impact, tout au long de ces dernières années, que la plupart des produits d’épargne réglementée ont des taux de rémunération identiques ou parallèles. Un seul produit d’épargne échappe de longue date à ce système d’indexation sur le livret A, c’est le PEL. Car il fonctionne sur un système totalement différent : le taux de rémunération relève d’un accord contractuel entre la banque et son client – et pareillement le taux de l’emprunt immobilier qui en découle ultérieurement, quand l’épargnant veut y recourir. Et ce taux reste immuable pendant toute la durée du contrat.
Du même coup, d’un client à l’autre, les taux de rémunération varient considérablement selon la date de souscription du PEL.
Et c’est cela qui insupporte les banques privées. Elles jugent que le PEL leur coûte de plus en plus cher. Actuellement, il est rémunéré à 1 %, mieux donc que le livret A. Mais, dans le passé, ces mêmes PEL ont pu être ouverts à des taux supérieurs, notamment de 2,5 %. Il y a même des PEL en cours qui ont été ouverts à un taux de 6,30 %.
Pour beaucoup de Français, notamment les épargnants modestes, cela a souvent été un produit attrayant, offrant une rémunération souvent supérieure à celle du livret A, et parce qu’il pouvait ensuite ouvrir droit à un emprunt immobilier à un taux intéressant. En 2018, le gouvernement a donc fait un immense cadeau aux banques en changeant la fiscalité des PEL nouvellement souscrits.
Avant 2018, les intérêts des PEL (dont le plafond des dépôts autorisé est de 61 200 euros) étaient exonérés d’impôt sur le revenu les 12 premières années de détention ; et au-delà de la 13e année, les intérêts étaient assujettis à l’impôt sur le revenu. Ils étaient par ailleurs assujettis aux prélèvements sociaux (17,2 %). Ces PEL étaient donc très attractifs, d’autant qu’ils ouvraient droit à une prime de l’État en cas de déblocage des fonds pour un projet immobilier.
Au 1er janvier 2018, la règle a changé, à la grande satisfaction des banquiers : la taxation des intérêts intervient désormais dès la première année de détention, au taux de 30 %. D’un coup, le PEL est devenu beaucoup moins attractif, puisque son taux de rémunération de 1 % a été amputé de 30 % et est donc tombé à 0,70 %, soit moins que le livret A, avec son taux de 0,75 % ; puis à peine plus que le livret A quand son taux est tombé à 0,5 %. Le seul intérêt du PEL résidait dans le fait que les taux d’intérêt sont historiquement au plus bas ; le PEL offrait donc la possibilité d’accéder à des emprunts immobiliers dans des conditions particulièrement intéressantes.
Mais pour le lobby bancaire, ce n’est toujours pas assez. Car pour lui, le boulet, c’est moins le problème des nouveaux PEL souscrits depuis le 1er janvier 2018 que le stock des PEL souscrits avant cette date. Et surtout les PEL souscrits avant la réforme précédente, celle de 2011.
Observatoire de l'épargne réglementée
L’explication de la colère des banquiers, c’est donc le rapport de l’Observatoire de l’épargne réglementée qui la donne – en prenant au passage fait et cause pour le lobby. Premier constat : « En 2011, le cadre juridique du PEL a été amendé par les pouvoirs publics afin d’en renforcer l’attractivité : en introduisant une révision annuelle de la rémunération des nouveaux plans, ainsi qu’une durée de vie maximale du PEL à 15 ans, le gouvernement a cherché à inciter les Français à faire usage de leur plan pour financer l’acquisition d’un bien immobilier. Toutefois, ces modifications n’ont pas été imputées de manière rétroactive aux plans ouverts avant 2011. Ces derniers, au 31 décembre 2019, représentaient encore 115,5 milliards d’encours, répartis sur 3,7 millions de plans ; leur rémunération moyenne est substantiellement plus élevée que celle de l’ensemble des PEL, cette dernière s’établissant à 4,11 % en pondérant par le nombre de PEL, et à 4,44 % en pondérant par l’encours. »
Et c’est là que l’estocade au profit des banquiers est portée : « Cette rémunération élevée au regard des taux d’intérêt actuels pèse sur l’économie française, en accroissant le coût des ressources disponibles pour le financement de l’économie par les établissements bancaires. Ces PEL souscrits avant 2011, qu’il n’est plus possible d’abonder au-delà de 10 ans d’ouverture, continuent en effet indéfiniment de rapporter des intérêts jusqu’au retrait définitif des fonds – alors que les PEL souscrits après 2011 sont automatiquement transformés en livrets d’épargne au bout de 15 ans d’ancienneté. Si l’ensemble des PEL souscrits avant 2011 voyaient leur rémunération fixée à 1,00 % – taux applicable depuis 2016 –, le gain en termes de ressources finançant l’économie serait de l’ordre de 4,0 milliards d’euros. »
CQFD ! C’est donc bel et bien un véritable dynamitage que propose la Banque de France puisqu’il s’agirait d’abaisser les taux de rémunération de plus de 4,4 % pour les plus vieux PEL à 1 %, ce qui constituerait bel et bien un cadeau de 4 milliards d’euros au profit des banquiers. Car il ne faut évidemment pas être dupe du mensonge que la Banque de France profère pour justifier le dynamitage du PEL : elle tente d’accréditer l’idée que cette destruction contribuerait à un meilleur « financement de l’économie », comme si les banques étaient des établissements philanthropiques et n’allaient pas mettre dans leur poche ce cadeau inespéré de 4 milliards, ou dans celles de leurs actionnaires, richement dotés chaque année en dividendes.
En bref, c’est une nouvelle spoliation des épargnants que la Banque de France appelle de ses vœux. Dans l’éditorial du rapport qu’il signe, François Villeroy de Galhau enfonce lui-même le clou : « Symétriquement, le PEL (plan d’épargne-logement) est fortement concentré sur les populations plus favorisées : c’est particulièrement le cas des PEL ouverts avant 2011, dont la rémunération moyenne atteint 4,44 % et dont l’encours représente encore 115,5 milliards d’euros. Ces “droits acquis”, en outre transmissibles, pèsent sur le financement de l’économie française. » Le gouverneur de la Banque de France reprend à son compte l’argument de ses services.
La leçon de l’emprunt Giscard
Le problème, c’est que la réforme du PEL est autrement plus compliquée à mener à bien que le dynamitage du livret A. Précisément parce que les taux de rémunération relèvent d’un accord contractuel entre la banque et son client, et qu’une remise en cause buterait sur un problème de constitutionnalité.
L’affaire tourne donc au casse-tête. Car jusqu’au début des années 1990, le PEL a fait son office : il a permis à des épargnants de mettre de l’argent de côté et de financer ultérieurement l’achat d’un logement grâce à un emprunt. Mais ensuite, c’est devenu un piège pour certaines banques très engagées dans le placement de ce produit, tout particulièrement le Crédit agricole, et derrière lui BPCE (à cause du passé des Caisses d’épargne et des Banques populaires) ou encore La Poste. Car ceux qui détiennent aujourd’hui un PEL d’avant 2011 ne vont évidemment pas en sortir pour souscrire un emprunt à des taux dépassant 5 % ; et ils n’ont pas plus intérêt à vider leur PEL, qui leur rapporte beaucoup plus que la plupart des autres placements accessibles aux non-initiés.
Un blog spécialisé, celui du Cercle de l’épargne, décrit de manière très méticuleuse le casse-tête pour la puissance publique et la Banque de France de ces PEL. « Le Plan d’épargne logement n’est pas un livret comme le livret A et le LDDS. C’est un contrat associant l’État, un établissement financier et un épargnant. En vertu du droit des contrats, ce sont les clauses signées au moment qui s’appliquent durant toute la vie du contrat. De ce fait, les modifications relatives au PEL ne peuvent pas être rétroactives. Ainsi, le taux de rémunération est fixé à la signature et court jusqu’à la fin du contrat. Celle-ci n’a été bornée qu’à compter de 2011 », écrit le site.
De ce fait, le taux rémunérant l’épargne placée sur un PEL est fixé :
– une fois pour toutes par le contrat associé à ce produit d’épargne qui lie l’épargnant, la banque et l’État, en raison, pour ce dernier, de la prime qu’il est susceptible de verser quand les conditions à cet effet sont réunies ;
– pour une durée viagère, s’agissant des PEL ouverts avant 2011 (les PEL ouverts depuis lors ont en revanche une durée maximale de 15 ans), ce qui signifie que le PEL peut, si son titulaire le souhaite, être conservé jusqu’à son décès.
Le contrat ne peut être remis en cause que par une loi qui aurait alors un effet rétroactif, ce qui n’est possible que s’il peut être démontré l’existence d’un motif d’intérêt général. Or, l’enjeu du PEL, certes non négligeable, pour les banques, n’est pas d’une telle importance que l’on puisse parler d’un risque systémique pour elles, risque qui, seul, pourrait fonder la nécessité d’une telle loi. Ce risque systémique peut d’autant plus difficilement être invoqué que les banques affichent toujours des profits insolents.
Opposé à la réforme défendue par la Banque de France, Bercy avance pour justifier sa réticence des arguments juridiques qui sont donc fondés.
On observera, de surcroît, que ce qui est en jeu, c’est la crédibilité de la parole publique. Si l’on commence à revenir de manière rétroactive sur les garanties données à des épargnants, pourquoi ne pas remettre aussi en question le taux d’intérêt des obligations émises à très long terme à des taux nettement supérieurs à ceux en vigueur aujourd’hui. Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer que les banques qui possèdent de telles obligations seraient les premières à s’en plaindre, sans parler du risque systémique sur les marchés. Pour les banques et le gouverneur de la Banque de France, s’en prendre aux revenus des épargnants ne pose pas de problème, mais toucher à leurs revenus et à ceux de leurs actionnaires, c’est hors de question !
On notera que même l’État n’a pas osé remettre en cause l’indexation sur le lingot d’or de l’emprunt Giscard d’Estaing émis en 1973 pour 15 ans à hauteur de 6,5 milliards de francs mais qui a finalement coûté 90 milliards francs en capital et intérêt soit… 14 fois plus !
Si l’État lui-même s’est imposé une telle discipline vis-à-vis des épargnants dans le souci évident de préserver son crédit international, au prix de sommes considérables à la charge des contribuables, comment les banques et encore plus le gouverneur de la Banque de France peuvent-ils raisonnablement pousser l’État à légiférer pour spolier des épargnants afin de favoriser le compte d’exploitation des établissements financiers, et donc les seuls intérêts privés de leurs actionnaires. À cet égard, l’argument du gouverneur de la Banque de France selon lequel les vieux PEL bénéficieraient surtout à des foyers aisés ne manque pas de saveur quand on sait que l’amélioration substantielle du compte d’exploitation des banques, par suite d’une réduction imposée de la rémunération des vieux PEL, bénéficierait avant tout à leurs actionnaires, qui peuvent être encore plus aisés, d’autant qu’il n’y a pas de limite de montant pour la détention d’un portefeuille d’actions, alors qu’il en existe une, 61 200 euros, pour les sommes investies sur un PEL.
En d’autres termes, là où l’État assume les erreurs de conception d’une émission obligataire qui s’est révélée trop généreuse, les banques, qui, pendant longtemps, ont été si promptes à distribuer des PEL parce que c’était leur intérêt pour fidéliser des ressources financières longues subventionnées par l’État, grâce à l’exonération fiscale du PEL et à la prime État dont il est assorti, devraient bénéficier d’une protection de leurs intérêts par l’introduction, à cet effet, de dispositions législatives rétroactives spoliatrices.
Quel nom doit-on donner à une société qui accorderait ainsi des privilèges à des intérêts privés qu’elle s’interdit de consentir à l’État lui-même (cf. l’exemple précité de l’emprunt Giscard), alors que, dans ce cas, un vrai intérêt public est en jeu ?
Ultime argument, la « malfaçon » du PEL dénoncé par les banques aujourd’hui ne relève pas de la responsabilité des épargnants. En effet, le concepteur du produit, le Trésor, a choisi de garantir un taux fixe pour une durée qui peut être viagère, sans jamais prévoir d’appliquer une correction en fonction de l’évolution des taux sur les marchés. Le régulateur qu’est la Banque de France, pourtant responsable du contrôle des risques prudentiels, n’a rien trouvé à y redire jusque récemment.
Enfin, les banques, promoteurs du produit, étaient trop heureuses de le proposer massivement à leur clientèle tant qu’elles y trouvaient leur intérêt financier à disposer d’une ressource stable et à long terme abondante et à bon prix. Alors, pour une fois que les épargnants ne se font pas gruger par leur banquier mais qu’ils sont en position de gagner un peu d’argent, car ce produit a été mal conçu, quand il a été créé, en 1969, par les crânes d’œuf du ministère des finances, voici le gouverneur de la Banque de France qui vole derechef au secours pour prendre leur défense.
Seul problème : François Villeroy de Galhau se garde bien d’indiquer au gouvernement la recette pour contourner le problème constitutionnel. Mais dans un pays où la conjoncture politique est si délétère, se soucie-t-on encore dans les sommets du pouvoir d’un respect sourcilleux des règles de l’État de droit ? Une consolation (mais pour combien de temps encore ?) : il semble que le ministère des finances n’approuve pas l’idée extrémiste et sans égard pour le droit des gens du gouverneur de la Banque de France.
LREM, La République en Marche ou Le Rassemblement (national) en Marche :
Depuis lundi soir, circule sur les réseaux sociaux des dizaines, si ce n’est pas des milliers de vidéo de l’évacuation des réfugiés Place de la République à Paris.
Ces personnes, qui ont fui la guerre en vivent une autre ici, plus sournoise et dirigée par l’extrême droite et nos gouvernants.
Gerald Darmanin en tête, c’est lui qui part un arrêté a interdit il y a quelques semaines la distribution d’aide aux réfugiés à Calais. C’est sous ses ordres que le Préfet Lallement a fait sortir ces réfugiés qui ne demandent qu’à dormir des rues de Paris.
Dès les premières vidéos, une vague d’indignation a secoué les réseaux sociaux, l’adjoint au logement de Paris, Ian Brossat s’est rendu sur place avec d’autres élus.
Ils se sont vus encadrés par les forces de police avec d’autres journalistes. Puis empêché d’accéder à leurs bureaux à la mairie.
Sur une vidéo qui elle aussi a soulevé l’indignation, on voit Remy Buissine, journaliste pour le média Brut, se faire violenter par des policiers.
C’est donc ça qu’est devenu le pays des Droits de l’Homme, un pays, où les réfugiés sont violentés, où les journalistes sont frappés, où les élus sont mal menés par les gardiens de l’ordre.
Quelques heures après, j’apprenais que le maire de Béziers, Robert Ménard, proche du RN voulait que la France devienne un pays autoritaire. Nous avons depuis quelques semaines fait ce pas, qui avec la loi de Sécurité Globale va s’intensifier et devenir légale.
En 2017, les français avaient voté en masse Macron afin de faire barrage à Le Pen, 3 ans plus tard, En Marche applique le programme du Rassemblement National.
Enzo de Gregorio, militant du MJCF et du PCF à Morlaix
Mathieu Devlaminck, président de l’Union nationale lycéenne, la principale organisation lycéenne, s'apprête à déposer une plainte contre le ministère de l'Éducation nationale. En cause : les subventions qu'il a versées, depuis 2018, à Avenir lycéen, un syndicat à ses ordres. L'affaire met Jean-Michel Blanquer sur le gril… "Tout ça est révélateur des valeurs éthiques de notre ministre", nous dit le président de l'UNL. Entretien.
Comment réagissez-vous aux révélations de Mediapart et Libération sur la création, en 2018, d’Avenir lycéen, une organisation relayant les propos du ministère ?
Mathieu Devlaminck Ce que nous avons découvert, c’est que le ministre a décidé en 2018 de contrer la contestation de ses réformes en créant de toutes pièces une association lycéenne : Avenir lycéen (AL). Concrètement, il a demandé à son directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco), Jean-Marc Huart, de contacter des lycéens engagés, et à des recteurs d’académie de leur parler de cette association et de leur faire passer des mots d’ordre pour organiser une contestation au mouvement de blocage des établissements en cours. Il y a eu des réunions régulières entre les fondateurs d’AL et le ministère. Le lien était tel que, quand Clairanne Dufour, une des fondatrices d’AL, s’est rapprochée à titre amical de notre ancien président Louis Boyard, il y a un an et demi, elle a été convoquée dans le bureau du ministère. Pour nous, il y a une ingérence. Quand un ministre décide d’aller voir des lycéens pour faire passer ses propres éléments de langage, il y a un vrai frein à l’indépendance des élus lycéens et à la démocratie.
Quelles autres questions pose cette affaire ?
Mathieu Devlaminck Le ministère a aussi largement subventionné AL et a fermé les yeux sur la façon dont ces fonds étaient utilisés pour payer les frais de bouche de ses membres. Tout ça est révélateur des valeurs éthiques de notre ministre de l’Éducation nationale. Cela va bien au-delà d’un détournement de fonds publics par des lycéens pour se payer des restaurants et hôtels de luxe. Il y a aussi l’aspect corruption de mineurs.
Avenir lycéen a reçu d’importantes subventions. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Mathieu Devlaminck Il y a eu un vrai favoritisme. En 2019, Avenir lycéen, qui est une organisation de 30 personnes, a reçu 65 000 euros de subventions puis de nouveau 30 000 en 2020. En parallèle, l’UNL, présente dans 25 départements, a vu les siennes divisées des deux tiers, passant de 80 000 euros en 2019 à 20 000 en 2020. Les raisons d’un tel écart sont politiques. Si nos subventions ont baissé, c’est parce qu’on s’opposait notamment aux réformes Blanquer, et qu’on appelait les lycéens à se mobiliser. Nous préparons une plainte qui sera déposée prochainement. On sait que le ministère était au courant de la situation puisque le délégué à la vie lycéenne avait reçu les membres d’AL pour leur expliquer comment gérer l’argent public.
À l’époque, aviez-vous été surpris par la création de ce nouveau mouvement lycéen ?
Mathieu Devlaminck On se doutait qu’il y avait des liens un peu troubles avec le ministère de l’Éducation nationale : on voyait bien qu’AL relayait toujours les éléments de langage du gouvernement dans les instances. Il était, aussi, déjà clair qu’il y avait une stratégie du ministère pour tuer le mouvement lycéen et ne pas avoir à discuter avec ses représentants. À cette période, nous n’avons été reçus que deux fois par le ministère : le 10 et le 17 décembre 2018. Nous ne l’avons plus jamais été ensuite, jusqu’à la semaine dernière. Dans le même temps, le gouvernement se servait d’AL pour montrer qu’il était à l’écoute des lycéens et qu’il n’y avait aucun souci de démocratie. Plutôt que de dialoguer avec une organisation représentative, ils ont préféré créer une organisation factice.
Cette affaire peut-elle ébranler Jean-Michel Blanquer ?
Mathieu Devlaminck Pour le moment, le ministre n’a pas l’air de réagir beaucoup. Tous les fonctionnaires de l’éducation nationale se renvoient la balle. À l’UNL, nous demandons clairement sa démission, car nous jugeons que le ministre a largement outrepassé ses fonctions. On espère que la commission d’enquête qui va potentiellement se lancer à l’Assemblée nationale réussira à le faire tomber. Pour nous, il n’a plus aucune légitimité à être ministre de l’Éducation. Il a fait des réformes totalement impopulaires et la façon dont il les a fait passer est totalement scandaleuse.
En ce 25 novembre, nous réclamons 1 milliard pour lutter contre les violences faites aux femmes et une loi cadre pour soutenir le travail éducatif et de prévention et renforcer l'accompagnement des victimes.
Madame la ministre, après le rejet par Bridgestone du projet de continuité de l’activité de l’usine sur le modèle qui avait prévalu à Bari en 2013 – un projet élaboré par le cabinet Accenture –, la possibilité d’une reprise par un fabricant de pneumatiques extraeuropéen focalise les espoirs des 863 salariés du site de Béthune et de leurs familles. Vous avez pu mesurer comme moi, le 12 novembre dernier, à quel point ils sont plongés dans la détresse.
M. Laurent Dartoux, président Europe du groupe japonais, a réaffirmé que quatre manifestations d’intérêt ont déjà été enregistrées. Vos services nous ont confirmé que, pour l’une d’entre elles, nous en étions déjà au stade de la prise de rendez-vous.
La perspective de l’établissement de quotas d’importation à l’échelle européenne est un facteur, semble-t-il, favorable à l’activité de nouveaux producteurs. Je ne fais pas confiance à Bridgestone pour mener, à terme, un projet de reprise fiable, d’autant que le temps est compté.
C’est pour cette raison que je vous demande, madame la ministre, un engagement : Bridgestone doit céder le site pour un euro symbolique. Le directeur béthunois de l’entreprise a déclaré être prêt à examiner la demande de remboursement des aides publiques perçues. Je vous demande de l’y contraindre.
À ce stade préliminaire de la recherche d’un repreneur, je n’attends pas de vous la liste nominative des entreprises intéressées. Mais pouvez-vous nous préciser les critères qui vous amèneront à valider un projet par un producteur de pneumatiques ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, votre intervention témoigne de l’émotion très profonde et vive du territoire de Béthune quant à cette première annonce de fermeture le 16 septembre dernier. Elle refermait la porte au scénario de maintien d’une production de pneus, pourtant rentable, mais peut-être pas suffisamment, que nous avions construit avec Accenture et les élus du territoire.
Je veux vous le dire : le combat n’est pas terminé.
Comme vous l’avez indiqué, nous continuons à avoir des contacts étroits avec l’intersyndicale de Béthune dont je salue la dignité et la manière avec laquelle ils portent un combat exigeant. Je salue tout particulièrement M. Lesix que j’avais encore au téléphone tout à l’heure ; mes équipes étaient à Béthune aujourd’hui.
Nous allons porter ce combat dans trois directions : rechercher des repreneurs, dans le secteur du pneu ou non, tous les projets devant être examinés. Notre ambition est de rétablir une activité industrielle, porteuse de croissance et de développement durable dans les années qui viennent. Nous le devons aux salariés.
Pour ceux qui veulent rebondir professionnellement, et pas nécessairement sur ce site, nous devons leur donner tous les moyens de mettre en œuvre ce vœu par la formation, l’accompagnement et la recherche d’autres positions. Il y a, par exemple, la perspective de l’usine de batteries électriques à Douvrin, à vingt minutes de ce site. Elle recrutera, d’ici à 2023-2024, quelque 2 400 salariés. Voilà une perspective intéressante.
Enfin, nous allons continuer à travailler et à nous battre pour que les conditions de revitalisation de ce territoire soient à la mesure des moyens de Bridgestone. Vous avez raison de dire que nous devons être exigeants avec la direction de Bridgestone. J’ai été très claire avec ses représentants, hier, au téléphone : le compte n’y est pas aujourd’hui. Ils doivent accélérer la recherche de repreneurs et, comme nous avons Business France à la manœuvre, nous ne les laisserons pas faire. Ils doivent également améliorer le plan. Ils doivent enfin faire toute la lumière et aider à la reprise, quel que soit le repreneur, fût-il un concurrent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, vous confirmez qu’un projet de reprise par un fabricant de pneumatiques n’est pas illusoire, à condition qu’il s’agisse d’un industriel et non pas d’un fonds de pension, comme on en a vu trop souvent dans ce type de situation.
Je m’associe évidemment à vos propos pour saluer la détermination et le courage de cette intersyndicale qui est, tous les jours, au contact des salariés.
Dans les pas de nombreux grands groupes industriels et financiers, le géant de l'agroalimentaire Danone vient d'annoncer aux médias un plan de restructuration et de licenciements touchant 2.000 emplois dans le monde, dont 500 en France.
Derrière l'écran de fumée de la baisse des ventes au 3eme trimestre 2020, se cache en fait une restructuration du groupe, à des fins strictement financières.
Une multinationale dont le bénéfice a dépassé les 2,5 milliards en 2019 et dont les taux de marges approchent les 15 %, n'est évidemment pas en péril financier, loin de là.
De fait, les directions successives du groupe travaillent depuis longtemps à réorienter leur stratégie vers des productions toujours plus rentables, destinées à des consommateurs plus solvables, quitte d'ailleurs à favoriser des matières premières peu compatibles avec une agriculture responsable et durable. Et elles organisent pour ça le délestage à terme d'un certain nombre d'activités, sans considération aucune pour les salari-es, les territoires et les populations.
Avec une boussole : le cours de l'action et sa rentabilité pour les porteurs !
C'est pour garder ce cap que la direction entend imposer un plan d'économies de 1 milliard d'euros, dont 700 millions d'euros au titre de suppressions d'emplois.
Et c'est aussi dans cette perspective qu'elle menace la pérennité de sites de production et de logistique, en s'inspirant du modèle antisocial d'Amazon, avec des conditions de travail largement dégradées pour les salariés.
Le PCF est évidemment aux côtés des salariés et de leurs organisations syndicales, mobilisées contre cette saignée dans l'emploi et contre une gestion purement financière.
Comme eux, le PCF considère que la responsabilité sociale et économique d'une telle multinationale, c'est d'abord de s'inscrire dans une ambition de production responsable, répondant aux besoins populaires et garantissant la sécurité alimentaire.
Les militants et les élu-e-s communistes seront aux côtés des salariés dans leurs mobilisations à travers toute la France, pour mettre en échec ce nouveau saccage de l'industrie et de l'emploi, en France comme dans le monde.
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et député du Nord,
:
Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.